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« Les établissements de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour; » disposition qui semble dire que tout autre établissement est considéré comme fait saus esprit de retour. Mais ce raisonnement n'est pas exact; car, ainsi que nous le verrons bientôt, la fin de l'art. 17 doit s'entendre en ce sens que jamais par lui-même un établissement commercial à l'étranger n'est fait sans esprit de retour, par opPosition à un autre établissement qui est, au contraire, souvent fait sans esprit de retour, sans que cependant il soit présumé tel. Si, d'ailleurs, la présomption était que tout établissement non commercial est fait sans esprit de retour, la loi se serait bornée à dire qu'on perdait la qualité de Français par un établissement fait en pays étranger, à moins qu'on ne prouvât avoir eu l'esprit de retour. Or, elle n'a pas parlé ainsi; elle a exigé d'abord qu'il y eût un établissement, et en second lieu que cet établissement fût sans esprit de retour.

555. En conséquence, lorsqu'il est opposé, à un Français réclamant un droit, qu'il a perdu la qualité de Français par un établissement fait en pays étranger, sans esprit de retour, et que, par suite, il ne peut prétendre au droit réclamé, c'est à celui qui allègue la perte de la qualité de Français à prouver que l'établissement a eu lieu sans esprit de retour : l'adversaire n'est point obligé de prouver qu'il avait conservé cet esprit (Poitiers, 26 juin. 1829, aff. Tenessu, V. Acte de l'état civil, no 483). Telle est sur ce point l'opinion de MM. Duranton, t. 1, no 185, et Coin-Delisle, art. 17, no 17.

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sidence aurait été suivie du décès en pays étranger (Cass., 13 juin 1811, aff. Bernard, V. no 487).

558. Pareillement il a été décidé: 1° que l'étranger établi en Belgique avant le 1er janv. 1814, et qui, après y avoir conservé sa résidence, y a obtenu des lettres de naturalisation ordinaire du gouvernement des Pays-Bas, peut invoquer le bénéfice de l'art. 153 de la constitution belge, bien qu'il eût cessé d'y résider pendant plusieurs années, alors qu'aucun acte exclusif de l'esprit de retour ne lui a fait perdre son domicile en Belgique (C. C. belge, crim. rej., 8 août 1839) (1);—2° Que la circonstance qu'un Français, naturalisé Belge, a continué à demeurer en France, et y reçoit même une pension du gouvernement français, ne peut altérer les droits qui résultent à son égard de la naturalisation, et ne lui ôte pas la capacité d'être témoin testamentaire (Bruxelles, 7 fév. 1825) (2).

559. Le dernier paragraphe de l'art. 17 décide que les établissements de commerce faits en pays étranger ne pourront jamais être considérés comme faits sans esprit de retour.

Doit-on conclure de cette disposition qu'on ne pourra pas prouver contre un Français qui a fondé un établissement de commerce à l'étranger, qu'il a perdu l'esprit de retour et qu'en conséquence il est devenu étranger? — Pris à la lettre, les termes de l'art. 17 autorisent cette interprétation: on peut la justifier, en outre, en disant que le législateur français a voulu encourager les Français qui se livrent au commerce à aller fonder à l'étranger des établissements commerciaux pour revenir ensuite apporter en France le produit de leurs travaux. On ne tiendrait dès lors aucun compte des autres fails sur lesquels on pourrait vouloir s'étayer pour établir la perte de l'esprit de retour: on les considérerait comme accessoires et subordonnés à la chose principale, l'établissement commercial. C'est, dit-on, la différence que le législateur a voulu mettre entre les établissements ordinaires qu'on peut prouver faits sans esprit de retour et les établissements commerciaux qui n'admettent jamais une semblable preuve. - Quelque spécieux que soit ce raisonnement, il est repoussé avec raison par M. Marcadé, art. 17, n° 2, qui dit très-bien : « Si, à cette circonstance qu'un Français a formé en pays étranger un établissement de commerce, venaient se joindre d'autres circonstances qui, réunies à la pre

556. Du reste, il faut, pour que la perte de la qualité de Français soit encourue par application du 3° de l'art. 17, qu'il y ait un ensemble de circonstances telles que l'intention apparaisse clairement de la part du Français d'avoir voulu renoncer à la qualité de Français. - Ainsi, le fait seul de son mariage avec une étrangère en pays étranger ne suffirait pas, car: 1° le mari ne suit pas la condition de la femme, c'est le contraire qui a lieu (art. 19);-2° Un mari n'établit pas toujours ses affaires dans le pays où il contracte mariage (Pothier, loc. cit.; Coin-Delisle art. 17, n° 18; Delaporte, Pandectes franç., art. 17, no 85); — 3o Le changement même de religion n'entraîne pas par lui seul ce résultat, quoiqu'il ait eu lieu en pays étranger. La tolérance de toutes les religions en France imprime à ce fait un sens moins significatif que celui qu'il aurait eu avant la révolution; -4° Lemière, prouveraient la perte de l'esprit de retour, il est clair prolongement de sa résidence en pays étranger ne fait pas perdre non plus la qualité de Français, car la constitution de l'an 3, dont l'art. 15 considérait le séjour de sept années comme un cause de la perte de la qualité de Français, a été, ainsi que nous l'avons déjà dit, abrogée par la constitution de l'an 8: en un mot, il faut un établissement fait en pays étranger sans esprit de retour (V. à cet égard M. Locré, Esprit du code civil, t. 1, p.255).

