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posé de nouveaux développements au système des finances dont les bases ont été posées l'année dernière. J'ai l'intention de diminuer les impositions directes qui pèsent uniquement sur le territoire, en remplaçant une partie de ces charges par des perceptions indirectes.

Les tempêtes nous ont fait perdre quelques vaisseaux après un combat imprudemment engagé. Je ne saurais trop me louer de la grandeur d'âme et de l'attachement que le roi d'Espagne a montrés dans ces circonstances pour la cause commune. Je désire la paix avec l'Angleterre. De mon côté, je n'en retarderai jamais le moment. Je serai toujours prêt à la conclure en prenant pour base les stipulations du traité d'Amiens. Messieurs les députés du Corps législatif, l'attachement que vous m'avez montré, la manière dont vous m'avez secondé dans les dernières sessions, ne me laissent point de doute sur votre assistance. Rien ne vous sera proposé qui ne soit nécessaire pour garantir la gloire et la sûreté de mes peuples.

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CONFÉDÉRATION DU RHIN,

NAPOLÉON.

Malgré ses efforts, et l'on peut dire ses sacrifices pour se concilier l'amitié de la Prusse, l'Empereur dut renoncer à l'espérance de s'en faire une alliée sur laquelle il put compter: on verra plus loin par quels motifs. Il fallait cependant à la France un point d'appui au nord de l'Europe, pour remplacer ce royaume de Pologne que la honteuse insouciance du cabinet de Versailles avait laissé démembrer, à la fin du dix-huitième siècle.

C'est alors que l'Empereur conçut le projet de la Confédération du Rhin, destinée à servir de barrière entre nos frontières et les deux grands États du Nord.

Cette Confédération devait exister sous les auspices de la France. Elle se composait de la plupart des petits États formant ce qu'on appelait autrefois l'empire d'Allemagne, en vertu de la Bulle d'or; la Saxe, la Bavière, etc.

De tout temps ces États, soumis à l'Empereur par le lien de la suzeraineté seulement, et à de certaines conditions, avaient dû être indépendants. Mais comme toujours les plus forts avaient fini par opprimer les plus faibles. L'Autriche, deveñue souveraine absolue des États secondai.

res, disposait d'eux suivant les besoins de sa politique sans s'inquiéter autrement d'une indépendance qui n'était protégée que par la Bulle d'or. Tout en conservant les formes de l'ancien empire, elle considérait ces provinces comme sa conquête. Suivant l'usage encore, elle leur faisait supporter en grande partie le poids des impôts, et se servait de leurs soldats pour épargner ses sujets.

A l'époque où l'empereur Napoléon voulut relever ces États et les rendre à la vie politique, en même temps qu'il les liait à son système, la vieille constitution germanique n'existait plus par le fait. Elle tombait de vétusté comme toutes les institutions contemporaines de Charlema. gne, ce qui n'a pas empêché qu'on ait reproché à l'Empereur de l'avoir détruite, avec le même sérieux que si elle eût dû vivre autant qu'elle avait vécu. Ce fut un texte dont on ne manqua pas de se servir, dans les manifestes, pour dénoncer cette prétendue violation commè un attentat à l'indépendance de l'Europe. Et ce qu'il y a de pis, c'est que ces déclamations ont trouvé des échos en France: elles en trouvent encore aujourd'hui.

Il y avait encore les formes ainsi qu'on vient de le dire. Il y avait une diète, des assemblées, des électeurs, un chancelier d'empire, de vieilles chartes que personne n'entendait, des docteurs en droit germanique, des memorandum écrits en latin, comme au douzième siècle, et dont on ne laissait pas de se prévaloir sans les entendre davantage malgré les lumières des casuistes que chacun des petits princes d'Allemagne tenait à sa solde pour expliquer ses droits et faire respecter ses priviléges. Mais point d'existence sous tout cela: on était tombé dans cette confusion particulière à l'Allemagne. On ne savait plus par quoi ni pourquoi on était là ; à quelles conditions, sous quelles reservos, ой s'arrêtait la souveraineté de chacun..

Il était cependant un point sur lequel la plupart des petits souverains d'Allemagne étaient d'accord. Tous désiraient échapper à l'Autriche et à la Prusse qui les enveloppaient et ne les laissaient pas respirer. C'est en cela que la conception de l'Empereur était une conception libérale, qui, loin de porter atteinte à l'indépendance de ces États, les protégeait au contraire contre l'ambition de voisins trop puissants.

Il n'est point d'État inférieur qui puisse se soutenir devant un État plus considérable, à plus forte raison devant deux situés pour ainsi dire à ses portes, et ne lui offrant d'autres garanties que celles d'une modération dont l'exemple ne s'est pas encore rencontré.

Le principe est, dans ce cas, de chercher plus loin une alliance assez forte pour imposer à la puissance qui menace, et protéger au besoin l'État menacé par une diversion qui paralyse l'effort de ses ennemis.

C'était le cas des petits princes de l'Allemagne. La France séparée d'eux par la Prusse, c'est-à-dire par une puissance de premier ordre, était assez loin pour ne pouvoir les absorber; elle était assez près pour inquiéter leurs ennemis et les tenir en respect.

C'est sur cette idée que l'Empereur avait conçu le plan de la confédération. Si elle était dans son intérêt, elle était aussi dans l'intérêt des membres appelés à en faire partie. Condamnés par leur position à subir l'influence d'un plus puissant, encore valait-il mieux se réfugier dans les bras de celui qui donnait le plus en prenant le moins, et avec qui en outre on était sûr de la vie.

