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force le grand vers, le vers alexandrin; aucun, à mon avis, n'a mieux possédé la période poétique qui, dans notre langue, offre de si hautes difficultés.

Je me suis un peu étendu sur ce sujet, par le plaisir de rendre justice au talent malheureux. C'est parce que l'auteur du cours de littérature a une grande et légitime autorité dans les lettres, qu'on peut attacher de l'importance à relever quelques faux jugemens qui lui sont échappés. Les erreurs des hommes de mérite sont contagienses.

M. de La Harpe avait conservé une admiration extrême pour Voltaire, lors même qu'il eut cessé de partager ses opinions, et il continua de professer cette admiration, tout en le combattant. Je trouve de la noblesse et de la franchise dans ce procédé; mais je souhaiterais que l'illustre écrivain eût approuvé qu'on ne pensât pas comme lui, et qu'il n'eût pas fait une loi de partager ses sentimens. C'est un point sur lequel les gens de lettres sont malheureusement divisés; et faute de s'entendre, comme il arrive presque toujours, le célèbre professeur a souvent touché cette question dans son cours, et il y revient encore dans le treizième volume, avec une chaleur et des expressions qui étonnent. Le fond de son opinion est que ceux qui n'admirent pas comme lui le grand talent de l'auteur de la Henriade, affectent de l'aversion pour l'erreur, mais qu'ils ne font que dévoiler leur haine naturelle pour le talent et la célébrité. Voilà, je l'avoue ce que je ne voudrais pas dire à des personnes qui, après tout, soutiennent la même doctrine. Ce n'est là qu'une proposition injurieuse, et qui n'est guères soutenable; car, il n'y a personne qui n'admire plus ou moins le rare esprit de Voltaire; et dirons-nous à ceux qui ne l'estiment pas assez, qui le mettent, par exemple, top au-dessous de Corneille et de Racine, qu'ils ne le

font que par
et Corneille n'ont-ils ni talent ni célébrité ?

haine pour le talent et la célébrité ? Racine

M. de La Harpe s'élève avec force contre la bétise effrontée de ceux qui ne veulent pas que l'auteur de Zaïre soit un grand poète, parce qu'il n'a pas été chrétien Ce serait, en effet, le comble de la bêtise que de faire un pareil raisonnement, et il y aurait de l'effronterie à le soutenir. Mais, personne ne l'a fait il n'est jamais entre dans la tête de qui que ce soit dé vouloir prouver que des vers sont mauvais, uniquement parce que l'auteur ne croit pas à l'évangile. C'est donc là un excès qui ne mène à rien; mais ce qu'il est raisonnable de penser, c'est que l'estime se fonde communément sur le rapport des opinions; et s'il arrive qu'un écrivain soit entièrement opposé, à la vôtre dans des points importans, quelque talent qu'il emploie à défendre ce que vous regardez comme une erreur, il est certain que prévenu contre le fond, vous serez moins épris de la forme; et que tous les embellisse. mens qu'il y pourra mettre vous toucheront peu, quand vous les considérerez comme un abus de l'esprit. Voilà le principe naturel d'opposition qui a pu conduire quelques personne à prendre une médiocre opinion des talens supérieurs de Voltaire, et à en parler avec mépris sans qu'il soit nécessaire de leur supposer pour cela ni affectation, ni mauvaise foi, ni haine pour le talent. Il me semble qu'un homme bien né n'a pas besoin d'un grand fonds de politesse et d'indulgence pour pardonner une différence d'opinion fondée sur de telles raisons.

On peut reconnaître avec douleur qu'il n'y a guère de moyens de conciliation entre ceux qui adoptent les principes philosophiques de Voltaire et ceux qui les rejettent. Leurs divisions roulent sur des questions trop sérieuses, qui enveloppent les intérêts les plus importans de la société. Mais ceux qui, réunis par le fond des mêmes idées,

ne disputent, comme M. de La Harpe, que sur le mérite littéraire d'un écrivain, peuvent voir aisément combien l'animosité sied mal dans une question si légère et de si peu de conséquence. Ce serait dépouiller les lettres de toute leur douceur, que de ne pouvoir exprimer son opinion, sur des sujets de cette nature, sans que la civilité et la bienséance sociale en fussent altérées.

C'est sur ce fondement que je me persuade que tout ce qui appartient aux petites passions de cette vie, devait être retranché d'un ouvrage qui appartiendra à la postérité ; et j'ose engager M. l'éditeur, dans la suite du Cours de Littérature, à profiter de ce conseil, pour la gloire de

son auteur.

CH. D.