557. Il a été jugé qu'il en serait ainsi alors même que la ré

(1) (Slaedens C. Gauser.)-LA COUR;- Sur les premier et deuxième moyens de cassation: Violation de l'art. 5 de la loi provinciale et de Part. 7 de la loi communale, et fausse interprétation des art. 8, 9 et 10, de la loi fondamentale des Pays-Bas : Alten lu que ni devant le conseil communal, ni devant la députation du conseil provincial, il ne s'est agi des lettres d'indigenat dont parle l'art. 10 de la loi fondamentale des Pays-Bas; que la decision attaquée n'en fait aucune mention, mais qu'elle est basée sur les lettres de naturalisation ordinaire que le défendeur a obtenues le 24 août 1821, lorsqu'il était déjà domicilié à Bruxelles depuis 1813; Attendu qu'aux termes de l'art. 9 de ladite loi fondamenale mise en rapport avec l'arrêté du 22 sept. 1814, le roi des Pays-Bas était autorisé à accorder ces lettres, lesquelles attribuaient aux personnes qui les avaient obtenues la qualité de Belge et les rendaient habiles à toutes fonctions non exceptées par l'art. 8; Attendu que cette qualité de Belge une fois acquise ne se perdait pas par une absence du pays non accompagnée d'actes exclusifs de l'esprit de retour, Attendu à cet égard que l'arrêté attaqué, en appréciant les différentes circonstances alléguées par le demandeur pour établir que le défendeur n'aurait point conservé son domicile à Bruxelles, décidé en fait que rien ne prouve que l'intention du défendeur aurait été de renoncer à ce domicile et de quitter le pays; Attendu que dès lors l'absence qu'a faite le défendeur en 1825 ne peut pas lui être opposée; que son retour en 1850, quand les circonstances qui avaient provoqué cette absence eurent cessé, lui a conservé sa qualité de Belge, et par suite son aptitude à concourir, aux termes de l'art. 5 de la loi provinciale et de l'art. 7 de la loi communale, aux élections des conseils communaux et provinciaux ;-Sur le troisième

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qu'on pourrait argumenter de cette première circonstance tout aussi bien que des autres. Ce qu'a voulu dire le législateur, et ce à quoi se réduit la différence qu'il signale ici entre l'établissement de commerce et tout autre établissement, c'est que l'établissement de commerce ne suffira jamais, tant qu'il sera seul, pour prouver l'absence de l'esprit de retour, tandis qu'un autre établissement pourrait suffire par lui-même. - L'opinion contraire amènerait ce résultat bizarre qu'il suffirait de fonder un établissement commercial à l'étranger, pour pouvoir ensuite y

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moyen-Violation et fausse interprétation de l'art. 15 de la loi du 25 sept. 1855-Attendu qu'étant reconnu que le défendeur avait acquis et conservé la qualité de Belge, en outre qu'au 1er déc. 1850 il était domicilié à Bruxelles, et que depuis il a conservé son domicile, il suit que le défendeur réunissait les conditions requises par l'art. 15 de la loi précitée, et que par conséquent il a été fait une juste application de cet article.-Sur les quatrième et cinquième moyens: Violation des art. 5 et 155 de la constitution et des art. 102 et 103 c. civ.: -- Attendu qu'il est reconnu en fait, par la décision attaquée, que le défendeur avait établi son domicile en Belgique avant le 1er janv. 1814, et qu'il l'y avait conservé; que, d'autre part, il est également constaté qu'il a fait en temps utile les declarations exigées par l'art. 133 de la constitution; que, par suite, aus termes du même article, il doit être considéré comme Belge de naissance; que, par une conséquence ultérieure, aucune des lois invoquées n'a pu être violée par la décision attaquée; Rejette, etc.

Du 8 août 1859.-C. C. de Belgique, ch. crim.-MM. Vanmeenen, pr.

(2) (De Marbaix C. de Marbaix.) - La Cour; - Sur la qualité du témoin Larcenet: Attendu que ce témoin ayant été naturalisé dans le royaume des Pays-Bas, par acte du 19 oct. 1815, il est, de ce chef et vu l'art. 9 de la loi fondamentale, ainsi que les art. 17, 18 et 980 c. civ., devenu habile à être témoin testamentaire en ce pays, malgré même que, lors de la confection du testament, il eût pu avoir un domicile en France et y jouir d'une pension; - D'où il suit que les faits posés par les appe lants à son égard sont irrelevants, elc.

Du 7 fév. 1825.-C. de Bruxelles, 3 ch.-MM. Mailli et Blargnies, av.

former tout autre établissement à vie et sans esprit de retour, et échapper, malgré toutes ces circonstances, à la disposition de l'art. 17. Jugé, conformément à notre théorie, qu'alors même qu'en se faisant naturaliser en pays étranger, le Français aurait manifesté l'esprit de retour par la fondation d'un établissement de commerce, il n'en aurait pas moins perdu la qualité de Français (Req., 17 juill. 1826, aff. Descande, V. n° 498).

560, Si un établissement, sans esprit de retour, avait été formé dans une commune française qui, postérieurement, aurait été séparée de notre territoire pour devenir une province étrangère, pourrait-on considérer le Français qui aurait fait cet établissement comme étant devenu étranger?-La négative nous paraît certaine, par la raison que le législateur n'a entendu punir, ainsi que nous l'avons vu, que le fait réuni à l'intention de renoncer à la qualité de Français; or, dans l'espèce, il y a lieu de penser que l'établissement dans la commune aujourd'hui étrangère n'aurait pas été formé si elle n'eût fait partie du territoire français au moment où il a eu lieu. Jugé ainsi : 1° que la formation par un étranger d'un établissement en Belgique, -sans esprit de retour, ne suffisait pas pour faire acquérir la qualité de Belge ni pour faire perdre à cet étranger sa nationalité (Bruxelles, 30 mai 1831, aff. N..., V. n° 123-2°);- 2o Que la circonstance que cet établissement avait été formé dans une commune réunie à la Belgique, avant la réunion, ne permettait pas de supposer qu'il avait eu lieu sans esprit de retour, alors même qu'il aurait été continué depuis la réunion (même arrêt);— 3° Qu'en outre le fait d'avoir établi une auberge dans une autre ville du pays ne permettait pas davantage de supposer l'absence de l'esprit de retour (même arrêt);-4° Que le Français d'origine, qui a fixé sa résidence dans un pays réuni à la France et a continué à y demeurer depuis la séparation du pays, n'a pas perdu sa qualité de Français, s'il n'a pas valablement manifesté une intention contraire (Grenoble, 23 juill. 1838, aff. Bouffier, sous Cass., 16 fév. 1842, V. Succession).

ART. 4.

Mariage d'une Française avec un étranger.

