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grade. Toutefois, il est à remarquer que ce recours n'est jamais ouvert contre les décrets réglementaires, car ce ne sont pas des actes administratifs, mais de véritables actes législatifs;

4o Le recours au conseil d'État pour excès de pouvoir ou incompétence, contre tous les décrets, sans exception. Tel serait le décret rendu sans l'avis du conseil d'État, dans les cas où cet avis est obligatoire ;

5o Le recours spécial ouvert par l'art. 40 du décret du 22 juillet 1806, contre les décrets rendus sur l'avis du conseil d'État en matière non contentieuse, et qui est organisé de la manière suivante. Lorsqu'une partie se croit lésée dans ses droits ou sa propriété par l'effet d'une décision rendue en matière non contentieuse, elle peut présenter une requête au président de la République. L'affaire est alors renvoyée, s'il y a lieu, soit à une section du conseil d'État, soit à une commission. Cette requête peut être présentée par la partie elle-même. Le ministère d'un avocat n'est pas exigé, et la réclamation n'est soumise à aucun délai.

71. Quelle est l'autorité chargée d'interpréter les actes du président de la République ?

C'est au conseil d'État statuant au contentieux que doit être portée la demande en interprétation d'un décret. L'interprétation, du reste, ne peut être demandée qu'à l'occasion d'une contestation déjà née, car le conseil d'État ne tient pas un bureau de con

sultation.

TITRE II

DES MINISTRES.

72. Les ministres sont les principaux agents du pouvoir exécutif, et les chefs des grandes divisions de

l'administration publique. Ces divisions ont reçu le nom de départements ministériels.

Nous dirons quelques mots de l'organisation des ministères et nous étudierons avec plus de détails les attributions des ministres.

CHAPITRE PREMIER

DE L'ORGANISATION DES MINISTÈRES.

73. L'organisation ministérielle date de la loi des 27 avril et 27 mai 1791. Cette loi avait attribué au pouvoir législatif seul le droit de statuer sur le nombre, la division et la démarcation des départements ministériels, le choix et la révocation des ministres étant réservés au pouvoir exécutif. La constitution du 5 fructidor an III, proclamée loi fondamentale de la République le 1er vendémiaire an IV (art. 150) et la constitution du 4 novembre 1848 (art. 66) consacrèrent le même principe, mais les autres constitutions ne s'étant pas expliquées sur ce point, on a conclu de leur silence que le droit de déterminer le nombre et les attributions des ministres est une prérogative du pouvoir exécutif.

La loi de 1791 avait réparti les différents services administratifs entre six ministères justice, intérieur, contributions et revenus publics, guerre, marine, affaires étrangères. Les attributions du ministère de l'intérieur étaient assez vagues et indéterminées. Elles comprenaient tout ce qui ne ressortissait pas à l'un ou à l'autre des cinq ministères coexistants. Aussi plus tard fut-il démembré; et des attributions qui lui furent enlevées on forma les ministères de l'instruction publique et des cultes, de l'agriculture, du commerce et des travaux publics. Le directoire créa un ministère de la police générale. Sous le consulat, l'empire et la royauté, le nombre

des ministères subit de nombreuses variations. Le second empire créa successivement: le ministère d État et de la maison de l'Empereur (1), le ministère de la police générale qui fut bientôt rattaché au ministère de l'intérieur, et le ministère de l'Algérie et des Colonies (2).

Sous le même régime on distingua, à partir de 1860, les ministres à portefeuille et les ministres sans portefeuille. Les premiers étaient de véritables ministres, placés à la tête d'un département ministériel et chargés d'imprimer l'impulsion aux grands services publics. Les autres avaient pour mission de défendre devant les Chambres, de concert avec le président et les membres du conseil d'État, les actes de leurs collègues, et les projets de lois du Gouvernement. C'étaient des ministres-avocats, et des avocats-ministres. Ils furent supprimés en 1863.

74. Aujourd'hui il y a dix ministères : 1° justice; 2° affaires étrangères; 3° intérieur et cultes; 4° finances; 5° guerre; 6° marine et colonies; 7° instruction

(1) Ce ministère remplaçait l'ancienne secrétairerie d'Etat, sauf le droit qui appartenait à chaque ministre de contresigner les actes impériaux rélatifs à son département. Le ministre d'Etat contresignait les actes relatifs aux rapports de l'Empereur avec les grands corps de l'Etat. Il était chargé de l'administration de la liste civile et de la dotation de la couronne, de la direction des Beaux-Arts, des archives, des haras, des bâtiments civils et de la grande chancellerie de la Légion d'honneur, etc. Un décret du 24 novembre 1860 lui avait enlevé l'administration de la liste civile et de la dotation de la couronne et la direction des Beaux-Arts, qu'il avait érigées en ministères distincts sous le nom de ministère de la maison de l'Empereur et des Beaux-Arts. Enfin après plusieurs autres démembrements, il fut supprimé par le décret du 17 juillet 1869.

