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trompé par la ressemblance des noms, arrête l'épouseur au lieu du duelliste, et le fait reconduire à Paris. Dormeuil arrive, et ne trouve plus que le chevalier de Croustignac. Il l'aborde, l'examine, et ne doute pas que ce ne soit son gendre. Le gascon est d'abord fort intrigué, parce que les gendarmes se sont éloignés, et qu'il prend Dormeuil pour un témoin de son adversaire. Bientôt il s'aperçoit de la méprise; mais il espère en profiter, parce que Saint-André -est son nom de baptême, et qu'il est de Cuzac. Il entre avec le beau-père dans l'auberge voisine. Cependant, SaintAndré de Solanges vient d'être arrêté à son tour; il est fort surpris de voir venir Saint-André de Cuzac, qui a trouvé le moyen d'échapper à ses conducteurs, et qui se trouve être son ami intime. Ils se demandent réciproquement compte de cette bizarre aventure; mais comme on est persuadé qu'ils veulent se battre, plus ils fout d'efforts pour se réunir, plus on met d'obstination à les séparer. Enfin, pour débrouiller ce mystère, on va chercher le gascon. Tout alors se découvre, Croustignac se retire confus, et le véritable épousenr va terminer son mariage.

Pour arriver à ce dénouement fort simple et trop prévu, les auteurs ont multiplié les imbroglios et les méprises; et malgré tout cet échafaudage, leur pièce, dont le début était assez vif, est très-languissante vers la fin. Cependant, le dialogue en est naturel et souvent comique. Le rôle du gascon, rendu par Picard d'une manière fort plaisante, en a décidé le succès. Les auteurs ont été demandés et nommés au bruit des applaudissemens.

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Shakespear amoureux, ou la Pièce à l'étude, comédie en un acte et en prose.

C'EST encore une anecdote qui a fourni le sujet de cette pièce, mais il a fallu la dénaturer pour la mettre sur la scene; et quoique les changemens qu'on lui a fait subir soient commandés par les convenances théâtrales, ils lui

ent malheureusement enlevé tout ce qu'elle avait de piquant et de vraisemblable. Shakespear, amoureux d'une actrice et profitant d'un rendez-vous accordé à un lord son rival, voilà une historiette assez plaisante pour avoir pu, dans le temps, occuper deux ou trois jours les salons de Londres. Mais, quand il a été question de l'ajuster au théâtre, les lois de la décence ont exigé qu'on nous présentât l'actrice comme un modèle de vertu et de délicatesse, et qu'on supposât qu'un rendez-vous indiqué mysté rieusement au milieu de la nuit, avait été donné en tout bien et tout honneur. De la nécessité de remplir un acte avec ce petit conte, il est résulté qu'une pièce assez courte a paru offrir des longueurs, et que bien qu'il n'y ait en tout que trois personnages dans cette comédie, on en a encore trouvé un de trop.

Shakespear, amoureux de la jeune Clarence, son élève, à pour rival lord Wilson. Clarence est enthousiaste de son maître; elle en parle sans cesse sur le ton de l'admiration, et cependant le poète ne se doute pas de la passion qu'il allume. Il se présente pour donner une leçon à l'actrice; mais la soubrette, bien payée par son rival, l'éconduit assez malhonnêtement. Au lieu de sortir, il entre sans être aperçu dans un cabinet voisin, d'où il entend bientôt la perfide soubrette mettre tout en usage pour le faire congédier. Le résultat de cet entretien est que lord Wilson doit-être admis à onze heures du soir en prononçant le mot de Richard III. Clarence.consent, car elle ne répond rien; pour Shakespear il se promet bien de mettre à profit cette découverte. Il sort du cabinet et fait semblant d'entrer chez l'actrice, pour lui faire répéter son rôle.

Cette scène promettait d'être brillante; elle offrait l'oc casion toute naturelle de coudre à la pièce une des tirades du poète anglais, et il semble que dans le nombre de ses tragédies, il n'était pas difficile de trouver un morceau qui se rapportât à la circonstance. L'auteur a effectivement essayé de traduire une déclaration d'amour qu'il fait réciter par Clarence; mais on écoutait assez froidement cette

traduction, lorsque Shakespear a un peu ranimé la scène en se livrant à un emportement de jalousie. L'actrice, qui ne pouvait deviner la cause de tout ce fracas, s'imagine qu'il compose Othello, et le presse d'aller mettre ses idées surle papier. Cette idée a paru plaisante et a été fort applaudie.Le poète sort et la soubrette presse de nouveau samaîtresse de recevoir lord Wilson; mais Clarence, qui a la tête encore exaltée de la leçon qu'elle vient de recevoir de son instituteur, ne veut plus entendre parler du lord, et lui écrit une lettre de congé. Dans ce moment Shakespear rentre, enveloppé de son manteau; la soubrette dans l'obscurité, le prend pour Wilson et lui remet le billetdoux. Clarence est fort étonnée de revoir son amant qui débute par l'accabler de reproches, et qui se détermine enfin à lire le billet adressé à son rival. Alors les sifflets, que les applaudissemens avaient plus d'une fois comprimés, ont repris le dessus, et l'orage est devenu si bruyant que les acteurs ont été réduits au silence. D'après un mouvement que Talma-Shakespear à fait vers la fenêtre, on peut conjecturer qu'il voyait arriver lord Wilson, et qu'il lui criait, comme le rapporte l'anecdote: «Richard III peut » se retirer, Guillaume est maître de la place. »>

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Cette pièce annonce du talent et de la connaissance de la scène plusieurs de ses détails ont été applaudis et méritaient de l'être; mais le rôle de la soubrette, qui n'est qu'impertinente et intéressée, a paru n'être du goût de personne. Du reste, cette production a été jugée avec sévérité, et, à tout prendre, elle n'a d'autres défauts que ceux qui sont nécessairement attachés à un fond vicieux et à un mauvais genre. Ceux qui étaient venus pour voir Talma dans un rôle comique ont été trompés dans leur attente; Shakespear n'est pas sorti un instant du ton digne et ennuyeux du drame.

