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tentèrent de forcer le blocus et d'entrer dans notre port. Le premier fut pris. Le danois vivement poursuivi, arriva heureusement sous une de nos batteries. Cependant comme on avait cru remarquer que ce même bâtiment avait communiqué avec les Anglais, on a craint que le mouvement hostile de ceux-ci à son égard ne fût qu'un jeu ; on a pris en conséquence les précautions commandées par la prudence, et avant de permettre à l'équipage de mettre pied à terre, on fera un sévère examen de chacun des individus dont il se compose.

CORPS LÉGISLATIF.

Séance des 2 et 3 germinal.

Rien n'étant à l'ordre du jour, le corps législatif s'est ajourné au lendemain. Le 3, le citoyen Marcorelle a proposé de consacrer par un monument la confection du Code civil, et de faire placer, à l'entrée de la session prochaine, le buste en marbre blanc du premier consul, dans l'enceinte des séances du corps législatif. Cette proposition, vivement appuyée, a été arrêtée d'une voix unanime. Le projet relatif à la conscription est sanctionné. Le conseiller d'état Fourcroy a lu un arrêté du gouvernement qui fixe à ce jour la clôture de la session du corps législatif pour l'an XII.

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PARIS.

1

Dans la séance du 2 de ce mois, le sénat a reçu, par l'organe du grand-juge, une communication de la correspondance originale que M. Drake, ministre du roi d'Angleterre près la cour électorale de Bavière, entretient depuis quatre mois avec des agens envoyés, payés, dirigés par lui au sein de la république. Cette correspondance consiste en dix lettres originales : elles sont toutes écrites de la main de Drake. A cette correspondance sont jointes les instructions que M. Drake est chargé de distribuer à ses agens, et l'état authentique des sommes payees et des sommes promises, pour récompenser et encourager des

crimes que les législations les plus indulgentes punissent partout du dernier supplice.

Si l'on ne considère que le titre dont il est revêtu, M.Drake est un homme public; mais, réellement, il n'est (ses instructions en font foi) que le directeur secret des machinations anglaises sur le continent. Son objet se trouve clairement exposé dans les dix-huit articles des instructions que l'Angleterre fournit à tous ses agens, et qui forment la première des pièces jointes au rapport du grand-juge au premier consul. Les articles 2, 7, 8, 9 et 13 de ces instructions sont remarquables. Les voici :

Art. 2. Le but principal du voyage étant le renversement du gouver nement actuel, un des moyens d'y parvenir est d'obtenir la connaissance des plans de l'ennemi. Pour cet effet, il est de la plus haute importance de commencer, avant tout, par établir des correspondances sûres dans les différens bureaux, pour avoir une connaissance exacte de tous les plans, soit pour l'extérieur, soit pour l'intérieur. La connaissance de ces plans fournira les meilleures armes pour les déjouer ; et le défaut de succès est un des moyens de discréditer absolument le gouverne ment; premier pas vers le but proposé, et le plus important.

7. On pourrait, de concert avec les associés, gagner les employés dans les fabriques de poudre, afin de les faire sauter quand l'occasion s'en présentera.

8. Il est sur-tout nécessaire de s'associer et dè s'assurer de la fidélité de quelques imprimeurs et graveurs, pour imprimer et faire tout ce dont l'association aura besoin.

9. Il serait à desirer que l'on connût au juste l'état des partis en France, sur-tout à Paris.

13. Il est entendu qu'on emploiera tous les moyens possibles pour desorganiser les armées, soit au dehors, soit au dedans.

« Ainsi, dit le grand-juge, corrompre les administra tions; établir des volcans partout où la république a des magasins de poudre; se procurer des imprimeurs, et des graveurs fidèles pour en faire des faussaires; pénétrer dans le sein de tous les partis pour les armer l'un contre l'autre; et enfin soulever et désorganiser les armées : tels sont les objets effectifs de la mission diplomatique de M. Drake en Bavière.

» Ma's heureusement le génie du mal n'est pas aussi puissant dans ses moyens, qu'il est fécond en illusions et en

projets sinistres...... Des hommes qui ne mettent de prix qu'à l'or, et qui n'ont d'habileté que pour de basses intrigues, ne sont pas capables de concevoir quelle est la consistance et le pouvoir d'un état de choses qui est le résultat de dix années de souffrances et de victoires, d'un grand concours d'événemens, et de la maturité d'une noble nation, formée par les dangers et les efforts d'une guerre glorieuse et d'une terrible révolution.

» Dans ce bel ensemble de puissances et de volontés, M. Drake ne voit que des occasions d'intrigue et des scènes d'espionnage. Pendant mon séjour en Italie, dit-il

ses correspondans (Munich, 27 janvier, n°. 7), j'ai eu des liaisons avec l'intérieur de la France. Il en doit être de même à présent, d'autant plus que je me trouve étre, dans ce moment, un des ministres anglais les moins éloignés de la frontière.

>> Tels sont ses titres pour travailler au bouleversement de la France. Ses moyens valent-ils mieux que ses titres ?