(2) A la différence des autres ministères dont chacun n'avait qu'une attribution spéciale, mais répandue sur tout l'Empire, le ministère de l'Algérie et des colonies réunissait à lui seul toutes les attributions administratives, mais concentrées sur une portion du territoire. Aussi avait-il de nombreux points de contact et de fréquents rapports avec les autres ministères dont il formait pour ainsi dire, une dérivation, notamment avec les ministères de la guerre, de la marine, de la police, de l'instruction publique et des cultes. Des décrets avaient réglementé ces rapports. Ce ministère n'eut qu'une très courte existence. Créé le 24 juin 1862, il fut supprimé par le décret du 24 novembre 1860 qui réunit les colonies au ministère de la marine et rattacha l'Algérie au ministère de l'intérieur.

publique et beaux-arts; 8° agriculture et commerce; 9o travaux publics; 10° postes et télégraphes.

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75. Le conseil des ministres, dans les constitutions où il a une existence légale, est appelé, dans la langue courante de la politique: le cabinet (1). C'est un corps politique homogène qui délibère sur les affaires intérieures. Il dirige la politique générale du Gouvernement dont il est responsable devant les Chambres.

Sous l'Assemblée Constituante, les ministres, réunis en conseil, formaient, avec le roi, le conseil d'État. Ce conseil fut supprimé sous le Directoire, le Consulat et l'Empire. Il reparut sous la Royauté constitutionnelle. A la tête de ce conseil était un président qui incarnait dans sa personne la politique du cabinet. Ce président était quelquefois un ministre sans portefeuille. Tels furent Casimir Perier, à sa sortie du ministère de l'intérieur, et le maréchal Soult à sa sortie du ministère de la guerre. Sous le second Empire, le conseil des ministres n'avait qu'une existence de fait, sans aucun caractère d'homogénéité ni de solidarité collective.

La constitution de 1875 reconnaît formellement l'existence du conseil des ministres dont l'intervention est même obligatoire dans certains cas.

76. Dans quels cas l'intervention du conseil des ministres est-elle obligatoire ?

Dans trois cas principaux :

1° Pour autoriser, en cas de prorogation des Chambres, l'ouverture de crédits supplémentaires et

(1) Par métonymie, Cabinet est employé souvent pour désigner le Gouvernement d'un pays. Ainsi l'on dit le Cabinet de Saint-James, pour le Gouvernement anglais. Même sous l'ancienne monarchie il était quelquefois pris en ce sens. Ainsi Bossuet a dit: Je ne suis pas ici un historien qui doit vous développer le secret des Cabinets. Oraison funèbre de la reine d'Angleterre.)

extraordinaires. Ces crédits ne peuvent être ouverts qu'après avoir été délibérés et approuvés en conseil des ministres (1).

2o Pour la nomination et la révocation par le président de la République des conseillers d'État en service ordinaire (2).

3° Pour constituer le sénat en Haute-Cour de justice à l'effet de juger toute personne prévenue d'attentat commis contre la sûreté de l'État (3).

77. Quel est le rôle du conseil des ministres en cas de vacance du pouvoir exécutif?

En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause du pouvoir présidentiel, le conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif jusqu'à la nomination d'un nouveau président de la République (4).

§ 2.

De la responsabilité ministérielle.

78. Le principe de la responsabilité ministérielle a été établi par la constitution de 1791 (Titre III, chap. 11. sect. IV, art. 5, 6, et 8). En aucun cas, l'ordre du roi, verbal ou par écrit, ne pouvait soustraire les ministres à la responsabilité. Toutefois aucun ministre en place, ou hors de place, ne pouvait être poursuivi en matière criminelle pour fait de son administration, sans un décret du corps législatif. Depuis lors, ce principe a été formulé, mais avec plus ou moins d'étendue, dans les diverses constitutions. D'après l'art. 39 de la Charte de 1814, les ministres étaient responsables des actes du Gouvernement signés par eux ». De son côté, l'art. 12 de la Charte de 1830 se bornait à poser le principe de la res

(1) L. 16 septembre 1871, art. 32, modifiée par la Constitution du 25 février 1875.

(2) L. 25 février 1875 (art. 4), modifiant l'art. 3 de la loi du 24 mai 1872.

(3, L. 16 juillet 1875 (art. 12).

(4) L. 25 février 1875 (art. 7).

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