561. L'art. 19 c. civ. porte; « La femme française qui épouse un étranger suivra la condition de son mari. »— Quel est le sens de ces paroles? Signifient-elles que la femme acquiert toujours la nationalité du mari qu'elle épouse? Non, évidemment, puisqu'il est des législateurs qui refusent ce droit à la femme étrangère, et telle est, par exemple, la loi d'Angleterre le mariage d'un Anglais avec une étrangère ne communique pas à celle-ci la nationalité anglaise. Et comme notre loi ne peut rien contre un résultat semblable, qu'elle est impuissante pour attribuer à une Française la nationalité d'un autre État, les expressions de l'art. 19 ne signifient rien d'autre, sinon que cette femme devient étrangère, et que, tant qu'elle réside en France, notre loi la traite comme elle traite son mari en suivant la condition de ce dernier Il suit de ces observations qu'une Française qui épouse un Anglais se trouve momentanément sans patrie, car elle n'est plus Française et n'est pas encore Anglaise. La femme qui a contracté mariage avec un étranger s'est soumise volontairement à la même extranéité. Les lois personnelles de la France cesseront de la suivre, et l'on s'attachera à la loi domiciliaire du mari pour savoir si, afin de s'obliger ou d'ester en jugement, elle a besoin en France de l'autorisation maritale. C'est ce que démontre fort bien M. Merlin, v° Loi, § 6, no 4, et ce qui ne nous paraît pas contestable.

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562. Par cela seul qu'elle épouse un étranger, la femme perd (1) (De Masbourg C. sa femme.)- La cour; - Attendu que le sieur de Masbourg est incontestablement étranger, puisqu'il n'a point obtenu de lettres de déclaration de naturalité, ni même continué de résider en France, étant retourné dans les Pays-Bas, à Bastogne, lieu de sa naissance, où il demeure et où il exerce mème des fonctions publiques depuis plusieurs années; - Attendu que la dame de Masbourg, étant ainsi la femme d'un étranger, est étrangère elle-même, puisque, aux termes de l'art. 19 c. civ., la femme française mariée à un étranger suit la condition de son mari; Attendu, d'un autre côté, que, d'après l'art. 108 du même Bode, la femme mariée n'a point d'autre domicile que celui de son mari;

Attendu qu'il importe peu que le sieur de Masbourg ait eu la qualité de Français à l'époque de son mariage, sans doute il l'avait alors; mais sa ondition a bien changé, il a perdu cette qualité, et on ne peut aujourd'hui le juger d'après un état politique qu'il r'a pas conservé; - Attendu qu'à

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la qualité de Française; peu importe que son mari soit ou non étranger d'origine, la loi ne distingue pas. C'est par une conséquence de cette règle qu'il a été jugé que le mariage qu'uno femme étrangère, fût-elle née en France, mais sans avoir fait la déclaration prescrite par l'art. 9 c. civ., a contracté avec un Français qui a perdu cette qualité par l'acceptation de fonctions en pays étranger, ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit réputée étrangère (Rej., 14 mai 1834, aff. Despine, V. no 138).

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563. Mais perd-elle la qualité de Française si son mari, Français au moment du mariage, s'est depuis expatrié? Non : le principe général du code est qu'on ne change de patrie que par sa propre volonté. Si le mariage avec un étranger ôle à la femme sa qualité originaire, c'est que, libre de contracter ce mariage et en connaissant les effets, elle y renonce spontanément. Ce serait la punir de la fidélité à son époux, que la loi d'ailleurs l'oblige de suivre en pays étranger (c. civ. 214). Cette opinion est celle de MM. Delvincourt, p. 188, note 5; Duranton, t. 1, n° 189; Malleville, sur l'art. 12 c. civ., et Locré, Espr. du c. civ., t. 1, p. 358. Cependant, contrairement à ce principe, il a été jugé que la femme française qui s'est mariée en France à un Belge d'origine, mais devenu Français avant le mariage par la réunion de la Belgique à la France, a perdu sa qualité de Française aussi bien que la femme qui épouserait un individu étranger au moment du mariage, si, depuis le traité de Paris, qui a séparé la Belgique de la France, son mari est retourné se fixer en Belgique et a perdu la qualité de Français en négligeant de remplir les formalités imposées par le traité de 1814, aux individus belges, pour conserver la qualité de Français; qu'en conséquence elle doit porter devant les tribunaux belges la demande en séparation de biens qu'elle veut former contre son mari, et que, si elle en a saisi les tribunaux français, le mari est fondé à demander son renvoi devant les juges belges (Metz, 25 août 1825)(1). — M. Duranton, no 187, estime toutefois qu'il y a lieu de distinguer si la femme qui a suivi son mari à l'étranger ne l'a pas fait en vue de quitter la France à jamais, ou si elle n'a fait qu'obéir passivement aux ordres de son mari. — M. Richelot, t. 1, n° 96, repousse avec raison cette distinction qui n'est fondée sur aucune loi, et laisserait à l'arbltraire des tribunaux le sort des personnes dans ce qu'elles ont de plus précieux, leur qualité personnelle. — Dans toute hypothèse, la femme qui suit son mari dans un lieu où il lui plaît d'aller s'établir ne fait que son devoir; on ne peut en conséquence lui imputer son obéissance à faute et l'en punir. Dans l'espèce qui vient d'être rapportée, on alléguait même en faveur de la femme que, d'après Pothier, du Mariage, n° 582, Toullier, t. 1, p. 240, et Delvincourt, elle n'était pas même tenue de suivre son mari qui abdique sa patrie. - V. à cet égard vo Mariage. 564. L'art. 19 est-il applicable à la femme mineure?— Oui. —V. no 152; V. aussi no 143, et vis Contrat de mariage, Mariage. 565. Si le mariage contracté par une femme française avec un étranger est déclaré nul, la femme recouvre-t-elle la qualité de Française ipso facto, sans être soumise à la nécessité de rentrer en France avec l'autorisation du gouvernement? - Pour la négative, on peut dire que le fait seul de la célébration du mariage avec un étranger entraîne pour la femme la perte de la qualité de Française, et que sa nationalité ayant été perdue, elle ne peut la recouvrer que par la voie légale que lui ouvre l'art. 19, $ 2. Mais ce raisonnement est vicieux. Il est vrai, en effet, que le fait de la célébration du mariage fait perdre la qualité de Française; mais d'un autre côté, il est aussi très-certain qu'une

