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favorable à laquelle prétend arriver la nation à laquelle elle dispute le sceptre de l'Asie.

En ce qui touche la Chine, les armes anglaises n'obtiennent guère jusqu'à ce jour que des succès négatifs: à un combat, à une victoire succède une apparence de traité, et soudain tout est rompu, tout est à recommencer. Ajoutez l'insalubrité du climat, les maladies, et l'on comprendra que si l'Angleterre parvient à dompter ce peuple, ce ne sera pas sans une large consommation d'hommes et d'argent.

Aux succès des Anglais, aux prises des villes et points fortifiés, l'empereur répond en destituant, en châtiant les ministres qui ont osé traiter avec les barbares, ou ne pas lutter avec succès contre eux. Ces deux ordres de faits marchent parallèlement pendant qu'ils s'emparaient de Chusan (6 janvier), qu'ils faisaient tomber les forts du Bogue (30 avril), qu'ils faisaient capituler Canton (23-27 mai), qu'ils faisaient tomber les remparts d'Amoy (26-27 août), enfin qu'ils prenaient d'autres places telles que Yuyao et Tsikee (27-31 décembre), les officiers anglais coupaient ces expéditions par les haltes nécessaires dans ce climat inconstant, ou par des négociations qui retombaient presque toujours sur la tête des mandarins qui osaient ne pas faire accepter les lois du céleste empereur: témoin le ministre Lin, témoin encore le dernier envoyé de l'empereur, Ke-Shen, qui avait traité avec le commandant Elliot. « Ke-Shen, dit l'édit impérial (juillet), sera livré au conseil impérial.... J'ordonne, en outre, qu'après avoir été dégradé de sa dignité de ministre d'État, Ke-Shen soit gardé en prison jusqu'à l'automne, époque à laquelle il sera décapité, conformément à la sentence; respectez ceci. »

Toutefois le gouvernement anglais se ménage toujours une issue, en supposant habilement que l'empereur négociera lorsque sa religion cessera d'être surprise par des subalternes coupables. Mais ce moyen lui-même n'a pas encore

Ann. hist. pour 1844,

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produit jusqu'ici les résultats qu'on en attendait. (Discours d'ouverture, août.)

Dans l'Inde on est de beaucoup moins heureux : le succès de l'expédition du Caboul (Voy. Annuaire 1840) a fait place cette année à bien des revers: les troupes anglaises ont, il est vrai, occupé les points fortifiés du pays; mais on s'est affaibli en se divisant, en se portant sur des endroits divers et longuement espacés. On avait de moins d'ailleurs que les indigènes, la connaissance des lieux, que les Afghans possédent parfaitement. Entre le roi détrôné (Dost Mohammed) et le roi de création anglaise shah Shoudja, la lutte ne tarda pas à s'établir; c'est-à-dire qu'elle recommença avec les Anglais qui devaient soutenir le roi qu'ils avaient fait. C'est aux environs de Caboul que se déclarèrent les hostilités : les forces anglaises étaient réparties, moitié dans la citadelle (Bala Hirar) et moitié dans un camp fortifié, à six milles de distance; le 21 novembre 1841, les Afghans, qui la veille avaient vainement tenté d'inonder le camp, se portent au nombre de dix mille sur les hauteurs qui avoisinent la citadelle. Les assiégés font une sortie; une horrible mêlée s'engage; de part et d'autre, perte considérable d'hommes; le combat se prolonge ainsi durant plusieurs jours et sur d'autres points; enfin, le manque de vivres pousse les Anglais de la citadelle à parlementer. Mais l'ennemi y met une condition désespérante: il faut que les Anglais évacuent le pays. Viennent des scènes de barbarie effroyable; le 25 décembre, sir William Mac-Naghten s'étant rendu avec quelques autres au camp des insurgés pour poser les bases d'une capitulation, l'infortuné parlementaire fut traitreusement tué d'un coup de pistolet; un des officiers qui l'accompagnaient, (le capitaine Trevor) ayant voulu venger ce guet-à-pens, éprouva aussitôt le même sort. Enfin, la retraite des troupes anglaises se fit le 5 janvier. En vertu du traité conclu à cet effet entre le major Pottinger et Akbar-Khan, fils de Dost Mo

hammed, auquel il était venu se joindre, en vertu de ce traité, disons-nous, il semblait que la retraite dût s'effectuer sans danger; mais il en arriva autrement au sortir des retranchements, les Anglais furent attaqués par les Afghans, c'est en vain que les premiers tentèrent de pousser au-delà du Courd-Caboul (à quelques milles de Caboul), leurs chefs, le général Elphinstone et le colonel Shelton, ayant été faits prisonniers, le reste se débanda, et tous tombèrent, un à un, au pouvoir d'un ennemi qui ne leur faisait aucun quartier. Ce fut une autre retraite de Russie; à peine resta-t-il trois cents hommes, (aujourd'hui prisonniers des Afghans) d'une armée de quinze mille hommes au moins.

