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ciété ne s'armait pas contre un criminel: quand un meurtre avait été commis, la famille de la victime prenait d'abord les armes et demandait vengeance; la famille du coupable s'armait de son côté pour le défendre; de là la guerre privée. Cette guerre se terminait le plus souvent par une transaction, par le payement d'une composition (wehrgeld) à l'offensé ou à sa famille. Le wehrgeld accepté, les inimitiés étaient éteintes et les deux familles vivaient ensemble comme par le passé. Comme la peuplade entière était intéressée au maintien de la tranquillité publique, on comprend qu'elle dut favoriser le payement de ces compositions, c'est ce qui arriva en effet; on alla même plus loin, et l'on établit le système de la garantie réciproque, par suite duquel la communauté répondait solidairement de l'acquittement du wehrgeld, en cas d'insolvabilité de celui qui l'avait encouru. De ce que la communauté répondait solidairement de la réparation pécuniaire due par un de ses membres, il résultait pour elle le droit de recevoir dans son sein ceux qui demandaient à en faire partie, et réciproquement celui d'expulser quiconque n'avait pas de biens suffisants pour répondre de ses crimes. Tacite, en sa Germanie, § 13, parle du droit de porter les armes dans toutes les circonstances de la vie, et nous apprend que chez les Germains ce droit était le signe de la jouissance de la liberté et de tous les droits qui y étaient attachés. Pour jouir de cette liberté, il fallait en avoir été reconnu digne par la cité, qui pouvait s'y opposer si elle reconnaissait que le réclamant ne pouvait être utile à l'É'at: Nihil autem agant nisi armati, dit l'historien romain, ... arma sumere non antè cuiquam moris quam civitas suffecturum probaverit. La loi salique (tit. 48, De migrantibus, § 2) confirme l'existence de cette garantie réciproque comme une institution des plus anciennes qui va plutôt diminuant que s'accroissant, en disant que le temps après lequel il n'est plus permis de maltraiter un étranger, est le laps de douze mois de résidence, parce qu'il a acquis le titre de membre de la communauté: Si quis admigraverit et ei aliquis infrà 12 menses nullus testatus fuerit, ubi admigravit securus sicut alii vicini consistat. Les lois anglo-saxonnes, celles qui, suivant la remarque de M. Demangeat, p. 16, sont peut-être celles qui sont le plus profondément bar- | bares, celles dans lesquelles on aperçoit le moins l'influence du droit romain, fournissent d'une manière plus positive encore la preuve de l'existence de ces associations étroites des hommes libres chez les Germains. Volumus, dit le ch. 19 des lois de Canut le Grand (trad. latine), ut quilibet homo liber in centuriam et decemviratum conferatur, qui excusatione vel capitis æstimatione dignus esse velit, ut quilibet in centuriam et ad fidejussionem ducatur, et fidejussionem ibi servet et ad quodcumque jus ducat. Le chapitre 20 des lois d'Édouard le Confesseur est encore plus explicite à cet égard: Præterea est quædam summa et maxima securitas per quam omnes statu firmissimo sustinentur, videlicet, ut unusquisque stabiliat se sub fidejussionis securitate quam Angli vocant freoborges, soli tamen Eboracenses dicunt eamdem TIEN MANNA TALLA, quod latinè sonat decem hominum numerum. Hæc securitas hoc modo fiebat, scilicet quod de omnibus villis totius regni sub decemnali fidejussione debebant esse universi, ita quod si unus ex decem foris fecerit, novem ad rectum eum haberent; quod si aufugeret, daretur lege terminus ei 31 dierum; quæsitus interim et inventus ad justitiam regis adduceretur. Et de suo illico restauraret damnum quod fecerat. Et si ad hoc foris faceret, de corpore suo justitia fieret. Sed si infrà prædictum terminum inveniri non posset, quia in omni friborgo unus erat capitalis, quem vocabunt friborges Heofod, ipse capitalis sumeret duos de melioribus sui friborgi, et de tribus friborgis sibi propinquioribus acciperet de unoquoque capitalem et duos de melioribus uniuscujusque friborgi, si posset habere, et ita se duodecimo existente purgaret, se et friborgum suum (si facere posset), le foris facto et fuga supradicti malefactoris. Quod si facere non posset, ipse cum friborgo suo damnum restauraret de proprio malefactori quamdiù duraret; quo deficiente, de suo et friborgi sui perficeret, et ergo justitiam emendaret, secundum quod legaliter eis judicatum fuisset.

Or, quiconque ne faisait pas partie d'une communauté d'hommes libres, était ou serf ou warganeus, nom donné au vagabond et à l'étranger. Le warganeus n'avait droit à aucune garantie; il ne pouvait jouir de la protection d'aucune communauté, puisqu'il

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n'en faisait pas partie. Aussi était-il, pour ainsi dire, hors la loi jusqu'à ce qu'il eût trouvé une personne libre qui voulût répondre pour lui. S'il ne trouvait pas de garant et qu'il restât dans le pagus, il était habituellement réduit en esclavage: Peregrinum qui patronum non habebat vendebant Saxones, dit Méginhard, historien du neuvième siècle, dans sa Translatio sancti Viti, cap. 13. Et ad majorem securitatem fovendam ordinavit insuper et præcepit quod nullus extraneus in forinsecum capitis villæ aut in suburbio hospitetur, nisi hospes ejus pro eo voluerit respondere, porte la Fleta, lib. 1, cap. 24, § 4. L'étranger qui n'avait pas de répondant, étant mis hors la loi, était livré sani protection aux outrages du premier venu; s'il était tué, aucun wehrgeld n'était dù pour lui. - Pour éviter autant que possible les conséquences d'un état de choses aussi rigoureux, les lois barbares considéraight comme garant et protecteur tout Germain libre qui recevait chez lui un étranger qui prolongeait chez son hôte son séjour au delà d'un certain temps. Si quis advenam tribus noctibus hospitio exceperit in propriâ suâ domo, mercas torem aut alium qui extrà limites advenerit, et eum ibi suo cibo aluerit, et is tum alieni malefecerit, ipse alterum illum judicio sistat, aut rectum perdat, porte le § 15 des lois anglo-saxonnes de Hotaire et d'Edric (Canciani, t. 4, p. 231). Au moyen de cette responsabilité imposée à l'hôte, la société était garantie. Si du reste, au bout d'un an et un jour de séjour, l'étranger n'avait pas été réduit en servitude, il entrait de droit dans la garantie réciproque (Lex salica, tit. 48, De migrantibus, § 2). — Charlemagne, dans les capitulaires 1 de l'an 802 et 5 de l'an 803, rappelle l'injonction de ne jamais refuser l'hospitalité à un étranger, sous peine d'une amende de trois sous d'or.

