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DROIT CIVIL.TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 4, § 1.

Au reste, pouvoir discrétionnaire où les convenances sociales et les besoins de la justice veulent qu'ils soient encore retenus. il paraît superflu de faire observer qu'en présence de ce droit anormal l'objection qui place les questions de capacité et d'état civil hors des transactions ou actions des particuliers se trouve quelque peu affaiblie, en raison du modérateur suprême auquel

elles sont soumises.

318. C'est surtout en matière de séparation de corps et lorsque la femme n'a cessé d'être Française que par son mariage avec un étranger, que la difficulté a été agitée. Il a d'abord été posé en principe que l'incompétence des tribunaux français était absolue, et qu'il ne leur était pas permis de statuer sur des demandes de cette nature, quoique les deux époux eussent plaidé en première instance sans proposer l'exception et que le mari ne l'eût relevée que sur l'appel. Ainsi jugé : 1o entre époux étrangers résidant en France (Paris, 28 avril 1823) (1);— 2o Entre

·

En 1819, à Paris, et dans l'hôtel de (1) Espèce (Ely C. Ely.) l'ambassadeur anglais, mariage d'Ely, Américain, et de la demoiselle Bous, Anglaise. Les époux ont continué de résider à Paris.

En 1820, la dame Ely quitte le domicile marital. - Ely demande devant le tribunal de la Seine qu'elle y rentre. Elle se plaint de sévices, et réclame la Ely défend au fond, conteste les faits allégués, separation de corps. 15 juill. 1822, jugement qui et soutient qu'ils ne sont pas pertinents. Appel d'Ely. -1° La capacité des prononce la séparation de corps. personnes est régie par le statut de leur nation; or, il s'agit d'une question d'état. -2° En tout état de cause, l'incompetence pour qualité d'étranger, est proposable. Considérant que les deux époux sont étrangers, et que le LA COUR:mariage a été contracté dans la maison de l'ambassadeur anglais, équivalent au territoire étranger; qu'ainsi, les tribunaux ne sont pas compétents sur la question d'état des époux ;-Mais considérant qu'en les délaissant à se pourvoir devant les juges de leur pays, les tribunaux français doivent pourvoir à la sûreté personnelle de l'époux le plus faible, et qu'il résulte dès à présent, des enquêtes et contre-enquêtes, qu'il n'y a pas sureté actuelle pour la femme d'habiter avec son mari, a mis et met l'apEmendant et faisant droit au pellation et ce dont est appel au neant, en ce qu'il a été statue définitivement Sur la demande en séparation de corps; principal, délaisse les parties à se pourvoir devant leurs juges, et néanmoins ordonne que la sentence du tribunal civil de Paris, du 18 juillet dernier, sera exécutée provisoirement, quant aux dispositions qui défendent au mari de hanter et fréquenter sa femme et quant à la garde des enfants, elc.

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Du 28 (et non 26) avril 1823.-C. de Paris.-M. Séguier, pr. (2) Espèce (De Salisch C. de Salisch.) Le 8 janv. 1834, la dame Féron, Française, épouse de Salisch, Polonais réfugié. Quelque temps après, elle forme contre son mari une demande en séparation de corps Le sieur de Salisch soutient que les tripour excès et sévices graves. bunaux français sont incompétents pour connaitre d'une pareille demande, et que ce droit ne peut appartenir qu'aux tribunaux de son pays. Pour Jugement ainsi repousser ce déclinatoire, la dame de Salisch invoque la loi de 1832, qui admet les Polonais réfugiés à s'établir en France. « Attendu que l'étranger proscrit, en recevant un asile en concu : France et en obtenant l'autorisation d'y résider, ne perd pas sa nationa- Que les lité; - Que la femme française qui épouse un étranger suit la condition de son mari, c'est-à-dire qu'elle perd la qualité de Française; tribunaux français ne sont compétents pour statuer sur les difficultés nées entre étrangers qu'autant que les parties en cause ont déclaré reAltendu, dans tous les cas, que les triconnaître cette compétence; bunaux français peuvent s'abstenir de juger les contestations qui s'élèvent entre étrangers; que c'est pour eux un devoir, lorsqu'il s'agit de statuer sur une question qui intéresse l'état des personnes; qu'en effet le slatut personnel suit l'étranger sur le territoire français; que les tribunaux s'exposeraient à commettre de graves erreurs en appliquant des lois étrangères qui seraient nécessairement les seules applicables aux parties; Qu'ensuite la justice française serait compromise, puisque tel état Que la séparation personnel consacré par ses décisions serait en contradiction avec un état contraire et méconnu par les autorités étrangères; · de corps a nécessairement pour résultat de modifier d'une manière essenQu'il s'agit d'une incompétence tielle et grave l'état des personnes; d'ordre public que la volonté de l'étranger ne peut modifier; qu'il en est de même du domicile de l'étranger en France, qui laisse également subsister cette incompétence; -- Que, d'ailleurs, la dame de Salisch ne justifie pas du domicile de son mari en France dans les termes de l'art. 45 e. civ.; Que la loi de 1852 n'a accorde aux refugiés qu'un domicile

de fait :
Attendu, néanmoins, que l'art. 5 c. civ. autorise les tribunaux fran-
çais à adopter des mesures provisoires pour ce qui intéresse la sûreté et
Les droits naturels appartenant à tout individu habitant le territoire fran-

TOME XVIII.

un étranger et la femme française qu'il a épousée en France,
ils n'ont pas cessé de résider (Poitiers, 15 juin 1847, aff. Czar-
necki, D. P. 48.2. 149; et sur pourvoi, Req., 16 mai 1849, D. P.
49. 1. 256).- Décision semblable dans une espèce où le renvoi
devant les juges naturels était réclamé par le mari, sujet polonais
319. D'autres arrêts ont, conformément à ce que nous avons
(Paris. 23 juin 1836) (2), ou genevois (Paris, 25 nov. 1859) (3).
dit plus haut, reconnu la compétence facultative des tribunaux
raient la connaissance de la demande en séparation de corps,
français, mais à la condition que toutes les parties leur défére-
et qu'il suffit que l'exception d'incompétence ait été proposée par
le mari, qui n'est même devenu étranger que par la séparation
de la Belgique, pour que les tribunaux doivent se déclarer in-
compétents pour statuer sur la demande de la femme qu'il avait
épousée en France. où il n'avait pas cessé de résider (Req., 14
avr. 1818) (4).

