Page images
PDF
EPUB

et quoique la matière soit fort étendue, on peut leur en donner ici quelqu'idée.

Si l'on veut réduire toute la variété des disputes humaines aux idées générales, on verra qu'il n'y a dans le monde que deux opinions qui se combattent de toute antiquité, et qui se combattront perpétuellement, avec celle haine irréconciliable qui est entre l'erreur et la vérité. Chaque peuple, chaque gouvernement tient à l'une ou à l'autre de ces opinions. L'histoire marque l'époque où cette opinion's'introduisit chez telle nation, et les progrès qu'elle y fit. Il n'y a donc qu'à ouvrir les yeux. C'est ainsi, comme on l'a montré plus haut, que nous voyons l'Angleterre et l'Allemagne recevoir la nouvelle doctrine des réformateurs du seizième siècle. Ces deux peuples, qui prirent le parti de l'indépendance, firent paroître le même caractère dans leur littérature, un génie fougueux et déréglé, des idées hardies, une licence incroyable d'expressions, et une imagination qui né cherchait que l'outré et le bizarre. La France, au contraire, demeura fidelle à l'ancienne opinion; et comme elle régla son génie sur sa croyance et sur l'ordre qu'elle établissait, sa littérature fut éminemment remarquable par la justesse des idées, par la pureté des termes, par le sentiment des bienséances et le respect pour les règles établies. Ce rapport du bon ordre dans la société, au bon goût dans la littérature, devint le fondement de la critique. Tout ce qui étoit régulier, décent et naturel, fut reconnu pour français; et on laissa aux anglais et aux allemands leurs inventions monstrueuses qu'ils applaudissent encore, mais qu'ils applaudissent tout seuls. Telle est la méthode qu'on a fidèlement suivie dans les bons siècles; et ceux qui n'en adoptent pas les idées, doivent au moins reconnaître qu'elle est appuyée sur un raisonnement juste et conséquent.

Malheureusement cet état ne dura point. La France, au temps de Calvin, avait reçu dans son sein, le germe des nouveautés. Ce fut la semence des guerres civiles qui la désolèrent pendant près d'un demi-siècle. L'édit de Nantes, qui parut y mettre fin, en consacra le principe; et la révocation de cet édit ne fut plus, cent ans après, qu'une rigueur tardivé et inutile. Enfin, lorsque la philosophie entreprit de réchauffer ces vieux levains, le gou vernement qui s'endormait sur la foi d'un long règne, ne vit pas le danger, et il eut le sort d'un état divisé contre lui-même, qui croit pouvoir admettre indifféremment toute sorte de doctrines, faute de savoir sur quel principe repose sa conservation. Les idées qui soutiennent les états sont aussi celles qui font fleurir les lettres. L'expérience nous a rendu ce rapport bien sensible, puisque nous n'avons pu voir un nouvel ordre de chose dans la société, sans voir, en même-temps, la littérature changer de goût et de caractère ; et que la licence des idées a amené, comme à sa suite, les imaginations barbares, les drames absurdes et tous les romans effroyables de l'Angleterre et de l'Allemagne.

Si l'on veut aujourd'hui que la littérature française reprenne son ancien esprit, et qu'elle sorte de la stérilité qu'on lui reproche, il faut au moins lui permettre de professer les principes qu'elle avait dans les jours de sa fécondité et de sa gloire. Vouloir l'effet et proscrire la cause, est aussi une inconséquence trop forte. Dès que l'on convient du mal, on doit, ce me semble, en tolérer le remède et loin d'accuser la critique d'un excès de rigueur, il faudrait l'encourager, selon la méthode qui vient d'être expliquée, à rejeter de notre sein tout ce que le mélangé des littératures étrangères a pu y apporter de pernicieux et de contraire à notre caractèrè ancien et naturel. CÙ. D.

Catalogue de la Bibliothèque du Conseil d'Etat, ( rédigé par A. A. Barbier.) A Paris, de l'Imprimerie, de la République. An XI. Deux vol. in-folio. Le premier, de 620 pages, le second, de 404.

Rendre compte d'un catalogue, c'est annoncer d'avance qu'il est du très-petit nombre de ceux qui méritent de fixer l'attention du bibliographe et de l'amateur. Celui-ci sera toujours distingué : il est recommandable par le soin avec lequel il a été rédigé; par les recherches longues et multipliées qu'il' á fallú fáiré pour découvrir ce qu'on appelle les anonymes, c'est-à-dire, les auteurs qui, pour des motifs qui nous sont aujourd'hui inconnus, n'ont pas mis leur nom à la tête de leurs ouvrages. Ces recherches demandent une patience continutelle, imperturbable, et sur-tout une grande sagacité. Celui qui les faït, ressemble à un voyageur égaré, qui, dans une nuit obscure, une mauvaise lanterne à la main, frappe à toutes les portes, pour voir si quelqu'un lui ouvrira. Il ne faut quelques fois qu'un passage pour mettre sur la voïe; mais il faut le trouver ce passage, et tâtonner long-temps avant de l'avoir aperçu.