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la vérité il aurait pu se conformer à l'art. 2 de la loi du 14 oct. 1814; mais s'il ne l'a pas jugé à propos, s'il a voulu suivre le sort de son pays, s'il a préféré sa patrie d'origine à une patrie d'adoption, ce n'est là qu'une chose toute naturelle, et il est impossible de lui en faire aucun reproche; - Attendu qu'un tel changement n'est sans doute pas sans inconvénient pour la dame de Masbourg, qui n'était guère à même de le prévoir lors de son mariage; mais ce serait, de la part des magistrats, tomber dans un inconvénient bien plus grave que de s'autoriser de cette considération pour porter atteinte à l'association conjugale et la soumettre à des modifications dont elle n'est point susceptible; - Attendu qu'il suit de là que le déclinatoire proposé par le sieur de Masbourg est fondé, et qu'il y a lieu de réformer la sentence des premiers juges; en conséquence, a mis l'appel et ce dont est appel au néant; renvoie devant qui de droit.

Du 25 août 1825.-C. de Metz.-M. Peyrot, av. gén., c. contr.

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TIT. 3, CHAP. 1, SECT. 2, ART. 5.

DROIT CITIL. fois le mariage annulé, il est censé n'avoir jamais existé, n'avoir 'pas été célébré : quod nullum est, nullum producit effectum. En conséquence, il faut dire, avec MM. Legat, p. 54, Coin-Delisle, art. 19, n° 4, Proudhon, t. 1, p. 126, et Demolombe (loc. cit.), que la femme, dans notre espèce, non-seulement recouvre ipso facto la qualité de Française, mais encore qu'elle n'en a jamais été dépouillée.

566. M. Duranton se demande si, dans l'hypothèse qui Lous occupe, les juges ne pourraient pas considérer la femme comme ayant, par son mariage, formé un établissement en pays étranger sans esprit de retour. Et le savant professeur se proDonce pour l'affirmative, en faisant remarquer toutefois que la question devrait, le plus souvent, être résolue en faveur de la femme. M. Coin-Delisle, art. 19, no 4 repousse, avec raison la doctrine de M. Duranton. On ne peut, dit-il, supposer à la femme, après le mariage, la volonté de perdre ce qu'elle croyait déjà irrévocablement perdu. Et d'ailleurs, on ne peut admettre l'absence de l'esprit de retour dans le cas qui nous occupe que dans un but qui ne s'est pas réalisé; c'était en quelque sorte sous la condition qu'elle suivrait la nationalité de son mari et partagerait son sort, qu'elle avait renoncé à la France. Or, comme la condition ne se réalise pas, comme le mariage est inexistant aux yeux de la loi, on ne peut lui faire produire d'effet, sans contradiction.

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567. Ce que nous disons ne fait pas obstacle, au surplus, à ce qu'on conteste à la femme la qualité de Française, en lui opposant des faits postérieurs à la prononciation de la nullité de son mariage, faits sur lesquels on s'appuierait pour établir qu'elle a perdu l'esprit de retour. C'est ce qu'enseigne M. Demolombe, loc. cit. Mais, qu'on le remarque bien, c'est par application d'un principe tout autre que celui de l'art. 19 que nous considérons la femme comme déchue de sa nationalité; c'est par des faits pris tout à fait en dehors du mariage lui-même que nous admettons l'action de ceux qui veulent la faire déclarer étrangère. Ce que nous avons combattu dans M. Duranton, c'est la théorie d'après laquelle le fait du mariage annulé pourrait seul être considéré comme un établissement à l'étranger sans esprit de retour. ART. 5. Prise de service militaire à l'étranger, ou affiliation à une corporation militaire étrangère. 568. Le Français qui, sans autorisation du gouvernement, prend du service militaire à l'étranger, ou s'affilie à une cor(1) Espèce: - (Onfroy C. préfet d'Ille-et Vilaine.) froy fils assigne, conformément à l'art. 26 de la loi du 21 mars 1852, le - Le sieur Onfpréfet d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal de Rennes pour entendre dire qu'attendu sa qualité d'étranger, c'est à tort et illégalement qu'il a été compris dans le contingent cantonnal de Bain pour le recrutement de l'armée. Pour prouvessa qualité d'étranger, le sieur Onffroy soutient qu'à l'époque de sa naissance à la Jamaïque, en 1812, son père avait perdu depuis longtemps la qualité de Français, ayant encouru cette détheance: 1° par sa naturalisation en pays étranger; 2° par l'acceptation non autorisée d'un grade militaire conferé par un gouvernement étranger. Pour justifier sa demande, il ne produit ni les lettres patentes de naturalisation, ni le brevet qui aurait dû être délivré à son père, mais an acte de notoriété, au rapport du sieur Blampied, notaire public à Jersey, contenant la déclaration de cinq officiers ou négociants anglais résidant dans cette ile, qui attestent: 1° qu'ils ont parfaitement connu, à l'ile de la Jamaïque, le sieur Ouffroy père comme ancien capitaine en activité de sa majesté britannique, et qu'il leur a été représenté un certificat du ministere de la guerre anglais, du 7 août 1855, attestant que le pere du demandeur, capitaine d'artillerie au service de sa majesté britannique, avait été mis en demi-solde en 1798; 2 que ledit sieur Onffroy père possédait à la Jamaïque une propriété considérable, et qu'il y fut naturalisé Anglais par lord Bulserzes, gouverneur de la colonie en 1801; 3° que le sieur Onfroy fils est né à la Jamaïque, le 22 août 1812.