Géographie moderne, rédigée sur un nouveau plan, ou description historique, civile, politique et naturelle des empires, royaumes, états et leurs colonies; avec celle des mers et des îles de toutes les parties du monde : renfermant la concordance des principaux points de la géographie ancienne et du moyen âge avec la géographie moderne, par J. Pinkerton; traduite de l'anglais, avec des notes et augmentations considérables, par C. A. Walckenaer: précédée d'une introduction à la géographie mathématique et critique, par S. F. Lacroix, de l'Institut national des Sciences et des Arts; accompagnée d'un atlas in-4°. de 42 cartes, dressées par Arrowsmith, d'après les dernières et les meilleures autorités, revues et corrigées par J. N. Buache, de l'Institut national, etc. Six gros volumes in-8°., et l'atlas grand in-4°. gravé par J. B. Tardieu; précédé de la liste des cartes et des autorités qui ont servi à leur construction, et d'un catalogue des meilleures cartes et

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livres de voyages imprimés dans toutes les langues. Prix: les 6 vol. brochés avec l'atlas en noir, cartonné, 42 fr. Id, avec les cartes enluminées, 50 fr. Id. papier vélin d'Annonay, cartes enluminées, 92 fr. Id. avec l'atlas in-fol. pap. vélin, les cartes coloriées en plein, 100 fr. Joindre au prix 12 francs pour le franc de port. A Paris, chez Dentu, imprimeur-libraire, Palais du Tribunat, galeries de bois, n. 240; et chez le Normant, imprimeurlibraire, rue des Prêtres S. Germain-l'Auxerrois, n. 42. Si l'étude de la géographie n'offre pas toujours à ceux qui s'y livrent des résultats satisfaisans; si elle ne laisse même, après quelques années d'un travail opiniâtre, que des notions imparfaites et confuses, il me semble qu'il faut moins l'attribuer à l'inapplication naturelle qu'on re proche à la jeunesse, qu'aux méthodes vicieuses qu'une routine aveugle a consacrées jusqu'ici. La France compte quelques historiens estimables, des naturalistes du premier ordre; mais, à l'exception des Danville, des Cassini, des Gosselin et des Buache, elle serait embarrassée de citer à présent un géographe qui l'emportât sur nos rivaux.

Les courts traités de d'Expilly, de Lacroix, sont en core trop longs en ce qu'ils s'étendent avec une prolixité désespérante sur des objets indiférens, et qu'ils passent sans pitié sous silence ceux qu'il est honteux d'ignorer. Avouons-le aussi, nos progrès dans le commerce, nos expéditions lointaines, les différens voyages faits autour du monde, au milieu du 18°. siècle, nos découvertes, celles de nos voisins, et dans ces derniers temps, nos conquêtes ont dû nécessairement opérer des variations sensibles dans l'étude d'une science aussi importante. Il était done indispensable d'en refondre les élémens, de rectifier de graves erreurs échappées à des hommes célèbres et de composer de ces matériaux réunis, une má

thode tout à-la-fois simple, agréable et instructive qui convînt à tous les âges, à tous les états dont se compose la société. Mais pourquoi, dira-t-on, lorsqu'il existe en France des géographes instruits, sommes-nous encore redevables aux Anglais d'une production aussi utile? Est-ce par un sentiment de défiance en nos propres lumières, ou par l'aveu secret de leur supériorité, que nous consentons ainsi à devenir aux yeux de l'Europe, les tributaires d'une nation voisine ? Nos découvertes récentes en statistique et l'impulsion donnée, à cet égard, par le chef suprême de l'état, suffisent pour prouver que nous sommes capables de nous élever encore plus haut ; et, si nous puisons chez les Anglais quelques règles, quelques principes pour les appliquer, soit à notre système social, soit à nos méthodes d'instruction, il serait injuste d'en conclure qu'ils nous devancent toujours dans la carrière des sciences et arts. Leur supériorité sur le premier article n'a rien, d'ailleurs, qui doive nous humilier. Le premier géographe a dù naitre chez un peuple maritime. En partant de cette vérité, on pressent aisément tous les progrès que cette science a dû faire dans la Grande-Bretagne. Les Carthaginois étaient aussi les premiers géographes connus du temps des Romains. La relation du voyage d'Hannon, est un monument de la hardiesse des premiers (1). Mais que dire des seconds qui,

(1) Un fragment de ce voyage a été traduit par l'auteur du Génie du Christianisme ( Châteaubriant). Qu'il me soit permis d'observer, à l'égard de cet écrivain, que par l'effet d'une transposition de lignes, quelques personnes ont cru que, dans l'avant-dernier numéro du Mercure, article Volney, mon intention avait été de désigner le roman si intéressant d'Atala. Je déclare donc ici que ma réflexion ne s'applique et ne pouvait, en effet, s'appliquer qu'à l'ouvrage de M. Bonnet qui, à certains égards, peut passer pour un Roman, si l'on doit compter sur l'exactitude des faits retracés par M. de Volney.

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