Page images
PDF
EPUB

utilité sa population à toutes les horreurs d'un bombardement. L'orateur repoussait l'enceinte continue par une dernière raison: il était convaincu qu'elle compromettrait l'exécution de la loi et empêcherait l'achèvement des travaux commencés.

La Chambre entendit quelques nouvelles explications du président du conseil, et déclara que la discussion était close.

Les divers amendemens à l'article 2, présentés par la commission, par M. d'Ambrugeac et enfin par le général Excelmans, furent proposés au vote de la Chambre. Celui de la commission, le seul qui eût véritablement quelques chances d'adoption, fut rejeté au scrutin secret demandé par quinze memb:es; 91 voix seulement l'appuyèrent; 148 avaient voté contre (1er avril). Les autres amendements eurent moins de succès encore.

Vote sur l'ensemble de la loi 147 boules blanches, 85 boules noires.

La question était décidée, ainsi qu'il avait été facile de le prévoir des les premières séances. Au surplus, la mesure que cette loi consacrait n'avait trouvé qu'une opposition peu sérieuse en dehors des enceintes législatives. Parmi les organes les plus répandus de l'opinion publique, ceux qui avaient suivi la gauche dynastique dans son alliance avec le ministère du 1er mars, les journaux plus spécialement encore dévoués à M. Thiers, et, dans un camp opposé, le Journal des Débats, avaient pris parti pour le gouvernement; le plus populaire des journaux radicaux, le National, avait luimême reconnu la nécessité du projet adopté par la Chambre des députés. D'autre part, le journal qui représente les opinions de M. Molé et admet celles de M. de Lamartine, la Presse, avait soutenu l'amendement de la Chambre des pairs. Les feuilles légitimistes et le Commerce avaient seuls, et sous toutes les formes, repoussé le projet de fortifications.

L'état de l'Europe ne donne guère lieu de craindre que

le pays soit prochainement appelé à faire matériellement usage des forces que cette loi a placées entre ses mains. Mais les fortifications semblent avoir un autre but dans la pensée intime du gouvernement; ses amis se plaisent à espérer que, dominant alors les factions, de jour en jour d'ailleurs plus imperceptibles, fort contre l'étranger, il pourra suivre à l'intérieur une politique plus progressive, et, dans ses relations extérieures, une conduite plus ferme et plus certaine: évènement capital, qui aurait pour conséquence de faire rentrer l'Europe dans une attitude moins téméraire, et de convaincre ou de rattacher au gouvernement, par des liens plus forts, cette immense majorité de la nation dont il faut flatter les instincts généreux, enfin d'imposer avec plus d'autorité à ceux qui, nourrissant l'espoir d'un autre ordre de choses, évoquent les glorieux souvenirs de la république et de l'empire!

CHAPITRE II.

Suite des matières politiques. Interpellations aux deux Chambres sur le

[ocr errors]
[blocks in formation]

Avant de sortir des sujets de haute politique, des questions de cabinet, les Chambres avaient encore à traiter celle des fonds secrets; mais, dans l'intervalle, une matière du ressort de la politique extérieure fut incidemment soumise à leur appréciation.

2 Février.-Le traité conclu le 29 octobre 1840, par M. de Mackau, au nom de la France avec la république de BuenosAyres, n'avait pas encore été ratifié. Les protestations élevées par les divers intérêts que sa conclusion inquiétait, avaient jusqu'alors retenti dans la presse, ou s'étaient formulées en pétitions; le délégué des populations de la rive gauche de la Plata avait lui-même élevé la voix en faveur de ses commettants. M. Mermilliod saisit de cette question la Chambre des députés, voulant au moins retarder, ou même, s'il était possible, empêcher la ratification. Sur la demande de l'honorable député de la Seine-Inférieure, un jour fut fixé pour entendre les interpellations qu'il se proposait d'adresser aux ministres.

Mais, dans l'intervalle, la Chambre des pairs, profitant des loisirs dont elle jouit toujours à cette époque de l'année pour être plus tard accablée de travaux, accueillit une proposition de M. de Brézé qui soulevait la même question.