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Jugement qui rejette les prétentions du sieur Onffroy, en se fondant sur ce que la déclaration faite par cinq étrangers, sans prestation de sernent, sans qu'aucun jugement émané d'un tribunal français eût ordonné Ju autorisé leur audition devant un fonctionnaire sans autorité publique en France, et non commis par un tribunal français pour procéder à la réception d'une enquête, ne pouvait avoir force probante dans la cause ; -Que, depuis le code de procedure civile, les tribunaux ne pouvaient admeltre d'autres genres de preuves que ceux autorisés par ce code, comme les titres et les enquêtes dans les formes établies par la loi; que si des actes de notoriété étaient quelquefois admis, il fallait qu'ils fussent dressés dans les formes voulues, et dans des cas spéciaux et prévus,

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poration militaire étrangère, perd sa qualité de Français (c. civ. 21, § 1). Ce texte n'est que l'application à un cas spécial du principe posé dans l'art. 17, en vertu duquel l'acceptation de fonctions publiques en pays étrangers, sans autorisation du gouvernement, fait perdre la qualité de Francais. Mais la loi se montre ici plus sévère que dans les cas ordinaires, car, 1o d'une part, cet ex-Français ne peut rentrer en France qu'avec l'autorisation du gouvernement; 2° d'autre part, il ne peut recouvrer la qualité de Français qu'en remplissant les conditions imposées à l'étranger pour devenir citoyen; le tout sans préjudice des peines prononcées par la loi criminelle contre les Français qui ont porté ou qui porteront les armes contre leur patrie (même article, § 2).—Dans les cas ordinaires, au contraire, l'ex-Français naturalisé en pays étranger, ou celui qui a accepté des fonctions publiques sans autorisation, de même que la femme mariée à un étranger, peuvent rentrer en France sans être tenus de demander une autorisation au gouvernement ni être soumis aux conditions de la naturalisation imposée aux étrangers (art. 18). 569. Que doit-on entendre par service militaire chez l'étranger? Suivant M. Guichard, no 515, il faut prendre ces mots dans un sens large et comme désignant tout service en qualité de soldat ou de militaire, dans un corps de troupe, soit de milice, soit de la ligne, soit de garde souveraine, même de garde nationale, ou de landwehr, etc. - Cette interprétation nous paraît cependant s'écarter des vrais principes. Il est de règle, en effet, que toute disposition pénale doit être appliquée d'une manière restrictive. Or, s'il en est ainsi, on ne peut entendre les mots service militaire à l'étranger que d'un service obligatoire chez l'étranger, de l'engagement dans un corps pour un temps déterminé. qu'enseignent MM. Delaporte, Pandectes franç., art. 21, no 89; - C'est ce Coin-Delisle, art. 21, no 2.

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570. Conformément à cette dernière interprétation, il a été jugé: 1° qu'un Français ne peut soutenir qu'il a perdu cette qualité en prenant du service militaire en pays étranger, alors qu'il ne représente ni le brevet qui lui a conféré des fonctions militaires, ni une attestation du ministre de la guerre de ce pays; et que le certificat donné par le premier clerc du bureau de la guerre serait insuffisant (Rennes, 3 déc. 1854) (1); a accepté des fonctions militaires en pays étranger est irreceva2° Que l'émigré qui ble à prétendre qu'il a perdu la qualité de Français, alors qu'il est rentré en France, en vertu de l'ordonnance du 21 août 1814 (qui rappelait les Français sortis du royaume, et dont plusieurs comme dans le cas de l'art. 70 c. civ.; titude des deux premiers faits rapportés dans l'acte du notaire de Jersey, Qu'en admettant même l'exacil ne s'ensuivrait pas que, lors de la naissance du sieur Onffroy fils, son père fût citoyen anglais; Qu'en effet, il n'est question, dans la déclaration des comparants, que d'une naturalisation conférée par le gouverneur de la Jamaïque, et qu'en admettant que le roi d'Angleterre eût dé légué à ce gouverneur le droit que la constitution anglaise accorde au roi de conférer, par ordonnance, l'espèce de naturalisation appelée en droit constitutionnel anglais denization, la conséquence pour le sieur Onffroy père, de l'obtention de lettres patentes qui lui auraient conféré la denization, n'eût pas été d'en faire, sans restriction, un citoyen anglais, mais seulement de lui accorder la permission de fixer son domicile en Angleterre, et d'y jouir de certains droits civils que ne possèdent pas les étrangers, la naturalisation complète, celle qui fait d'un étranger un citoyen anglais, à laquelle seule se rapporte le n° 1 de l'art. 17 c. civ., ne pouvant être accordée que par un bill du parlement, revêtu de la sanction royale; Qu'en ce qui concernait les fonctions publiques conférées au sieur Onffroy pere, il se pourrait que son grade de capitaine d'artillerie à la Jamaïque lui eût été accordé dans des milices coloniales, où sont admis, comme dans la garde nationale française actuelle, des étrangers qui ont un établissement autorisé dans le pays, sans qu'ils exercent pour cela de fonctions publiques, et soient employés, selon la signification ris goureuse des termes, au service militaire de la métropole; supposition paraissait d'autant plus admissible, que le sieur Onfroy fils Que cette ne présentait point au tribunal le certificat du ministère anglais, du 7 août 1855, qui avait été mis sous les yeux des déclarants de Jersey. — Appel. Arrêt. LA COUR:

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Considérant que l'attestation de cinq officiers ou négociants anglais, reçue par le notaire Blampied, établi à Jersey, sans autorité de justice, ni prestation de serment, n'a point le caractère de preuve légale; que de pareils actes ne peuvent justifier des faits, ni constater deg droits qui doivent reposer sur des titres en forme probante et sur des documents authentiques; Considérant que, depuis la dernière audience, il a été produit, dans l'intérêt de l'appelant, deux certificats, le premier

avaient porté les armes contre leur patrie), qu'il y a été promu à des fonctions militaires, et y a exercé ses droits civils et politiques, sans solliciter aucune autorisation (même arrêt);-5° Que l'acceptation par un Français d'un service militaire à l'étranger ne peut être établie à l'effet de lui faire perdre sa qualité de Français par le certificat du colonel d'un régiment étranger attestant que ce Français a servi dans son corps; qu'en conséquence, les tribunaux français sont compétents pour connaître de l'action formée par ce Français en désaveu de l'enfant dont sa femme est accouchée en France, où elle a établi son domicile (Req., 5 janv. 1847, aff. Dequer, D. P. 47. 1. 237).

