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Des frimas brave la rigueur;

L'univers est en deuil, en deuil comme mon cœur.
Amour, dieu chiarmant, dieu terrible

C'est envain que je t'invoquai:
Phyllis, n'est pas moins insensible

Qu'au premier jour du mois mai.

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Aux plaisirs, au bonheur, et même à l'espérance,

Il faut donc que je dise un éternel adieu!

J'ai perdu mes enfans dont l'aimable présence

Me tenoit lieu de tout. Que me reste-t-il ?

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Je suis quand mon frère n'est pas,
Autrement je ne saurois être,

C'est en mourant qu'il me fait naître,
C'est en ressuscitant qu'il cause mon trépas.

LOGO GRIPHE.

Je suis bonne, douce, équitable,
Et mon pouvoir est sans égal;
Car, je sais guérir certain mal
Képuté naguere incurable.
Ami lecteur, si par hasard

Tu réclamais mon assistance,
Sur onze pieds courant la France,

J'arriverais encor trop tard

Au gré de ton impatience.

Je renferme en mon sein fécond
Une négative, un prénom,

Un nombre, un fleuve, une rivière,
Un jeune animal et son père
Et la grande réunion

Formant une immense famille,
Et le nom d'une jeune fille
Dont l'amour troubla la raison;
J'offre encor, si je ne m'abuse,
Un membre, une ville, un oiseau,
Et le reclus et la recluse,

Et ce qui survit au tombeau ;

Une plante, un coursier, deux notes de musique,
Un petit homme, un fruit exquis,

Un nom bien doux, et celui qu'on applique
A certain moine en un lointain pays.

Lecteur, le mot est-il compris,
Faut-il encor que je m'explique?
Le ciel préserve tes amis,
Tes enfans et toute ta clique
Du vilain mal dont je guéris;
Car je ne suis pas trop active :
Partant il advient quelquefois
Que la cure est un peu tardive,
Et je trouve, lorsque j'arrive,
Un pauvre malade aux abois.

Si tu veux,

CHARA D E.

cher lecteur, qu'on t'accueille partout, Ne sois pas mon premier, mon second, ni mon tout.

Le mot de l'Enigme insérée dans le dernier numéro. est Livre.

Celui du Logogriphe est Gloire.

Le mot de la Charade est Charruc.

I

Observations sur la Critique de WERTHER.

L y a des gens qui ne voyent dans un roman que l'intérêt des aventures et l'agrément du style; et ils souhaiteraient que, pour faire honneur à leur jugement, la critique se réduisit à n'envisager comme eux que ces rapports superficiels. Werther estil intéressant? Werther est-il bien écrit ? c'est, selon eux, tout ce qu'il y avait à examiner sur un tel ouvrage, quoiqu'en en effet cela doive être décidé depuis vingt ans.

J'ai essayé de porter ma vue plus loin; et comme j'apprends que le Journal de Paris m'a fait l'honneur de ne pas m'entendre et de me répondre avec sa politesse accoutumée, cela m'encourage à fortifier de nouveau tout ce que j'ai avancé ; car lorsqu'un homme s'irrite des choses que vous lui opposez, et qu'il ne sait pas se posséder pour y répondre, c'est qu'apparemment vous avez touché quelque point délicat et faible dans sa doctrine. Je ne pouvais donc recevoir un encouragement plus flatteur; mais avant d'en venir à ce côté si sensible, et qui fait jeter de si hauts cris, je suis bien aise de faire voir par quel enchainement d'idées j'y ai été conduit.

