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ENIGM E.

DEPUIS dix ans, en France, on ne me connaît plus;
Du moins d'un autre nom maintenant on m'appelle;
En me débaptisant on a fait encore plus :
De måle que j'étais on m'a rendu femelle.

LOGO GRIPHE.

De mon entier ôte la tête,
Je perds alors toute raison;
Et souvent, quoiqu'avec ma tête,
Je n'ai ni rime ni raison.

CHARADE.

VEUX-TU que mon dernier
Fasse bien mon premier?
Remonte mon entier.

Mots de l'Enigme, du Logogriphe et de la
Charade insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme du dernier numéro est Corps.
Celui du Logogriphe est Bouteille, où l'on trouve ail,
ouïc, bulle, boule, lie, lut, tube, Lubie, humeur, dis-
tance, appui, mesure, Io, Elie, bill, loi, tôle, betel,
bol, ouete, bille, étole, boue, étoile, étui, lot, été,
Eole, toile, tuile, lobe des semences, obit, oie, Tullie,
Tibulle, boulet, outil, belle, billet, lit.

Celui de la Charade est Bonbon.

Errata. On a commis une erreur dans l'insertion des mots de l'Enigme, du Logogriphe et de la Charade qui sont au no. CXLIII, du 17 mars 1804. Celui de l'Enigme étoit Lit; celui du Logogriphe, Salep; et celui do la Charade, Pape-lard.

Sur l'Esprit littéraire du XVIIIe siècle.

ARTICLE I V.

LES philosophes ont dit : « La nature est tout ce qu'il y a de vrai; le sauvage sort de ses mains; prenez-le pour modèle, et remontez vers votre origine.» Nous leur répondons : « Le sauvage loin d'être dans l'état naturel à l'homme, nous paraît dans un état de dégradation; pourquoi chercherions-nous à l'imiter? »

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Oublions l'ascendant que les idées philosophiques ont eu sur le siècle dernier, et voyons s'il est de l'intérêt du siècle qui commence de choisir ses modeles parmi les peuplades indépendantes et sans culte, ou parmi les nations qui se sont rendues recommandables à la posterité par leurs vertus et leurs progrès en morale, en législation et en littérature. Je n'ignore pas que depuis le 18 brumaire la question est encore une fois résolue de fait par le rétablissement de la religion dont le culte est mis sous la protection immédiate et efficace du gouvernement, par le code de nos lois, appuyé sur l'autorité des peuples policés; mais on sait que les faits n'imposent point du tout aux philosophes, qu'il leur en coûte peu pour récuser l'expérience des siècles; et c'est pour cela qu'il est utile d'exposer sous tous les sens l'absurdité de leurs doctrines. S'ils parvenaient à prouver à la génération qui s'élève que ce qu'il y a de sage, de moral, de vraiment politique dans notre nouvelle législation, n'est qu'une affaire de condescendance pour les vieux préjugés, il arriverait de nouveau que les jeunes gens, loin de s'attacher à l'ordre établi

comme à une chose bonne et durable, trouveraient plus raisonnable et plus hardi d'attaquer ce qu'ils appelleraient des préjugés, pour parvenir enfin à une législation puisée dans la nature. Je l'avoue, je suis frappé de ce danger quand je vois tant d'écrivains s'accorder pour appuyer en théorie des maximes directement contraires aux lois et aux idées sous lesquelles nous devons vivre l'exemple du 18e. siècle nous a suffisamment révélé combien il est facile de persuader aux têtes légères que le beau idéal en politique n'est pas impossible à réaliser, et nous ne pouvons pas oublier que les principes que nous combattons aujourd'hui ont été approuvés, propagés pendant cinquante ans par la classe de la société qui avait tout à perdre à les voir s'établir; observation qui n'échappera point à l'histoire, et qui prouve jusqu'à quel point il est aisé de mettre l'esprit des hommes en contradiction avec leurs intérêts. Voyons donc sérieusement s'il est de l'intérêt des peuples de l'Europe de continuer à s'éclairer par le tableau de la vie, des mœurs, et par l'ignorance des sauvages.

