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laquelle l'Assemblée ne peut se tromper ni être trompée, et par dessus laquelle eller este toujours avec son droit éminent de prendre toutes les délibérations qu'elle trouve justes dans sa sagesse.

» On doit se tranquilliser sur ces prétendaes craintes, et examiner cet objet en lui-même. Ce que les comités ont proposé est tellement bon en soi et tellement désirable, que je ne fais aucun doute que non seulement la grande majorité de l'Assemblée, mais je dis le plus grand nombre des adversaires de leur proposition conviennent sincèrement entre eux qu'ils voudraient que le changement proposé ne fût pas maintenant un changement, et que la proposition eût été décrétée il y a deux ans... (Murmures.) Je montre par cette considération très simple que le marc d'argent, condition exigée pour l'éligibilité aux fonctions de représentant, et qui est la garantie jugée nécessaire à la société contre les erreurs des élections partielles, ne garantit point du tout ce que l'on a cherché; car il est indubitable que si les corps électoraux sont mal composés et ne sont pas en état de bien choisir ils présentent des chances inquiétantes par la corruption et la séduction ; ils ont, malgré le marc d'argent imposé à la fonction de représentant, une telle latitude pour faire de mauvais choix, qu'en nommant tous individus payant le marc d'argent ils pourraient composer la plus détestable législature. Certes il n'y a point là véritablement de garantie, et par conséquent le marc d'argent, en ne faisant pas le bien désiré, reste avec le mal qu'il opère, en établissant une exclusion au dégré de représentation, degré auquel l'intérêt de la loi appelle tous les citoyens, quelles que soient d'ailleurs leurs facultés pécuniaires.

» De toutes ces objections une seule m'a frappé ; c'est. celle qui a été faite sur l'éveil donné à l'Assemblée par M. Dauchy, relativement à un objet dont certes la plus grande, partie des membres de l'Assemblée n'était pas bien instruite, le résultat de la contribution mobilière appliquée au fermier. Certainement l'Assemblée n'a jamais été dans l'intention d'exclure de l'éligibilité aux fonctions électorales une classe très pure, très saine, très utile en morale, celle des cultivateurs....

(Oh, oh! Murmures dans l'extrémité gauche). Mais à moins d'avoir approfondi très sérieusement dans les résultats l'effet de la base que vous avez décrétée pour la contribution mobilière dans les campagnes, on ne pouvait pas soupçonner qu'un fermier, avec 4, 5 ou 6000 livres d'exploitation, avec un capital de 30 ou 40,000 livres, ne paierait pas à la chose publique une contribution égale à la contribution infiniment modique pour être électeur.... (Murmures.) Nous, messieurs, qui, renfermés dans la partie constitutionnelle que vous nous avez confiée, n'avions pu avoir ce soupçon, nous n'avions pas envisagé que tel pût être à l'égard des fermiers le résultat de la proposition, et quoique plusieurs membres d'autres comités aient pu donner plus de soin à cette partie du travail, il est cependant juste de dire que les résultats échappaient à un très grand nombre. Nous avons été obligés de reprendre hier en considération ce résultat dénoncé; effectivement il se trouve que d'après le système des contributions mobilières dans les, campagnes un fermier infiniment riche, ayant une grande exploitation, peut bien ne pas payer même 20 livres. (Murmures.) Cela devient infiniment grave, je ne dis pas sous le rapport de la finance, parce que je n'en suis pas instruit, et j'espère, par la sagesse que messieurs du comité des contributions publiques ont dû mettre dans leur travail, que leur produit n'en sera pas altéré; mais cela devient infiniment important au moins quant à l'application de la base de la eontribution aux droits politiques des fermiers; il devient indispensable de réformer quant à eux les bases actuelles, et de mettre leurs droits politiques à l'abri des systèmes de finance.

» Ainsi, messieurs, nous avons été obligés de faire un autre travail que celui qui nous avait d'abord paru nécessaire, et nous vous annonçons que pour mettre ces droits politiques des agriculteurs fermiers à l'abri dans la Constitution ce n'est plus par la base de la contribution que vous pouvez régler leurs droits de citoyen, mais par la valeur des loyers de la chose qu'ils exploitent; car il n'y a quant à eux aucun autre moyen certain de régler leurs droits politiques. (Applaudissemens.) Nous croyons donc, en insistant sur la

