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pas davantage comment un homme peuter boire
à cette coupe, avec les ailes d'un aigletes alle 5.
mands, qui ne sont pas des aigles, peuve trouver
cela beau; mais, en France, ce n'est qu'unebus
puérile, aussi dépourvu de sens que de goût. Nest
ce pas, d'ailleurs, une plaisante parodie de cette
coupe écumante et pleine d'un vin exquis, que Vir
gile fait passer de main en main, dans le festin de
Didon ?

Ille impiger hausit

Spumantem pateram, et pleno se proluit auro.

Pour celle-là, je passerais aux Allemands de l'aimer.

L'auteur de Werther, pour justifier la nécessité du suicide, fait ce beau raisonnement: La nature ne sait comment se dégager de l'inextricable labyrinthe de forces confuses et opposées. Et il faut que l'homme meure Qu'on me dise, puisqu'il s'agit de goût, ce que c'est qu'un labyrinthe de forces; qu'on m'explique comment des forces opposées peuvent être confuses? Si elles sont opposées, assurément elles sont distinctes: il n'y a donc point de confusion. Et pourquoi faut-il que l'homme meure. parce qu'il y a en lui des forces opposées? n'est-ce pas, au contraire, cette opposi tion qui maintient l'équilibre, et qui, par conséquent, le fait vivre? Il ne meurt en effet, selon les lois de la nature, que lorsque toute opposition est détruite, et qu'il n'y a plus chez lui assez de ressort pour combattre ce qui lui est contraire. Je demande, enfin, si toute cette métaphysique, qui revient sans cesse, est d'un bon goût et d'un bon esprit, dans un roman où, après tout, il ne s'agit que de peindre le désordre des sentimens, sans qu'il soit nécessaire de justifier ce désordre par des idées fausses.

Werther, au moment de se tirer un coup de

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pistolet, écrit à sa maitresse. La situation est pathétique, et c'est bien le cas, sans doute, de mettre de la vérité dans ses expressions et ses sentimens. Il n'y a qu'à voir ce que l'auteur lui fait écrire, pour avoir l'idée de tout ce qui répugne au goût et à la nature. Non, je ne croirai jamais que dans une telle position, on puisse s'occuper des étoiles, ni leur dire avec emphase, comme le fait Werther: Astres immortels! vous ne tomberez point. L'Eternel vous porte dans son sein, comme il m'y porte aussi. Je vois les étoiles de l'Ourse, la plus chérie des constellations. Vraiment, il prend bien son temps pour faire un cours d'astronomie. Minuit va sonner, et c'est l'heure où le coup doit partir; il saisit son arme, et s'écrie: Je ne tremble pas en prenant l'horrible calice où je vais puiser livresse de la mort. J'ose le dire, et avec connaissance de cause, ce style est aussi faux que la situation est horrible. Comment l'idée de l'ivresse et celle de la mort peuvent-elles souffrir le moindre rapprochement dans l'esprit d'un homme qui va se fracasser la cervelle? et cet homme ajoute tranquillement: Ainsi donc sont accomplis tous les désirs de ma vie ! Voilà donc à quoi aboutissent toutes mes espérances, à venir, d'une main roidie et glacée, heurter aux portes d'airain de la mort. De bonne foi, ce style affecté peut-il plaire à quelqu'un de sense? Est-ce là le langage de la nature, le langage de la situation? et Werther a-t-il jamais pu dire ou penser que tous les desirs de sa vie fussent accomplis en se tuant? Il y a là toutà-la-fois fausseté dans les idées, dans les images et dans les termes.

Il paraîtra difficile de concevoir qu'il y ait des personnes capables de regarder un tel ouvrage comme un chef-d'œuvre de diction; mais l'étonnement diminuera, si l'on considère par combien

d'erreurs et d'infortunes la génération présente a été détournée des études qui pouvaient former son goût; et, d'ailleurs, je n'ai point eu la pensée de nier que Werther n'ait assez d'éclat dans l'imagination, de chaleur dans les sentimens, et d'intérêt dans les situations, pour faire illusion à une foule de lecteurs. CH. D.

Observations sur l'opinion de quelques hellénistes touchant le grec moderne; par P. Codrika, athénien. Broch. in-8°. Prix : 1 fr., et 1 fr. 50 c. par la poste. A Paris, chez Delaunay, lib., palais duTribunat; et chez le Normant.