Lorsqu'un livre mal écrit et mal pensé a usurpé une grande réputation littéraire, et qu'il a exercé sur les mœurs une influence remarquable, ce qu'on peut faire de plus utile pour la littérature et pour la morale, dans l'examen d'un pareil livre, c'est de rechercher quelle a été la cause de son succès, quelles idées l'ont favorisé, et quels principes l'ont produit; car, comme ce succès est la marque certaine de la décadence des mœurs et du goût, on entrera dans le secret de cette décadence, si l'on vient à découvrir quelles sont les idées qui font

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réussir les mauvais livres et qui du même coup décréditent les bons. C'est ce que j'ai entrepris de rechercher dans Werther; et, malgré la frivolité de l'ouvrage, il semble que je ne pouvais faire un meilleur choix, puisque son succès prodigieux. a été un piége pour la jeunesse et un scandale pour l'age mûr. Or, pour suivre mon raisonnement, les principes qui font la fortune des mauvais livres sont ceux qui flattent les passions des hommes, et qui, sous les couleurs d'une liberté trompeuse, ouvrent le chemin à la licence: car il n'y a au monde que ces deux principes opposés; l'un qui soumet l'homme et ses passions à des lois éternelles, et l'autre qui les en affranchit : tout se débat entre ces deux points; tous les gouvernemens, tous les législateurs, tous les livres bâtissent sur l'un ou l'autre de cès fondemens. Or, entre ces deux principes, ce n'est plus une question, grâce à notre expérience, de savoir lequel est le plus favorable au maintien des mœurs, à la conduite des hommes, et conséquemment à la prospérité des lettres, car personne ne supposera, sans doute, que la bonne littérature puisse jamais être en contradiction avec la morale par le fond de ses principes. La mauvaise littérature est donc celle qui professe la doctrine opposée; et comme, en effet, cette doctrine se rend agréableaux passions en les débarrassant du frein qui les importune, on ne doit plus s'étonner si les mauvais livres abondent et sont portés aux nues, lorsque les mœurs tombent en ruines de toutes parts. Je n'ai donc pu m'empêcher de reconnaître la véritable cause du succès de Werther, lorsque je remarque que les passions les plus emportées y trouvent des principes si rassurans, dans l'apologie du suicide, et que la doctrine de l'indépendance y est mise en honneur dans le caractère du

héros.

Mais arrivé à cette solution, je n'ai pas cru de

voir m'arrêter à un objet d'aussi peu d'importance que ce roman, et j'ai jugé plus instructif de considérer d'une manière générale les conséquences de ees principes. Ici, la question cesse d'être purement littéraire, si on l'envisage sous toutes ses faces; car il est aisé de voir que cette doctrine de l'indépendance, qui met le cœur humain en état de révolte contre toute espèce d'autorité, tend à bouleverser tout à-la-fois la société et la littérature, par le mépris des lois et des règles établies dans l'une comme dans l'autre. A moins de s'être fermé les yeux pendant dix ans, peut-on ne pas voir ce rapport? peut-on n'en tirer aucune instruction? et faut-il s'étonner de trouver de telles vues, dans un article de littérature, lorsque la suite des réflexions y conduit si naturellement ?

Et, en effet, pour remonter à la source d'un si grand mal, il n'est guères possible de jeter les yeux sur quelqu'une des productions déréglées du génie allemand, sans s'apercevoir que la littérature de cette nation, où chaque écrivain s'abandonne, comme il lui plait, à sa fougue naturelle, a pris son caractère dans le système d'une liberté illimitée d'opinion. Et quel est l'homme assez peu versé dans l'histoire, pour ignorer que c'est, en effet, au sein de l'Allemagne que cette doctrine a pris naissance; que c'est de là que tous les peuples furent appelés à secouer le joug de l'autorité, et à ne plus reconnaître que leur opinion pour règle de leur croyance? Ce grand principe de toutes les révolu tions, ou pour mieux dire de toutes les révoltes, fut proclamé pour la première fois en Europe, par quelques moines turbulens du seizième siècle, et en particulier par Luther et Calvin, les plus éminens personnages de la réforme. J'avoue que la philoso phie moderne professa depuis le même principe, mais elle n'a pas eu les hommeurs de l'invention, et tout ce qu'on peut lui accorder, c'est d'avoir répété

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