L'étranger qui n'avait pas été admis dans la communauté était, comme nous l'avons vu, pour ainsi dire hors la loi. Il n'avait pas, suivant le passage précité de Tacite, le droit de porter des armes, apanage des hommes libres. Il n'était pas capable d'avoir la propriété parfaite, exclusivement réservée aux hommes libres (Lex salica emendata, tit. 62, De alode); sa mort ne donnait pas lieu au payement d'un wehrgeld, mais à une simple amende (fredum) qui était attribuée au roi (Esprit des lois, liv. 50, ch. 20). Et peregrino, porte le § 14 du tit. 3 de la loi des Bavarois, sa viventem reliquit omnia injuria quod fecit ei vel quod tulit dupliciter componat, sicut solet unum de infrà provincia componere. Si autem non occiderit, 100 solidos auro adpreciatos cogatur exsolvere; si parentes desunt, fiscus accipiat et pro delicto hoc pauperibus tribuat. De advenis volumus, porte le 5o capitulaire de l'an 806, ut qui jamdiu conjugati sunt per singula loca, ibi maneant et sine causa aut sine aliquá culpâ non fiant ejecti. Le chapitre 8 du 3° capitulaire de l'an 813 prononce une amende de 800 sols contre le meurtrier d'un étranger.

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26. Une conséquence naturelle de la position qui était faite à l'étranger, était que ne possédant pas, n'étant pas propriétaire, il ne pouvait disposer, soit par donation, soit par testament, soit de toute autre manière. C'est ce qui résulte clairement du texte suivant, emprunté à la loi des Lombards, liv. 3, tit. 15: « Si filios legitimos habuerint (gargangi) heredes eorum in omnibus, sicut et filii Longabardorum existant: et si filios non habuerint legitimos, non sit illis potestas absque jussione regis res suas cuicumque thingare aut per quodlibet ingenium aut per quemlibet titulum alienare. L'origine du droit d'aubaine se retrouve donc dans les principes proclamés par les lois barbares, et quand, par suite de l'anarchie féodale, l'autorité royale entra, successivement et par degrés, dans tous les droits dont les seigueurs, s'étaient mis en possession, elle ne fit que s'attribuer le profit d'un droit qui préexistait au droit royal.

27. Le droit d'aubaine au profit du roi ne s'établit pas simultanément dans toute l'étendue du royaume. En effet, si l'on voit, par le chapitre 31 du premier livre des Établissements de saint Louis, que l'usage s'introduisit successivement en plusieurs lieux que les aubains ne pouvaient se faire d'autre seigneur que le roi seul, d'un autre côté, il est certain que le droit d'aubaine, corollaire de l'avouerie et protection accordée aux étrangers, ne s'exerçait pas partout au profit du roi. La preuve en est d'abord dans ce même ch. 31 qui fait connaître qu'il y avait alors dans le royaume des provinces où il en était différemment. L'art. 1 d'une ordonnance rendue par Philippe le Bel, en 1501, nous apprend, en

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outre, qu'au commencement du quatorzième siècle plusieurs seigneurs, en France, étaient en possession de recueillir la succession des étrangers décédés dans leurs terres. « Les collecteurs établis par le roi dans les affaires des mainmortes, des aubains et des bâtards, porte cet article, n'exploiteront point les biens des bâtards ni des autres décédants dans les terres des barons et des autres sujets du roi qui ont toute manière de justice, qu'auparavant il n'ait été constaté par une enquête qui sera faite par un homme capable que le roi aura député à ce, et lequel y aura appelé les parties, les collecteurs et les seigneurs du lieu, que le roi est en bonne possession de percevoir et d'avoir les biens de tels bâtards et aubains décédants dans lesdites terres... » - Les lettres patentes rendues par Charles VI, le 5 sept. 1386, portent aussi : « qu'il est notoire et qu'il a apparu à son conseil, par les chartes, ordonnances, registres, actes et jugements, déclarations et usages anciens, qu'en son comté de Champagne, lui appartiennent de plein droit tous les biens, meubles et immeubles des aubains, en quelque justice que ces aubains soient demeurants et décèdent et en quelque lien que leurs biens soient situés. » Dès le quinzième siècle, il fut enfin reconnu que le droit d'aubain était un droit exclusivement royal « pour ce qui est du droit d'aubaine, dit Loiseau, il est juste de l'attribuer au roi seul : ce n'est point qu'il y ait vacance ou déshérence absolue en l'étranger qui ordinairement a ses parents aussi bien que le naturel français; ce n'est pas même que ses parents soient empêchés de lui succéder par le droit de nature ou des gens, mais par la loi particulière du royaume, qui prive l'étranger d'être héritier, et de laisser héritiers en France: loi qui regarde la police générale de l'État, et partant appartient au roi seul, comme pour l'augmentation du royaume, non pour accroître et avantager les seigneurs particuliers. >>

