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revenus dont l'emploi serait plus utile au pays s'il était appliqué à la marine; enfin sur l'état pénible, au point de vue matériel comme au point de vue politique, de la Sicile : toutes questions importantes auxquelles l'avenir peut donner une solution heureuse et pacifique.

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CHAPITRE VI.

ESPAGNE.-État des choses et des esprits depuis les évènements de sep tembre. Conduite du gouvernement central. - Résistances locales. Élections municipales. - Mesures d'utilité publique. - L'agriculture. -Les haras. La marine. - Les finances. - Contributions extraordiAffaire du Douro. — Démêlés avec la cour de Rome. Conclu

naires. sions.

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L'histoire de la Péninsule offre une preuve bien remarquable de la marche irrésistible des idées de liberté et de civilisation. Quelques mois à peine se sont écoulés depuis le grand évènement de septembre 1840, et déjà l'ordre sinon le calme, renaît; l'ère constitutionnelle du pays rentre dans les phases qu'elle doit parcourir, non, il est vrai, sans protestation, sans résistance, mais victorieusement et avec persévérance. Si, par exemple, les provinces naguère dissidentes témoignent leurs regrets ou leur mauvais vouloir, soit en refusant, comme le firent Bilbao, Guipuscoa (avril), de conférer avec l'autorité centrale pour une plus exacte définition de leurs droits respectifs; si elles poussent plus loin cette espèce de révolte en ne laissant pas s'installer le corrégidor représentant de l'administration, celle-ci vient cependant bientôt à bout de ces mutineries locales, grâce à cette force inhérente à tout pouvoir établi; si, d'autre part, les partisans de l'ex-régente manifestent tout haut leurs sympathies, s'ils publient avec affectation la réponse de Christine (30 nov. 1840), de son côté, la régence ne craint plus de remercier publiquement, comme le fit à une revue (23 jan

vier) le duc de la Victoire, les auteurs de la dernière révolution. On vit en effet alors le général Espartero, après avoir commandé le silence, s'avancer vers la compagnie du 2e bataillon de la milice nationale, qui, le 2 septembre, avait fait feu sur le capitaine-général de Madrid, pour féliciter ce corps d'avoir donné ce jour-là une preuve de son civisme. « Vive la seconde compagnie de chasseurs! » s'écria le régent. Il suffit d'un trait de cette nature pour peindre les hommes et les temps!

Puis on adoptait, fort légitimement d'ailleurs, contre un autre ennemi, dont les forces pouvaient encore être vivaces, des mesures, rigoureuses sans doute, mais encore nécessaires. La réapparition de quelques bandes de Carlistes sur plusieurs points de la Catalogne, donna lieu au gouvernement de remettre en vigueur les dispositions d'un bando du duc de la Victoire, en date à Mauresa, du mois de juillet dernier, aux termes duquel il était enjoint aux généraux de division de faire fusiller, après un jugement militaire, les voleurs ou factieux pris les armes à la main; les magistrats qui ne donneraient pas avis de l'apparition de ces dangereux ennemis seraient décimés, les uns fusillés, les autres condamnés aux présides ou à payer une amende de 20,000 réaux et au-delà. Cependant les Carlistes qui rentraient dans le devoir continuaient à jouir du bénéfice de la dernière amnistie, et même étaient assez bien accueillis par leurs compatriotes. Dans l'intervalle, l'autorité centrale accomplissait sérieusement ses fonctions; à tous les degrés de la hiérarchie le régime légal s'asséyait avec assez de solennité.