THEATRE DU VAUDEVILLE.

La Réunion de Famille, ou le Premier Jour de l'An.. Cette pièce de circonstance a eu un faible succès. L'au

leur

teur a voulu prouver que les visites du jour de l'an avaien le résultat fort utile de rapprocher des personnes qui, sans cette occasion, auraient peut-être été brouillées toute leur vie. Un jeune homme, marié depuis huit mois, a été trois mois sans voir sa femme qui est très-jolie et qui l'aime éperdûment. Il a passé ce temps à la campagne avec une coquette qui s'est emparé de son esprit; et il revient moins pour rendre ses visites de nouvelle année, que pour acquitter cinq cents louis qu'il a perdus au billard. Sa femme, sa belle-mère, sa grand'inaman, au lieu de lui faire des reproches, croient lui donner une meilleure leçon en payant ses dettes. La femme engage ses diamans, la bellemère fait des billets, la grand'maman donne l'argent qu'elle vient de recevoir de ses fermiers. Il se trouve que le créancier est payé de trois mains différentes; il rapporte les sommes qu'il a touchées, et déclare qu'il n'a voulu luimême, en jouant avec le mari, que lui donner une leçon. Ce dernier en profite, et la reconnaissance resserre de nouveau les nœuds de son hymen et le réunit pour jamais à sa famille, dont il était sur le point de se séparer.

ANNONCE S.

Carte générale des marches, positions, combats et batailles de l'armée de réserve, depuis le passage du grand Saint-Bernard le 24 floréal an 8, jusqu'à la victoire complète et décisive remportée à Marengo le 25 prairial suivant; présentée au général Bonaparte, premier consul de la république française, par le général P. Dupont, chef de l'étatmajor-général de l'armée; faite à Turin en l'an 8, par Lapie, ingénieurgéographe, employé à cette armée. Prix: 6 fr. en papier vélin, enluminée avec le plus grand soin.

A Paris, chez Lapie, ingénieur-géographe, éditeur, rue de Bussy, maison du notaire, n°. 33 et 404;

Piquet, géographe-graveur, quai Malaquais, petit hôtel Bouillon; et chez Goujon rue du Bacq au coin de celle de Lille.

Cette carte présente une des plus glorieuses campagnes de Bonaparte; les marches, positions et combats y sont figures avec la plus grande exactitude. On y a joint deux ordres de bataille, l'un à l'époque du passage du grand Saint-Bernard, l'autre le jour de la bataille de Marengo; de sorte qu'il est facile de voir quels étoient les régimens et demi-brigades qui composoient l'armée, et le nom de tous les généraux qui commandoient. Une légende historique très-détaillée, ainsi qu'une vue du grand Saint-Bernard, ajoutent à l'intérêt de cette carte, gravée avec soin par le cit. Tardieu. La précision du dessin, la netteté des détails et la beauté de l'exécution font honneur au talent du cit. Lapie, qui en avoit déja donné des preuves dans la carte de Syrie que nous avons annoncée dernièrement."

POLITIQUE.

Nous nous dispenserons pour aujourd'hui de parler de l'Angleterre. Nous pouvons laisser ce soin à M. Wyndham. Voici comme il rend compte, dans la séance du dé9 cembre, de la situation de son pays: il s'agit de la motion de M. Bragge relativement aux dépenses de l'armée.

M. Wyndham: « Je dirai, sans beaucoup de préface, mon opinion sur la question soumise au comité. Cette question est à mon avis d'une très-grande importance. Il y a un point collatéral qui intéresse extrêmement le pays. Je ne le toucherai pas pour le moment, je me contenterai d'examiner la conduite des ministres, depuis le traité d'Amiens. Depuis cette époque, ils ont eu à leur disposition tout ce qu'il y a de ressource et de force dans cet Empire qu'en ont-ils fait ? Ils ont eu dans leur main 15 millions d'hommes: comment en ont-ils disposé? Ils n'ont pas eu la peine de chercher l'enthousiasme national, il est venu les trouver. A peine ont-ils découvert le puits, que l'eau est montée; à peine ont-ils tourné le robinet, qu'elle les a inondés. Ils ont fait passer un bill pour créer une armée de réserve, mais ils n'ont pas même pu se procurer dix mille hommes, et six mille sont encore sans destination fixe. On nous dit que ces soldats valent des régimens de ligne. Qui pourrait comparer à des forces regulières ce ramassis de jeunes, de vieux, de malades, d'estropiés, qu'on a indifferemment payés pour entrer dans l'armée de réserve? sans compter que cette armée a été créée, ou plutôt ébauchée par les moyens les plus inconstitutionnels, telle qu'une taxe sans l'autorité du parlement: je puis apeler ainsi, le tirage au sort avec faculté de se faire remplacer.

>> Relativement aux volontaires, je ne prétends pas dire

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