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28. Considérés à l'époque où ils étaient affranchis du servage des seigneurs et soumis aux droits régaliens, les étrangers étaient passibles de certains droits et frappés de certaines incapacités. Ainsi, ils étaient tenus de payer, sous peine d'amende, un tribut annuel appelé droit de chevage; ils ne pouvaient se marier hors de leur condition, sans y être autorisés par le roi, et cette permission ne leur était accordée que moyennant le payement d'un droit appelé formariage; ils ne pouvaient posséder ni offices, ni bénéfices en France; enfin ils étaient soumis au droit d'aubaine proprement dit. Dès le neuvième siècle, les étrangers étaient soumis à certaines redevances annuelles que les chartes de cette époque appellent census foraticus (V. Charte de Louis le Débonnaire, an 820, ex parvo chartulario ecclesiæ pa. risiensis).—Une autre charte, du treizième siècle, citée par pucange (vo Albani), parle également de ces redevances en ces termes : « In præsentia nostra et baronum, militum et multorum aliorum, declaratum est per judicium apud Salmurium quod nos habemus in totá terrá regalis Abbatiæ cormeriacensis raptum, murtrum, et quatuor denarios de singulis Albanis, et exercitum et æquitationem. » — Ces redevances prirent plus tard le nom de droit de chevage, ainsi qu'il appert d'une pièce des registres de la chambre des comptes, en forme d'instruction, citée par Bacquet, qui en rapporte l'intitulé de la manière suivante: « Ce sont les droits et seigneuries appartenant au roi notre sire, au droit et à cause du gouvernement et administration générale du royaume, et par souveraineté et ancien domaine, à cause des mortes-mains et for-mariages par tout le royaume de France, et en spécial, au bailliage et ressort de Vermandois, lesquels doivent être cueillis, reçus et fait venir sus par le collecteur d'iceux et par ses lieutenants et sergents, que pour ce faire il doit commettre et ordonner, comme il est notoire audit bailliage. » D'après cette pièce, les aubains étaient tenus de payer au receveur du roi, à la Saint-Rémy de chaque année, pour droit appelé chevage, 12 deniers parisis, à peine de 7 sols 6 deniers d'amende. Du reste, le taux de l'amende se comptait en parisis ou tournois, suivant l'usage des lieux.-Suivant Lefèvre de la Planche (Traité du domaine), les droits de chevage s'évanouirent aves les vestiges des anciennes servitudes. - Quant au droit de for-mariage dont il est également question dans la pièce précitée, voici à quelle occasion il se percevait: Les aubains avaient la faculté de se marier à des personnes de leur condition, sans être tenus de payer aucun autre droit que le chevage annuel; mais ils ne pouTOME XVIII.

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vaient épouser une personne d'une condition autre que la leur, sous peine d'une amende de 60 sols que s'ils demandaient au roi la permission de se marier avec une de ces personnes et qu'il l'oblinssent, ils devaient payer au roi le droit de for-mariage; droit qui, dans plusieurs lieux, était de la moitié, et dans d'autres du tiers de leurs biens de toute espèce, meubles ou immeubles. Suivant Lefèvre de la Planche, le droit de for-mariage s'évanouit avec les anciennes servitudes. La coutume de Châlons, rédigée au seizième siècle, en prononce (art. 16) l'abolition en ces termes : « Bastards et aubains se peuvent marier sans encourir les peines de for-mariage. » — Quoique les droits de chevage et de for-mariage soient appelés régaliens, il est certain néanmoins que les seigneurs se les étaient attribués, sous prétexte de leur justice. La preuve en est, quant au droit de chevage, dans une charte du onzième siècle qui porte: Alienigena, id est Warganei, qui manserint in banno dabunt comili quatuor denarios (Charta Udonis, episcop. Tullensis); et quant à celui de for-mariage, dans une charte de Philippe-Auguste, de 1222, où il est dit: De Albanatis forensecis concedimus quod solvant episcopo in sua septimana consuetudines debitas, ac si nunquam fuissent albanati. Les rois reprirent successivement, dans chaque province, chacun de ces droits et les exercèrent jusqu'à l'époque où ils tombèrent en désuétude avec les vestiges des anciennes servitudes, ainsi que le fait remarquer Lefèvre de la Planche, dans son Traité du domaine, déjà cité.-Dans le premier capitulaire de l'an 806, Charlemagne interdit positivement aux étrangers de posséder aucun bénéfice en France. Deux capitulaires de Louis le Débonnaire, l'un de l'an 817 et l'autre de 837, reproduisent la même prohibition. - Ils étaient également incapables de posséder des offices. Et leur incapacité à cet égard se perpétua à travers le régime féodal, ainsi qu'il résulte d'une ordon. de Charles VII, en date du 2 mars 1431, renouvelée à cet égard en 1493 par Charles VIII, et depuis, par les ordon. de Henri II, du 8 oct. 1554, de Charles IX, en 1556, et de Louis XIV dans la déclaration de 1681.

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29. Le droit d'aubaine proprement dit s'entendait de la double incapacité pour l'étranger de succédør et de transmettre, soit ab intestat, soit par testament, soit à ses parents, soit à tous autres. Nous avons vu plus haut que, dès le treizième siècle, la condition des étrangers fut de beaucoup adoucie à cet égard, car si jusque-là ils avaient été considérés comme incapables de rien transmettre absolument de leur succession, même à leurs enfants, ils purent, dès le règne de saint Louis, transmettre à leurs descendants légitimes toute leur succession, à l'exception de la moitié de leurs meubles, et, d'un autre côté, quand ils décédaient sans enfants, le seigneur était tenu d'exécuter les legs portés en leur testament. L'usage s'introduisit peu à peu de n'accorder au seigneur la succession de l'aubain, même en partie, qu'autant qu'il ne laissait hoirs légitimes procréés de son corps. - Il fut également permis aux aubains de tester jusqu'à concurrence de 5 sols, concession qui leur fut accordée pour qu'ils pussent s'assurer l'honneur d'être enterrés en terre sainte, honneur qui ne pouvait être rendu qu'à ceux qui avaient fait quelques libéralités en faveur de l'église (V. à cet égard Loysel, Institutes coutumières, liv. 1, et Bourjon, Droit commun de la France, tit. 7, ch. 1). Du reste, l'étranger demeura toujours et absolument incapable de recueillir par succession, ainsi que l'atteste Loysel, en ses Institutes coutumières (liv. 1, règle 50). Ne perdons pas de vue, au surplus, que dans plusieurs provinces les seigneurs restèrent en possession des droits exercés sur les aubains, et que ce ne fut qu'à la fin du quatorzième siècle que le pouvoir royal put les revendiquer pleinement dans tout le royaume (V. suprà, n° 27). Bien plus, dans quelques coutumes rédigées au selzième siècle, on trouve le droit d'aubaine réservé aux seigneurs : ces coutumes sont notamment celles de Touraine (art. 43 à 45), de la Marche (art. 328), d'Anjou (art. 11 et 41), du Maine (art. 48), de Dunois, locale du Maine (art. 16), du Bourbonnais (ch. 2, art. 198), du Hainault (ch. 83, 86 et 106), de Montargis (art. 47), de Chablis (art. 26), de Senlis (art. 205), de Sens (art.10) et d'Auxerre (art. 15). · Mais il est certain qu'une telle réserve au seizième siècle était purement illusoire et que les coutumes ne pouvaient enlever ses droits au roi ni y préjudicier, ainsi que le remarquent fort bien M. Merlin (Rép., vo Aubaine, no 1 et 2