considération majeure qui nous a déterminés à vous faire la proposition de reporter du degré de représentant au degré d'électeur le mode de garantie dont la société a besoin contre les erreurs des choix, en insistant pour que cette garantie soit établie d'une manière tellement solide qu'elle préserve et la liberté publique, et la Constitution, et le gouvernement de toutes les secousses qui arriveraient si les corps électoraux n'étaient pas d'une composition meilleure qu'on ne les a présentés jusqu'ici; nous croyons qu'il faut dans cette occasion concilier autant qu'il est possible avec la sûreté générale la latitude qu'on peut donner à l'exercice des droits politiques. On ne peut pas aller trop avant dans cette latitude, parce qu'on détruirait l'intérêt prédominant de la sûreté générale; mais en prenant les combinaisons qui peuvent accorder ces deux objections je ne doute pas que l'Assemblée fera ce qu'elle a de plus intéressant à faire dans la révision de la Constitution, car elles touchent au ressort fondamental de l'organisation politique et de tout le mouvement que recevront par la suite l'administration, les tribunaux, la législature. Ainsi, messieurs, nous pensons que dans les villes au-dessus de six milles âmes la cote à exiger pour être électeur doit être celle que nous vous avons proposée, quarante journées de travail, modifiables par les législatures, qui détermineront de six ans en six ans la valeur de la journée de travail; ce qui se modifie encore entre le maximum et le minimum, dans les départemens moins aisés et dans ceux qui le sont davantage, par les administrateurs locaux. Nous croyons que dans les petites villes au-dessous de six mille âmes, par conséquent dans les bourgs et dans les campagnes, il n'y a aucune espèce de raison à se refuser à ce que la contribution exigée pour être électeur soit de trente journées de travail; et sur cela je fais une distinction : quant au propriétaire cela doit être sans inconvénient; mais quant au fermier cela prend une nouvelle face, car les trente journées de travail n'atteindraient pas même les fermiers les plus opulens dans beaucoup de contrées : il faut donc abandonner ici dans les campagnes, quant aux fermiers, la base de la contribution; nous proposons de régler que dans la classe des fermiers la

condition d'éligibilité sera celle d'exploiter par ferme une terre du revenu de 400 livres, (Une voix : S'il n'y en a pas?)

» Dans les pays de petite culture beaucoup de fermiers n'ont pas une ferme de 400 livres de revenu; mais, suivant tous les éclaircissemens qui nous ont été donnés par des députés des pays de petite culture, le plus grand nombre des fermiers a aussi de petites propriétés, et pour peu que le fermier ait une petite propriété, avec la contribution mobilière qu'il paiera pour sa ferme, il paiera suffisamment pour être

électeur.

» Je fais une seconde observation; c'est qu'il y a d'ailleurs un intérêt à ce que ces petits fermiers ne puissent pas loujours être él cteurs dans les pays de petite culture un propriétaire de 20,000 livres de rente aura quarante ou cinquante fermiers dépendant absolument de lui; par conséquent il aurait autant de voix à lui acquises dans les assemblées électorales, et la société ne peut permettre que dans les élections qui se font pour elle et en son nom il s'introduise des groupes de trente ou quarante hommes à la dépendance d'un seul.

» Dans les pays de grande culture, au contraire, toutes les exploitations étant en grandes masses, comme les fermes de 4, 5 ou 6,000 livres, un fermier de 400 livres est évidemment dans la dernière classe de cette espèce. Or, messieurs, comme la justice vous oblige à abandonner à l'égard des fermiers la base de contribution, et qu'il faut rentrer nécessairement par rapport à eux dans la valeur du loyer dont ils sont chargés, qui dépose par conséquent des moyens de garantie que vous devez exiger pour la société, il est indispensable d'admettre ce mode; et en le fixant ainsi que les comités le proposent il me semble que nous avons atteint la proportion qui dans l'Etat antérieurement aurait donné pour cette classe l'éligibilité. De cette manière, messieurs, il n'y aura plus d'exclus de la faculté d'être électeur que ceux à qui l'exercice de cette fonction ne peut convenir; et en examinant à quoi se trouve réduite cette portion exclue de l'éligibilité s'évanouit complétement la crainte d'une secousse dans les campagnes et dans les

villes par le mécontentement de ceux qui auraient précédemment joui de l'éligibilité à cette fonction d'électeur, et qui ne l'auraient plus.

སྐྱོན་

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» Par les mémoires qui nous ont été envoyés aux comités, et par les faits que chacun de nous connaît, il est certain que vous ne porterez point de mécontentement en rendant un peu plus difficile la faculté de l'électorat. Dans cette classe ceux qui sont nommés, et c'est un fait indubitable, ou ne se rendent pas aux assemblées électorales, ou les abandonnent dès le premier ou le second jour, et il est arrivé que les intrigans, qui s'attendent à ce dégoût prochain, font perdre ces deux ou quatre journées des élections par des incidens; après quoi l'élection reste abandonnée à ceux qui veulent s'en emparer. » (Applaudissemens.)

M. Salles. « Allons donc, vous calomniez les Français ! »

M. Thouret. Non, je ne calomnie point; la majorité de cette Assemblée, pour ne pas dire l'universalité, a cette connaissance que les corps électoraux ont été fort travaillés jusqu'à présent de cette manière. » (C'est vrai! Applaudissemens.)

M. Thouret met en délibération la proposition rédigée des comités; nouveaux débats. M. l'évêque Grégoire obtient le premier la parole.

> M. Grégoire. « J'aurai je crois rempli mon but si je parviens à établir que l'Assemblée nationale ne doit siger avec les décrets qu'elle a rendus, et qu'elle ne doit pas pas transe permettre d'en réformer aucun. (Applaudissemens et murmures.)

J'ai été le premier à combattre le décret du marc d'ar¬ gent avant qu'il fût rendu; mais, messieurs, rappelez-vous les principes que vous avez établis dans cette Assemblée; c'est que vos décrets ne devaient pas être réformés, et toutes les fois qu'à cette tribune un opinant s'est permis de parler sur un objet qui de loin même paraissait porter quelque atteinte aux déerets rendus on n'a pas manqué de le rappeler à l'ordre, Je prie l'Assemblée de considérer dans quelle étonnante con

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