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suivons d'abord M. Thouret dans la lecture qu'il en donna selon la première rédaction :

« La constitution garantit comme droits naturels et çivils :

1°. Que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talens ;

» 2o. Que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens également, en proportion de leurs facultés;

3°. Que les mêmes délits seront punis des mêmes peines sans aucune distinction des personnes.

La constitution garantit pareillement comme droits naturels et civils:

La liberté à tout homme d'aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, accusé ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites;

» La liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer ses pensées, et d'exercer le culte religieux auquel il est attaché;

» La liberté aux citoyens de s'assembler paisiblement et sans armes en satisfaisant aux lois de police;

La liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement.

» Comme la liberté ne consiste qu'à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d'autrui, seraient nuisibles à la société.

La constitution garantit l'inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice.

Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d'utilité publique appartiennent à la nation ; ceux qui étaient affectés aux dépenses du culte sont à sa disposition.

Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics, pour le soulagement des pauyres in firmes et des pauvres valides manquant de travail.... ? ..

» Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissemens seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume. », M. Buzot, (Immédiatement après la lecture de ce titre.) « Il ne suffit pas de dire que la constitution garantit les droits civils et naturels; il faut que l'on connaisse comment

elle les garantit; or ce sont ces formes de la liberté, conservatrices des droits civils, que je ne retrouve point. dans ce titre.

» D'abord, sur le premier paragraphe, il manque une addition essentielle. Si les mêmes délits doivent être punis des mêmes peines sans aucune distinction des personnes, il me faut une loi qui me garantisse que cela sera toujours ainsi : vous l'avez décrété vous-mêmes après une mûre discussion, dans laquelle M. Duport nous montra les inconvéniens de laisser au pouvoir exécutif le droit de faire grâce. ( Voyez plus loin, livre III.) Si quelqu'un dans la société a ce droit-là il est certain que rien ne me garantit que les mêmes délits seront punis des mêmes peines. Je demande donc, comme un moyen de garantir les droits civils et naturels, que l'article qui est dans notre code pénal soit mis ici. Cette addition ne suffit pas encore, et quoique j'aie approuvé d'abord ce premier titre, en y faisant une plus sérieuse attention, en le comparant à divers articles de la constitution d'Angleterre, en le comparant avec les articles que vous avez décrétés vousmêmes, je n'ai pas trouvé moi qu'en promettant à chaque citoyen de lui garantir ses droits civils et naturels vous les lui garantissiez. En effet, vous rapportez tout à la loi, c'est à dire vous donnez à chacun de nous la jouissance des droits politiques; mais les droits civils ne sont pas garantis contre les atteintes du corps législatif lui-même, et il faut rétablir ici je ne dis pas tous les articles, mais les articles en substance que je trouve dans votre projet de loi sur la police de sûreté. (Voyez tome IV.) Dans le juri vous avez fait un décret contre les détentions injustes et contre tous actes arbitraires; il faut donc que la constitution, ne pouvant pas déterminer les cas parce qu'ils peuvent se diversifier à l'infini, il faut qu'elle porte des peines contre ceux qui pourraient attenter à la liberté de quelqu'un ; car par ces peines-là il est impossible aux législatures, au pouvoir exécutif, d'y porter aucune atteinte. Je demanderais aussi que l'on ajoutât les diverses lois que vous avez faites sur les prises à partie. (Murmures.)

» Si vous ne portez pas cette loi il n'est rien qui puisse protéger un citoyen contre les atteintes de la législature ou

du pouvoir exécutif. Examinez le titre que je discute, et vous y verrez non pas que la constitution me garantit des droits, mais que la constitution promet que la loi me les garantira. Hé bien, alors ce n'est donc point la liberté civile que votre constitution me promet, mais seulement des droits politiques, puisque vous renvoyez aux législatures jusqu'aux atteintes qu'on pourrait y porter. Si vous l'avez entendu ainsi, je dis que votre titre est absolument inutile; car, en me conservant mes droits politiques, la loi dans tous les temps me protégera comme les législateurs le trouveront à propos ; mais si au contraire, ne suivant que les termes de votre constitution, vous me promettez que votre constitution me garantit, alors il faut que vous me donniez à moi-même des moyens rassurans de garantie, et je n'en vois pas : c'est ainsi que dans beaucoup d'articles de votre police de sûreté vous avez garanti, à l'exemple des Anglais et des Américains, la liberté individuelle en présentant des moyens de donner une caution: vous m'avez promis alors que dans certain cas il me serait possible de quitter la prison en donnant caution; loi qui rappelle la loi de l'habeas corpus, și vantée par les Anglais, et qui assure leur liberté.

» Ces observations me paraissent à moi tellement évidentes, que le paragraphe suivant, tout en disant qu'il garantit la liberté de la presse, ne garantit absolument rien. Je demande que vous me donniez un article très précis, une loi sur cette matière ; je demande que, par suite de ces dispositions, il y ait un article qui détermine que les législatures à venir ne pourront pas toucher à cette liberté sacrée, sans laquelle il n'y a pas dans votre constitution de liberté civile.

