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les orateurs ont dit à la tribune: le pouvoir exécutif s'organise... Mille fois on a réfuté, aux grands applaudissemens de l'Assemblée, les royalistes qui, ne voyant le pouvoir exécutif que dans le roi, disaient: il faut enfin rendre de la force au pouvoir exécutif, pour dire : il faut donner du pouvoir au roi... Est-il quelqu'un qui ne se rappelle cette séance où M. de Mirabeau, réfutant une opinion royaliste, dit à peu près ces paroles : « Le pouvoir exécutif ne peut être que le résultat de toutes les parties de la Constitution qui sont ou seront instituées pour l'exercer; les municipalités sont établies, les corps administratifs le sont ou vont l'être... » Tout le monde applaudit à cette réponse : tout le monde entendait donc que le pouvoir exécutif serait réparti entre différentes mains créées par la Constitution, toujours sans doute sous l'autorité du roi, chef suprême du pouvoir exécutif, et non dépositaire unique de la totalité du pouvoir exécutif.

» Hé bien, messieurs, l'article 4 du titre III ébranle les bases de ce système. « Le pouvoir exécutif, porte cet article, est délégué au roi, pour être exercé sous son autorité par des ministres et autres agens responsables, de la manière qui sera déterminée ci-après. » Vous le voyez, messieurs, le roi n'est plus seulement le chef suprême du pouvoir exécutif; ce pouvoir tout entier lui est délégué !

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Mais, va-t-on demander, n'est-ce point là une simple erreur de rédaction; mais les articles qui règlent la manière dont le pouvoir administratif sera exercé ne rectifient-ils pas, n'expliquent-ils pas cette énonciation de l'article 4 du titre III? Pour lever les doutes que moi-même je me suis plu à concevoir à cet égard j'ai eu recours à la section II du chapitre IV, qui concerne l'administration; j'y ai cherché au moins le principe des importantes dispositions qui ont été insérées dans l'article 1r de la section III du décret du 22 décembre 1789, de ce décret rendu dans les temps les plus glorieux de l'Assemblée nationale; je veux parler des dispositions suivantes : « Les administrateurs de département seront chargés, sous l'inspection du corps législatif et en vertu de ses décrets, de répartir les contributions directes imposées à chaque département...; d'ordonner et de faire faire les rôles

d'assiette et de cotisation entre les contribuables de chaque municipalité...; de régler et de surveiller tout ce qui concerne la perception et le versement du produit des contributions, etc. » J'y ai cherché aussi le principe des décrets qui placent les revenus publics dans chaque département entre des mains populaires, et soumettent dans tous ses détails la trésorerie nationale à l'inspection immédiate et journalière de représentans du peuple.

» Mais c'est en vain que j'ai cherché dans la Constitution l'attribution à des délégués du peuple de ces fonctions qui touchent si essentiellement à la liberté et à la propriété, et qui sont si peu susceptibles d'être abandonnées à des préposés du prince; il y a plus, j'ai trouvé positivement le contraire de ce que je cherchais. Les comités, en parlant des fonctions des corps administratifs, non seulement ne les réservent pas constitutionnellement, mais même ils les déclarent positivement objet réglementaire : il appartient, disent-ils article 4, au pouvoir législatif de déterminer l'étendue et les règles de leurs fonctions (des corps administratifs). Ainsi, messieurs, la prochaine législature peut les réduire à n'être que les administrateurs des propriétés publiques, des chemins, des édifices nationaux, des hôpitaux, etc.; elle peut rétablir les intendans ou toute autre magistrature semblable pour la répartition des charges publiques et autres fonctions de cette nature: ainsi la disposition des finances peut être remise à des agens du roi, sous cette vaine responsabilité que la puissance de l'er rend toujours si illusoire; ainsi ma proposition est démontrée, savoir, que les bases constitutionnelles du système administratif sont absolument écartées de la Constitution.

>> On doit sans doute avoir une grande confiance dans les législatures; il faut espérer qu'elles respecteront les bonnes lois réglementaires à l'égal des lois constitutionnelles.

» Mais en partant de ce principe il faudrait ne rien régler constitutionnellement; et, pour parler franchement, si le corps constituant d'aujourd'hui ponvait être induit à reléguer contre toute raison les articles que je vous ai cités entre les articles purement réglementaires, ne serait-il pas très possible que

des législatures subséquentes s'autorisassent de cette faute-là même, y trouvassent une sorte d'invitation d'aller plus loin, et portassent le coup mortel à la loi?

» Je sais bien, messieurs, que beaucoup d'excellens esprits ne sont pas sans inquiétude sur le succès de notre système administratif, et qu'ainsi il ne faut pas inconsidérément donner à la totalité de ce système l'immutabilité constitutionnelle; mais je ne prétends pas non plus qu'il doive être placé en entier dans la Constitution; je pense qu'il ne faut pas y placer l'organisation des corps administratifs, leur nombre, leurs rapports; je pense même qu'il ne faut pas régler constitutionnellement la manière dont le roi pourra exercer son autorité près de ces corps: ce que je demande seulement c'est que la répartition des contributions, la conservation des revenus publics soient confiées par la Constitution à des citoyens élus par le peuple; et pour cet effet il faut commencer par changer les articles 2, 3 et 4 du titre III (1), qui renferment des expressions absolument contraires aux principes.

