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HISTORIQUE UNIVERSEL

POUR 1841.

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE DE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

Aperçu sur la situation du pays en général et la politique du ministère en particulier. Session législative. — Vote d'un crédit pour les réfugiés étrangers. Loi pour la fortification de Paris.

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L'attention universelle continuait à se porter uniquement, en quelque sorte, sur la question d'Orient, dont on altendait avec anxiété la solution. La session législative était ouverte. Pour faire triompher une politique nouvelle, un ministère nouveau était venu prendre la direction des affaires, et déjà il avait eu occasion, dans les débats de l'adresse, de développer les principes qui devaient présider à ses actes, comme il avait pu retirer de la discussion, ce Ann. hist. pour 1841.

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grave enseignement que si le pays était disposé à faire pour son repos quelques sacrifices, ces sacrifices n'iraient cependant jamais jusqu'à cette limite d'honneur qui doit toujours rester infranchissable. On se rappelle, en effet, avec quelle répulsion avaient été accueillies certaines expressions ultra-pacifiques du projet d'adresse. Et ceci paraît caractériser essentiellement la Chambre actuelle que, tout en acceptant le ministère du 29 octobre, tout en consentant à marcher avec son chef moral (M. Guizot), elle lui trace dès le commencement la ligne à suivre. Peut-être trouvera-t-on le secret de cette remarquable attitude des mandataires du pays, dans cette circonstance, que l'une des deux fractions composant la majorité, comprenait ces hommes plus jeunes, plus généreux, moins engagés dans les luttes anciennes, auxquels on pourrait donner le nom de conservateurs progressifs, et qui, par cela même, devaient se rencontrer avec les organes sérieux de l'opposition.

M. Guizot comprit, en s'y ralliant, la portée de ce fait parlementaire. Aussi, dans un des discours que le roi prononça à l'occasion de la solennité du premier jour de l'an, on put remarquer ces paroles significatives: « Nous avons l'espoir que cette longue carrière de paix que nous avons parcourue si honorablement ne sera point interrompue; mais qu'au contraire elle sera continuée sans que la patrie ait rien à regretter, ni dans son honneur, ni dans sa dignité. » (Réponse à M. Sauzet, président de la Chambre des députés.)

Ce fut encore pour obéir à ce devoir de sa situation, et pour donner satisfaction à une juste susceptibilité, que le ministre des affaires étrangères crut devoir démentir, du haut de la tribune, la prétendue promesse qu'à son avènement au trône, s'il en fallait croire une correspondance qui lui avait été attribuée (voy. Evènements divers), le fondateur de la dynastie régnante aurait faite au gouverne

ment anglais d'abandonner une terre que la dignité et les intérêts de la France commandent de conserver.

En même temps, M. Guizot proclame qu'il reprend, pour en hâter l'exécution, l'une des mesures extraordinaires adoptées par le 1er mars, la fortification de Paris; mais il est évident que dans la pensée du ministère cette mesure doit atteindre un but tout différent et, d'offensive qu'elle eût été, devenir uniquement défensive, servant ainsi de base à une politique nouvelle, la politique de la paix armée, et permettant au pays de rester dans un isolement honorable.

Donc, jusqu'au moment où un dernier traité (13 juillet) devra faire cesser cette situation, le ministère n'agit pas, il est vrai; mais il s'étudie à ne rien faire qui puisse heurter l'orgueil national; ce dont il lui faut tenir compte, si l'on considère dans quelles conjonctures délicates il a pris le pouvoir.

A l'intérieur, le cabinet s'attache à rendre son administration essentiellement pratique, à user de nos institutions (comme il le dit lui-même) par exemple, en faisant rigoureusement exécuter les lois de septembre. Puis, il fait passer insensiblement dans les veines du pays, un calme qui, actuellement du moins, doit favoriser l'élaboration des nombreuses questions législatives qu'il s'agit encore de résoudre.

Tel se présente, au commencement de cette année, l'aspect du pays, du ministère et des Chambres.

Cependant les travaux parlementaires se poursuivent; déjà plusieurs projets de loi sont soumis à l'examen des commissions et vont être discutés.