rale qui permettait l'application de la contrainte par corps contre toute personne et pour toute espèce de dettes, et ne l'ayant plus autorisée que pour certaines espèces de dettes, la jurisprudence des parlements en conclut que les étrangers restaient soumis à la disposition de l'art. 48 de l'ordonnance de Moulins de 1566 portant que « tous les jugements et condamnations de sommes pécuniaires, pour quelque cause que ce soit, pourrait être promptement exécutés par toute contrainte» (V. Contr. par corps).

suiv.) et après lui M. Rossi (Encyclop. du dr., v° Aubaine, no 12). Le premier de ces auteurs cite, à l'appui de son opinion, un passage de Loyseau, qui mérite d'être reproduit : « C'est une maxime, dit Loyseau, que les coutumes des lieux ne peuvent ôter les droits du roi, auquel elles ne peuvent prėjudicier, n'obligeant pas même le peuple in vim statuti, sed tantum in vim pacti, à cause du consentement volontaire qu'il prête; c'est pourquoi les officiers du roi, et notamment son procureur, assistent à la rédaction d'icelles, et pour la solennité de l'acte principalement, et pour la manutention de ses droits, non pas pour préjudicier au roi par leur simple présence, attendu qu'ils ne le pourraient pas par un consentement exprès. » — - N'oublions pas que dans une acception plus restreinte et plus commune, on appelait droit d'aubaine le droit en vertu duquel le roi recueillait les biens délaissés en France par l'étranger qui mourait testat ou intestat, sans enfants regnicoles et légitimes. C'est ce que nous avons déjà fait remarquer aux nos 15 et 19, d'après Bacquet (Traité du droit d'aubaine, part. 4, ch. 32 et ch. 27, n° 4; part. 1, ch. 12,n° 5). Comme conséquence de l'incapacité de succéder, le retrait lignager était interdit à l'étranger. « Qui n'est habile à succéder, dit Guy Coquille (Comm. sur la coutume de Nivernais), ne peut venir à retrait si l'inhabileté ou l'incapacité est perpétuelle: ainsi en faut-il dire de l'aubain nay hors du royaume ». V. Succession.

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30. A côté des incapacités qui frappaient l'étranger, venaient se placer d'autres entraves dont la création avait surtout pour objet de protéger les intérêts des Français. C'est ainsi que les Aubains étaient tenus de fournir la caution judicatum solvi, quand ils se portaient demandeurs devant un tribunal français; qu'ils ne pouvaient participer au bénéfice de la cession de biens; que de plein droit ils étaient soumis à la contraite par corps pour toute espèce de dette.-Suivant Littleton (Instit., liv. 2, ch. 11, § 198), la caution judicatum solvi à laquelle l'étranger demandeur était soumis en France quand il intentait procès, est une institution d'origine germanique. M. Demangeat (Condition civile des étrangers en France, p. 137 et suiv.), adopte ce sentiment, qu'il appuie sur deux passages des lois anglo-saxonnes de Canut le Grand (tit. 32 et 37), où il est parlé d'un étranger qui, ne connaissant personne dans le pays et ne pouvant, en conséquence fournir caution, se trouve ainsi dans l'impossibilité de poursuivre la réparation du tort qu'on lui a fait et de provoquer son adversaire à l'ordalie du fer rouge ou de l'eau bouillante. Cette obligation de fournir caution passa dans le droit coutumier : elle est rappelée notamment dans l'art. 37 de la coutume d'Abbeville, locale de Ponthieu. C'est de la jurisprudence des parlements que cette garantie reçut improprement le nom ronain de caution judicatum solvi, nom qu'à Rome on donnait à la garantie exigée du défendeur qui comparaissait en justice (V. Exception). -Par suite de cette fausse qualification donnée à la caution que devait fournir l'étranger demandeur, au seizième siècle on voulut l'imposer même aux aubains défendeurs, à l'exemple du droit romain, mais cette prétention fut repoussée d'abord par un arrêt du 13 fév. 1571, et plus tard définitivement par un autre arrêt du 28 avr. 1698 (Bacquet, ch. 8, no 3; Pothier, Traité des personnes, tit. 2, sect. 2, V. Exception). On prétendit aussi que la caution serait due par le demandeur dans le cas où les deux plaideurs seraient étrangers, et un arrêt du parlement jugea, le 23 août 1591 qu'il en devait être ainsi dans un cas où deux étrangers étaient respectivement demandeurs l'un contre l'autre (V. Exception). - Du reste, par exception, on dispensait certains étrangers de fournir la caution judicatum solvi; tels étaient les commerçants et ceux qui avaient en France des biens qui donnaient à l'adversaire une suffisante garantie (V. Exception). -C'est le parlement de Paris qui le premier a, par arrêt du 12 mai 1565, dénié aux étrangers le bénéfice de la cession de biens. L'ord. de 1673 a formellement consacré cette doctrine, par son art. 2, tit. 10.-Elle se justifie, dit Bacquet, par cette considération, « qu'autrement l'étranger pourrait à son advantage sucer le sang et la moelle des François, puis les payer en faillites ». -Réciproquement, dit M. Sapey, p. 83, il était admis en jurisprudence que les Français ne pouvaient user du bénéfice de cession vis-à-vis des étrangers (V. Oblig.).-L'ord. de 1667, tit. 34, art. 1) ayant restreint au profit des sujets du roi la règle géné