M. BONAMY, membre de l'académie des Inscriptions, avait prétendu dans une dissertation aujourd'hui complétement ignorée, que le grec moderne était formé sur la langue française. Le séjour des empereurs et des princes français à Constantinople et dans la Grèce, servait de base à cette hypothèse, et quatre exemples pris dans la grammaire de Simon en étaient les plus fortes preuves. Cette opinion a paru fausse à M. Codrika; et il a écrit, pour la réfuter, la petite brochure que je viens d'annoncer.

M. Codrika n'est pas le premier qui se soit aperçu que ce système de M. Bonamy manquait absolument de justesse. On voit dans l'histoire de l'académie (1), que lorsqu'il lut sa dissertation, plusieurs membres lui firent d'im portantes objections; et même M. de Villoison a écrit un mémoire (2) sur le grec vulgaire, où il a brièvement réfuté quelques-unes des idées de M. Bonamy. Il semble d'après cela que M. Codrika aurait pu laisser dans l'oubli un paradoxe qui n'a rien de ce qui rend les paradoxes

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dangereux, et qui méritait peu l'honneur d'être encore combattu. Mais M. Codrika est grec, il est athénien et littérateur; il a vu avec peine que sa langue fût si légèrement attaquée par un homme qui évidemment ne la connaissait pas assez pour qu'il lui convînt d'en parler ainsi. Ce qui aux yeux de tout autre lecteur n'était qu'une erreur fort indifférente, a paru à M. Codrika une injure personnelle; et bien qu'il y eût prescription, si je peux parler ainsi, il a cru devoir revenir sur cette question oubliée, et, ce qui ne semblait pas très-facile, il a su la rendre intéressante, par la nouveauté de la plupart des détails dans lesquels il est entré, et par l'élégante facilité de son style. L'élégance et la correction deviennent si rares parmi les écrivains français, que, lorsqu'on les rencontre, il ne faut pas manquer d'en faire l'éloge; et je devais, à plus forte raison, louer ces qualités dans un étranger qui n'habite la France que depuis peu d'années. J'ai à peine remarqué dans ce petit livre deux ou trois fautes un peu considérables; et même il en est une, se rappeler de, que l'on entend chaque jour faire à plus d'un français.

M. Codrika, pour prouver que le grec moderne ne s'est pas formé sur le français, comme le croyait M. Bonamy, en trouve l'origine dans l'ancien grec. Il se borne, sur cet article, à quelques généralités qu'il eût peut-être bien fait de développer davantage. La préface du Glossaire de Ducange eût pu lui fournir et d'excellentes idées, et d'excellens matériaux.

L'argument que M. Bonamy tirait du séjour des Français en Grèce et à Constantinople, paraît à M. Codrika dénué d'exactitude, et totalement démenti par les faits. Pendant cette époque, le grec fut toujours écrit et parlé, il ne cessa pas d'être la langue nationale. La cour des empereurs grecs existait à Nicée. L'Eglise avait conservé toute son influence, et son existence politique n'avait point

éprouvé de changement. Le clergé, qui ne parlait que le grec, était, comme avant, chargé de l'éducation de la jeunesse. M. Codrika aurait pu ajouter que l'on trouve la langue déjà très-corrompue dans des écrivains antérieurs au séjour des Français. Ils ont pu sans doute introduire plusieurs mots de leur langue dans l'idiome populaire, mais il s'est introduit aussi beaucoup de mots grecs dans l'idiome des vainqueurs; et on ne peut pas plus en conclure que le grec ait été formé sur le français, que le français sur le grec. D'ailleurs, s'il se trouve quelque analogie entre les formes et les idiotismes des deux langues, M. Codrika observe, avec beaucoup de vérité, que le grec moderne n'a de conformité avec le français, que celle qui résulte de sa conformité avec le grec ancien. H. Etienne en a fait un traité qui est fort incomplet, et que l'on pourrait bien augmenter du double (1).

A

M. Codrika attaque ensuite les quatre exemples cités par M. Bonamy, d'après la grammaire de Simon; il prouve, ou que les locutions modernes, données comme analogues aux locutions de notre langue, se trouvent aussi dans l'ancien grec, ou qu'elles appartiennent au patois greco-vénitien, que le grammairien, suivi trop légèrement par M. Bonamy, avait pris pour le véritable grec moderne ce qui est aussi peu raisonnable que de prendre pour la véritable langue française, le jargon lorrain ou picard.

Voilà quel est le fond de cette brochure, où M. Codrika a complétement réfuté les fausses conjectures de l'académicien. Mais peut-être en critiquant son adversaire, ne s'est-il pas toujours mais lui-même à l'abri de toute critique.

(1) Voy. M. Dacier, Essai de supplément au Frætó d'H. Et. Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, & 38.

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