-

çais; Que le tribunal a déjà suffisamment pourvu à ces mesures pro-
visoires;
Que les tribunaux français ne peuvent autoriser en France
une séparation de fait sans limites entre deux époux même étrangers;
qu'il importe de fixer un délai après lequel la danie de Salisch sera obli-
gée de faire juger son action par les juges de la nation de son mari;
Se déclare incompétent sur la demande en séparation de corps; maintient
néanmoins les mesures provisoires ordonnées par son précédent jugement;
ordonne, toutefois, que, dans les six mois de la notification à elle faite
par son mari dans le lieu qui a vu naître le comte de Salisch, ladite dame
sera tenue d'appeler son mari devant les juges de son pays. »-Appel.-
Arrêt.

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(3) Espèce : — (Mathieu.) — Mathieu, Genevois en résidence à Paris, en séparation de corps formée peu de temps après par la dame Mathieu, son mari invoqua sa qualité d'étranger, et demanda son renvoi devant y épousa, en 1835, la demoiselle Varner, Française. Sur la demande les tribunaux suisses, seuls compétents, disait-il, à raison de la nature de l'action. Le tribunal de la Seine s'est déclaré incompétent en ces termes: «Allendu qu'aux termes de l'art. 19 c. civ., la femme francontestation sur laquelle le tribunal est appelé à statuer s'agite entre étrangers; Qu'en semblable circonstance, les tribunaux français ont la caise qui a épousé un étranger suit la condition de son mari; qu'ainsi la faculté de refuser leur juridiction en toute matière lorsqu'ils le jugent a propos, mais que cette faculté devient une obligation lorsqu'il s'agit d'une question d'état, qui, entre étrangers, ne peut être jugée que suivant les Que, si du pays auquel les parties appartiennent par leur nationalite; principes du statut personnel, et par les juges de ce statut, c'est-à-dire de cet état de choses il peut résulter quelques inconvénients, d'une part, il en résulterait de bien plus grands si les juges français, au risque d'erreurs bien naturelles en appliquant une loi étrangère, constituaient un état qui ne serait pas reconnu légal par les autorités étrangères sous l'empire desquelles seules sont placées les personnes des etrangers; d'autre part, les inconvénients disparaissent devant l'obligation qui incombe aux tribunaux français de prendre les mesures et précautions qui intéressent la personne et les biens des étrangers, et qui molivent le droit qui appartient aux tribunaux de statuer sur les mesures provisoires réclaLe tribunal se déclare incompétent sur la mées par la demanderesse; Arrêt. demande en séparation de corps,; renvoie les parties devant les juges qui Appel par la dame Mathieu. Confirme. en doivent connaître. » LA COUR; - Adoptant les motifs des premiers juges; · Du 25 nov. 1859.-C. de Paris, 2 ch.-M. Hardouin, pr.

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(4) Espèce:-(Dame Vanherke C. son mari.)-15 nov. 1806, à Dôle, mariage de la demoiselle Fondaut, Française, et de Vanherke, Liégeois, Ils fixent leur domicile à Paris.devenu Français par la réunion. Demande en séparation de corps contre le mari.-Le tribunal de la Seine Vanherke indique à la femme une résidence provisoire pendant le procès.-Sur ces entrefaites, en 1814, la Belgique est séparée de la France. ne fait point la déclaration prescrite par la loi du 14 oct. 1814, et cesso La dame Vanherke reprend son instance, et ainsi d'être Français. Altendu Vanherke, après avoir défendu au fond pendant un assez long temps, décline la juridiction française, attendu que sa femme et lui sont devenus 4 mai 1816, le tribunal rejeta le déclinatoire : étrangers. que les époux Vanherke ont constitué leur résidence en France depuis la réunion de la Belgique à la Hollande, et sont réputés y avoir conservé leur domicile commun; que, par l'autorisation provisoire de vivre séparée du mari, la femme n'a plus été soumise à l'autorité maritale, ni obligée de le suivre; qu'elle est donc bien fondée à réclamer, pour la continuation de l'instance qu'elle a commencée, sa qualité de Française, la légis45 lation du lieu de son contrat de mariage et la juridiction des tribunaux

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320. Jugé aussi qu'ils doivent se déclarer incompétents si l'exception est proposée par le mari, sujet étranger (Russe), même pour la première fois en appel contre sa femme, Française de naissance, qu'il avait épousée à Paris, où il a continué de

de France, dûment saisis de la contestation. Appel de Vanherke. 15 juillet 1816, arrêt infirmatif de la cour de Paris, attendu que la femme suit la condition de son mari.- Pourvoi de la dame Vanherke: -1° Le déclinatoire n'avait été proposé qu'après la défense au fond (168 c. pr.); -2° La loi du 15 oct. 1814 n'ôte pas les droits civils, mais ne prononce que sur les droits politiques: l'art. 15 c. civ. a donc été violé, puisque Vanherke n'avait pas cessé d'être domicilié à Paris;-3° L'art. 108 n'oblige point la femme née Française et mariée à un Français de le suivre en pays étranger; elle peut, du moins, l'actionner en France pour les obligations qu'il y a contractées; - 4° Les juges naturels étaient irrévocablement saisis. On invoque Bouhier, Observ. sur la cout. de Bourgogne, ch. 22, n° 132, 158 et 141; Merlin, Rép., vo Divorce, sect. 4, § 10. Arrêt (après délib. en ch. du cons.).

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LA COUR; Attendu que les tribunaux ne sont obligés de rendre justice qu'à leurs justiciables; qu'ainsi ils peuvent s'abstenir de la connaissance des affaires qui ne sont pas de leur compétence, quoiqu'il ne soit point proposé de déclinatoire, et lors même que les parties consentiraient à être jugées par eux; que, dans l'espèce, Vanherke n'a été momentanément Français que par suite du droit de conquête, et qu'il a cessé de l'être par la séparation du pays de Liége de la France, n'ayant pas fait la déclaration prescrite par la loi du 15 oct. 1814; Attendu que, suivant l'art. 19 c. civ., la femme française qui épouse un étranger suit la condition de son mari, et ne peut recouvrer la qualité de Française qu'après qu'elle est devenue veuve, et en se conformant à ce qui est prescrit par le même article; Attendu que la femme Vanherke, en épousant un étranger, est devenue étrangère elle-même; qu'ainsi la contestation à juger a lieu entre deux étrangers; ce qui écarte l'application de l'art. 14 c. civ., d'après lequel l'étranger, même non résidant en France, peut être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français; - Attendu qu'il s'agit d'une action personnelle qui doit être portée devant les juges du domicile du défendeur; - Rejette.

