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le projet de M. Frochot qui servit de base au titre VII de la Constitution; titre incomplet peut-être, mais qui du moins atteste le désir, le vœu de l'Assemblée d'éviter le plus longtemps possible les convulsions politiques qu'entraîne nécessairement le retour d'un corps constituant. Voici le discours de M. Frochot, qui rappelle et combat la plupart des systèmes proposés.

Discours de M. Frochot. (Séance du 31 août 1791.)

« Messieurs, le législateur, satisfait d'avoir constitué un grand peuple et donné des lois à son pays, croirait en vain que sa tâche est remplie; il n'a rien fait encore si le caprice ou l'ambition des hommes peuvent à chaque instant menacer et détruire son ouvrage; il n'a rien fait encore si l'égide immuable de la raison ne protège pas contre le délire de l'inconstance les institutions qu'il a formées, si enfin il ne leur a pas attaché la garantie sacrée du temps. » Mais aussi, messieurs, les droits des nations ont été proclamés en vain si l'on ne reconnaît pas ce principe, qu'au peuple appartient le pouvoir de rectifier, de modifier sa Constitution, de la détruire même, de changer la forme de son gouvernement, et d'en créer un autre ou plutôt il importe peu au principe en lui-même qu'il soit consacré par la Constitution; l'éternelle vérité n'a pas besoin d'être déclarée; elle est préexistante à tous les temps, commune à tous les lieux, indépendante de tous les pactes.

» Dès en abordant la question vous apercevez donc, messieurs, d'une part un grand principe à respecter; de l'autre de grandes erreurs à prévenir dans son application. Cependant laisserai-je sans réponse un argument proposé plus d'une fois contre la prévoyance du législateur à cet égard?

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» Des hommes inattentifs, mais de bonne foi, ont prétendu qu'ici était la fin de nos pouvoirs, et que tout acte altérieur deviendrait une atteinte aux droits sacrés du peuple.

» Je conçois l'objection de la part de ceux qui ne reconnaissent, ou du moins qui raisonnent comme s'ils ne reconnaissaient dans l'Assemblée des représentans que des

volontés particulières imposant des lois à la volonté générale; de telle sorte qu'au lieu de voir les individus gouvernés par la souveraineté ils voient sans cesse la souveraineté gouvernée par les individus; je conçois, dis-je, que, ne trouvant alors dans le législateur qu'une personne privée, ils ne balancent pas à déclarer son incompétence sur le fait dont il s'agit: mais ceux-là ne méritent pas même d'être réfutés; ils annoncent une ignorance trop grande des principes du gouvernement représentatif, et ce n'est pas à l'époque où nous sommes qu'il faudra recommencer avec eux un cours élémentaire sur cet objet.

» Mais si l'argument est fait dans un sens contraire, si en adoptant le système représentatif dans toute sa pureté, et ne distinguant plus entre la nation et l'Assemblée des représentans, c'est à la nation elle-même que le droit est contesté, alors je n'aperçois dans l'objection qu'un vain sophisme bien facile à détruire.

>> Nous admettons tous comme attribut essentiel de la puissance nationale le droit de modifier ou de changer la Constitution; mais je demande à ceux qui ne veulent rien d'ultérieur à la déclaration de ce principe, je leur demande quels moyens leur restent de provoquer l'exercice d'un tel droit.

» Je n'en connais que deux :

» La forme légale et l'insurrection

» La forme légale, si la Constitution a voulu l'indiquer. » L'insurrection, lorsque la Constitution est muette. >> Cela posé, l'argument que je combats se réduit à cette question fort simple:

>> Dans le choix des moyens l'insurrection vaut-elle mieux que la forme légale?

» Présenter ainsi la question c'est je crois la discuter, et c'est aussi la résoudre; car je ne pense pas qu'une seule voix se fasse entendre pour vanter parmi nous les douceurs de l'insurrection.

། ༄,、།་་

» Mais la souveraineté nationale, a-t-on dit, ne peut se donner aucune chaîne; sa détermination future ne peut être interprétée ou prévue, ni soumise à des formes certaines,

car il est de son essence de pouvoir ce qu'elle voudra, et de la manière dont elle le voudra.

» Hé bien, messieurs, c'est précisément par un effet de celte toute-puissance que la nation veut aujourd'hui, en consacrant son droit, prescrire à elle-même un moyen légal et paisible de l'e: ercer; et loin de trouver dans cet acte une aliénation de la souveraineté nationale, j'y remarque au contraire un des plus beaux monumens de sa force et de son indépendance.

» Au surplus, je n'entends pas comment un acte de la souveraineté peut jamais être une aliénation d'elle-même, et je le conçois moins encore dans l'espèce particulière.

» En effet, messieurs, la loi qui règle l'exercice du pouvoir appartenant au peuple de rectifier ou de changer la Constitution ne diffère de toute autre loi que par le degré d'importance; elle dérive du même principe; elle offre en dernier résultat les mêmes conséquences; la volonté générale la crée; elle y soumet les volontés particulières; elle en maintient l'exécution aussi longtemps qu'il lui plaît; elle seule enfin peut l'anéantir.

» Si donc il était vrai que cette loi, parce qu'elle admet un engagement précis de la part du souverain de ne vouloir rien de contraire, portât quelque atteinte à la souveraineté nationale, je ne vois pas comment l'objection serait réduite à cette seule hypothèse.

T

» Il n'est pas une loi, depuis l'acte constitutionnel jusqu'au décret de police le moins important, qui ne soit en effet un engagement de la souveraineté nationale avec ellemême de vouloir telle chose de telle manière et non d'aucune autre si l'on appelle cela une alienation de souveraineté, il faut la dénoncer cette aliénation dans tous les cas où un pareil engagement s'effectue; mais alors pourquoi une Constitution, pourquoi des lois?

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» Peut-être on nous demandera si le moyen légal que nous cherchons étant une fois adopté il rendra désormais impossible la manifestation et même l'exécution instantanée d'une volonté contraire... Non sans doute, il ne l'empêcherait pas, et cet aveu doit rassurer ceux qui ne voient

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