31. Nous avons dit, aux no 19 et 29, que, dans la période historique qui nous occupe, les étrangers étaient reconnus capables des actes du droit des gens. Ils pouvaient, en effet, acheter, vendre, échanger et en général passer toutes sortes de contrats que ce droit autorise. En conséquence, ils pouvaient, d'après la jurisprudence des parlements, attestée par Loisel, Instit. coutumières, liv. 1, régl. 51, faire et recevoir des donations entrevifs. On admit même la validité du don mutuel entre époux | étrangers, mais seulement dans le ressort des coutumes qui le permettaient, ainsi que le remarque Pothier (Tr. donat. entre mari et femme, no 160).—Et l'on dut, par une interprétation naturelle, autoriser l'institution contractuelle d'héritier en faveur de son conjoint et de ses enfants, un tel acte participant bien plus d'un contrat que d'une donation à cause de mort. Valin fait remarquer (Comm. sur la coutume de la Rochelle, titre des donations, art. 64) que le roi ne pouvait jamais réclamer sur les dispositions entre vifs, faites par les étrangers ou en leur faveur, les réserves coutumières qui étaient accordées en général aux héritiers (V. au surplus, notre Traité dispos, entre-vifs et test.). On reconnaissait généralement aux étrangers le droit d'invoquer la prescription, soit celle à l'effet d'acquérir, soit celle à l'effet de se libérer (V. Prescription). — Il était aussi reconnu dans l'ancienne jurisprudence que les étrangers pouvaient acquérir un domicile en France, sans qu'ils eussent obtenu d'autorisation du roi à cet égard (V. Domicile). Mais l'adoption, dans les coutumes où elle était admise, considérée comme contrat du droit civil, était interdite aux étrangers. (V. notre Traité de l'adoption, nos 98 et suiv.) Il en faut dire autant de la puissance paternelle (V. ce mot). Les Aubains ne pouvaient faire la banque dans le royaume, sans une caution de 150,000 liv. reçue devant le juge du lieu et renouvelée tous les cinq ans. – Telle était la prescription formelle de l'art. 78 de l'édit de 1563, renouvelée par l'art. 357 de l'ordonnance de Blois (V. Banquier). - - Aux termes de l'art. 7 des lettres patentes du 28 nov. 1638, ils ne pouvaient être reçus marchands apothicaires, épiciers s'ils n'avaient obtenu des lettres de naturalité. Enfin, ils n'étaient pas reçus au serment d'avocat, étaient incapables d'être principaux ou régents dans les Universités, et n'obtenaient des degrés qu'à la condition de n'en pas faire usage en France. — V. Avocat, no 89 et Instruction publique.

32. Pour nous résumer sur la position qui était faite aux étrangers en France, dans la période qui s'écoula depuis la fin du quatorzième siècle jusqu'à la fin du dix-septième, nous dirons qu'affranchis du servage et des droits de chevage et for-mariage, reconnus incapables des droits civils, mais admis à la participation du droit des gens, ils étaient soumis au droit d'aubaine, contraignables par corps pour toute espèce de dettes, inhabiles à invoquer le bénéfice de la cession de biens, tenus de fournir la caution judicatum solvi quand ils plaidaient comme demandeurs, obligés de fournir une forte caution quand ils voulaient faire la banque dans le royaume; incapables de posséder un bénéfice et de tenir un office, inhabiles au serment d'avocat et incapables de faire usage des degrés obtenus dans nos universités.-L'adoption ou affiliation, autorisée par quelques coutumes, ne pouvait être faite par les étrangers. Ils ne pouvaient exercer la puissance paternelle.Ajoutons que les rois surent se dédommager de la perte résultant pour eux de ce que les droits de chevage et de for-mariage étaient tombées en désuétude, en établissant, à différentes reprises et suivant les besoins de l'État, des taxes arbitraires sur les étrangers. C'est ainsi que Henri III, par édit du mois de septembre 1587, ordonna que tous les marchands, banquiers et courtiers résidant dans le royaume, seraient obligés de prendre des lettres qui devaient leur tenir lieu de naturalisation, à la charge de payer les sommes auxquelles elles seraient taxées. On exigeait même la taxe des étrangers déjà naturalisés;

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et l'acquittement de cette taxe conférait aux uns et aux autres les mêmes priviléges qu'aux Français. L'édit précité portait, du reste, qu'on déduirait sur les taxes afférentes aux étrangers déjà naturalisés, ce qu'ils justifieraient avoir payé pour l'obtention de leurs premières lettres. Par une déclaration du 29 janv. 1659 (V. plus bas), Louis XIII, pour subvenir aux dépenses de la guerre, ordonna que tous les étrangers résidant en France ou y possédant des biens ou des offices, de quelque nation et de quelque condition qu'ils fussent, et leurs premiers descendants, héritiers, successeurs ou donataires de leurs biens, payeraient une taxe dont il se réservait de fixer le chiffre. Louis XIV, par un édit Ju mois de janv. 1646, renouvelé par un autre édit de mai 1656, exigea que les étrangers habitués dans le royaume, et leurs premiers descendants, héritiers, successeurs et donataires se fissent confirmer dans la jouissance des droits à eux accordés par leurs lettres de naturalité, en payant les sommes auxquelles ils seraient imposés; mais, par un arrêt du 23 juin 1657, il excepta de la taxe ordonnée par l'édit de mai 1656, ceux qui avaient payé les taxes fixées par la déclaration de 1639 et par l'édit de 1646. Enfin, par une déclaration du 27 juil. 1697, le même roi imposa une nouvelle taxe aux étrangers pour la confirmation de leurs lettres de naturalité. Cette déclaration présente même cette circonstance étrange qu'elle est motivée sur l'existence des droits de chevage et de formariage.