«Habitants de Madrid, disait le premier alcade constitutionnel (Juan Lasanna, 1er janvier 1841), les conseillers municipaux que vous avez élus librement et exclusivement, en exerçant le droit que la constitution vous confère et dont on avait tenté de vous dépouiller, viennent de prendre possession de leurs charges. Vos conseillers, s'identifiant avec les

désirs et les sentiments de la commune à laquelle ils appartiennent, prouveront... » etc. Venaient ensuite les protes tations habituelles... Mais n'était-ce pas un curieux spectacle que celui de l'Espagne de Philippe II, de l'inquisition, entendant parler de liberté, d'élection et de municipalité? Il est vrai que l'on trouvait parfois dans ce nouveau langage l'emphase naturelle à tout ce qui s'écarte de l'ancien état de choses, à tout ce qui s'appuie sur des principes devenus sacrés et aussi sur la bizarrerie du caractère national. A Vittoria, la municipalité nouvellement élue prêta serment dans l'église de San Miguel sur la place appelée el Machete Vittoriano. L'aspect de cette place a quelque chose d'effrayant: A droite, la municipalité; à gauche, la prison; dans une niche est placé l'énorme glaive appelé el Machete Vittoriano...; plus loin on aperçoit la maison de l'homme que ses tristes fonctions appellent à manier le fatal instrument. C'est devant ces témoins de la justice locale que les représentants de la cité furent invités à jurer, de fidèlement remplir les devoirs qui leur étaient imposés.

« Vous jurez, disait la formule, devant Dieu, notre Seigneur, et la Vierge Marie, sa mère, par les saints Évangiles et le Machete Vittoriano, que vous avez touché de la main, qu'en qualité de procureur-général de cette ville et de sa juridiction, vous défendrez bien et fidèlement tous les droits, franchises, exemptions et libertés qui appartiennent à cette cité.

« Si vous ne le faites point, que Dieu vous en demande compte, et que vous ayez la tête coupée avec un glaive de fer et d'acier, tel que le Machete Vittoriano.... »

Un peuple chez lequel se rencontrent encore de telles habitudes locales, est-il bien mûr pour les abstractions constitutionnelles et le despotisme de la centralisation? Non, sans doute,du moins par les mœurs; mais celles-ci, l'histoire nous l'apprend, peuvent être à la fin modifiées par les lois.

La régence provisoire arrêta, au commencement de l'an

née (7 février), précisément une mesure de ce genre, une de ces mesures qui prennent corps dans les idées des peuples. Mettant en application les dispositions d'une loi du 6 novembre 1837, elle décida que l'église de Saint-Françoisle-Grand serait érigée en Panthéon national; qu'on y déposerait, en conséquence, les restes mortels de tous les Espagnols illustrés par leurs vertus, leurs talents et les services qu'ils auraient rendus à leur patric.

<< L'académie historique, ajoutait le décret, aura soin de cet établissement, sous le contrôle du ministère de l'intérieur et proposera au gouvernement les Espagnols dignes d'être ensevelis au Panthéon. »>

Le gouvernement, ou mieux celui qui le dirigeait de fait, Espartero, ne se bornait pas à former les Espagnols au régime mixte du pouvoir constitutionnel, soit. en contenant les résistances, soit en donnant aux institutions nouvelles toute la solennité qu'elles comportaient, il continua, de plus, comme il l'avait fait dès son arrivée aux affaires, de témoigner de son respect pour les lois et de sa ferme résolution de s'opposer à tout ce qui, à ses yeux, portait un caractère extrême. Tel est le sens d'une circulaire adressée le 14 février, par le ministre de l'intérieur, aux chefs politiques (préfets), au sujet des sociétés patriotiques. L'ordre de les dissoudre était donné à ces fonctionnaires, dans ce document administratif. « Cette mesure, disait l'organe du gouvernement, est indispensable au maintien de l'ordre public que la régence prétend faire respecter à tout prix. »

Pour rendre justice à l'administration provisoire, qui tenait ainsi avec fermeté les rênes d'un pouvoir de sa nature fort agité, nous placerons à la suite du compte-rendu des efforts moraux qu'elle faisait pour le bien du pays, ses créations d'utilité publique.

Dès le mois de janvier, le directeur général des ponts et chaussées recevait l'ordre de faire procéder aux travaux

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