Du 14 avril 1818.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Dunoyer, rap. (1) Espèce: - ( Zaffiroff C. dame Zaffiroff.) En 1821, la dame de Zaffiro a formé devant le tribunal de la Seine une demande en séparation de corps, pour outrages et sévices graves, contre Zaffiroff, Russe, qu'elle avait épousé peu de mois auparavant à Paris, où les époux, depuis leur mariage, n'avaient cessé de résider. 1 fév. 1822, un jugement admit la dame Zaffiroff à faire preuve des faits articulés. Sur l'appel, Zaffiroff, qui n'avait point décliné la compétence du tribunal de première instance, demanda formellement le renvoi devant les tribunaux de sa patrie, et prit subsidiairement des conclusions au fond.- 23 avril 1822, arrêt de la cour de Paris, en ces termes : « Considérant que la femme française qui épouse un étranger devient étrangère; qu'une demande en séparation de corps, tendant à modifier l'état des époux, ne peut être portée que devant le juge national du mari :-Considérant enfin que Zaffiroff, né en Russie, n'est point naturalisé Français, et que l'incompétence, étant absolue, peut être proposée en tout état de cause; dit qu'il a été incompétemment jugé par la sentence du 1er février dernier; en conséquence, a mis et met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant au principal, renvoie la cause et les parties devant les juges qui doivent en connaitre, et néanmoins ordonne que l'ordonnance du président du tribunal civil de la Seine, du 8 nov. 1821, qui permet à la femme de Zaffiroff de prendre et de conserver un domicile autre que celui de son mari, continuera d'être exécutée pendant le délai de deux années, dans lequel elle sera tenue de se pourvoir, etc. »

Pourvoi en cassation de la part des deux parties. Celui de Zaffiroff reposait sur les moyens que l'arrêt suivant fait suffisamment connaitre. - Arrêt.

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LA COUR; Sur la demande en règlement de juges: Attendu que, tant d'après l'ordonnance de 1737 que d'après l'art. 363 c. pr., le règlement de juges ne peut être introduit que lorsque deux cours royales, ou deux ou plusieurs tribunaux inférieurs, non ressortissant de la même cour royale, sont saisis ou réclament la connaissance de la même affaire, ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce, où il ne s'agit que de savoir si la contestation soumise aux tribunaux français est de leur compétence ou de celle des tribunaux d'un autre royaume;

En ce qui concerne la demande en cassation... :- Attendu, sur le moyen pris de ce que l'arrêt, par cette disposition (celle qui permet à la femme de Zaffiroff de conserver son domicile pendant deux années chez la femme Riant), a constitué à la femme de Zaffiroff un domicile autre que celui de son mari, et est contrevenu par là à la disposition de l'art. 108 c. civ., qui ne donne à la femme d'autre domicile que celui de son mari; - Qu'il ne s'agit que d'une mesure préliminaire à la contestation sur la séparation, et que la demeure indiquée à la femme n'est qu'un lieu de retraite autorisé à l'égard de toutes les femmes qui se trouvent dans la

résider (Rej., 30 juin 1823) (1).—Contrà l'exception est couverte dans ce cas (Paris, 25 janv. 1840) (2).

321. La règle qui veut que les juges français se déclarent incompétents pour statuer sur la demande en séparation de corps

même situation, pour les mettre à même de poursuivre leur action en séparation, avec sûreté et sans aucun trouble de la part du mari; - Attendu, quant au moyen pris de l'incompétence des tribunaux français, que, quoi qu'il en soit du domicile ou résidence de Zaffiroff en France, avant, lors et depuis son mariage, il est toujours vrai que les deux époux, que le président du tribunal civil était parvenu à réconcilier sur une première comparution devant lui, y ont comparu une seconde fois, et ont reconnu sa juridiction, et ensuite celle du tribunal de première instance; que même Zaffiroff a défendu et conclu au fond devant la cour royale, et que les tribunaux français n'étant pas incompétents ratione materiæ, puisque la contestation est incontestablement dans les attributions du pouvoir judiciaire, auraient été incompétents à raison des personnes ; que cette incompétence aurait été couverte par le consentement résultant de la conduite des parties; - Rejette les demandes de Zaffiroff, tant en règlement de juges qu'en cassation. Du 27 nov. 1822.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Dunoyer, rap.Cahier, av. gén. c. conf.-Jousselin, av.

LA COUR

Au fond, le pourvoi de la dame Zaffiroff était fondé sur ce que l'incompétence n'étant que personnelle, l'exception avait été couverte par les défenses au fond de Zaffiroff: elle invoquait l'arrêt qui précède, et une autre décision de la cour suprême du 4 sept. 1811, dont il résulte seulement qu'après l'arrêt définitif on ne peut plus, pour la première fois, proposer en cassation l'incompétence. Elle ajoutait que la demande en separation de corps, à la différence de ces demandes ordinaires, qui n'ont d'autre ob- ́ jet qu'un intérêt pécuniaire, était une mesure de police et de sûreté; que l'art. 3 c. civ. en attribuait la connaissance aux juges français. Le défendeur citait les lois 1 et 2, ff., De judic., d'après lesquelles la juridiction du tribunal, saisi d'un procès entre étrangers, cesse avec le consentement erroné qui l'a créé. - Du reste, il soutenait que l'incompétence était matérielle et proposable en tout état de cause. —Arrêt (ap. délib. en ch. da cons.). Attendu que Zaffiroff et sa femme sont étrangers, et que si aucune loi ne s'oppose à ce que les tribunaux français jugent les contestations élevées en France entre étrangers, lorsque leur juridiction est reconnue par le consentement réciproque des parties, aucune loi n'oblige ces tribunaux à juger ces contestations; - Attendu que, dans l'espèce, si Zaffiroff n'a pas décliné la juridiction du tribunal de première instance, il en a été autrement devant la cour royale, puisqu'il a demandé qu'elle se déclarât incompétente, et n'a conclu au fond que subsidiairement, et parce qu'en cour souveraine il faut défendre à toutes fins d'où il suit que les arrêts invoqués par la demanderesse sont sans application dans la cause, puisqu'ils ont simplement décidé que le demandeur étranger, qui avait saisi les tribunaux français de la connaissance d'une question d'état, tait plus recevable à proposer l'incompétence après l'arrêt définitif; —Attendu qu'en refusant dans l'état des choses de connaître de la contestation au fond, et en renvoyant les parties devant leurs juges naturels, la cour royale de Paris n'a violé aucune loi ;- Par ces motifs, rejette.