33. Tel était le droit commug à l'égard des étrangers. Mais plusieurs exceptions avaient été introduites par des édits, déclarations et règlements, soit en faveur d'une certaine classe d'étrangers, par des considérations relatives au bien de l'État; soit en faveur de tous par rapport aux priviléges attachés à certains lieux;-soit en faveur des sujets d'une nation avec laquelle des traités avaient été conclus dans cet objet.

établies par la coutume de la situation de ses biens, cette cou-
tume ne pouvant prévaloir contre un privilége spécial.- D'après
une ordonnance de 1499, rappelée par une déclaration de fé-
vrier 1720, la naturalisation était faite sous la condition que le
bénéficiaire demeurerait en France, et faute de la remplir, il était
considéré comme renonçant au droit résultant de ses lettres.
Les lettres de déclaration de naturalité différaient de celles de
naturalisation, en ce qu'elles reconnaissaient le droit préexistant
de regnicole, au lieu que les lettres de naturalisation accordaient
ce droit pour l'avenir: elles étaient particulièrement mises en
en usage toutes les fois que des provinces du royaume étant pas-
sées sous une domination étrangère, on reconnaissait la qualité
de Français à ceux de ses habitants auxquels on aurait pu la
contester (V. tit. 2, ch. 1, sect. 2, art. 1, §§ 1 et 2);-3° Dès le
temps des foires de Champagne, les marchands qui les fréquentaient
jouissaient, pendant leur voyage, leur séjour en France et leur
retour dans leur pays, de l'exemption du droit d'aubaine; c'est ce
que Bouteiller nous fait connaître au tit. 25, liv. 1, de sa Somme
rurale.-L'ord. de 1344, sur les foires de Champagne, renouvela
formellement cette exemption. Un siècle plus tard, en 1443,
Charles VII ayant accordé à la ville de Lyon le privilége de trois
foires franches, exprima dans les lettres de concession, qu'elles
étaient accordées à l'instar de celles de Champagne, qui ne sub-
sistaient plus.-Louis XI ayant ajouté, en 1462, une quatrième
foire franche à celles qui avaient déjà été accordées à la ville de
Lyon, voulut, par l'art. 9 des lettres de concession que les mar-
chands étrangers pussent tester et disposer de leurs biens ainsi
que bon leur semblerait; que dans le cas où ils viendraient à
décéder dans le royaume, sans avoir testé, leurs héritiers, sui-
vant les statuts, coutumes et usages de leurs pays, recueillissent
leur succession comme si elle eût été ouverte par leur décès dans
leurs pays et domicile, sans que ces héritiers fussent tenus de
payer aucune finance, nonobstant tous édits et ordonnances à ce
contraires. Charles IX accorda de nouvelles lettres patentes,
à la date du 27 août 1569, par lesquelles il exempta tous les
étrangers fréquentant les foires de Lyon, demeurant, séjournant
ou résidant en cette ville, et négociant sous la faveur de ces pri-
viléges, tant pour des marchandises et effets mobiliers que pour
leurs rentes constituées; mais le parlement de Paris, par arrêt
d'enregistrement du 4 février 1572, excepta les rentes constituées
considérées comme immeubles.-Dès le seizième siècle l'exemption
que les rois n'avaient établie qu'au profit des marchands étran-
gers qui fréquentaient les foires, fut étendue par la jurisprudence,
à tout marchand étranger venu en France pour y trafiquer, ainsi
qu'il résulte d'un arrêt du 27 juin 1579, cité par M. Demangeat
(p. 174 ).—4° Louis XI, par lettres patentes de février 1461,
exempta « à tous jours perpétuellement du droit d'aubaine et du
droit de naufrage les marchands des nations de Brabant, Flandres,
Hollande et Zélande qui, de tout temps et d'ancienneté, eulx e
leurs prédécesseurs, ont accoustumé de venir, tant par mer que
autrement, en ce royaume et fréquenter pour le fait de leur mar-

34. Dans la première classe d'exceptions nous trouvons : 1o et jusqu'au règne de Charles VIII, c'est-à-dire jusqu'à la fin du quinzième siècle, l'étranger non résidant au royaume, quant au droit d'aubaine, s'il était noble et spécialement prince souverain. Ce droit, rappelé d'ailleurs dans la coutume de Vitry (art. 72), est établi par les faits de l'histoire qui nous montre les rois d'Angleterre recueillant et transmettant par succession, pendant plusieurs siècles les provinces de Normandie, d'Anjou, de Touraine, du Maine et de Guyenne, qui relevaient toutes de la couronne de France, et plusieurs autres princes souverains jouissant des mêmes prérogatives, notamment les princes de Lorraine. Mais suivant Dupuis (Traité des droits du roy), cité par M. Demangeat (p. 158), un usage contraire fut constamment suivi depuis le règne de Charles VIII, et dès cette époque les princes souverains eux-mêmes n'ont plus été exemptés du droit dubaine qu'autant que des lettres particulières d'exemption les étaient accordées; -2° Nous trouvons dans la même classes étrangers auxquels le roi avait accordé soit des lettres de naturalité ou de naturalisation, soit des lettres de déclaration de naturalité. Les lettres de naturalité ou de naturalisation ne pouvaient être accordées que par le roi. On les appelait quel-chandise en plusieurs parties d'iceluy, et tant en les villes de la quefois lettres de bourgeoisie, de civilité, d'adoption. Elles avaient pour effet de faire considérer l'étranger comme un naturel du royaume et de lui conférer les mêmes priviléges. Pour qu'elles fussent efficaces, elles devaient être enregistrées à la chambre des comptes et à la chambre du domaine (coutume de Melun, art. 6); cet enregistrement n'était pas gratuit suivant Bacquet, qui nous informe que « MM. des comptes taxaient quelques petites sommes telle que bon leur semblait ». Quoique relevé de son incapacité, l'étranger naturalisé était, toutefois, aux termes de l'art. 4 de l'ordonnance de Blois de 1579, inhabile à être promu à un archevêché, à un évêché et à une abbaye. Il ne pouvait pas non plus succéder en France, si le de cujus avait des héritiers nés en France, quoique d'un degré plus éloigné, à moins qu'il ne fût enfant légitime de ce de cujus. Il restait encore passible des taxes imposées aux étrangers pour raison de commerce fait en France, ainsi que le portent formellement les déclarations des 29 janv. 1639 et 22 juill. 1697.- D'un autre côté, fait observer M. Demangeat, d'après Dionysius Pontanus (in consuetudin. Blesensibus, art. 20), l'étranger naturalisé était traité plus favorablement que le Français, car il lui était loisible de disposer de tous ses biens, sans être tenu de faire droit aux réserves

