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et le régulateur de presque tous les cabinets de l'Europe. Ce ministe n'a peut-être pas à lui en propre une seule idée politique : la tortueuse ignorance et la criminelle présomption avec lesquelles il précipite l'Angleterre et l'Europe sur les bords du précipice qui doit les engloutir, déposent invinciblement contre l'homme d'état, en même temps que les contradictions aussi révoltantes qu'innombrables auxquelles M. Pitt s'est abandonné en plein parlement depuis le commencement de cette guerre, démontrent non moins clairement que ce ministre n'a jamais eu de plan fixe, et s'est toujours subordonné aux événemens ; qu'il n'a jamais su un mois auparavant, non-seulement ce qu'il pourrait faire, mais même ce qu'il voudrait entreprendre; qu'il a espéré enfin trouver dans les incidens qu'une crise aussi violente que celle qui agitait la France devait nécessairement produire en Europe, les moyens de sortir avec quelque avantage de ce dédale où l'ignorance et la cupidité avaient renfermé le ministre anglais. C'est en effet à ce développement de circonstances que M. Pitt doit la facilité avec laquelle il a soulevé tous les États. Il a caché sa nullité sous le voile de la négociation. 'Ses envoyés, qui pour la plupart étaient ses maîtres dans cette seience, n'ont paru que ses disciples; et M. Pitt a recueilli seul, aux yeux de l'Europe, la gloire de terminer, entre les cours de Londres, de Vienne et de Pétersbourg, cette alliance à laquelle l'Europe doit ‣ tous les fléaux qui la désolent depuis trois années, mais à laquelle la République française et le roi de Prusse doivent l'alliance qui les unit.

M. Pitt a donné la véritable mesure de son incapacité, dans les entreprises qu'il a tentées contre toutes les parties des frontières de la France: il a été brigand à Lyon, incendiaire à Toulon, et bourreau à Quiberon; Autrichien à Valenciennes, et Anglais à Dunkerque; fédéraliste dans le Calvados et sur les rives de la Gironde; constitutionnel aux Tuileries et à Vienne; anarchiste en 93, modéré en 95, républicain et royaliste tour-à-tour dans la Vendée; catholique en Angleterre, et athée en France. M. Pitt, en un mot, a montré à l'univers ce que peut le génie du mal, secondé par celui de la richesse. Il a été l'Attila de la politique et le fléau du genre humain.

Telle est la conduite que M. Pitt a suivie depuis le premier jour de la révolution française. Il est coupable de la plus grande partie des crimes qui ont été commis; car il n'est aucun parti, il n'est aucune faction, dans lesquels M. Pitt n'ait cherché des agens et n'ait trouvé des complices. Hors d'état de combattre avec succès les armées, de la République, il réunit tous ses efforts pour la

déchirer au nom de cette paix qu'il lui offrait; et c'est la boîte de Pandore que le fils de Chatam avait remise au négociateur qu'il envoyait à Paris et à Lille.

M. Pitt se flatte d'aveugler jusqu'au dernier instant tous les partis, de les attaquer l'un par l'autre, et de provoquer, par tous les moyens possibles, les dissen ions civiles et l'anarchie en France aussi les secours de toute espèce ont-ils été prodigués constamment en Suisse par M. Wickham.

Mais, malgré tant de machiavélisme, tant d'agens, tant d'intrigues, tant de dilapidations, la jo rnée du 18 fructidor eut lieu; et la République française fut sauvée des dangers auxquels la conjuration de Pichegru la tenait exposée depuis deux ans.

SPECTACLES.

THEATRE DE LA RÉPUBLIQUE ET DES ARTS.

Le Pavillon du Calife, en deux actes, suivi d'un intermède, du Cercle, comédie, et du ballet-pantomime/ de Jason et Médée, au profit de Vestris.

N'offrez point à mes sens de mollesse accablés
Tous les parfums de Flore à la fois exhalés.

QUATRE pièces en une séance de six ou sept heures, c'est beaucoup pour un jour, et pour des Français; mais le spectacle était varié, et il a commencé par l'opéra qui a fait vivement desirer le reste. Si tout avait été bon, il y aurait eu véritablement satiété. En conséquence, on nous a donné un opéra detestable, qui a fait trouver l'intermède charmant, la comédie assez agréable, et le ballet trèsbeau. Ainsi la soirée, ou plutôt la nuit, a été partagée entre l'ennui et le plaisir; et il faut admirer, dans la distribution, le jugement de l'ordonnateur; car l'ennui est. venu le premier, il n'eût pas été supportable après le plaisir qu'il a mieux fait goûter.