571. On ne pourrait considérer comme ayant entraîné la perte de la qualité de Français le secours momentané qu'un Français aurait prêté dans un pays étranger à l'un des partis qui s'y disputent le pouvoir. — Jugé ainsi : 1° que le Français qui, sans contracter d'engagement, prète un concours momentané en pays étranger à l'un des partis qui s'y disputent le pouvoir, ne perd pas la qualité de Français (Paris, 14 mars 1846, aff. Clouet, D. P. 46. 2. 100); - Qu'en tout cas, le concours donné à un prétendant (don Miguel) par un officier général français obligé de fuir son pays pour se soustraire à une condamnation capitale, a pu, alors que la coopération de ce militaire n'a duré que quelques semaines, après lesquelles il a quitté volontairement l'armée du prétendant, être considéré, par appréciation de ces faits, comme n'emportant pas acceptation de service militaire à l'étranger, dans le sens de l'art. 21 c. civ., sans que l'arrêt qui le décide ainsi encoure cassation (Req., 2 fév. 1847, aff. Clouet, D. P. 47. 1. 280); 2° Que le Français qui a servi dans les armées françaises n'a point perdu la qualité de Français par un séjour de quelques années dans un pays étranger où il aurait été pris portant les armes contre la France (Crim. rej., 28 mai 1824, aff. Vernet, V. Organisation militaire); 3° Que ces mots au service d'une puissance étrangère ne doivent s'entendre que d'une puissance reconnue de la France, et non du gouvernement d'un prétendant non reconnu par elle, par exemple de don Carlos; en conséquence, les dispositions du decret de 1811 ne sont pas applicables au Français engagé au service de ce prince (Toulouse, 18 juin 1841) (1).

en date du 22 janv. 1808, delivré par lord Coote, et contre-signé par le secrétaire Walsh, qui atteste que le sieur Roland Onfroy, capitainelieutenant dans la légion de Montalembert, employee à Saint-Domingue pour le service britannique, et qui a été mis à la demi-solde de capitaine, est, en cette qualité, exempt du service de la milice; Le second, donné à Londres, le 7 août 1853, par le premier clerc du bureau de la guerre, qui déclare que le sieur Anne-Roland Onffroy recevait la demisolde du gouvernement anglais, en qualité de capitaine-lieutenant dans l'artillerie de la même légion; Qu'on n'a présenté ni le brevet qu'il prétend avoir obtenu, ni une attestation du ministre de la guerre; qu'on ne voit pas, d'ailleurs, dans quel temps il aurait été employé au service britannique; Qu'indépendamment de la doctrine des publicistes anglais à l'égard des personnes auxquelles la naturalisation, pour services militaires, peut être conférée, le sieur Onffroy pere est rentré en France après l'ordonnance royale du 21 août 1814, qui rappelait les Français sortis du royaume, et dont plusieurs avaient porté les armes contre leur patrie; qu'il y a été promu au grade de chef de bataillon d'artillerie, et y a exercé ses droits politiques et civils, sans solliciter aucune autorisation; qu'il s'est donc regardé lui-même comme Français, et a joui de tous les avantages attachés à cette qualité; - Considérant qu'il est de principe que les enfants mineurs suivent la condition de leur père, et que le sieur Onffroy fils n'avait pas atteint si majorité lorsqu'il a é é appelé à faire Dartie de l'armée en vertu de la loi sur le recrutement militaire; Admeltant, au surplus, les motifs exprimés par les premiers juges, met l'appel au néant...

Du 3 déc. 1834.-C. de Rennes.-M. Boullaire de la Villemoisan, pr. (1) (Proc. gén. de Toulouse C. Souquet.) LA COUR; Attendu, sur l'incompétence de la cour, seul moyen de défense présenté par les frères Souquet, qu'ils ont été cités par M. le procureur général, en execution du décret du 26 août 1811; c'est donc d'après ce décret que la cour doit juger leur exception d'incompétence; - Attendu que, suivant l'art. 25 de ce décret, les Français entrés au service d'une puissance etrangère sans la permission du roi, sont par cela seul censés naturalisés sans son autorisation, et doivent être traités conformément au titre 2 du même décret. L'art. 6, dans ce titre, énonce les peines encourues dans ce cas par Les Français, et, d'après l'art. 7, il doit être constaté par-devant la cour du dernier domicile du prévenu, à la diligence du procureur géneral, que l'individu s'étant fait naturaliser en pays étranger sans autorisation, a perdu en France ses droits civils; Attendu que le dernier domicile des

572. Que décider en ce qui concerne le service à l'étranger dans les milices urbaines? M. Guichard, enseigne, avonsnous dit, que toujours il entraîne la perte de la qualité de Français. Mais M. Coin-Delisle, art. 21, n° 2, n'adopte pas cette manière de voir, du moins en ce qu'elle a d'absolu. - Suivant ce dernier auteur, il y a lieu de distinguer entre le cas où le service dans les milices a uniquement pour objet de maintenir l'ordre et la police intérieure, et celui où la garde est instituée pour la défense du territoire. Dans le premier cas, on ne peut voir dans l'assistance que l'on prête à l'autorité un véritable service militaire, ce n'est là qu'un bon office momentané, non obligatoire, qui ne peut entraîner aucune déchéance contre ceiu qui le rend, tandis qu'il n'en est pas ainsi dans la seconde hypothèse, où il y a réellement service obligatoire, service militaire destiné à agir contre les ennemis du pays où l'on sert, partan contre la France, si elle se trouvait aux prises avec la nation où se trouve le Français dont nous nous occupons. Ne serait-il pas inique, par exemple, de faire perdre leur nationalité aux étrangers qui, dans notre dernière révolution, sont venus courageusement se mettre dans les rangs de notre garde nationale et lui prêter main forte pour aller combattre ces bandes qui portaient la dévastation et le pillage au sein d'une population occupée presque tout entière à maintenir l'ordre au milieu d'une immense cité sans armée et sans gouvernement? — Eh bien, pourquoi n'aurions-nous pas pour nos compatriotes la même équité, si, dans des circonstances semblables, ils se dévouaient chez un peuple étranger, au maintien de la tranquillité publique?

573. Par corporation militaire étrangère, on entend tout ordre militaire étranger, tel que celui de Malte, celui de l'ordre Teutonique, etc. - Une telle affiliation paralyse, dans le Français affilié, par la sujétion et la subordination qu'elle exige, l'amour et le dévouement qu'il devrait naturellement avoir pour sa patrie.