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Du 30 juin 1823.- C. C., sect. civ.-MM. Desèze, 1er pr.-Portalis, rap.Joubert, av. gén., c. conf.-Guillemin et Jousselin, av.

(2) (Brune de Mons C. sa femme.)-LA COUR ;-En ce qui touche le déclinatoire:-Considérant que Brune de Mons, sur la demande formée contre lui par sa femme, a défendu tant en première instance que devant la cour; qu'il a exécuté l'arrêt interlocutoire intervenu sur son appel, et plaidé au fond devant les premiers juges; qu'ainsi il a reconnu et accepté volontairement la juridiction des tribunaux français;-Que c'est sur son appel de la sentence rendue sur le fond que, pour la première fois, il décline la compétence de la cour, en se fondant sur sa qualité d'étranger et sur la nature de la contestation; — Qu'en admettant que Brune de Mons soit étranger, ainsi qu'il le prétend, l'incompétence des tribunaux français. dans l'espèce, ne serait point absolue ni d'ordre public, et telle que le tribunaux francais dussent s'arrêter devant elle en tout état de cause; Qu'une demande en séparation de corps, quelles qu'en soient les conse quences, est une cause purement personnelle; - Que ce serait donc seu lement une incompétence relative et personnelle qui peut être couverte par le consentement des parties et par l'acquiescement à la chose jugée; Que, lorsqu'elle est proposée tardivement et après les défenses, les tribunaux ne sont pas obligés de se dessaisir; qu'ils peuvent seulement examiner si, d'après la nature de la cause, il n'y aurait pas lieu, dans l'intérêt des parties, de les renvoyer devant les juges de leur pays; mais que ce renvoi est purement facultatif; - Que, dans l'espèce, l'intérêt des parties ne commande pas ce renvoi, et que, d'une autre part, la nature et les circonstances du procès, qui repose sur des faits qui se sont passés en France et sur les dépositions de témoins domiciliés en France, demandent que la cour retienne la cause; Sans s'arrêter au déclinatoire, conürme

au fond.

Du 25 janv. 1840.-C. de Paris, 1re ch.-M. Simonneau, pr.

DROIT CIVIL. TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 4, § 1.

formée par une femme d'origine française contre son mari étranger, ne peut être modifiée par la circonstance que, dans son pays, le mari se trouverait frappé de mort civile par mesure politique (Req., 16 mai 1849, aff. Czarnecki, D. P. 49. 1. 256). 322. Il a été décidé qu'en Belgique, un étranger, et spécialement un Français, ayant épousé une femme belge avec laquelle il a habité le royaume jusqu'au principe du procès, ne peut, pour la première fois en instance d'appel, sur une demande en séparation de corps formée par la femme devant les tribunaux belges, après qu'il a par des faits accepté la compétence des tribunaux belges, exciper de l'incompétence de ces tribunaux en raison de .a qualité d'étranger, et prétendre que cette incompétence est absolue en ce qu'il s'agit d'une question d'état qui doit nécessairement être décidée par les juges du domicile légal (Bruxelles, 5 mai 1829 (1).

323. A supposer que l'incompétence soit d'ordre public, ou que, sans admettre ce principe trop rigoureux, on décide seulement qu'il suffit que l'exception soit proposée pour qu'elle doive être admise, quelle est la phase de l'instance après laquelle l'exception n'est plus proposable? On a vu, par le résumé qui précède, que ce point-là était le plus controversé. S'il s'agit d'un simple déclinatoire, il est certain qu'il sera couvert par la seule omission des parties à le faire valoir avant tous autres moyens ; mais telle n'est point la nature de cette exception.- Faut-il accorder, avec les cours de Paris et de Poitiers, à la chambre des requêtes (V. n° 318), qu'elle soulève un moyen d'ordre public? alors elle sera proposable devant toutes les juridictions, et même devant la cour de cassation, quoique la chambre civile de cette cour ait proclamé la thèse contraire (Rej., 30 juin 1823, aff. Zaffiroff, V. no 320).—Mais cette prétention, qui pousse le principe à l'extrême, n'est pas plus vraie.-Il faut, selon nous, en revenir à un système mitoyen, celui qui est dans le sens de la jurisprudence la plus considérable et dont nous croyons avoir

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(1) (Colsenet C. dame Colsenet.)-LA COUR;--Attendu que l'appelant soutient qu'en raison de la qualité d'étranger qui réside dans son chef et par suite dans celui de son épouse, ici intimée, tous les tribunaux des Pays-Bas, et par conséquent celui de Bruxelles, étaient incompétents pour connaitre de l'action dont s'agit; qu'ainsi ce tribunal aurait dû renvoyer la cause ex officio, devant qui de droit;-Qu'il est constant au procés que le mariage des époux Colsenet a été contracté dans ce royaume, et qu'ils y ont immédiatement fixé leur principale demeure, qu'ils ont conQu'indépendamment de ces observations, l'acservée jusqu'au procès ; · hors pas tion en séparation de corps ne constitue pas une contestation de l'état proprement dit; - Que la matière même de cette contestation n'est de la juridiction des tribunaux des Pays-Bas, et qu'ils ne pourraient être incompétents que parce que les parties seraient étrangères dans le sens de la loi; Que s'il est vrai, en général, qu'à l'exception de quelques cas déterminés spécialement par la loi et dont il ne s'agit point ici, les tribunaux des Pays-Bas ne sont pas tenus de décider les contestations qui s'élèvent entre étrangers, il est néanmoins vrai que ces tribunaux peuvent décider ces contestations lorsque les étrangers sont domiciliés dans ce royaume, et que les contestations sont relatives à des obligations contractées dans notre pays, à moins cependant que les parties, du chef de leur qualité d'étranger, n'aient décliné leur juridiction en temps utile ;- Que ni devant le président du tribunal à quo, ni devant ledit tribunal, ni même Attendu, dans son acte d'appel, mais seulement devant cette cour, l'appelant a demandé d'être renvoyé devant le juge de son domicile réel; en outre, que le 30 janv. dernier le tribunal l'ayant admis à la preuve des faits sur l'exception de réconciliation proposée par lui, il a exécuté ce jugement en faisant différents devoirs et même n'en a jamais interjeté appel; que les deux jugements dont appel ne sont que la suite de ce premier jugement, passé ainsi en force de chose jugée; qu'en se comportant ainsi - De tout quoi il l'appelant a reconnu, d'une manière irrévocable, la compétence des tribunaux belges et leur a soumis la décision de l'affaire; suit que le tribunal de Bruxelles était en effet compétant pour connaître de la présente cause, portée devant lui du consentement respectif des parties; qu'en cette matière les parties avaient le droit de proroger la juridiction des tribunaux belges; qu'ainsi le tribunal à quo n'était pas tenu de renvoyer d'office les parties devant les tribunaux français, et que l'appelant, dans les circonstances de la cause, n'est plus recevable dans l'exception d'incompétence qu'il a fait valoir pour la première fois devant celle cour; Rejette l'exception d'incompétence.