Raynal nous assure que des peuples innombrables vivaient indépendans et sans culte; mais il y a ici mensonge dans l'assertion et dans l'expression: dans l'assertion, parce qu'il ne nous dit pas quels étaient ces peuples, qu'aucun voyageur digne de confiance ne nous présente rien de semblable, et qu'une chose aussi contraire à toutes les idées reçues ne peut être crue sur la seule parole d'un philosophe mensonge dans l'expression, parce qu'à une époque où l'on parlait continuellement de la majesté, de la souveraineté du peuple, ce mot rappelait naturellement l'idée d'une association formée et réglée. A la rigueur, peut-être est-il possible qu'il y ait quelques peuplades malheureuses et entièrement abruties qui vivent sans lois, sans

coutumes et sans culte ; mais il est d'une impossibilité absolue qu'il y ait jamais eu des peuples innombrables dans cette situation; et rien ne découvre davantage combien les philosophes sont ignorans sur la vraie nature de l'homme, que de les entendre affirmer qu'un peuple a pu se former, multiplier, prospérer sans lois et sans religion. L'homme n'est puissant, maitre de tout ce qui l'environne et de lui-même que par association; il ne peut former une association, une société. un peuple innombrable sans lois qui le privent d'une partie plus ou moins grande de l'indépendance dont il jouit dans les bois : quand l'histoire ne nous aurait pas convaincus de cette irrécusable vérité, elle n'en serait pas moins sensible pour tout esprit capable de réflexion certes, il fallait que les lecteurs auxquels s'adressait Raynal, fussent bien légers pour n'être pas choqués de la contradiction frappante qu'il y a entre peuple innombrable et indépendant et sans culte. Mais c'était positivement ce contraste qui séduisait les esprits plus la chose était impossible, et plus il était hardi de la présenter comme une vérité; plus elle était nouvelle, et plus elle avait droit d'être mise au nombre des découvertes; et comme toute découverte était alors regardée comme un bienfait pour l'humanité, on sent que des peuples innombrables sans gouvernement et sans culte, devaient exciter le plus vif enthousiasme chez les vieilles nations de l'Europe, et que Raynal ne pouvait manquer d'être proclamé grand moraliste par les heureux du siècle qui vivaient dans les boudoirs avec beaucoup d'indépendance, et peu de scrupule sur le culte.

Mais cet écrivain, qui affirme que le tableau de la vie et des mœurs des sauvages nous a fait faire des progrès dans la philosophie morale, s'est con

tenté de nous parler de peuples qui vivaient indépendans et sans culte, et ne nous a pas dit comment ils vivaient, chose si importante cependant que, même quand le fait serait aussi vrai qu'il est hasardé, faute de connaitre les détails, il n'en résulterait rien de positif pour notre instruction. Il y a dans ce silence une perfidie vraiment révoltante, et qu'il est nécessaire de dévoiler. Le but principal de Raynal et de tous ceux de son école, ainsi que rous le verrons lorsqu'il sera question des ouvrages d'Helvétius, était de persuader à leurs crédules et débauchés lecteurs que les crimes et les malheurs qui désolent la société, ne naissent point de nos passions, mais de la religion, de la législation et des institutions sociales: aussi les passions de ces sauvages, leurs besoins et leur imprévoyance, la haine, l'orgueil, la faim, la colère, l'absence de toute morale et de toute autorité ne les empêchaient pas, au dire des philosophes, de bien vivre entr'eux, de multiplier, de former des peuples innombrables: pourquoi ? c'est qu'ils n'avaient ni lois, ni chefs, ni religion. Ouvrir la carrière aux passions, renverser les lois et ceux qui sont chargés d'en assurer l'exécution, la religion et ceux qui doivent l'enseigner, la morale et les immortels écrivains qui la font chérir jusque dans sa sévérité, telle est la conclusion que la philosophie du dix-huitième siècle a tirée pour nous de tant d'épouvantables mensonges sur la prétendue perfection de l'état de nature. Si dans tout cela il n'y avait matière que pour une seule révolution, il faudrait en rire aujourd'hui, et se moquer des dupes qui ont gouverné et administré la France pendant la dernière moitié du siècle des lumières; mais comme il y a dans ces écrits de quoi désorganiser à jamais la société, ceux qui aiment l'ordre, ceux qui en ant besoin, doivent combattre des principes qui

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