Page images
PDF
EPUB

De quel temps est encourue la mort civile.

ᎪᎡᎢ. 2. 619. Le moment où commence la mort civile varie selon que la condamnation dont elle résulte est contradictoire ou par contumace. En tout cas, elle n'est encourue que par l'exécution du jugement. C'est l'appareil et la publicité de cette mesure qui apprennent efficacement à la société que la condamnation du coupable est devenue irrévocable, et qu'il est retranché du nombre de ses membres. Ainsi, la mort civile ne remonte plus, pour certains crimes, au jour où ils ont été commis: tels étaient autrefois le parricide, le duel et le crime de lèse-majesté. Comme elle n'est jamais que l'effet d'une peine, il s'ensuit que le décès du condamné, antérieur à l'exécution, le soustrait à la mort civile. On n'exécute pas sur le cadavre; nos mœurs, autant que nos lois, repoussent ce vain et barbare simulacre de peine, autorisé, le 24 avril 1554, par le parlement de Bordeaux (Papon, liv. 24, tit. 14, no 1; Richer, de la Mort civile, p. 150), mais condamné par arrêt du parlement de Rouen de 1632, rapporté pas Basnage sur l'art. 143 de la coutume de Normandie. - Un motif plus puissant que celui de la notoriété a porté le législateur à reculer le moment où le condamné est atteint par la mort civile. La publicité des débats, admise aujourd'hui, suffirait, en effet, pour porter à la connaissance du public la condamnation prononcée contre l'individu; mais puisque la mort civile est l'effet d'une peine, il est logique de ne placer cet effet qu'après la peine qui en est la cause; or la peine ne résulte pas de la condamnation, mais de l'exécution seulement; en conséquence la mort civile ne doit être encourue qu'après cette exécution.

[merged small][merged small][ocr errors]

621. A Rome, le changement d'état datait de la prononciation de la sentence: Statim ut sententia dicta est, conditionem suam permutant (L. 10, § 1, T., De poenis; L. 6, ff., De injust. rupto et irrito test.).—Il est vrai qu'on oppose les lois 6, ff., De publicis judiciis, et 20, ib., De pænis.-Mais ces lois contredisentelles réellement celles sur le texte précis desquelles nous appuyons notre sentiment? La négative nous paraît certaine. La loi 6 porte, en effet : Defuncto eo qui reus fuit criminis, et pæna extincta, in quá cumque causa criminis extincti debet is cognoscere, cujus de pecuniaria re cognitio est. Il est manifeste que le mot reus ne doit s'entendre ici que de l'accusé, et non du condamné : ce qui le prouve, c'est que la loi renvoie, pour les peines pécuniaires, devant le juge appelé à en connaître, ce qui serait inutile si l'accusé eût été jugé de son vivant, puisque le jugement aurait statué sur les peines pécuniaires. La loi 6 ne prouve donc rien contre notre interprétation. Elle est, au surplus, entendue dans le sens que nous lui donnons, et par Godefroy et par Richer (p. 148). Quant à la loi 20, De pœnis, elle défend seulement de laire subir au cadavre des peines qui puissent rejaillir sur les héritiers, parce qu'il n'y a que le coupable qui doive au public l'exemple d'une punition proportionnée à son crime: Si pæna alicui irrogatur, dit-elle, receptum est commentitio jure, ne ad heredes transeat. Cujus rei illa ratio videtur, quod pœna constituitur eis amendationem hominum, quæ, mortuo eo in quem constitui videatur, desinii. Nous pouvons enfin invoquer en notre faveur un dernier texte très-explicite. C'est la loi 29, ff., De pœnis, ainsi conçue : Qui ultimo supplicio damnantur, statim et civitatem et libertatem perdunt. Itaque præoccupat hic casus mortem, et non numquam longum tempus occupat. Quod accidit in personis eorum qui ad bæstias damnantur: sæpè enim ideo servari olent post damnationem, ut ex his alius quæstio habeatur.