» En conséquence voici comment je rédigerais les articles qui font seuls l'objet de la délibération actuelle, me réservant de proposer ceux qui en seront les conséquences lors-que l'ordre du jour amenera la discussion du système administratif :

» Art. 2. La nation ne peut exercer par elle-même sa souveraineté ; elle institue pour cet effet des pouvoirs représentatifs et des pouvoirs commis, qui seront pour la plus grande partie exercés par des citoyens nommés par le peuple; ce qui constitue le gouvernement représentatif.

» Art. 3. Le pouvoir législatif est essentiellement représentatif; il est délégué à une Assemblée nationale composée de représentans temporaires librement élus par le peuple, pour être exercé par elle avec la

sanction du roi.

» Art. 4. Le pouvoir exécutif est essentiellement commis.... ( Murmures.)

» A moins qu'on veuille décider qu'on ne pourra parler de la royauté qu'à genoux, je prie qu'on me laisse continuer.

(1) Il est inutile de rapprocher ces trois articles de ceux que M. Rœderer propose d'y substituer; leur rédaction selon le projet ayant été confirmée par l'Assemblée, on peut les comparer dans la Constitution.

d'assiette et de cotisation entre les contribuables de chaque municipalité...; de régler et de surveiller tout ce qui concerne la perception et le versement du produit des contributions, etc. J'y ai cherché aussi le principe des décrets qui placent les revenus publics dans chaque département entre des mains populaires, et soumettent dans tous ses détails la trésorerie nationale à l'inspection immédiate et journalière de représentans du peuple.

» Mais c'est en vain que j'ai cherché dans la Constitution l'attribution à des délégués du peuple de ces fonctions qui touchent si essentiellement à la liberté et à la propriété, et qui sont si peu susceptibles d'être abandonnées à des préposés du prince; il y a plus, j'ai trouvé positivement le contraire de ce que je cherchais. Les comités, en parlant des fonctions des corps administratifs, non seulement ne les réservent pas constitutionnellement, mais même ils les déclarent positivement objet réglementaire : il appartient, disent-ils article 4, au pouvoir législatif de déterminer l'étendue et les règles de leurs fonctions (des corps administratifs). Ainsi, messieurs, la prochaine législature peut les réduire à n'être que les administrateurs des propriétés publiques, des chemins, des édifices nationaux, des hôpitaux, etc.; elle peut rétablir les intendans ou toute autre magistrature semblable pour la répartition des charges publiques et autres fonctions de cette nature: ainsi la disposition des finances peut être remise à des agens du roi, sous cette vaine responsabilité que la puissance de l'er rend toujours si illusoire; ainsi ma proposition est démontrée, savoir, que les bases constitutionnelles du système administratif sont absolument écartées de la Cons

titution.

> On doit sans doute avoir une grande confiance dans les législatures; il faut espérer qu'elles respecteront les bonnes luis réglementaires à l'égal des lois constitutionnelles.

» Mais en partant de ce principe il faudrait ne rien régler constitutionnellement; et, pour parler franchement, si le corps constituant d'aujourd'hui ponvait être induit à reléguer contre tonte raison les articles que je vous ai cités entre les articles purement réglementaires, ne serait-il pas très possible que

des législatures subséquentes s'autorisassent de cette faute-là même, y trouvassent une sorte d'invitation d'aller plus loin, et portassent le coup mortel à la loi?

» Je sais bien, messieurs, que beaucoup d'excellens esprits ne sont pas sans inquiétude sur le succès de notre système administratif, et qu'ainsi il ne faut pas inconsidérément donner à la totalité de ce système l'immutabilité constitutionnelle; mais je ne prétends pas non plus qu'il doive être placé en entier dans la Constitution ; je pense qu'il ne faut pas y placer l'organisation des corps administratifs, leur nombre, leurs rapports; je pense même qu'il ne faut pas régler constitutionnellement la manière dont le roi pourra exercer son autorité près de ces corps: ce que je demande seulement c'est que la répartition des contributions, la conservation des revenus publics soient confiées par la Constitution à des citoyens élus par le peuple; et pour cet effet il faut commencer par changer les articles 2, 3 et 4 du titre III (1), qui renferment des expressions absolument contraires aux principes.

>> En conséquence voici comment je rédigerais les articles qui font seuls l'objet de la délibération actuelle, me réservant de proposer ceux qui en seront les conséquences lorsque l'ordre du jour amenera la discussion du système administratif :

» Art. 2. La nation ne peut exercer par elle-même sa souveraineté ; elle institue pour cet effet des pouvoirs représentatifs et des pouvoirs commis, qui seront pour la plus grande partie exercés par des citoyens nommés par le peuple; ce qui constitue le gouvernement représentatif. » Art. 3. Le pouvoir législatif est essentiellement représentatif; il est délégué à une Assemblée nationale composée de représentans temporaires librement élus par le peuple, pour être exercé par elle avec la

D

sanction du roi.

» Art. 4. Le pouvoir exécutif est essentiellement commis.... ( Murmures.)

» A moins qu'on veuille décider qu'on ne pourra parler de la royauté qu'à genoux, je prie qu'on me laisse continuer.

(1) Il est inutile de rapprocher ces trois articles de ceux que M. Roderer propose d'y substituer; leur rédaction selon le projet ayant été confirmée par l'Assemblée, on peut les comparer dans la Constitution.

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