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M. Dupin qui résuma leur commune pensée par un de ces mots qui lui sont particuliers et qui se gravent dans les mémoires : « La loi actuelle n'a pas pu tout prévoir, parer à tout... aux mille contestations qui surviennent durant l'ordre ou qui s'y rattachent; à la disposition qui porte qu'en cette matière le recours en cassation n'est pas suspensif... Voilà un acquéreur devenu tel à la barre, et il ne sait pas encore s'il y a des hypothèques légales... il les faut chercher;... « et c'est dans cette situation que vous croyez l'âge d'or arrivé! »

Et comme l'un des arguments des partisans de l'article portait sur ce que la clause deviendrait de style; qu'elle ferait tomber en désuétude la procédure ordinaire : « Le grand >> mal! répondait l'honorable procureur général; il semble » que la Chambre, que le pays aient intérêt à ce qu'il y ait, » dans tous les cas, expropriation forcée ; que ce soit une » chose utile, désirable. Il semble qu'on portera dommage » à l'ordre public, si, par un moyen quelconque, on em» pêche qu'il y ait une expropriation... » Puis on permet, chose singulière et contradictoire, les ventes à réméré que M. Corne appelait également le fléau des petits cultivateurs.

On fit valoir en faveur de la voie parée, outre ces raisons générales, d'autres plus spéciales. On facilitera les emprunts, dont l'agriculture a tant besoin; on donnera plus d'activité au crédit immobilier (M. Corne); on favorisera lé débiteur dont on rendra facilement réalisable le gage le plus sûr, sans que pour cela la propriété coure le danger de devenir trop mobile: en effet, en raison même de ce qu'il se verra menacé d'une vente immédiate, le débiteur se mettra plus tôt en mesure. Mais les tiers, les créanciers? S'ils sont hypothécaires, ils pourront surenchérir; s'ils sont chirographaires, ils seront tout simplement dans la situation où les placerait une vente volontaire; la clause parée n'est pas autre chose. (M. Chégaray.)

Ce fut précisément cette espèce de mobilisation que donnerait à l'hypothèque la vente volontaire, permise dans le

contrat constitutif de la créance, que redoutait M. de Golbéry: «L'hypothèque, disait-il, deviendra presqu'un simple effet de commerce. » Et quant à la surenchère laissée ouverte aux créanciers, le ministre des travaux publics ne la trouvait pas facilement accessible à tout le monde, et d'abord aux mineurs, aux interdits; il faudrait donner caution, avoir son capital tout prêt. Puis, avec M. Debelleyme, M. Teste voyait les inconvénients qui se présenteraient en foule s'il y avait des prêts successifs, et conséquemment des autorisations successives de vendre en cas de non-paiement. A qui serait donnée la préférence? Où se ferait la vente? Quel sera, ajoutait à son tour le président du tribunal de Paris, quel sera, dans ce cas, le notaire vendeur? Il faudra nécessairement une décision judiciaire. Et s'il y a des mineurs, des interdits, en un mot des incapables, ira-t-on les envoyer peut-être à 200 lieues? Enfin, comment s'entendre sur les clauses du cahier des charges, sur les honoraires? Sans cesse il faudra revenir devant le juge,

Ces objections tirées de la pratique, celle surtout que firent valoir MM. de Golbéry, Renouard, et le ministre des travaux publics, à savoir que la loi actuelle ne serait plus exécutée; qu'elle deviendrait l'exception, et la clause la règle; ces objections entraînèrent, sans nul doute, la conviction de la Chambre. En effet, après le rejet de la proposition de M. Garnon, les épreuves ordinaires donnèrent la majorité à la disposition combinée du gouvernement et de la commission désormais la clause de voie parée, permise et usitée depuis trente ans, devenue d'un usage presque général dans plusieurs localités, sera interdite aux conventions privées. En cas de non-paiement, le seul recours ouvert au créancier, la seule perspective du débiteur qui ne pourra se libérer, sera l'expropriation forcée. L'avenir dira si cette disposition n'ira pas contre le but qu'elle se propose d'atteindre.

La loi dans son ensemble fut adoptée à une majorité imposante : 31 voix sur 257 protestèrent seules contre l'adoption.

Chambre des pairs, 16 mars. A cette séance revenait le projet de loi relatif aux ventes judiciaires, légèrement amendé par la Chambre élective, et qu'à son tour la commission dont M. Persil était le rapporteur modifiait également quelque peu. On se rappelle par exemple que l'art. 681 pourvoit à la possession des immeubles saisis et à la vente des fruits pendant par racines dans le cas où les biens ne seraient pas loués; la commission et le gouvernement, d'accord sur le choix de l'autorité qui serait chargée de ce double soin, se séparaient alors qu'il s'agissait de déterminer la forme. D'après le projet, le magistrat placé à la tête du tribunal statuerait dans la forme des ordonnances de référé ; la commission, au contraire, pensait qu'une ordonnance sur simple requête suffirait.