» Il a des agences auxquelles il 'n'ose se fier. Ses correspondans incertains lui écrivent par la Suisse, par Strasbourg, par Kehl, Offenbourg et Munich ; il a des subalternes dans ces villes, pour soigner la sûreté de sa correspondance. Il fait usage de faux passeports (n°. 835), de noms de convention, d'encre sympathique (n°. 1). Tels sont les moyens de communication par lesquels il transmet ses idées, ses projets, ses récompenses; et c'est par les mêmes voies qu'on l'informe des trames ourdies sous sa direction, pour soulever d'abord quatre départemens (n. 7), y formen une armée, la grossir de tous les mécontens, et renverser le gouvernement du premier consul.

» Sans doute ces tentatives et ces promesses sont insensées, et les vils et misérables moyens qu'on a mis en œuvre sont trop disproportionnés avec les difficultés de l'entre prise, pour qu'on doive concevoir la moindre inquiétude sur son succès : mais ce n'est pas toujours sur des motifs de crainte, et dans la vue de punir, qu'agit cette politique

intérieure et domestique à laquelle on a donné le nom de police, et dont l'objet capital n'est pas seulement de prévenir et de réprimer le crime, comme celui de la politique extérieure est d'enchaîner l'ambition, mais encore d'ôter au vice et à la faiblesse même, jusqu'aux occasions, jusqu'à la tentation de faillir.

» Dans les pays les mieux gouvernés, il y a des esprits capables d'être détournés de la ligne du devoir par une sorte de penchant naturel à l'inconstance. Dans la société la mieux organisée, il y a des hommes faibles et des hommes pervers. Il a toujours été reconnu par mes prédécesseurs, que c'était remplir un devoir d'humanité de veiller sur ces hommes, non dans la vaine espérance de les rendre bons, mais pour arrêter le développement de leurs vices. Et comme, à cet égard, toutes les nations policées ont le même intérêt à défendre et les mêmes devoirs à remplir, il a toujours été reçu en maxime générale, qu'aucun gouvernement ne devait souffrir qu'il s'élevât nulle part une bannière autour de laquelle les hommes corrompus de tous les pays et de toutes les professions pussent se rallier, s'entendre et comploter la désorganisation générale ; et dans cette vue, ils doivent moins encore souffrir qu'il s'établisse autour d'eux une école infâme de séduction et d'embauchage, qui éprouve la fidélité, la constance, et attaque à la fois les affections et la conscience des citoyens.

» M. Drake avait une agence à Paris. Mais d'autres ministres, instrumens de discorde et embaucheurs comme lui, peuvent aussi avoir des agences. M. Drake, dans sa correspondance, dévoile tous ceux qui existent en France par le soin même qu'il prend de nier qu'il les connaisse. Je répète, dit-il dans ses lettres ( n°. 4, 5, 6, 8 et g), que je n'ai aucune connaissance de l'existence d'aucune autre société que de la vôtre. Mais je vous répète, dit-il en plusieurs endroits, que s'il en existe, je ne doute nullement que vous et vos amis ne preniez toutes les mesures conve nables, non - seulement pour ne pas vous embarrasser

mais pour vous aider mutuellement. Et enfin il ajoute (Munich, 9 décembre 1803) avec une fureur grossière et digne du rôle qu'il joue: Il importe fort peu par qui l'animal soit terrassé; il suffit que vous soyez tous prêts à joindre la chasse. C'est par suite de ce système que, lors de la première manifestation du complot qui dans ce moment occupe la justice, il écrit: Si vous voyez les moyens 'de tirer d'embarras quelqu'un des associés de Georges, ne manquez pas d'en faire usage ( no. 9). Et comme dans les disgraces le génie du mal ne se décourage jamais, M. Drake ne veut pas que ses amis s'abandonnent dans ce revers inattendu. Je vous prie très-instamment, écrit-il ( Munich, 25 février 1804, n°. 9), de faire imprimer et adresser surle-champ une courte adresse à l'armée (officiers et soldats). Le point principal est de chercher à gagner des partisans dans l'armée; car je suis fermement dans l'opinion que c'est par l'armée seule qu'on peut raisonnablement espérer d'opérer le changement tant desiré.

Le grand-juge a terminé ainsi son rapport :

La vanité de cette espérance est aujourd'hui hautement caractérisée par la touchante unanimité des sentimens qui ont éclaté de toutes parts, au moment où l'on a su de quel danger la France avait été menacée.

Mais après la tentative d'un crime dont la méditation seule est une offense contre l'humanité, dont l'exécution eût été une calamité, non-seulement nationale, mais, si je puis le dire, européenne, il faut à la fois une réparation pour le passé et une garantie pour l'avenir.

Des brigands épars, isolés, en proie au besoin, sans concert, sans appui, sont partout plus faibles que la loi qui doit les punir, que la police qui doit les intimider. Mais s'il existait pour eux un moyen de s'unir; s'ils pouvaient correspondre entre eux et avec les brigands des autres pays; si, dans une profession la plus honorable de toutes, puisque la tranquillité des états et l'honneur des souverains en dépendent, il y avait des hommes autorisés à se servir de toutes les facultés que leur position leur donne, pour, recruter partout le vice, la corruption, l'infamie et la scélératesse, et faire de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus pervers dans le monde, une armée d'assassins, de révoltés, de faussaires aux ordres du plus immoral, du plus ambitieux de tous les gouvernemens, il n'existerait aucun motif de sécurité en Europe pour la consistance des états, pour la morale publique, et pour la durée même des principes de la civilisation.

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