8 Fevrier. Le traité du 29 octobre était, suivant l'orateur légistimiste, un traité de vaincus, et ruinerait l'influence de la France dans les États baignés par l'Océan-Pacifique. Quel

peuple dans ces parages voudrait encore croire à notre puissance ou à nos promesses? N'avions-nous pas accepté des conditions funestes à nos intérêts? N'avions-nous pas abandonné nos alliés?

Le ministre des affaires étrangères fit une réponse détaillée sur tous les points qui touchaient de près ou de loin à la conclusion du traité. Bien que la responsabilité de ce traité dût retomber tout entière sur le précédent cabinet, M. Guizot ne la déclinait pas. Le négociateur français lui semblait avoir agi dans les limites de ses instructions, et il les avait non-seulement accomplies, il avait mieux fait que ses instructions ne lui prescrivaient. Il avait attendu que les négociations fussent proposées, ouvertes, en quelque sorte, par le gouvernement argentin lui-même, et elles avaient eu lieu sous le pavillon français, à bord d'un bâtiment français! Vis-à-vis du ministre anglais, il avait gardé la même fierté délicate; il avait attendu que M. de Mandeville vint lui faire à son bord la première visite, avant de profiter des offres que cet honorable agent diplomatique lui avait faites de s'entremettre entre lui et le gouvernement argentin.

Quant à ce qui regarde le traité en lui-même, il répond parfaitement aux intentions de la France: il consacre le principe d'une indemnité pécuniaire pour ceux de nos nationaux dont les intérêts ont souffert, et établit en outre que si l'on ne parvient point à s'entendre, le réglement de ces indemnités sera déféré à l'arbitrage d'une tierce puissance désignée par le gouvernement français; en second lieu, il assure aux Français habitant la république argentine le traitement de la nation la plus favorisée, sous le rapport des personnes et des propriétés.

Sans doute l'art. 6 stipulait que, dans le cas où le gouvernement de la Confédération argentine accorderait aux citoyens des autres États de l'Amérique du Sud des droits spéciaux, civils ou politiques plus étendus que ceux dont jouissent actuellement les citoyens des nations amies ou

neutres, même les plus favorisées, ces droits ne pourraient être étendus aux citoyens français, ni réclamés par eux. Mais cette disposition n'avait pour objet que de leur interdire l'immixtion dans le gouvernement et la vie politique des États de l'Amérique du Sud; sage mesure qui ne pouvait qu'être avantageuse pour la France, et qui, prise plus tôt, eût peut-être empêché les plus grands embarras que nous avons rencontrés dans cette affaire. Enfin, il n'était point vrai de dire que nous eussions abandonné nos alliés. Par exemple, en ce qui concerne l'Uraguay, la France avait fait consacrer dans le traité, ce que cette république demandait, la reconnaissance de son absolue et parfaite indépendance; et relativement aux insurgés de Buenos-Ayres, le vice-amiral les avait couverts de toute la protection de la France. L'acte d'amnistie s'étendait à la fois sur tous les proscrits depuis 1828 (les généraux et chefs de corps exceptés), et l'entrée de M. de Mackau à Buenos-Ayres avait été signalée par la mise en liberté de six cent soixantetreize prisonniers politiques. Le résultat obtenu ne contenait donc rien que d'honorable pour la France, que d'utile pour ses relations, pour son avenir et pour sa gloire.

M. Dubouchage objecta que, par l'article 3, nous sacrifiions Lavalle, qui, vivant au sein de sa famille, n'avait repris les armes qu'à notre instigation. L'orateur ajoutait que la faveur de l'amnistie était annulée par une restriction dont le préopinant n'avait point donné lecture: « On recevra sur le territoire argentin seulement les personnes dont la présence ne sera pas incompatible avec la sûreté publique. »> Ce qui équivalait à dire qu'on ne laisserait entrer à Buenos-Ayres que les émigrés qu'il plairait au tyran de recevoir. M. Dubouchage critiqua également la reddition prématurée de l'ile de Martin-Garcia, et mit en regard du traité actuellement en discussion celui qui fut conclu en mai 1829, avec le même gouvernement. Malgré ce premier traité, basé cependant sur des garanties importantes, une rupture nouvelle a

« PreviousContinue »