574. Mais le gouvernement français peut autoriser un Français à prendre du service militaire à l'étranger ou à s'affilier à une corporation militaire étrangère. Il y a, en effet, ici les mêmes motifs que lorsqu'il s'agit de l'acceptation de toute autre fontion publique frères Souquet étant dans le ressort de la cour royale de Toulouse, c'est devant cette cour que M. le procureur général a dù les citer lorsqu'il a voulu faire prononcer contre eux les peines portées par le décret de 1811. -On oppose que ce décret est abrogé; mais il n'a jamais été attaqué pour cause d'inconstitutionnalité; alors il n'a pas cessé d'ètre obligatoire, suivant la jurisprudence de la cour de cassation; on ne cite d'ailleurs aucune disposition légale qui ait consacré cette abrogation. En vain, pour y suppléer, invoque-t-on la charte et soutient-on que nul ne peut être distrait de ses juges naturels, et en induit-on, par une conséquence nécessaire, que la juridiction des tribunaux exceptionnels et celle attribuée aux cours royales par le décret de 1811 a été supprimée; - Attendu que le décret de 1811 est une disposition spéciale sur les Français entrés au service des puissances étrangères; que c'est la seule qui existe à cet égard dans nos lois; ce n'est donc pas assez de l'induction tacite puisée dans la charte, pour proscrire une législation nécessaire contre les Français prévenus de félonie; - Attendu que la loi du 14 juill. 1819, en supprimant le droit d'aubaine, n'a rien qui puisse modifier cette législation, puisqu'elle n'est qu'une mesure politique sur les droits respectifs de succéder entre les citoyens des divers États, et n'a rien de commun avec les peines prononcées par le décret du 26 août qui sont maintenues, sauf la confiscation abolie par la charte; Attendu qu'il en est de même de la loi du 19 ma 1854 sur l'état des officiers; elle décide qu'ils ne peuvent perdre la qualité de Français que par jugement, et pour ce jugement ils sont renvoyés, par l'ordonnance du 50 août 1837, devant les tribunaux civils de première instance. Cette législation toute spéciale pour les officiers et pour eux exclusivement, n'a pas aboli la loi générale sur les Français au service des puissances étrangères, ni, par conséquent, la compétence des cours en cette matière;-Au fond, les frères Souquet, pour avoir marché sous les drapeaux de don Carlos, ont-ils encouru les peines prononcées par le décret du 26 août 1811? - Qu'était don Carlos en s'entourant de soldats et de nombreux adhérents, en prenant les armes contre la reine d'Espagne, sinon un prétendant à la tête du parti qu'il avait soulevé contre cette reine, le chef d'une guerre civile? Don Carlos, par ses entreprises, sera-t-il élevé au rang de ces puissances étrangères reconnues par la France, les seules dont s'occupent le décret de 1811? Il ne peut pas sans doute prétendre à ce titre; et avoir servi sous lui, n'est pas avoir servi chez une puissance étrangère, contre les prohibitions du décret du 26 août 1811; - Par ces motifs, relaxe sans dépens.

Da 18 juin 1841.-C. de Toulouse, aud. solen.-M. Hocquart. 1er pr.

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DROIT CIVIL. TIT. 3, CHAP. 1, SECT. 2, Art. 5.

à l'étranger (V. n°535).—Quand l'autorisation a été régulièrement obtenue, il est évident que l'art. 21 c. civ. ne s'applique pas. Le Français n'agissant alors qu'avec l'autorisation du gouvernement, qui peut, à son gré, mettre fin à un pareil service et à une pareille affiliation, il manifeste par là le vœu et la résolution de rester fidèle à la patrie; il n'a point démérité et ne saurait en conséquence être puni. L'art. 6, tit. 2, § 1 du décret du 6 avr. 1809, suppose implicitement que le gouvernement a le droit d'autoriser un Français à prendre du service militaire à l'étranger, puisqu'il porte: « Les Français qui sont au service militaire d'une puissance étrangère, avec ou sans autorisation, etc. » 575. Aux termes de l'art. 19 du décret du 26 août 1811, l'autorisation de passer au service d'une puissance étrangère est accordée par des lettres patentes délivrées dans les formes prescrites pour la naturalisation en pays étranger, formes que nous avons fait connaître aux nos 552 et suiv. toujours être spéciale, et sous la condition de revenir à l'ordre - L'autorisation doit de rappel fait par le gouvernement, soit dans une disposition générale, soit directement (décr. du 26 août 1811, art. 17, tit. 4; et décr. du 6 avril 1809, art. 23 et 27). Un avis du conseil d'État, du 14-21 janv. 1812, septième question (V. p. 39) décide que l'autorisation doit être individuelle, et qu'il ne suffirait pas que le prince étranger qui désirerait garder des Français à Jon service en fit une demande collective par un état général.

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576. Il a été jugé que l'autorisation accordée à un Français de conserver à l'étranger le service militaire qu'il y aurait pris sans autorisation, lui conserve la qualité de Français (Amiens, 24 janv. 1849, aff. Christophe, D. P. 49. 2. 71).-Cette solution nous paraît contraire aux principes. Français résulte, en effet, ipso facto, de la prise de service miLa perte de la qualité de litaire à l'étranger, et la loi veut que cette qualité perdue ne puisse être recouvrée qu'au moyen de certaines conditions, au nombre desquelles ne figure pas l'autorisation de conserver un service commencé. Il est vrai que, dans l'espèce, c'était l'exFrançais qui invoquait la perte de sa qualité pour échapper à la compétence des tribunaux français, et c'est sans doute la cause qui a déterminé la décision rendue par la cour d'Amiens. Cet arrêt a jugé, en effet, que le Français, pour décliner la juridiction des tribunaux de France, ne peut se prévaloir de ce qu'il n'a pas fait expédier et publier l'ordonnance qui l'autorisait à conserver du service militaire à l'étranger.