-

Du 3 mai 1829.-C. de Bruxelles, 2 ch.-M. Spruyt, c. conf.

(2) Espèce: (Hoefly C. Zoost.)- Zoost, Suisse, avait assigné au tribunal de Colmar, en payement de 725 fr., Hoefly, du même pays, mais résidant en France. Hoefly a débattu au fond. - Condamné,

il

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démontré la conformité avec les règles de l'incolat sainement en-
serait péremptoire, en ce sens qu'on pourrait la faire valoir en
tendues. Or, dans l'esprit de cette jurisprudence, l'exception
tout état de cause; elle aurait de l'analogie avec celle qui se tire
bien expresse au droit de l'invoquer, pour que les juges décla-
de la prescription. En un mot, il faudrait une renonciation
rassent leur incompétence. Mais, d'une part, entre une exception
péremptoire de sa nature et celle qui est fondée sur la violation
de l'ordre public, la différence est très grande : l'une ne peut
être proposée que devant les juridictions de premier et de second
que le moyen est toujours subsistant, res perpetuo clamat
degré, l'autre peut l'être même en cour de cassation, parce
et qu'on opposerait en vain qu'il est possible que les parties
aient formellement renoncé ou ne soient pas fondées à faire
valoir le moyen.-V. Exception.

324. Quoi qu'il en soit, il a été décidé : 1o que lorsqu'une contestation entre deux Suisses a été portée devant les tribunaux français, et qu'en première instance l'une et l'autre partie ont débattu au fond, sans proposer de déclinatoire, cette exception tendre l'art. 13 du traité entre la France et la Suisse, du 27 sept. n'est plus proposable en appel. C'est dans ce sens qu'il faut en1803, et il n'est pas nécessaire, pour écarter l'exception d'incompétence, que par une convention expresse les parties aient consenti la juridiction (Colmar, 30 déc. 1815) (2); — 2° Que lorsque, dans une contestation entre des étrangers, soumise à un tribunal français, l'un d'eux demande le renvoi de l'affaire devant les juges de son pays (qui sont aussi ceux de son adversaire), cet étranger n'est pas recevable, en cas de rejet de son déclinatoire, à demander à la cour de cassation, par voie de rèson pays l'affaire doit suivre les voies ordinaires (Req., 25 glement de juges, le renvoi de l'affaire devant les tribunaux de janv. 1825) (3). — Cet étranger n'aurait donc d'autre voie que l'appel, et si au lieu d'invoquer l'incompétence en appel, il

-

a, pour la première fois, proposé en appel un déclinatoire, à raison de
Arrêt.
sa qualité d'étranger, des deux parties, et attendu que l'exception d'in-
compétence était proposable en tout état de cause.
LA COUR;
Considérant que si le droit de rendre la justice est un des
apanages de la souveraineté, celui de la réclamer et de l'obtenir est un
double rapport, chaque monarque ne doit la justice qu'à ses sujets et doit
avantage que le sujet est fondé à exiger de son souverain; que, sous ce
la refuser aux étrangers, à moins qu'il n'ait un intérêt bien reconnu à
Considé-
faire juger le procès dans ses États, ou que, dans les traités, il n'y ait
des stipulations dérogatoires à ces maximes de droit public;
rant que, par le traité passé entre la France et la confedération suisse, le
27 sept. 1803, il a été réglé, art. 13, que « dans les affaires litigieuses,
personnelles ou de commerce, qui ne pourraient se terminer à l'amiable
ou sans la voie des tribunaux, le demandeur sera obligé de poursuivre
son action directement devant les juges naturels du défendeur, à moins
que les parties ne soient présentes dans le lieu même où le contrat a été sti-
- Considérant que
pulé, ou qu'elles ne fussent convenues des juges par-devant lesquels elles
se seraient engagées à discuter sur leurs diflicultés ; » —
cette convention des parties peut être expresse ou tacite; qu'elle est ex-
presse lorsqu'elle est rédigée par écrit, et qu'elle est tacite lorsque, tra-
duites devant des juges, les parties ne déclinent point la juridiction; que
dans l'une comme dans l'autre hypothèse, il se forme entre les contestants
une sorte de compromis qui devient obligatoire pour les uns et les autres,
Considerant que, dans
aux termes des dispositions du susdit traité; -
merce de Colmar, qui, selon son organisation, est compétent pour juger
l'espèce, l'appelant a été traduit par-devant les juges du tribunal de com-
en dernier ressort de l'objet de la demande qui lui a été soumis, que l'ap-
contraire sa juridiction et l'a acceptée tacitement, en contestant sur le
pelant n'a point décliné la compétence de ce tribunal; qu'il a rèconnu au
fond du litige; qu'ainsi il a volontairement usé du bénéfice de la réserve
insérée en l'art. 13 du traité du 27 sept. 1803, et par là renoncé à
l'usage de tous moyens déclinatoires pour prononcer sur leurs différends.
Du 30 déc. 1815.-C. de Colmar.-MM. Bach et Sandher, av.

(3) Espèce: (Veuve Foster et cons. C. les époux Ussher.)-Thomas Foster, Anglais, résidant à Saint-Denis, sans avoir obtenu l'autorisation langue et selon les formalités anglaises, un testament contenant des disd'y fixer son domicile, y est décédé le 6 juill. 1822. Il avait fait, dans la positions en faveur de son épouse (sa seconde femme) et de tous ses enfants à l'exception de deux de ses filles, de son premier mariage.