Après des résultats aussi désastreux, c'est à peine si l'on se sent le courage de mentionner les progrès du commerce anglais dans d'autres parages. On sait avec quelle persévérance il poursuit ses avantages dans l'Amérique du sud (voir cet article); et quelque jour nous aurons à mesurer l'espace que la politique anglaise y aura parcouru sous les yeux insouciants ou impuissants de peuples qui pourraient au moins tenter de lutter avec elle. Enfin, nous ne dirons rien qu'on ne sache déjà en ajoutant qu'elle n'est pas moins vigilante en Europe, essayant de faire graviter dans le cercle d'activité qu'elle parcourt, l'Espagne ainsi qu'elle a déjà fait pour le Portugal; mais nous avons dit les obstacles qu'elle rencontre dans le premier de ces deux pays.

Enfin, il nous reste, pour terminer ce chapitre de sa politique extérieure, à faire mention du traité de commerce avec les villes anséatiques, Lubeck, Brême et Hambourg (3 août). Ce traité, ratifié le 28 août, complète la convention de même nature conclue le 29 septembre 1835.

CHAPITRE XI.

Affaires intérieures. Simple aperçu.-Budget de la marine.— Budget de la guerre. Débat à ce sujet dans les communes. - Chapitres réunis du budget et présentation.-Déficit.-Nouveau plan du ministère. -Discours prononcé à cette occasion: M. Goulburn, M. Hume, lord Russell, lord Sandon sir Robert Peel. — Proposition Morpeth. — Objet de cette proposition.-Rejet.-Les céréales. — Motion Russell. - Contreproposition de lord Sandon. -Nouveaux débats: le chancelier. - Sir Robert-Peel.-Lord Palmerston.-Lord Russell.-Adoption de la proposition Sandon. --Importance de ce vote.-Résumé. — Motion de non confiance présentée par sir Robert Peel.-Adoption.-Prorogation et dissolution du parlement. - Élections nouvelles. Le parti tory l'emporte.— Ouverture du nouveau parlement par commission. - Discours prononcé à cette occasion.-Adresse de non confiance.-Démission du ministère whig. Formation d'un cabinet tory.-Nouvelles prorogations du parlement.

Les affaires intérieures furent plus nettement débattues et plus vigoureusement suivies dans le parlement que ne l'avaient été celles du dehors. Elles eurent aussi un résultat plus décisif, puisqu'elles amenèrent un changement d'administration et, partant, un changement de politique. Nous allons exposer succinctement les opérations de cette campagne parlementaire.

Nous devons néanmoins faire connaître d'abord les actes législatifs ou les motions secondaires qui précédèrent ou accompagnèrent cette importante péripétie. Le budget de la marine avait été présenté le 1er mars par M. O. Ferrall. L'année précédente le chiffre des bâtiments en service avait été de 239; en 1841 (1er janvier) on en trouvait 242. Ce n'était donc qu'une augmentation de 3 bâtiments, mais la dépense s'était accrue dans une plus forte proportion. Il avait failu compléter les cadres et accorder des rétributions plus con

sidérables. Le gouvernement demandait, au lieu de 37,165 hommes pour la marine, 43,000; ce qui élèverait la dépense de 766,000 livres sterling. Puis il y avait jusqu'en mars 1841 un déficit de 29,694 livres sterling.

Nous ne rapporterons plus la discussion qui eut lieu à ce sujet (voir ci-dessus) d'autant que nous ne la rappelons ici qu'à l'occasion des affaires intérieures. Le ministère cut sur ce chapitre une majorité de quatre-vingt-une voix.

Il ne fut pas moins heureux sur son autre chef de demande le crédit de 1,443,711 livres sterling pour la solde des matelots et troupes de la marine. 20,000 livres étaient demandées pour la construction de bateaux à vapeur destinés à faire le service sur les lacs du Canada, à opérer le transport des troupes anglaises d'un point à un autre. Un fait important de statistique navale ressortit du débat: s'il en faut croire l'amiral Adam, l'Angleterre n'a pas moins de neuf cents bateaux à vapeur en état de porter des canons du plus fort calibre. (5 mars, communes.)

On s'occupa ensuite du budget de la guerre. M. Macaulay demanda pour ce service une somme de 35,107,745 livres sterling, pour l'entretien des troupes de terre, tant à l'inté rieur du royaume qu'au dehors, les Indes non comprises. L'organe du gouvernement motiva sa demande d'allocation: Il y aurait cette année 121,121 hommes; sur ce nombre la compagnie des Indes prendrait à sa charge 29,630 hommes. Naturellement le chapitre fut, pour les deux camps qui divisent le parlement, une occasion d'échanger, qui des reproches, des observations, qui des justifications, des apologies. MM. Hume et Peel se distinguèrent entre les premiers, lord Howick, sir H. Hardinge et lord Russell parmi les autres. « On s'étonne, dit le ministre des colonies, qu'après une paix de vingt-cinq années il soit besoin d'augmenter les forces de l'État et d'entretenir l'armée sur un pied dispendieux. C'est précisément cette longue paix qui aveugle aujourd'hui les peuples sur les bénéfices d'un tel état de

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