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» vous n'aviez guère que quatre ans, pour vous achemi>>ner à la connaissance de Dieu et des lettres, je me mis » à penser quels auteurs anciens seraient plus idoines et » plus propres à votre estat, pour vous proposer à lire » quand vous seriez venu en âge d'y pouvoir prendre » quelque goust; et pour ce qu'il me semble qu'après les » Sainctes Lettres, la plus belle et la plus digne lecture » qu'on saurait présenter à un jeune prince, était les » Vies de Plutarque, je me mis à revoir ce que j'en avais » commencé à traduire en notre langue, par le comman» dement de feu grand roi François I., mon bien» faicteur, que Dieu absolve, et parachevai l'ouvrage >> entier dans votre service, il y a environ douze ou treize »ans. » Il résulte des dernières lignes de ce passage, qu'Amyot était connu de François I.; que ce prince était son bienfaiteur, et qu'ainsi l'anecdote des Ephémérides est inexacle.

La partie de cet ouvrage consacrée au récit de la révolution est la plus intéressante. Les auteurs entrent dans des détails sur les différentes crises de cette époque mémorable, et souvent indiquent les causes des principaux événemens. Leur impartialité, leur discernement se font sur-tout sentir dans ces discussions délicates; nous ne doutons pas que les renseignemens précieux qu'ils ont recueillis ne jettent un grand jour sur cette partie de notre histoire, et ne soient très-utiles à ceux qui voudront l'écrire. On sent que dans le récit des premières années de Ja révolution, il doit être souvent parlé de M. Necker.

Au moment où l'on vient d'apprendre la mort de cet homme dont la fortune, aussi brillante que bizarre, ent une influence si marquée sur le sort de la France, on sera peut-être curieux de se rappeler un instant le point d'où il partit, et quelle fut sa marche dans la route des honneurs. Les auteurs des Ephémérides n'ont pu marquer que

quelques époques de sa vie ; nous remplirons les lacunes qu'ils ont laissées dans l'histoire de ce ministre,

M. Necker était commis-écrivain d'un banquier de Genève, aux appointemens de 600 fr., lorsque M. Thélusson, banquier de Paris, sur le compte qui lui fut rendu de l'intelligence et de l'exactitude du génevois, l'appela dans ses bureaux, et lui donna un traitement plus considé rable. Il devint bientôt caissier de M. Thélusson: quelques opérations qu'il avait conseillées, et dont le succès surpassa ses espérances, le firent associer à cette maison. It avait apporté de Genève, où la réputation de J. J. Rousseau était dans son plus grand éclat, un goût très-vif pour les lettres; il s'y livrait en secret, et ses relations avec quelques académiciens admis chez le banquier, contribuérent à l'affermir dans ce penchant. L'Académie, en 1773, avait proposé l'éloge de Colbert; M. Necker, dont l'ambition commençait à se développer, avait fait une étude particulière des matières économiques; plus instruit que ses concurrens sur cette partie importante de son sujet, il remporta le prix.

Ce triomphe le fit connaître avantageusement ; la réunion, presque sans exemple, du talent littéraire avec, la science d'un financier, augmenta l'effet que son discours produisit, et fit regarder l'auteur comme un homme extraordinaire. Un nouveau règne ouvrit un champ plus, vaste à son ambition. Le marquis de Pezay, dont l'esprit était plus agréable que solide, était fort lié avec M. de Maurepas qui, dans sa vieillesse, avait presque autant de légéreté que son jeune ami. M. Necker s'était emparé de l'esprit du marquis par des promesses brillantes, et par une critique amère de l'administration de M. de Clugny, alors contrôleur-général, que M. de Maurepas n'aimait pas. Ce ministre étant mort, M. de Maurepas et M. de Pezay, qui avait une correspondance secrète avec Louis XVI

firent à ce prince tant d'éloges de leur protégé, qu'il fut nommé, quoique protestant, d'abord directeur du trésor royal, ensuite contrôleur-genéral. Son administration fut marquée par des innovations qui lui firent beaucoup d'ennemis; lorsqu'il fut renvoyé, il avait déjà tant de parti→ sans, qu'il y eut le même jour (23 mai 1781) un grand tumulte à la Comédie Française, où l'on représentait la Partie de Chasse : « L'engouement, disent les auteurs des » Ephémérides, était alors universel pour le banquier » génevois. »

Dans sa retraite, M. Necker ne négligeait aucun moyen de se faire rappeler; il composa son fameux livre de l'administration des finances; ouvrage, où, pour la première fois, le public fut mis dans la confidence des secrets de l'Etat. L'effet de ce livre ne peut aujourd'hui se calculer; chacun voulut raisonner sur les finances; il y eut autant de prétendus réformateurs que d'enthousiastes, dont les rêveries politiques avaient jusqu'alors manqué d'aliment.