» Je ne disconviens pas avec le comité de constitution qu'il ne soit des cas où l'on doive prononcer des peines contre les actes qui attaquent la sûreté publique et les droits d'autrui; mais je soutiens qu'avec cette maxime générale et abstraite vous n'avez rien qui garantisse la Déclaration... (Murmures.) Si les législatures à venir, se coalisant peut-être contre la liberté publique, profitaient de quelques circonstances malheureuses pour porter atteinte elles-mêmes à la liberté de la presse, elles ne manqueraient pas de prétextes.

1.

Avez-vous quelque édit de nos rois dont le préambule ne présente quelque idée de justice et d'équité? La constitution, en disant qu'elle garantit aux citoyens les droits civils et naturels, doit en effet les garantir, si elle ne les garantit que par la loi elle ne fait que donner des droits politiques, et non point des droits civils.

» Je demande donc qu'on rétablisse dans ce titre 1o la loi qui abolit le droit de faire grâce; 2o qu'on y rétablisse les décrets qui garantissent véritablement la liberté, et les lois qui prononcent une peine contre ceux qui porteraient atteinte à la liberté individuelle; 3° qu'on y ajoute aussi ceux qui établissent cette liberté, la faculté de donner caution en de certains cas, qui sont déterminés dans deux articles seulement de votre loi; 4° qu'on détermine aussi une loi qui garantisse la liberté de la presse de toute espèce d'atteinte; et comme il est vrai et possible dans certains cas de porter des lois pour empêcher la liberté de la presse, je demande enfin qu'on circonscrive ici ces abus. >>

M. Pétion. « Le préopinant vous a présenté sur le second paragraphe une idée extrêmement simple, et qu'il est facile de faire sentir jusqu'à l'évidence.

» Je vous prie d'observer que l'intention de votre comité est de dire qu'il n'y a point de loi à faire sur cette matière ; qu'il suffit de déclarer que la presse est libre, pourvu qu'on ne nuise ni à la tranquillité ni aux droits d'autrui.... Eh! messieurs, c'est le même langage qu'on tenait dans l'ancien régime: c'est ainsi que les Anglais, lors de leur révolution en 1680, faute d'avoir voulu également ne pas faire de loi pour assurer la liberté de la presse, sont arrivés au point où ils en sentent la nécessité indispensable; en effet, la liberté de la presse décroît journellement en Angleterre par cette raison, et cela est venu au degré que le ministère a trouvé le secret dans le moment actuel de faire condamner au pilori un écrivain pour avoir dit que les vaisseaux n'étaient pas armés contre l'Espagne, mais contre la France; et c'est Pitt qui a trouvé ce moyen. En Angleterre la liberté de la presse était confiée aux jurés, mais insensiblement on la leur a cnlevée,

» Il est évident que nous n'avons encore rien fait pour la liberté de la presse. Il est des principes fort simples que nous devons nécessairement poser sur cette matière. En effet, on parle ou sur les choses ou sur les personnes : hé bien, relativement aux choses, vous avez déclaré jusqu'à présent qu'il serait libre à tout citoyen d'exposer ses opinions sur tout objet d'administration, de gouvernement ou autre, sans pouvoir aucunement être inquiété ; et vous laissez la facilité aux législatures de faire des lois contraires! Or, les législatures ayant cette faculté, vous exposez la liberté individuelle. Quoique dans cette Assemblée on se soit expliqué à cet égard, a-t-on jamais consacré les principes? Il faut laisser la faculté de la censure, car il vaut mieux que quelquefois des écrivains donnent mal à propos l'éveil que de laisser des hommes qui ont des fonctions importantes prévariquer impunément; il faut donc clairement et nettement s'expliquer. Nous ne pouvons pas nous le dissimuler, si nous ne nous expliquons pas rien n'est fait pour la liberté de la presse. Je soutiens qu'il est extrêmement dangereux de laisser cela à l'incertitude et surtout à la disposition des législatures.

» Je demande que sur la liberté de la presse on déclare nettement les principes; je demande une garantie contre les lois qui pourront être faites par les législatures; qu'il soit permis d'exprimer ses pensées verbalement ou par écrit sur tous les objets quelconques quant aux choses, sans pouvoir être recherché (murmures); d'écrire librement sur tous les actes des fonctionnaires publics: on a vu trop souvent les ministres s'identifier avec leur maître. Quant aux hommes privés, qui ne doivent pour ainsi dire compte de leurs actions qu'à euxmêmes, je conçois que ces hommes peuvent poursuivre ceux qui ont répandu des calomnies contre eux; mais consacrez qu'on peut écrire sur tout le reste, et empêchez que les législatures portent aucune atteinte à ce principe. »

M. Duport. « C'est surtout dans la position où nous sommes qu'il faut donner à la délibération une direction qui la rende utile et profitable. C'est sans amertume, mais avec un vrai chagrin, que je ferai d'abord observer que les deux préopinaus auraient dû se rendre aux comités, dont ils sont

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