Rochelle et de Bordeaulx que ailleurs «.-Ce même prince accorda des priviléges semblables, confirmés par Henri II, le 20 janv. 1552, en faveur des marchands de la Hanse Teutonique. Henri II exempta, en octobre 1554, les marchands écossais trafiquant dans le royaume de tous droits, subsides et impôts.

35. Dans la seconde classe d'exceptions, nous comprendrons : 1° les étrangers qui venaient travailler aux manufactures de tapisseries de Flandre, établies tant à Paris que dans d'autres villes du royaume. Par édit du mois de janvier 1607, Henri IV anoblit les directeurs de l'entreprise ainsi que leur postérité et déclara naturels et regnicoles les étrangers qui viendraient travailler à ces manufactures, sans qu'ils fussent tenus de prendre des lettres de naturalité, ni de payer finance. Cet édit fut confirmé le 18 avril 1625 et plus tard, le 31 décembre 1643. -2° Par lettres patentes du mois d'août 1664, Louis XIV déclara regnicoles et naturels français les étrangers qui auraient travaillé pendant huit années à la manufacture de Beauvais et qui continueraient de résider en France.-Louis XV porta à dix ans le temps requis pour acquérir cette exemption (arrêt du conseil du 25 juill. 1722, art. 5); – 3o La même faveur fut accordée, par édit d'octobre 1663, aux ouvriers qui att travaillé huit années à la

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manufacture de glaces, verres et cristaux établie par ce même édit; 4o Enfin, un édit de novembre 1667 déclara qu'on devrait tenir pour vrais et naturels sujets tous ceux qui auraient travaillé à la manufacture royale de meubles de la couronne en l'hôtel des Gobelins;-5° Un édit du mois d'avril 1687 considérait comme Français tous étrangers qui avaient servi pendant cinq ans sur les vaisseaux du roi, en qualité de pilotes, maîtres, contremaltres, canonniers, charpentiers, calfats et autres officiers, mariniers et matelots, à la condition de s'établir dans le royaume;

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6 Par lettre du roi, du 10 oct. 1552, renouvelée par un édit de 1607, les étrangers employés au desséchement des marais furent exemptés du droit d'aubaine, de même que ceux qui travailleraient au défrichement des terres incultes et aux mines; 7° François Ier rendit, le 31 janvier 1554, une ordonnance qui considérait comme Français tous les militaires servant dans l'armée française; mais comme cette ordonnance ne fut point enregistrée dans les parlements, elle ne fut jamais appliquée généralement. En 171, sous la régence du duc d'Orléans, elle fut renouvelée en faveur des gens de guerre catholiques qui auraient servi dix ans dans les armées françaises, à la condition de demeurer et de mourir dans le royaume; 8° Aux termes d'une ordonnance rendue en 1315 par Louis X, les écoliers étrangers étaient exempts de tout droit d'aubaine. Mais Bacquet conteste aux écoliers ce droit à l'exemption que Lebret (de la Souveraineté du roi, liv. 2, ch. 11) et Choppin (du Domaine, liv. 1, tit. 11) | reconnaissent, au contraire, formellement.

36. Quand nous parlerons (nos 41, 55 et suiv.) des traités conclus entre la France et un grand nombre d'autres nations, concernant le droit d'aubaine, il sera facile, en se reportant à la date de ces conventions, de déterminer l'étendue de la troisième exception que nous avons dil avoir été faite à l'application de ce droit dans la période historique qui nous occupe. Nous nous contenterons de remarquer, quant à présent, que la guerre avait pour effet de suspendre, entre les nations belligérantes, l'effet des traités d'abolition réciproque du droit d'aubaine; et ce, par la raison que ces traités n'ont d'autre base que l'alliance des nations contractantes, et que le premier effet d'une guerre entre deux nations est d'annuler les traités d'alliance existant entre elles.- Un arrêt du 16 juillet 1668, rapporté au Jourual des audiences, a même décidé que la paix, en renouvelant les traités d'exemption du droit d'aubaine, ne leur donne aucun effet rétroactif, et n'habilite pas les étrangers à recueillir les successions qui leur sont échues en France pendant la guerre. M. Merlin (Répert., v° Success., sect. 1, § 2, art. 4, no 2), rapporte toutefois une espèce dans laquelle le parlement de Paris a jugé en sens contraire, à la date du 7 sept. 1781. Mais cette décision ne repose que sur des circonstances de fait et ne saurait détruire le principe.