Ce serait, objectait contre ce dernier système M. Martin du Nord, ce serait dépouiller le débiteur sans l'entendre. Puis, la voie parée n'a jamais été attachée aux ordonnances sur requête, et il serait par trop insolite de leur faire produire cet effet. Le saisi ne manquerait jamais d'incidents sur l'exécution, et force serait de revenir au président, c'est-à-dire à un référé : autant valait commencer par là.

Selon la commission (et par l'organe de M. Persil) le 3 paragraphe de l'article avait précisément en vue de prévenir le dernier des inconvénients signalés par le garde-dessceaux, puisque ce paragraphe portait que l'ordonnance du président relative à la nomination du séquestre ou à la coupe des fruits ne serait pas susceptible d'opposition, qu'elle serait • exécutoire nonobstant appel. » On craint encore, ajoutait M. le rapporteur, que l'on ne dépouille sans l'entendre le saisi; mais par cela même qu'il y a saisie, les fruits ne lui appartiennent plus.

Le garde-des-sceaux répliqua: il était frappé des difficultés que ferait naître une ordonnance qui ne serait point contradictoire; et. Persil, de l'économie de formes, de frais, qui serait le résultat de l'adoption des vues de la commission.

La Chambre fut de l'avis du gouvernement; elle n'accueillit point l'ordonnance sur requête.

Art. 684. On sait que le Code de Procédure portait que les baux qui n'auraient pas date certaine avant le commandement pourraient être annulés sur la demande des créanciers et de l'adjudicataire. Le projet introduisait un système absolument opposé, il disposait que cette catégorie de baux seraient annulés; et enfin la commission du Luxembourg rétablissait l'ancien texte.

Le garde-des-sceaux défendit le projet, et M. LaplagneBarris la rédaction de la commission, tous deux par les raisons que nous avons exposées ailleurs (Voy. ci-dessus et Ann. 1840). Et ce fut la commission qui triompha. C'était donc un amendement considérable à représenter devant l'autre Chambre.

7 Mars. L'ensemble du projet fut adopté, sans autres changements, par 125 boules blanches contre 3 boules noires.

Chambre des députés, 29 avril.-On adopta à cette séance le projet de loi relatif aux ventes judiciaires, soumis une seconde fois aux délibérations de la Chambre avec les amendements introduits par la pairie, sur les art. 681, 684, 692, 710, 717 § 2, 838, 956 et 988. A cette occasion, M. Pascalis, rapporteur du projet de la commission, rappela avec raison au gouvernement que, pour la parfaite concordance des dispositions du Code de Procédure en matière d'aliénation publique, il était nécessaire de présenter une loi sur les formalités relatives à la vente des rentes constituées.

Le projet de loi relatif à l'expropriation pour cause d'utilité publique, que nous plaçons à la suite de l'expropriation privée, revenait de la Chambre des pairs à celle des députés.

1er Mars. Une discussion générale sur une matière déjà si longuement débattue, paraissait devoir être surabondante, aussi bien fut-elle close après quelques obser

vations, fort sensées d'ailleurs, de M. Renouard, et portant en particulier sur deux points capitaux: la prise de possession provisoire, rejetée par la Chambre des pairs (voir l'Annuaire de 1840), et les procès auxquels donne lieu l'expropriation. Quant à la prise de possession, la Chambre des pairs ne s'en était-elle point exagéré le danger pour la propriété; et celle des députés, les avantages qui en résulteraient? Le milieu ne serait-il pas ici la vérité? et pour les procès, il suffirait sans doute, sinon pour en tarir la source, au moins pour en diminuer le nombre, d'introduire dans la loi de 1833 quelques changements qui fissent disparaître les obscurités dont l'esprit de chicane avait pu jusqu'à ce jour s'emparer.

La Chambre ayant clos la discussion générale, M. Renouard parla encore sur l'ordre du débat des articles; il proposa, pour arriver à une bonne modification, de reprendre en entier la loi de 1833, sauf à y introduire les modifications que la majorité jugerait convenables. Le rapporteur de la commission (M. Dufaure) et le garde-des-sceaux appuyèrent cette proposition, qui fut, en effet, adoptée, nonobstant les objections présentées par MM. Persil et Tesnières, qui argumentaient de la révision de telles ou telles dispositions du Code de Commerce, du Code de Procédure, et pour laquelle on avait procédé autrement. Mais ces orateurs auraient dû considérer qu'il ne s'agissait alors, par exemple pour le projet relatif aux lettres de change, que de modifications partielles ou isolées apportées au Code, dans son ensemble.

On admit, sans le débattre, l'article 1er, qui dispose que l'expropriation pour cause d'utilité publique s'opère par autorité de justice. Même résultat pour l'article 2, à cela près que M. de la Plesse présenta, sans qu'il fût appuyé, un amendement ayant pour objet de faire prendre pour point de départ, s'il s'agissait de travaux intéressant une commune, non plus la valeur cadastrale, mais le chiffre de la

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