La dame Ussher, l'une des filles omises dans le testament, mariée en Angleterre, après avoir accepté, sous bénéfice d'inventaire, la succession de son père, assigna la veuve Foster, les exécuteurs testamentaires, le tuteur des enfants mineurs, et trois autres enfants du premier lit, devant

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325. Si la demande en séparation de corps était formée par une femme française d'origine et mariée à un Français qui, depuis son mariage, se serait fait naturaliser en pays étranger, devrait-on, sur le déclinatoire proposé par le mari, prononcer l'incompétence des juges français? La solution de cette question se rattache à celle de savoir si la femme française mariée à un Français perd sa nationalité par la naturalisation de son mari en pays étranger. Nous verrons plus loin que la négative est généralement admise sur ce dernier point. En conséquence, nous n'hésitons pas à penser que l'exception d'incompétence opposée par le mari dans l'espèce ci-dessus devrait être rejetée.—La cour de Paris l'a ainsi jugé en matière de séparation de biens, en décidant que les tribunaux français sont compétents pour connaître

le tribunal de la Seine, pour voir ordonner la liquidation et le partage de la succession Foster, sans avoir égard au testament, qui serait déclaré nul. Des jugements intervinrent, par lesquels il fut permis aux époux Ussher de faire opposition au trésor, au transfert de plusieurs rentes et à leurs arrérages. En cet état, la veuve Foster et les exécuteurs testamentaires se sont présentés, et ont conclu à ce que le tribunal se déclarât incompétent. Le 14 juill. 1824, jugement du tribunal civil, qui ordonne aux parties de plaider sur le fond.

Pourvoi en règlement de juges de la part de la veuve Foster et autres : ils se fondent sur ce que le tribunal de la Seine était incompétent: 1° à raison des personnes, puisque tous les individus qui figuraient dans l'instance, et Thomas Foster, de la succession duquel il s'agit, étaient Anglais; 2° à raison de la matière, parce que ledit Foster ayant son domicile en Angleterre, sa succession y était ouverte.

Les détendeurs répondent qu'il n'y a lieu à règlement de juges que dans deux cas, savoir: pour cause de litispendance devant deux tribunaux, et pour cause de débouté de déclinatoire et de déni de renvoi; que, dans ces deux cas, il faut que la cour de cassation ait juridiction sur les tribunaux, ce qui ne se trouvait pas dans l'espèce. Arrêt.

LA COUR;- Vu les art. 1 et 19, tit. 11, de l'ordonnance du mois d'août 1757, et les art. 565, 364 et 565 c. pr.; · Attendu qu'il résulte des dispositions combinées de ces lois, que les demandes en règlement de juges ne peuvent être introduites devant la cour de cassation que dans deux cas déterminés, savoir si deux juridictions ou cours indépendantes l'une de l'autre sont saisies d'un même différend, suivant des exploits qui doivent être représentés, ou bien encore s'il y a eu débouté d'un déclinatoire dans une cour ou juridiction prétendue incompétente, et d'une demande en renvoi dans une autre cour ou juridiction d'un autre ressort;

Attendu qu'aucun de ces deux cas n'est celui dans lequel sont placés les demandeurs en réglement de juges; que les questions de compétence, dans leurs rapports avec des tribunaux non français, doivent suivre les voies ordinaires, et que la cour de cassation ne peut en être saiste que par le recours en cassation, s'il y a lieu, et après que les degrés de juridiction ordinaire ont été épuisés; Déclare les demandeurs non recevables.

Du 25 janv. 1823.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Borel de Bretizel, rap.- Delagrange et Nicod, av.

(1) Espèce: (Époux Forestier.)

-

Joseph Forestier est né à Paris. - Son père, né en Savoie, était banquier dans cette ville. - En 1792, ils quittèrent la France, et Joseph épousa à Rome la demoiselle Fourbet, Française. Le contrat de mariage a été fait à Fribourg. Les deux époux sont désignés comme nés à Paris. En 1814, Forestier, rentré en France avec sa femme, a été nommé trésorier quartier-maître d'un régiment suisse au service du roi. — Depuis, la dame Forestier a demandé la séparation de biens contre son mari devant le tribunal de Paris. Forestier a, comme étranger, opposé l'incompétence. Le jugement et

I arrêt ci-après contiennent les motifs des parties.

50 août 1817, le tribunal s'est déclaré incompétent, et a renvoyé les parties devant les juges de Fribourg, par les motifs suivants : « Attendu que le sieur de Forestier père était bourgeois de la ville de Fribourg, et trésorier quartier-maître du régiment des gardes suisses; que Joseph de Forestier entend conserver cette qualité, ainsi qu'il résulte du certificat délivré par les autorités de la ville de Fribourg; qu'il a confirmé son mariage à Fribourg, et a réglé en cette ville les conditions civiles de son mariage; que dans un assez grand nombre d'actes il a pris la qualité d'étranger et a énoncé son domicile à Fribourg; qu'il n'a pas profité du bénéfice des lois de 4790 et de l'an 8, ni rempli les formalités qu'elles prescrivaient pour acquérir la qualité de Français; qu'il était officier au

d'une demande en séparation de biens, formée par une femme française mariée à un individu né en France et réputé Français au moment du mariage, encore que le contrat de mariage ait été fait en pays étranger et que le mari ait renoncé à la qualité de Français en acceptant des fonctions publiques et par d'autres actes (Paris, 21 juill. 1818) (1).

326. De même, si l'un des époux avait obtenu l'autorisation d'établir son domicile en France, l'exception d'incompétence proposée par son conjoint ne saurait être accueillie; car, aux termes de l'art. 13 c. civ., une semblable autorisation lui confère le bénéfice des droits civils, partant de la juridiction française en matière personnelle.-C'est par application de ce principe qu'il a été décidé que le mari étranger qui a épousé une Française n'est pas recevable à prétendre qu'il n'est pas soumis, pour la séparation de corps et ses effets, aux lois françaises, s'il avait été autorisé à demeurer en France et y avait effectivement demeuré longtemps, lorsque d'ailleurs il n'a pas décliné la compétence du tribunal français qui a statué sur la séparation de corps (Rennes, 21 août 1825) (2).

327. Il a été décidé encore qu'on devait réputer Français, et

régiment des gardes suisses en 1792, et qu'il est en ce moment trésorier des troupes suisses au service du roi, et qu'aux termes des capitulations entre les deux puissances, ces emplois ne pouvaient être remplis que par des Suisses;-Que de ce que le sieur de Forestier a consenti dans d'autres contestations à plaider devant les tribunaux français, il n'en résulte pas qu'il ait perdu sa qualité d'étranger et renoncé aux droits qui y sont altachés; qu'en donnant d'ailleurs ce consentement, il a énoncé sa qualité d'étranger et son domicile en Suisse, et le droit qu'il aurait de demander son renvoi, mais dont il déclarait ne vouloir pas user; que l'action en séparation de corps est une action civile, et que les témoins peuvent être entendus en France, s'il y a lieu, en vertu de commission rogatoire des juges compétents; que les articles cités dans diverses capitulations n'attribuent compétence aux tribunaux français que lorsque le contrat qui donne lieu à la contestation a été passé dans leur ressort, et que les parties s'y sont présentées; que, dans l'espèce, le mariage a été confirmé à Fribourg, et que le contrat des conditions civiles y a été passé; que dans les actes signifiés et produits dans la canse et dans le cours de la discussion, le sieur de Forestier a formellement déclaré qu'il avait son domicile en la ville de Fribourg. » Mais sur l'appel de la dame Forestier le jugement a été infirmé en ces termes :