Au moment où l'Empereur établissait la Confédération sur ces bases, pour rendre une existence propre aux États qui devaient la composer, il créait les royaumes de Bavière et de Saxe et de Wurtemberg. Il venait d'abattre l'Autriche à ses pieds par la bataille d'Austerlitz. Ses armées couvraient l'Allemagne. Il était le maître des deux tiers de l'Europe. Il pouvait disposer des provinces qu'il occupait, les épuiser à son gré, les faire disparaître de la carte politique. C'eût été une faute sans doute; mais, si c'est une gloire d'avoir su s'en garantir, dans un pareil moment surtout, excepté cette gloire, que lui a-t-il servi de n'avoir cherché que ce qui était le plus raisonnable, et fait la part d'autrui tout en conservant son avantage?

Cette explication, trop longue peut être pour la lettre très-courte qu'on va lire, était nécessaire. Elle fera comprendre cette lettre très-intéressante, et qui, à ce titre, devait trouver place ici.

Paris, le 21 avril 1806.

Copie d'une note remise par Napoléon lui-même à M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures.

Faire un nouvel État au nord de l'Allemagne, qui soit dans les intérêts de la France, qui garantisse la Hollande et la Flandre contre la Prusse, et l'Europe contre la Russie.

Le noyau serait le duché de Berg, le duché de Clèves, HesseDarmstadt, etc., etc. Chercher, en outre, dans les entours tout ce qui pourrait y être incorporé, pour pouvoir former un million ou douze cent mille âmes.

Y joindre, si l'on veut, le Hanovre.

Y joindre, dans la perspective, Hambourg, Bremen, Lubeck. Donner la statistique de ce nouvel État.

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Cela fait, considérer l'Allemagne comme divisée en huit Etats: Bavière, Bade, Wurtemberg, et le nouvel État; ces quatre, dans les intérêts de la France.

L'Autriche, la Prusse, la Saxe, Hesse-Cassel, dans les quatre autres.

D'après cette division, supposez qu'on détruise la constitution germanique, et qu'on annule au profit des huit grands États les petites souverainetés; il faut faire un calcul statistique pour savoir si les quatre États qui sont dans les intérêts de la France perdront ou gagneront plus à cette destruction que les quatre États qui n'y sont pas.

Un rapport sur ces deux objets, dimanche matin '.

NAPOLÉON.

Paris, le 5 juin 1806.

CRÉATION DU ROYAUME DE HOLLANDE.

La Hollande avait suivi toutes nos vicissitudes depuis la révolution. On s'en était emparé sous la Convention, et on lui avait donné une cons. titution démocratique. Sous le Directoire, on lui appliqua la constitution de l'an III, sauf quelques différences. Sous le Consulat, elle eut celle de l'an VIII. C'était maintenant l'Empire; on la transformait en royaume. Elle était devenue une annexe de la France.

Réponse de l'Empereur à une députation du Corps législatif hollandais.

Messieurs les représentants du peuple batave,

J'ai toujours regardé comme le premier intérêt de ma couronne de protéger votre patrie. Toutes les fois que j'ai dù intervenir dans vos affaires intérieures, j'ai d'abord été frappé des inconvénients attachés à la forme incertaine de votre gouvernement. Gouvernée par une assemblée populaire, elle eût été influencée par les intrigues et agitée par les puissances voisi

C'est-à-dire le surlendemain. On vient de voir que cette note est datée du 21. Le dimanche était le 23 avril.

nes. Gouvernée par une magistrature élective, tous les renouvellements de cette magistrature eussent été des moments de crise pour l'Europe, et le signal de nouvelles guerres maritimes. Tous ces inconvénients ne pouvaient être parés que par un gouvernement héréditaire. Je l'ai appelé dans votre patrie par mes conseils, lors de l'établissement de votre dernière. constitution; et l'offre que vous faites de la couronne de Hollande au prince Louis est conforme aux vrais intérêts de votre patrie, aux miens, et propre à assurer le repos général de l'Europe. La France a été assez généreuse pour renoncer à tous les droits que les événements de la guerre lui avaient donnés sur vous; mais je ne pouvais confier les places fortes qui couvrent ma frontière du Nord à la garde d'une main infidèle ou même douteuse.

Messieurs les représentants du peuple batave, j'adhère au vœu de LL. HH. PP. Je proclame roi de Hollande le prince Louis. Vous, prince, régnez sur ces peuples; leurs pères n'acquirent leur indépendance que par les secours constants de la France. Depuis la Hollande fut l'alliée de l'Angleterre; elle fut conquise; elle dut encore à la France son existence. Qu'elle vous doive donc des rois qui protégent ses libertés, ses lois et sa religion. Mais ne cessez jamais d'être Français. La dignité de connétable de l'empire sera possédée par vous et vos descendants: elle vous retracera les devoirs que vous avez à remplir envers moi, et l'importance que j'attache à la garde des places fortes qui garantissent le nord de mes États, et que je vous confie. Prince, entretenez parmi vos troupes cet esprit que je leur ai vu sur les champs de bataille. Entretenez dans Vos nouveaux sujets des sentiments d'union et d'amour pour la France. Soyez l'effroi des méchants et le père des bons: c'est le caractère des grands rois.

NAPOLÉON.

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