577. Il faut reconnaître, au surplus, que nos tribunaux se montrent très-indulgents en ce qui concerne l'application de la disposition de l'art. 21 c. civ., qui fait perdre la qualité de Français à celui qui a pris, sans autorisation du service militaire à l'étranger. Il a été jugé ainsi que cette disposition n'est applicable qu'autant qu'il y a, de la part de celui qui prend du service à l'étranger, abdication expresse de sa nationalité, et qu'on ne saurait voir une abdication pareille dans le fait, de la part d'un mineur surtout, d'avoir pris du service dans l'armée belge en 1835, époque à laquelle le gouvernement français y envoyait des officiers; et cela, encore bien que par suite de son engagement, le mineur aurait continué son service à l'étranger pendant un certain temps après sa majorité (Metz, 25 avril 1849, aff. Hannonet, D. P. 49. 2. 120).

578. Les Français qui ont obtenu l'autorisation de servir à l'étranger, ne peuvent prêter serment à la puissance chez laquelle ils se trouvent, que sous la réserve de ne jamais porter les armes contre la France, et de quitter le service, même sans être rappelés, si le prince venait à être en guerre contre la France; à défaut de quoi, ils sont soumis à toutes les peines portées par le décret du 6 avr. 1809 (art. 18 du décret du 26 oût 1811).

579. L'art. 20 du meme decret leur interdit de servir comme ninistres plénipotentiaires dans aucun traité où les intérêts de a France pourraient être débattus; et l'art. 24 ne leur permet pas de se faire accréditer comme ambassadeurs, ministres, ou envoyés auprès du gouvernement français, ni reçus comme chargés d'une mission d'apparat qui les mettrait dans le cas de paraître devant lui avec leur costume étranger.-M. Legat (p. 51) fait remarquer avec raison que cette dernière disposition paraît être tombée en désuétude; car M. Pozzo di Borgo, né en Corse, t par conséquent Français, a rempli en France pendant plu

sieurs années les fonctions d'ambassadeur de l'empereur de Rus sie, sans que l'on ait songé à invoquer contre lui cet article.

580. Ils ne peuvent entrer en France qu'avec la permission spéciale du gouvernement (décr. du 26 août 1811, art. 21).-Cette interdiction subsiste alors même que les ex-Français ont quitté tout service à l'étranger (avis du conseil d'État des 14-21 janv. 1812, 8° et 9e quest., V. p. 39). Ils ne peuvent se moutrer dans les pays soumis à la domination française, avec la cocarde étrangère, et revêtus d'un uniforme étranger; ils sont autorisés à porter les couleurs nationales quand ils sont sur le territoire français (même décret, art. 22). L'avis précité décide qu'ils ne peuvent porter ni cocarde ni costume étranger en France, dans le cas même où le prince auquel ils sont attachés résiderait en France. Ils peuvent, néanmoins, dit l'art. 23 du décret, porter les décorations des ordres étrangers, lorsqu'ils les ont reçus avec l'autorisation du gouvernement français.-L'avis précité du conseil d'État (10° et 11° quest.) décide que les Français qui ont pris du service militaire à l'étranger peuvent également, pour le cas unique où leur corps serait appelé par le gouvernement à traverser la France et à y stationner, conserver la cocarde et l'uniforme de ce corps, tant qu'ils y seront présents. Cette solution s'explique d'elle-même, l'uniforme étant le seul signe distinctif du grade et du corps auquel on appartient, il serait absurde d'obliger l'ex-Français à la tête ou dans les rangs d'un régiment étranger, à quitter le costume et la cocarde qui désignent sa qualité. M. Coin-Delisle, art. 21, no 3, estime, au surplus, que le gouvernement francais pourrait lever les prohibitions dont nous venons de nous occuper. Ces probibitions sont, en effet, des mesures politiques, d'où il est naturel de conclure que le gouvernement français peut, lorsque sa dignité n'en souffre aucune atteinte, les faire disparaître.

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581. Aux termes de l'art. 6, tit. 2, § 1, du décret du 6 avr. 1809, les Français qui sont au service militaire d'une puissance étrangère, avec ou sans autorisation, et qui n'ont pas porté les armes contre la France, sont tenus de le quitter du moment où les hostilités commencent entre cette puissance et la France, de rentrer en France et d'y justifier de leur retour dans le délai de trois mois, à compter du jour des premières hostilités. cais qui ont des fonctions politiques, administratives ou judiL'art. 20 déclare les dispositions de l'art. 6 applicables aux Franciaires chez l'étranger.

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588. L'art. 23 veut aussi que tous les Français au service militaire de l'étranger soient tenus de rentrer en France, dans le cas même où le pays dans lequel ils sont employés n'est pas en guerre avec la France, lorsqu'ils sont rappelés par un décret publié dans les formes prescrites pour la promulgation des lois.

Cet article est applicable aux Français qui exercent des fonctions politiques, administratives ou judiciaires chez l'étranger (art. 27). Quant aux Français qui n'ont ni service militaire, ni fonctions politiques administratives ou judiciaires chez l'étranger, l'art. 29 dispose qu'ils ne seront tenus de rentrer en France qu'autant qu'ils auront été nominativement rappelés par un décret publié dans la forme prescrite pour la promulgation des lois.

583. Pour justifier de leur rentrée en France, les Français sont tenus de se présenter devant les commissaires des tribunaux de première instance du lieu de leur domicile, dans le délai de trois mois fixé par l'art. 6, et d'y requérir acte de leur présence, lequel acte doit être transcrit au greffe (art. 7 du décret de 1809). - S'ils n'ont plus de domicile en France, ils sont tenus de se présenter devant le commissaire du tribunal de première instance de Paris (le procureur de la République) pour y requérir acte de leur présence dans le délai qui sera prescrit, lequel acte doit aussi être transcrit au greffe (même décret, art. 8). Ceux qui auraient un domicile en France peuvent aussi se présenter, s'ils le préfèrent, au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Paris, qui doit leur donner acte de comparant. L'acte de présence sera transcrit au greffe (art. 9)leur présence, et instruire de suite de cette présentation le commissaire du tribunal de première instance du lieu du domicile du 584. Ceux qui ne se seraient pas présentés dans le délai de l'objet d'un réquisitoire du commissaire près le tribunal de pretrois mois, à compter du jour des premières hostilités, seront

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