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pris la parti du schisme; mais n'est-il pas plaisant que ceux qui défendaient l'ancienne croyance de la nation et les principes de l'état fussent des schismatiques à l'Académie? Où M. de Nivernois prenait-il cette idée? 11 se fonde sur ce principe de son école, qu'on doit de la tolérance aux opinions et même aux erreurs. Oui, lorsque ces opinions sont innocentes et ces erreurs sans danger; mais celles que combattait Lefranc de Pompignan avaient-elles ce caractère? Il semble que Voltaire lui-même n'osait pas le soutenir, car il dit dans un de ses factums: « Si la haine de l'autorité, » était le caractère dominant des productions de » notre littérature, il faudrait faire connaitre et punir les auteurs séditieux qui consacreraient » dans leurs ouvrages l'esprit de révolte et le mépris des lois. » Eh! c'est précisément ce qu'avait fait Lefranc, mais avec cette différence qu'il n'atdes accupar taquait personne en particulier, ni sations secrètes, ce qui est l'action d'un délateur, mais qu'il s'élevait contre la philosophie en général, d'une manière ouverte et déclarée, seul procédé qui convienne à un écrivain. Or, de savoir si l'on calomniait la philosophie en l'accusant de déclamer contre la religion et l'autorité, c'est un point de fait sur lequel je m'imagine que tout le monde a reçu d'assez grandes lumières, pour qu'il ne reste plus de doute à personne; et lorsque M. l'abbé Maury et M. le duc de Nivernois virent leur ordre proscrit et exterminé par ces mêmes opinions qu'ils avaient cru qu'on devait tolérer, je crois qu'ils durent avoir Fun et l'autre de belles idées sur Tinnocence de la philosophie et l'intolérance inexcusable de Lefranc de Pompignan.

Je me propose d'examiner un autre fois si l'on a rendu plus de justice au mérite du littérateur Ch. D. qu'au zèle du citoyen,

REPONSE

5.

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REPONSE

Au cit. CH. D..., au sujet de sa diatribe contre les an maux insérée dans le Mercure de France, du 15 brumaire dernier.

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Si vous n'aviez attaqué que les philosophes, monsieur, dans le compte que vous avez rendu des lettres philosophiques de mon ami Charles le Roi, physicien de Nuremberg et capitaine de chasse, je me serais tû, comme je me tais depuis quelque temps sur tout ce qui regarde la philosophie, qui a, dieu merci, encore d'assez bons défenseurs sans moi; mais vous attaquez les animaux qui ne peuvent se défendre, vous le savez bien, faute de pouvoir manier la plume, et c'est une raison pour que je prenne aujourdui la mienne en leur faveur. Il ne fallait rien moins, je vous jure, que l'intérêt de tout le genre animal, compromis en cette circonstance, pour me décider à parler encore le langage de la raison aux hommes, chose à laquelle j'avais renoncé depuis quelque temps. Cette lettre n'est que le prélude du livre que je vais faire paraître en faveur des bêtes; mais je vous devais quelques réflexions préalables sur la manière un peu leste avec laquelle vous les avez traitées. Il faut que vous ayez bien peu étudié la nature, monsieur, pour leur refuser ce que les meilleurs philosophes anciens et modernes leur ont toujours accordé, c'est-à-dire une dose d'intelligence à peu près égale à la nôtre, sauf l'organe de la parole. Vous en voulez particulièrement aux loups, on le voit bien. J'ignore quels sont vos motifs personnels pour en parler avec autant d'aigreur, et pour leur contester, comme vous faites, la pensée, le raisonnement, et l'argumentution : vous ne voulez pas même qu'ils soient géomètres!... Je trouve cela un peu fort. Cependant, si vous avez été quelquefois pourchassé par eux, comme je le soupçonne Ff