Ce travail difficile, pour ne pas dire fastidieux, lé citoyen Barbier a eu le courage de l'entreprendre. Il a fait, dans les pays inconnus, toutes les découvertes qu'il lui a été possible de faire; mais il faut du temps pour les faire toutes; souvent même le temps ne suffit pas. Sachons-lui gré de celles qu'il a faites, et soyons bien convaincus qu'il en fera de nouvelles.

L'auteur de cet article, son ancien collègue au Conseil de Conservation, a été témoin du zèle qu'il a mis à la formation, à l'organisation de cette bibliothèqne, à la rédaction de son catalogue; et il saisit avec plaisir cette occasion, pour lui témoigner l'estime qu'il lui doit, et dont il aime à lui donner des marques. La république doit le regarder comme un de ses meilleurs bibliographes; et le

cit. Locré, secrétaire-général du Conseil d'Etat, dont le mérite et les rares talens sont bien connus, et qui est inspecteur né de cette bibliothèque, ne pouvait la confer à un bibliographe plus instruit, plus zélé, sur-tout lorsque ce bibliographe est le même qui en a jeté les fondemens, en a ramassé les matériaux de longue main, et souvent parmi les décombres.

La Bibliothèque du Conseil d'Etat, magnifique par le local qu'elle occupe, par la superbe boiserie qui la renferme, est digne de fixer les yeux de l'amateur. Elle est déjà très-considérable, quoique jeune encore; elle offre, dans tous les genres, des ouvrages qu'on trouverait difficilement ailleurs. Il est vrai qu'il lui manque encore beaucoup d'articles; mais le premier consul a ordonné que les fonds nécessaires fussent fournis. Ce génie vaste, qui embrasse d'un coup d'oeil rapide, tout ce qui peut augmenter la prospérité d'un grand Empire, sait bien que les sciences, les beaux arts, et les lettres, sans lesquelles les unes et les autres languissent, font seuls la gloire immortelle d'un état, quelque puissant qu'il soit, et de celui qui en est le chef. De grands empires ont disparu; mais la mémoire des grands hommes qu'ils avaient produits, et celle des monarques qui avaient su les honorer, seront éternelles.

Les bornes de ce journal ne nous permettent pas d'entrer dans de plus grands détails sur la rédaction de ce catalogue; nous dirons seulement que la classification est très-sagement faite. Un troisième volume nous donnera des tables bien soignées des auteurs et des matières. Annoncer que ce catalogue est sorti de l'Imprimerie de la République, et qu'il a été présenté au premier consul, c'est dire qu'il réunit l'élégance, la netteté à l'exactitude.

CHARDON-LA-Rochette.

SPECTACLES.

THÉATRE LO VOIS.

Le Rendez-vous au bois de Vincennes, comédie en un acte et en prose, par MM. Dorvigny et Duval.

UNE historiette contée avec esprit peut occuper agréablement une société pendant quelques minutes; mais loin de fournir la matière d'une comédie, elle n'offre pas souvent de quoi remplir une scène : ce qui est très-plaisant dans un salon ne l'est pas toujours sur le théâtre, et c'est une erreur de croire qu'on puisse assembler douze cents personnes pour n'entendre qu'un bon mot. Il en est de la fin d'un conte, comme du trait d'une épigramme; elle ne doit pas se faire attendre trop long-temps, et dès qu'on a deviné ce que vous allez dire, tous ces jolis riens dont on brode un récit ne paraissent plus qu'un bavardage insipide. D'ailleurs, quand un sujet est naturellement aride, un auteur épuise en vain son imagination pour en déguiser la stérilité; ses efforts n'aboutissent qu'à lui donner un embonpoint factice qui laisse bientôt à nu sa véritable maigreur.

[ocr errors]

Croustignac, chevalier gascon, s'est fait une affaire avec Saint-André de Solanges, jeune militaire, qu'il a insulté. Très-exact à se trouver an rendez-vous, il arrive le premier au bois de Vincennes. Il est vrai que pour mettre à l'abri son honneur, sans exposer sa vie, il a eu la petite précaution de faire avertir la police de l'heure et du lieu du combat. Tandis que les gendarmes sont aux aguets, survient un autre militaire nommé Saint-André de Cuzac. Celui-ci ne vient pas se battre, mais se marier. Dormeuil, son beau-père futur, qui se pique d'être grand physionomiste, a parié qu'il reconnaîtrait son gendre sans jamais l'avoir vu, et lui a écrit qu'il iroit à sa rencontre. Par un quiproquo assez plaisant, l'officier de gendarmerie,

« PreviousContinue »