LA COUR; Considérant que Joseph-Jean-Marie de Forestier, intimé, est né à Paris; que l'acte de sa naissance, extrait des registres de la paroisse Saint-Leu-Saint-Gilles, sous la date du 6 juin 1765, énonce qu'il est fils d'Augustin Forestier, banquier, rue Bourg-l'Abbé, et d'ÉlisabethAngélique Godin; que l'acte de naissance d'Augustin Forestier père, sous la date du 16 mai 1729, établit qu'il est né à Saint-Laurent en Savoie; qu'aucun de ces deux actes ne constate une origine suisse; Considérant que Joseph-Jean-Marie de Forestier ne justifie d'aucun acte par lequel, depuis sa majorité acquise en 1790, et avant son mariage du 13 juin 1792, il se soit fait reconnaître ou naturaliser Suisse ; que l'acte de ce mariage, du 15 juin 1792, désigne les époux, seulement, comme nés l'un et l'autre à Paris; qu'ainsi la qualité de Français de naissance dans la personne de Joseph-Jean-Marie de Forestier a été constante et publique à l'époque de son mariage; Considérant que les actes postérieurs n'ont pu changer la condition de la femme, fixée par la législation du temps du mariage; que la maxime qui lui a garanti qu'elle ne pourrait être contrainte à suivre son mari hors le royaume, lui a garanti, comme conséquence nécessaire, qu'elle ne pourrait être distraite de ses juges naturels, par l'abandon que pourrait faire son mari de sa patrie de naissance; - Infirme, etc. Du 21 juill. 1818.-C. de Paris, 1re ch.-M. Séguier, 1 pr. (2) (Williams.) LA COUR; Considérant que le sieur Williams s'est soumis à la juridiction française en constituant avoué, plaidant et concluant sur la demande de son épouse, sans décliner la compétence des juges devant lesquels elle l'avait cité; qu'en consentant à être jugé pr un tribunal français, il s'est nécessairement soumis à l'application de: lois françaises, les seules que le tribunal, dans l'espèce de la cause, pouvait appliquer; que, par ordonnance royale du 25 oct. 1814, le sieur Williams, Américain, a été admis à établir son domicile en France, et à y jouir des droits civils; qu'il y réside depuis plus de dix-huit ans; qu'il a contracté mariage en 1808 avec une Française, et que ce mariage, sanctionné par les lois françaises, doit pour ses effets, ses consequences et ses modifications, ètre soumis aux lois françaises: Considérant que si, lors du jugement du 27 juill. 1822, le sieur Williams a formellement conclu au rejet de la demande en séparation de corps par fin de non-recevoir résultant de la réconciliation, le tribunal l'a débouté de cette fin de non-recevoir; qu'à cet égard, le prononcé du tribunal, quoiqu'en forme de considérant, est assez explicite; que, d'ailleurs. Ja riconciliation présentée comme fin de non-recevoir devant être nécessai

par conséquent justiciable des tribunaux français pour une demande en séparation de corps, l'étranger résidant depuis longtemps en France, y ayant épousé une Française, formé un établissement de commerce, acquis des propriétés et rempli des fonctions publiques auxquelles les citoyens français peuvent seuls être admis Rennes, 8 avr. 1814) (1).— On peut objecter contre cette solution, que l'incolat n'est pas du tout mis au nombre des modes d'acquérir la nationalité française par nos lois; qu'en conséquence, l'étranger qui n'est pas naturalisé Français, et qui ne se trouve point, d'autre part, dans l'un des cas prévus par les art. 9 et 10 c. civ., reste étranger; or, que, comme la femme française qui épouse un étranger perd sa nationalité, elle ne peut plus réclamer de nos lois, tant qu'elle reste dans cette condition, une protection qu'elles n'accordent pas aux étrangers ordinaires; qu'elle doit donc, comme eux, être assujettie aux principes qui ...at été développés dans les numéros précédents; que c'est vain qu'elle invoquerait, pour repousser l'exception d'incompétence pposée par son mari, la résidence de celui-ci en France; qu'un pareil fait ne détruirait pas le principe des lois personnelles qui Suivent les étrangers même hors de leur patrie. Toutefois la thèse qui donne protection à la femme et surtout à la femme française contre son mari qui a peut-être quitté son pavs pour toujours, et qui, en tout cas, a formé un établissement en France, cette thèse ne nous semble pas pouvoir être abandonnée dans cette matière, qui, comme on l'a dit, touche en quelque sorte à la police générale du pays.- Puis s'est-on bien rendu compte des impossibilités où la femme peut se trouver soit en raison des distances que les témoins devraient parcourir, à supposer qu'ils consentissent à se rendre en des pays éloignés et même à traverser les mers pour rendre témoignage à la vérité, ŝoit en raison des frais véritablement ruineux que cette malheureuse serait obligée d'avancer pour obtenir justice? Au surplus, dans l'espèce, le retour des époux dans leur pays était tellement improbable qu'il y aurait eu une véritable cruauté de forcer la femme à aller solliciter Ja justice des tribunaux de la nation de son mari.

328. Le juge qui, sur l'exception proposée par le mari, déclare son incompetence, peut-il néanmoins maintenir les mesures provisoires par lesquelles le président a autorisé la femme à se choisir un domicile distinct de celui de son mari? L'affirmative nous paraît certaine, alors, bien entendu, qu'il y a des conclusions prises sur ce point par les parties. C'est là une véritable mesure de police prescrite dans l'ordre civil et qu'il leur appartient de sanctionner. C'est aussi ce qui a été reconnu expressément (Paris, 26 avril 1825, aff. Ely, V. no 518; Rej., 27 nov. 1822, aff. Zaffiroff, V. no 320). Que si aucune conclusion n'a été prise sur ce point, le juge français doit s'abstenir de s'expliquer d'office sur la question, et laisser les choses en l'état jusqu'à ce qu'il plaise aux parties de faire changer ce qui a été réglé à cet égard par le juge. Toutefois, M. Legat (p. 304) a cru trouver une contradiction dans la décision de la chambre civile. II voit dans la mesure qu'elle a sanctionnée une atteinte à l'autorité maritale, et une véritable séparation de corps, alors que les juges decla