Le sujet du Pavillon est tiré des Mille et Une Nuits. "Azem, gouverneur d'Alep, et sa fille Zobeïde, ont encouru la disgrace du calife Almanzor, abusé par de faux rapports. Zobeïde est partie pour tâcher de parvenir jusqu'au trône du souverain, afin de le désabuser. Pendant qu'elle est en route, Almanzor de son côté, déguisé en pêcheur,

Assez loin des murs de la ville,

Errait pour s'assurer si tout était tranquille.

Il entend des cris sur les bords du Tigre: un objet adorable était surpris par des brigands; c'était Zobeïde qu'il ne connaissait pas. Almanzor vole à son secours, tue le chef des bandits, fait fuir les autres, aime subitement, est aimé de même, et laisse aller sa maîtresse qui lui dit qu'elle se rend dans un asile offert à son malheur par l'amitié. La première chose qu'il fait le lendemain, c'est de l'envoyer chercher. Elle avait disparu avec son hôtesse, et voilà le calife au désespoir, comme de raison. Elle s'était rendue à Bagdad, accompagnée de Fatmé, son amie. Elles vont trouver Rustan, bostangi attaché au pavillon des fleurs, qui devient aussi amoureux de Zobeïde, et demande aux deux amies comment elles trouvent Rustan. Fatmé répond :

Qu'il est d'une humeur agréable,

Et vous? dit-il à Zobeïde.

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Rastan, ravi de joie, fait entendre à Zobeïde que de main il tombe a ses genoux. Elle en est alarmée.

FAT MÉ.

Laissons-le dire.

Il est chez lui dans ce moment.

Zobeïde veut prendre congé de Rustan. Il s'oppose à ce qu'elle sorte sans prendre congé de Rustan. Il s'oppose à ce qu'elle sorte sans prendre quelque rafraichissement. .. Non vraiment, souper est très-utile ;

Vous ne me refuserez pas.

Almanzor arrive dans ce pavillon avec le visir. Tous deux sont cachés sous des habits de pêcheurs. Il reconnaît la femme qu'il a sauvée, et ne se découvre point à Rustan; il feint même de le prendre pour le propriétaire du beau pavillon dont il a la garde. Rustan tout fier:

On me croit de ce lieu le riche possesseur,

Et cette erreur

Me fait honneur.

Quels vers, même pour des vers d'Opéra ! Almanzor Aui dit :

Vous avez là, seigneur, un palais magnifique. Oui, répond le bostangi;

Mais il faudrait qu'il fût mieux éclairé :

Alors c'est un coup d'oeil unique.

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Et il lui ordonne de l'aider à procurer ce coup d'œil à la belle inconnue, et d'allumer partout. Comme on va se mettre à table, le visir offre une coupe an calife. Rustan alarmé, leur apprend que c'est celle d'Almanzor :

Car nous sommes un peu chez lui;

Ce qui n'a pas peu fait rire l'assemblée. Le calife a le plaisir de voir qu'il est aimé, quoiqu'on le croye un simple pêcheur. On entend du bruit. L'amante d'Almanzor:

O Ciel poursuit-on Zobeïde?

C'est ainsi que le calife est instruit du nom de sa

maîtresse, ce qui est assurément très-ingénieux. Il se découvre, reconnaît qu'il a été trompé par la calomnie sur le compte d'Azam, rend son amitié à ce gouverneur, se marie à sa chère Zobeïde, et le chœur termine la pièce en criant :

Vive Almanzor et Zobeïde !

C'est un vœu qui ne s'accomplira pas. Quoique l'Opéra soit en possession de ne pas se soumettre aux décisions des spectateurs, et qu'il ait banni le mot chute de son dictionnaire, celle-ci a été si roide, qu'il est à croire qu'elle fera exception.

On aurait dû au moins annoncer que c'était un Opéra bouffon ou comique. Le bostangi Rustan est un vrai pantalon, et il y a d'ailleurs dans les autres rôles une quantité de traits et de mots qui ne seraient à leur place qu'aux Boulevards ou chez la Montansier. On les a sifflés impitoyablement. L'auteur de la musique, qu'on a trouvée assez médiocre, est M. Daleyrac, connu par une foule de pièces à l'Opéra-Comique. Son début sur un plus grand théâtre n'a pas été encourageant. On disait dans toute la salle :

Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier.

On a beaucoup applaudi Laïs, et.sur-tout mad. Branchu. Laforêt qui jouait Almanzor a été fort maltraité. On le trouve usé. Ses moyens le trahissaient à chaque instant. Les paroles ont plus d'un auteur. Ils n'ont pas imprimé leur nom, et l'on n'a pas été tenté de les demander. Ils sont d'autant moins excusables qu'ils pourraient mieux faire.

Ces vers ont de la douceur et de l'harmonie :

A l'espérance,

Zobeïde, ouvrez votre cœur;
Il est un terme à la souffrance:
Le premier rayon du bonheur,
C'est l'espérance.

Sans

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