Bientôt les malheurs publics forcèrent la cour à rappeler un homme qui jouissait de la faveur générale. Loin d'être éclairé par l'effet qu'avait produit son livre, M. Necker essaya de pratiquer la théorie qu'il avait développée. Il flatta les idées régnantes ; et croyant dominer les circons tances, lorsqu'il était entraîné par elles, il prépara la ruine du gouvernement dont il était le ministre. On sait les détails de sa seconde disgrace, et de son retour triomphant qui fut bientôt suivi des chagrins les plus amers. Une confiance exagérée en lui-même, trop de goût pour une popolarité dont il ignorait l'inconstance, la prétention insensée de gouverner un état par des phrases et des comptes rendus, causèrent les fautes de ce ministre. Jamais on ne sentit mieux que sous son ministère la justesse de cet axiôme de Senèque sur la rédaction des lois : lex jubeat, non suadeat. Les préambules pathétiques de

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Necker entraînaient des discussions dont rien ne pouvait prévenir les dangereux résultats. Dans ses longues apologies il s'efforce de prouver qu'il n'a eu aucune part aux malheurs de la révolution. On n'y voit que ses vaines prétentions et son impéritie. « Trop de gens, dit-il, dans » son livre intitulé: De la Révolution française; trop de » gens ont eu besoin de se servir de moi pour voiler leurs »fantes; et la foule des spectateurs, en me regardant de » la plaine, a dû me voir sans cesse autour d'un char qui » descendait, roulant avec vitesse du haut d'un mont » élevé; et elle a pu croire que je le poussais, que j'ac» célérais du moins son mouvement, tandis qu'au con

traire, je retenais les roues de toutes mes forces, et j'ap>> pellais continuellement au secours. Que l'on retienne » bien cette comparaison, etc. »

On pouvait demander à M. Necker à quel homme on devait reprocher l'imprudence d'avoir déchaîné ce char. Ses vains efforts pour le retenir excusent-ils cette première faute? Si l'on veut le suivre dans sa retraite, on le voit en butte aux invectives de tous les partis, sort inévitable de ceux qui entreprennent de grandes opérations politiques sans avoir assez de force pour les soutenir. Le célèbre historien Gibbon, son admirateur et son ami, peint dans une lettre, dont la date est d'avril 1792, les chagrins dont l'ancien ministre était consumé. « Assailli ́et » renversé par un épouvantable orage, dit l'auteur an» glais, il a perdu sa route dans l'épaisseur des tɩnèbres ; » il ne peut qu'être profondément affecté des fatales con» séquences d'une révolution à laquelle il a tant contribué.n Nous ne nous étendrons pas sur les dernières années de M. Necker; heureux s'il n'eût pas affaibli l'indulgence que l'on pouvait avoir pour ses premières erreurs, par un ouvrage d'autant moins excusable que l'auteur devait avoir une plus grande expérience!

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Nous avons suffisamment énoncé notre opinion sur les Ephémérides c'est le meilleur ouvrage qui ait été fait dans ce genre. Toutes les classes de lecteurs y trouveront une multitude de faits intéressans et curieux. Les auteurs ont mis dans le dernier volume une table de matières trèscommode pour ceux qui voudront faire des recherches dans ce recueil précieux de monumens littéraires et politiques. P.

Tables chronologiques de l'Histoire Ancienne et Moderne, jusqu'à la paix d'Amiens ; par A. Sérieys, etc. Première partie, deuxième édition, et seconde partie, première édition. Deux volumes in-12. Prix : 5 fr. 50 cent., et 7 fr. 50 cent. par la poste; la deuxième partie séparée, 2 fr. 50 cent., et 3 fr. 25 cent. par la poste. A Paris, chez Obré, libraire, quai des Augustios; et chez le Normant, imprimeur - libraire, rue des Prêtres Saint-Germainl'Auxerrois, n°. 42, en face du petit portail de l'Eglise.

J'AI rendu compte, dans ce journal (1), de la premiére édition de ces Tables chronologiques, et fait voir qu'elles contenaient des erreurs extrêmement graves. M. Sérieys a eu connaissance de mes observations, et voici comme il s'en explique dans la préface de la seconde édition : « Je m'occu>> pais des corrections pour la seconde édition des Tables » chronologiques, lorsque j'ai lu, dans les papiers, et » notamment dans le Mercure de France, des observations "importantes, dont j'ai profité en corrigeant ce qui n'a >> paru fautif. » Je n'eus pas plutôt lu cette phrase, que je cherchai bien vite les endroits où j'avais indiqué des correc

(1) Tom. 15, p. 154.

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