rement jugée et rejetée avant qu'on puisse admettre à la preuve des moyens au fond, le tribunal, en admettant cette preuve, a écarté implicitement la fin de non-recevoir; que conséquemment le sieur Williams, sil pensait que le jugement d'appointement lui portât grief, devait en relever appel, ou du moins reproduire sa fin de non-recevoir lors du jugement du fond; que, faute à lui de l'avoir fait, il est censé on avoir acquiesce au jugement d'appointement considéré comme définitif sur la fin de non-recevoir, ou, dans le cas contraire, avoir abandonné cette fin de non-recevoir, en renonçant par defaut de conclusions à y faire statuer Jors du jugement définitif au fond; - Considérant que, mème avant qu'il eut le moindre sujet de reproche contre sa femme, le sieur Williams l'avait déjà cruellement ma traitée; que depuis, et sans parler des outrages par paroles, il s'est porté envers elle à de nombreux actes de violence; que plusieurs fois il est allé à des excès qui pouvaient faire craindre pour sa vie; que de pareils excès, toujours condamnables, n'ont pu être autorisés par la conduite de la dame Williams, qui, quoiqu'elle ne fût pas irréprochable, paraît cependant, comme elle a paru aux yeux du sieur Williams lui-mênie, moins coupable qu'imprudente; que, dans cel etat de choses et dans l'état d'ulcération du cœur des époux, la vie commune ne saurait étre sans danger; - Considérant que, par le droit commun de la France, auquel les époux se sont soumis, la femme a le droit de renoncer a la communaute; Par ces motifs,

etc.

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rent cependant qu'ils sont incompétents pour la juger contre le gré de l'une des parties. Et de là il conclut que mieux vaut, pour éviter un circuit d'action infructueux, que le juge français se déclare dès l'abord compétent; qu'il doit le faire d'autant mieux, qu'il sera en définitive tenu d'apprécier le mérite de la demande en séparation, lorsque les parties voudront faire exécuter en France le jugement qui aura été prononcé à l'étranger (c. pr. 546; c. civ. 2123, 2128).-Est-il besoin de relever ici la confusion faite par M. Legat entre une mesure d'ordre et de protection, qui n'a même qu'un caractère provisoire, avec un jugement définitif sur le fond, et de montrer que le pouvoir marital ne reçoit pas plus d'atteintes dans ce cas que lorsque le domicile séparé est autorisé entre époux français ? Est-il nécessaire aussi de montrer toute la distance qui sépare le jugement rendu au fond par les tribunaux étrangers de la sentence de pareatis qui, dans un intérêt de souveraineté, doit être rendue en France? On ne le pense pas, et on se borne à renvoyer sur ce point à ce qui est dit plus bas.

399. Qu'arrivera-t-il si, nonobstant la déclaration d'incompétence, la femme ne poursuit pas la séparation de corps devant les juges de son mari? Cette inaction pourra laisser dans l'esprit du juge français l'idée que l'action n'a été formée devant eux que dans le but d'obtenir une décision plus facile; et, dans ce cas, ils pourront déclarer la demande non recevable.-Mais cela n'est point absolu, et les faits nouveaux sur lesquels se fondent d'ordinaire les demandes en séparation de corps, écartent l'exception de chose jugée qu'on prétendrait puiser dans le jugement d'incompétence. 330. Il résulte aussi du principe qui vient d'être posé, dans le cas où le mari persistera dans sa demande en renvoi devant les juges de son pays, et où la femme n'aura pas jugé à propos de les saisir, malgré la déclaration d'incompétence, que les juges français pourront rapporter la mesure qui a permis à la femme de prendre un domicile séparé, et la condamner à réintégrer le domicile marital. Ils pourront aussi maintenir cette mesure si. les mauvais traitements et les outrages ont continué, et si la femme ne s'est abstenue de saisir les tribunaux de la nation de son mari que par les raisons qui ont été indiquées au numéro qui précède. Ici, en un mot, dans cette matière qui est intimement liée aux mesures de protection et de police, revient l'exercice du pouvoir discrétionnaire des tribunaux.

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331. L'exception d'incompétence est-elle recevable quand elle est opposée par un étranger à un autre étranger pour échapper aux mesures conservatoires prescrites par les juges français? - M. Roger (de la Saisie-arrêt, n° 52!) se prononce pour l'affirmative en ce qui concerne une saisie-arrêt ordonnée au profit d'un étranger contre un autre étranger. Il a été jugé dans ce sens : 1° que ces juges sont incompétents pour statuer sur une action personnelle et civile entre étrangers, et, par exemple, sur la validité d'une saisie-arrêt formee en vertu d'un contrat passé en pays étranger sur des deniers qui se trouvent en France (Paris, 6 août 1817, aff. Story, V. n° 275), — 9° Que les tribunaux français ne sont pas compétents pour ordonner une saisie-arrêt

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Du 21 août 1823.-C. de Rennes, 2° ch.-M. Cadieu, pr. (1) Espece: - (Dupasquier C. Boussard.) La dame Dupasquier ayant intenté une demande en séparation de corps contre son mari, le sieur Dupasquier proposa un déclinatoire, fondé sur ce qu'il était Suisse et, conséquemment, non justiciable des tribunaux français. Le tribunal déclara que le sieur Dupasquier était naturalisé Ffrançais.-Appel.-Arret. LA COUR; - Considérant en fait que Dupasquier, quoique originaire de la principauté de Neufchâtel, est établi en France depuis environ trente ans: qu'il y avait formé un établissement de commerce et acquis des propriétés considérables; qu'il y a même rempli à différentes époques des fonctions publiques, qui ne devaient être confiées qu'à des citoyens français; - Considérant encore qu'il a reconnu lui-même, dans son contrat de mariage en date du 29 avril 1806, qu'il avait son domicile dans la commune de Renac, arrondissement de Redon, et qu'il a contracté ce mariago avec une Française et sous l'empire des lois françaises; - Vu, en droit, la loi du 50 avril 1790, sous l'empire de laquelle il s'était établi en France; l'art. 2, sect. 2, chap. 1, tit. 5, const. 14 sept. 1791, et l'art. 3, tit. 1, const. an 8; enfin les art. 204 c. civ. et 875 c. pr.; Considérant qu'il résulte de ces différentes lois que Dupasquier devait être répute Français et avait en France l'exercice des droits civils, et qu'il y avai même acquis ceux de citoyen; - Déclare l'appelant sans griefs..., etc. Du 8 avril 1814.-C. de Rennes.

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