à votre manière d'en parler, vous avez pu juger au moins de la science de leur marchie et des calculs géométriques qu'ils emploient pour atteindre leur proie, sur-tout quand ils sont enragės; et s'ils vous ont attrapé, vous devez leur rendre cette justice qu'ils ont été plus rusés géomètres que vous. D'après cela, comment se peut-il que vous doutiez qu'i 'ils ne soient en état de calculer la largeur d'un fossé, et qu'ils ne la calculent en effet avant de sauter.... .? Quant à moi, monsieur, quoi que vous en disiez, je ne fais jamais le plus petit saut sans y regarder à deux fois pour prendre le temps de poser mon équation, et je vous dirai, en passant, qu'il m'est arrivé un jour de me laisser cheoir d'un troisième étage et de faire en l'air, avant d'être parvenu au pavé de la rue, le calcul aproximatif de ma vitesse multipliée par ma masse; le tout avec autant de méthode et de sang froid que si j'eusse été à mon aise dans une promenade horizontale, au lieu d'être pressé par une chute perpendiculaire........... Je reviens aux Lêtes. Vous ne les croyez pas susceptibles de perfectionner leurs talens naturels à mesure qu'elles avancent en áge; ensorte qu'à votre avis, un vieux renard, par exemple, tomberait aussi facilement dans le piége qu'un jeune..... Ah! monsieur, vous ne parviendriez jamais à faire adopter une pareille opinion à personne sur le compte des vieux renards; vous ne feriez pas croire que la plupart des animaux ne soient pas capables d'arriver comme nous à la perfectibilité, et d'ajouter progressivement et par suite du temps, à l'ouvrage de la nature. Il me serait trop aisé de citer, et de vous confondre sur cette matière... Pensezvous de bonne foi que les cochons n'aient rien acquis depuis l'époque de la métamorphose des compagnons d'Ulysse par Circé ? pensez-vous que celui de ces animaux qui a découvert le précieux végétal connu sous le nom de truffe, lequel était inconnu des anciens, pensez-vous, dis-je, qu'il n'ait pas fait un pas de géant, et qu'il ne lui soit pas dû une petite place à côté d'Harvée, de Galilée > de Newton et du moine Bacon ? croyez-vous que la bécass e

qui a eu l'idée de se donner un lavement avec son bec pour se dégager de ses humeurs âcres et mordicantes, et pour corriger l'exaltation de ses sels; croyez-vous qu'elle fût tout-a-fait une bécasse, si je puis m'exprimer ainsi, et quelle n'eût aucune idée d'anatomie et de médecine pratique?... Je vous le dis, monsieur, on ne sait pas jusqu'où les bécasses et les cochons pourront aller; on ne le sait pas. Revenez un peu de vos préventions, je vous prie; veuillez croire que l'inclination particulière des philosophes pythagoriciens et autres pour les animaux, est fondée sur quelque chose de raisonnable, sur des rapports quelconques, qui la justifient. Rapportez-vous-en du moins aux capitaines de chasse et à mon ami Charles le Roi, qui a vu le loup de très-près, tandis que vous n'avez pu observer vraisemblablement, sur le pavé de Paris, que quelques animaux dégénérés par la civilisation. C'est dans les bois que je vous invite à vous aller établir pendant quelque temps avant de vous prononcer plus ouvertement contre les bêtes : c'est là que dans l'intimité, pour ainsi dire, de leur société, vous pourrez vous convaincre peut-être des agrémens et des gentillesses de leur esprit. Je ne dis rien de plus................. Encore un mot cependant: je relis votre diatribe, qui est d'autant plus dangereuse, que tout en péchant par le fond, elle ne laisse pas de séduire infiniment forme (1) je vois que vous allez jusqu'à prétendre que les la par pies ne savent pas compter jusqu'à trois : c'est le comble de l'humeur ou du septicisme. Ah! permettez que les pies sachent l'arithmétique, et qu'elles entendent au moins l'addition, la multiplication, la soustraction et la division, qui sont les plus grossiers élémens des mathématiques.

Je vous salue.

....

B. philosophe, braconnier des bords de la Loire.

(1) Ch. D. est plus que séduisant. Il joint à l'aménité des formes que ses adversaires mêmes ne lui constestent pas, la logique la plus sûre. (Note de l'éditeur.)

Suite des Souvenirs de Félicie (1).

On ne connaît guères en France que les pièces de Shakespeare, et on ne les connaît en général que sur des traductions qui en exagèrent les défauts et qui n'en font pas sentir les beautés; car il n'existe pas une seule bonne traduction de Shakespeare. Trop souvent, parce que des traductions sont littérales, on accuse injustement les auteurs originaux d'avoir écrit des choses extravagantes ou vides de sens. Il y a dans toutes les langues des manières de parler que l'usage a consacrées, mais qui, par elles-mêmes, sont extrêmement vicieuses, et qui même ne signifient rien; par exemple, ces expressions: une ame bien née, ou cela ne laisse pas d'étre agréable, ou j'ai dans l'idée, etc., ne paraîtraient dans une traduction anglaise qu'un galimatias ridicule, comme on ne pourrait traduire littéralement en français cette phrase anglaise : je suis en hauts esprits (2), c'est-à-dire de bonne humeur. Je crois que la langue la plus parfaite est celle qui a le moins de ces tournures vicieuses, qui sont infiniment plus multipliées en anglais et en allemand qu'en français. Il ne faut donc pas juger le style et les pensées de Shakespeare sur-tout (dont le langage a vieilli), sur des traductions très-imparfaites; il faut encore moins le juger d'a

(1) Il s'est glissé deux fautes d'impression dans le précédent Souvenir de Félicie, et les voici. Note de la page 410. Love for love, amour pour amour, lisez : all for love, tout pour l'amour. Même page. Driden, dans sa tragédie de la Mort d'Antoine, lisez : dans Ta préface de sa tragédie de la Mort d'Antoine.

(2) Jam in high spirite.

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