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les mêmes argumens pour et contre, on s'arrêta à cette question, relativement à l'article 5 du titre III, chapitre Ier, section II: « l'article sera-t-il mis dans la Constitution ou rapporté? » et l'Assemblée décida qu'il serait mis dans la Constitution. Quant à la disposition concernant les enfans, et dont on avait aussi demandé le rétablissement dans l'acte constitutionnel, M. Tronchet fit observer « que les principes qui avaient déterminé la délibération actuelle de l'Assemblée devaient l'engager à ne pas laisser cet objet imparfait; qu'il était indispensable de prononcer constitutionnellement sur le sort des enfans; qu'il ne demandait pas que l'exclusion prononcée contre les pères s'étendît jusque sur la tête de leurs enfans, mais au contraire qu'il fût dit dans le procèsverbal qu'au moyen de la délibération qui venait d'être acceptée les dispositions des articles 5, 6 et 7 de la première section du décret du 22 décembre 1789 demeurent réduites à ce qui venait d'être décrété pour être compris dans la Constitution.» (Extrait du procès-verbal de la séance du 11 août 1791.)—L'Assemblée admit et décréta la proposition de M. Tronchet.

L'article 6 de la même section fut décrété sans discussion; mais sur l'article 7 il s'éleva de longs débats.

Sur la condition du marc d'argent.

C'est au mois d'octobre 1789 que l'Assemblée statua qu'il serait exigé une contribution directe de la valeur de trois journées de travail pour être citoyen actif; de dix journées pour être électeur, et d'un marc d'argent pour être éligible à l'Assemblée nationale: pour ce dernier degré elle avait en outre exigé qu'on justifiât d'une propriété foncière quelconque (1). Ces dispositions, proposées et fortement soutenues par le comité de constitution furent décrétées qu'après une vive opposition de la minorité du côté gauche; MM. Grégoire, Roederer, Dupont

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(1) Ces dispositions et autres, décrétées au mois d'octobre 1789, sont réunies et comprises dans le décret du 22 décembre de la même année, concernant la formation des assemblées administratives et représentatives.

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de Nemours, Buzot, Pétion, Robespierre, etc., les combattirent tour à tour comme portant atteinte à l'égalité des droits, garantie par la Déclaration, et comme protégeant l'aristocratie des richesses. En demandant que tout citoyen indistinctement fût reconnu citoyen actif et admis dans les assemblées primaires pourvu qu'il eût un jugement sain et un cœur français, ils convenaient que la qualité de propriétaire était indispensable à celle d'électeur, par la raison que l'administration des affaires concerne généralement la propriété, que chacun a le droit de se mêler de ses affaires, et que nul n'a d'affaires à confier que lorsqu'il est propriétaire; mais ils rejetaient toute condition d'éligibilité à l'Assemblée nationale: pour être élu, disaient-ils, il suffit d'être choisi. M. Prieur voulait qu'à la condition du marc d'argent on substituât celle de la confiance des électeurs..... « J'appuie cet amendement, s'était écrié Mirabeau; c'est le seul conforme aux principes. » Le comité n'opposa à ces objections que la nécessité prétendue d'éloigner des Assemblées les hommes sans aucune fortune, et par là trop accessibles à la corruption; et le comité l'emporta. Chacune de ces trois dispositions devint dès lors le motif de reproches adressés aux représentans par les sociétés populaires, et souvent élevés au sein même de l'Assemblée nationale, dans les discussions qui touchaient les classes pauvres du peuple; mais ce fut la condition du marc d'argent qui essuya partout le plus de censure et de critique; vingt fois on en demanda la suppression, soit par des pétitions, soit par des motions faites à la tribune, et constamment écartées par l'ordre du jour. Vaincus par l'expression si générale d'un même vou, les comités de constitution et de révision se décidèrent enfin à proposer formellement cette suppression, en adoptant d'une part les motifs combattus par le premier de ces comités, mais de l'autre en rejetant sur les électeurs ce' qu'ils ôtaient aux éligibles; de sorte que, pour obtenir la suppression tant réclamée de la condition du marc d'argent, ils retrouvèrent pour adversaires les mêmes orateurs qui deux ans auparavant s'étaient opposés à son adoption.

Voici ce que les comités avaient imprimé dans le projet de Constitution, en laissant en blanc la valeur de la contribution directe exigée des électeurs :

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« Les comités de constitution et de révision ont pensé que pour conserver la pureté de la représentation nationale, qui dans not Constitution est la pre

mière base de la liberté, il importait d'assurer autant qu'il est possible l'indépendance et les lumières dans les assemblées électorales, et de ne mettre ensuite aucune borne à leur confiance et à la liberté des choix qu'elles sont chargées de faire; en conséquence ils proposent à l'Assemblée de supprimer la condition du marc d'argent attachée à l'éligibilité des membres du corps législatif, et d'augmenter la contribution exigée pour les électeurs. »

Les comités s'étaient réservé de proposer le taux proportionnel de cette contribution pendant la discussion. Suivant l'ordre de la délibération, M. Thouret porta ainsi la parole avant de donner lecture de l'article 7 (titre III, chap. I, section II).

M. Thouret. (Séance du 11 août 1791.) Ici se présentent les développemens de la proposition que les deux comités ont eu l'honneur de vous faire relativement à la condition d'éligibilité pour être représentant de la nation et à celle pour être électeur. L'Assemblée n'ignore pas que d'une part le décret qui exige la contribution du marc d'argent des représentans de la nation a reçu d'une manière positive l'improbation de la ville de Paris, et que la demande de son rapport a été faite; elle ne peut pas ignorer non plus que ce décret d'autre part a reçu l'assentiment d'une partie de la nation. En nous occupant de la révision nous nous sommes trouvés provoqués par ces deux impulsions à considérer quel pouvait être définitivement le meilleur système de la représentation nationale. Il y a une première base incontestable; c'est que quand un peuple ne se réunit pàs pour élire, et qu'il est obligé d'élire par sections, chacune de ces sections, même en élisant immédiatement, n'élit pas pour elle-même, mais élit pour la nation entière; par conséquent la nation a intérêt et droit de s'assurer contre les méprises, les erreurs qui peuvent être commises par le résultat des sections partielles. Aussi n'y a-t-il pas de constitution, même dans celles qui ont adopté le système de la nomination immédiate, il n'y a pas de constitution qui n'ait établi des règles et des conditions d'éligibilité : l'Angleterre, l'Amérique même plus récemment, en ont constitué de beaucoup plus sévères que nous. Cette nécessité devient plus forte chez un très grand peuple, lorsque non seulement il est forcé

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