Disons, avant de terminer sur ce point, que, dans plusieurs provinces françaises, le droit d'aubaine était inconnu et que, même dans celles où il était en usage, les étrangers en étaient exempts dans quelques localités. Notre première proposition se réfère aux provinces de droit écrit. Or, suivant lettres patentes données par Louis XI, en juillet 1475, et enregistrées au parlement de Toulouse, il était ordonné que les étrangers pourraient tester, ordonner et disposer de leurs biens, meubles et immeubles, par testament et autrement, ainsi qu'il leur plairait, sans que leurs successeurs fussent tenus de payer aucune finance. En 1483, Charles VIII confirma les lettres données par son père. Caseneuve (Traité du franc-aleu, liv. 1, ch. 16) et Maynard (Notables et singulières questions de droit écrit) font remarquer que ces lettres sont plutôt une reconnaissance d'un droit préexistant qu'elles ne constituent un privilége concédé.-Guy Coquille (Comm. sur la coutume de Nivernais, ch. des Successions, sur l'art. 24) dit à son tour: « Aucunes villes de ce royaume ont lettres de privilége général, par lesquelles les étrangers y venant demeurer sont naturalisés, leur est permis d'acquérir biens en ce royaume et en disposer par testament et leurs parents peuvent Jeur succéder sous la modification susdite, pourvu que ceux qui veulent succéder soient regnicoles: ces villes sont Lyon, Tholose et Bordeaux..... --- Un édit de Louis XIV, de 1669, porte une déclaration semblable au profit du port et du havre de Marseille, et Boërius, en ses Décisions, nous fait connaître que la même faveur s'étendait à la Guyenne et à la Provence, tout entières.

Dans notre seconde proposition nous faisons allusion à ce qui se pratiquait: 1o dans la ville de Reims, dans laquelle, en vertu d'un édit du 26 février 1362, tous étrangers membres du chapitre n'étaient pas soumis à l'aubaine; 2° dans la ville de Châlons-surMarne, où les étrangers restaient libres de tout droit exceptionnel, en vertu d'une charte donnée à cette ville en 1364; 3° dans la ville de Calais, où les étrangers étaient également exempts du droit d'aubaine, aux termes des lettres patentes données par Charles IX en 1567 et par Henri IV en 1599; 4° dans celle de Dunkerque, en vertu d'un édit de 1662; 5o dans la province d'Artois (art. 40 de la coutume).

37. Ce fut longtemps une question que de savoir si, parmi les priviléges dont ils jouissaient, les ambassadeurs avaient ce lui d'être exempts du droit d'aubaine? - Bacquet enseignait la négative, en se fondant sur ce que les prérogatives accordées aux représentants des puissances étrangères dans les pays où ils étaient accrédités ne leur étaient accordées que pendant leur vie et tant qu'ils étaient revêtus d'un caractère officiel, circonstances qui ne se présentaient pas dáns la question qui nous occupe, d'où il suivait qu'on ne devait pas traiter la succession d'un ambassadeur étranger autrement que celle de tout autre aubain. — Mais l'opinion contraire finit cependant par prévaloir, mais seulement en ce qui concernait les meubles. Quant aux immeubles et aux rentes constituées, le droit d'aubaine devait s'appliquer. M. Demangeat, p. 226, cite un arrêt, du 14 janv. 1747, qui l'aurait ainsi jugé contre les héritiers du représentant anglais demeurant à Paris. V. Agent diplom., nos 81 et suiv.).

38. Lorsqu'il y avait lieu à l'exercice du droit d'aubaine, le procureur du roi ordonnait la saisie des biens du de cujus, et quand l'extranéité avait été constatée, sur une enquête sommaire, le juge attribuait au roi les biens de l'aubain. - En fait, le roi ne conservait pas les biens qu'il avait recueillis en vertu du droit d'aubaine. Depuis Philippe le Bel il était de maxime, en effet, que le roi « devait avoir les mains pures de toute confiscation. Ces biens étaient le plus souvent donnés par le prince à un parent de l'étranger, sauf néanmoins le droit réservé à la chambre des comptes chargée de vérifier les dons, de restreindre la donation à une certaine somme, ainsi que le portent une, ordonnance de Charles VIII, du 24 juin 1492, et l'art. 304 de l'ordonnance de Blois.

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39. En droit, la position des étrangers, en général, resta, jusqu'en 1790, ce qu'elle était à la fin du dix-septième siècle. « Les étrangers, dit Pothier (Traité de la communauté, no 21), ne sont pas capables du droit civil, qui n'a été établi que pour les citoyens, tel que le droit des testaments, des successions, du retrait lignager; mais ils sont capables de ce qui appartient au droit des gens, telles que sont toutes les conventions. -Étaient Français: 1° ceux qui étaient nés dans l'étendue de la domination française et dans les colonies ou autres établissements français; 2o les enfants nés dans un pays étranger d'un père français qui n'avait pas établi son domicile dans ce pays, ni perdu l'esprit de retour; 3° les habitants nés dans une province réunie à la France. Pour que ceux qui étaient nés dans les pays de la domination française fussent réputés Français, on ne considérait pas s'ils étaient nés de parents français ou étrangers, si les étrangers étaient domiciliés dans le royaume ou s'ils n'y étaient que passagers. Tous ces points sont états par Pothier dans son Traité des personnes, part. 1, tit. 2, sect. 1. — On appelait étrangers ceux qui étant nés de parents étrangers et hors des pays de la domination française, soit qu'ils résidassent dans le royaume, soit qu'ils y demeurassent un certain temps seulement, soit qu'ils n'y fussent que simples voyageurs (Pothier, ib.).—Les étrangers pouvaient acquérir le droit de citoyens français, en obtenant des lettres de naturalité (V. tit. 2, ch. 2, sect. 2, art. 1 ̧ § 1). Ces lettres n'étaient même pas nécessaires aux étrangers qui venaient s'établir à Lyon, à Toulouse ou à Bordeaux; le fait de leur établissement dans l'une de ces villes suffisait pour les naturaliser (V. no 34). Tous les étrangers qui se transportaient dans les colonies françaises, dans la résolution d'y former un établissement fixe et durable, étaient aussi naturalisés de plein droit (V. no 35). Enfin, le service dans les armées françaises de terre ou de mer faisait acquérir, après un certain temps, les droits de citoyen français. V. no 55.

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