L'assemblée du

Chambre des pairs. - 4 et 5 janvier. Luxembourg fut appelée d'abord à sanctionner par son vote l'allocation du crédit de 700,000 fr. pour secours aux rẻfugiés étrangers, partant, à apprécier la première, sous une

de ses faces, la conduite du cabinet dans ses relations avec le dehors, avec l'Espagne en particulier.

M. de Noailles entama le débat en pesant de toute sa parole sur le double danger qui résultait pour la France du voisinage d'un pays entraîné dans une voie révolutionnaire et anarchique, et de la prépondérance de l'Angleterre chaque jour croissant en Espagne, alors que la nôtre allait visiblement en dépérissant.

M. Guizot répondit, et la Chambre put croire que la pensée tout entière du gouvernement se trouvait dans les paroles du ministre, et qu'elles réfutaient suffisamment les observations de M. de Noailles : « Si le gouvernement de la reine Isabelle était menacé dans son existence; si la cause que la France a soutenue en même temps que l'Espagne la soutenait, si cette cause était menacée, le gouvernement verrait ce qu'il aurait à faire, et il ne déserterait pas la politique qu'il a suivie jusqu'à présent. Mais pour ce qui regarde les luttes de partis, de cabinets, l'administration intérieure d'Espagne, le gouvernement du roi... continuera à ne pas se mêler des querelles de partis, de cabinets; à laisser à l'administration intérieure de l'Espagne toute la liberté à laquelle elle a droit. »

Rien n'était plus juste, assurément: après avoir laissé l'Espagne défendre sa révolution, il était politique, et de loyale politique, de lui en laisser suivre toutes les phases; «<le gouvernement actuel de l'Espagne étant, ajoutait M. Guizot, plutôt le gouvernement de droit que de fait, puisqu'il laissait intacts les intérêts de la reine Isabelle. >>

Le ministre des affaires étrangères niait ensuite l'autre conclusion du précédent orateur, à savoir, que la France eût perdu de son influence en Espagne: on n'est pas sans influence quand on offre un asile à tant de réfugiés, et de même des têtes couronnés; la France n'est pas non plus sans influence alors que l'Espagne se demande sans cesse ce que l'on dira, ce que l'on pensera en France.

Al'appui des craintes manifestées par M. de Noailles, M. de Brézé évoqua le fantôme de l'avenir; il tenait pour certain que si le gouvernement se contentait de laisser les évènements d'Espagne suivre leur cours, verrait régler sans lui comme en Orient, des intérêts qui touchent de beaucoup plus près la France.

A cela près qu'il eût voulu que l'amnistie récemment publiée en Espagne eût été plus complète, M. de Fezensac, en lui donnant quelques conseils à ce sujet, approuvait la politique du ministère français.

M. de Montalembert saisissait mieux les difficultés sérieuses lorsqu'il s'inquiétait de l'esprit qui devait animer les Provinces-Basques, de l'irritation qu'y devait répandre la violation des stipulations du traité de Bergara. La France, ajoutait l'orateur, a payé assez cher le droit d'adresser à l'Espagne des avertissements sur les malheurs qui doivent suivre nécessairement un si déplorable système.

Une observation, ou plutôt une rectification incidente, de M. de Brézé amena la clôture de la discussion générale. On avait prétendu que le changement introduit dans l'ordre. de succession par Ferdinand II n'avait donné lieu à aucune protestation. Or, l'ambassadeur (M. de Saint-Priest) avait protesté, sans être appuyé, répondit M. de Fezensac; et de plus, continua M. de Brézé, le duc d'Orléans, aujourd'hui roi des Français, avait demandé au roi Charles X et obtenu de protester en son nom privé.

M. Guizot releva plus explicitement le fait avancé par le préopinant. Le duc d'Orléans n'avait pas eu besoin de protester parce qu'il n'avait aucun intérêt à le faire, ses ancêtres ayant renoncé au trône d'Espagne.

3 boules noires sur 105 votants rejetèrent seules le crédit.

A la Chambre des députés (8 mai), M. de Larcy s'éleva surtout contre la disposition du projet de loi en vertu de laquelle, à partir du 1er juin, sauf un secours temporaire

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