622. Mais sous l'ordonnance de 1670, était-il suffisant que la sentence eût été prononcée pour que la mort civile fût encourue, ou fallait-il en outre qu'elle eût été exécutée? — L'ordonnance ne s'en expliquait pas. Aussi une grande contreverse S était-elle élevée à ce sujet. Pour établir que l'exécution n'était pas nécessaire, on alléguait les dispositions des lois romaines ; en vain disait-on, dans le système contraire, on soutient que

TOME XVIII.

le condamné était en droit d'espérer sa grâce jusqu'au moment où l'exécution lui ôtait la vie, car cette espérance, qui n'aurait pu, dans tous les cas, constituer un droit, n'était presque jamais suivie de l'événement. On ajoutait que ce n'était point l'exécution qui produisait la confiscation, mais le jugement qui la prononçait en propres termes. Enfin on expliquait la disposition de la coutume portant: « Qui confisque le corps, confisque les biens, » en ce sens que toute peine qui tendait à la mort, soit naturelle, soit civile, entraînait la confiscation des biens. Teile était l'opinion de Carondas, dans ses Observations au mot Arrêt, où il soutenait que, dès que l'arrêt avait été prononcé au condamné, quoiqu'il n'eût pas été exécuté, jus faciebat; et qui citait à l'appui de son opinion la loi 55, ff., De re judicata. Dans le système contraire, défendu par La Rocheflavin, liv. 6 de ses arrêts, tit. 25, art. 5, au mot Confiscation, et par Richer, Traité de la mort civile, p. 149 et suiv., on disait: Que les biens du condamné, mort dans le temps intermédiaire entre la prononciation et l'exécution du jugement, n'étaient point confisqués, et l'on citait un arrêt du parlement de Toulouse, du 26 mai 1566, qui l'avait ainsi jugé, arrêt rapporté par Maynard, liv. 4, ch. 52. On ajoutait qu'en matière de condamnation il y avait deux parties principales à qui, quand on voulait retrancher un citoyen de la vie civile, ce retranchement devait être signifié, savoir le condamné lui-même, et la société. La société, disaiton, ne peut connaître l'incapacité du condamné, si on ne la lui notifie; et tant qu'elle est dans l'ignorance à cet égard, elle continue de le regarder comme un de ses membres, avec qui elle peut valablement contracter. On répondait à l'argument tiré de la loi citée par Carondas, qu'elle avait voulu seulement empêcher le juge de se réformer, mais non décider que son jugement faisait loi aussitôt qu'il avait été prononcé. On argumentait enfin de la disposition de l'art. 29 du tit. 17 de l'ord. de 1670 qui ne faisait remonter la mort civile, encourue en conséquence d'un jugement prononcé par contumace, qu'au jour de l'exécution. Cet article portait en eact: Celui qui aura été condamné par contumace à mort, aux galères perpétuelles, ou qui aura été banni à perpétuité du royaume, qui décédera après les cinq années, sans s'être représenté ou avoir été constitué prisonnier, sera réputé mort civilement du jour de l'exécution de la sentence de contumace. » A l'argument par lequel on repoussait cet article en disant que si, en matière de contumace la loi ne faisait remonter la mort civile qu'au jour de l'exécution du jugement, c'était qu'elle regardait la prononciation de ce jugement, qui devait être faite au condamné, comme indispensable pour opérer la mort civile; que toutefois, comme la justice ne pouvait prononcer son jugement en face à un condamné en fuite, on avait dù prendre tous les moyens possibles pour lui en procurer la connaissance et que, parmi ces moyens, on avait placé l'exécution par effigie;-A cet argument, disons-nous, Richer répondait : « Cette objection se détruit en disant que la condamnation est toujours manifestée tant au coupable qu'à la société. Quand le jugement est contradictoire, ou il tend à la mort naturelle, Ou il tend simplement à la mort civile. Dans l'un et l'autre cas, le condamné connaît son état par la prononciation qui lui est faite du jugement. S'il tend à la mort naturelle, l'exécution publique le manifeste à la société, s'il ne tend qu'à la mort civile, l'exécution de ce jugement, quoique moins solennelle que l'autre, ne laisse pas d'être connue du public; au moins de ceux qui étaient dans le cas d'avoir quelque liaison avec le condamné. D'ailleurs, c'est tellement l'intention de la loi que ces sortes de jugements soient connus du public, qu'elle prend un grand nombre de précautions pour les lui notifier. Cette distinction entre les peines qui produisent la mort civile et celles qui ne la produisent pas, fait voir que le législateur a voulu que la société eût connaissance des jugements qui retranchent quelque citoyen de son sein. Or, comme elle ne peut en avoir connaissance que par l'exécution, il s'ensuit qu'elle est nécessaire. » — Richer fait ensuite remarquer les absurdités qui seraient résultées du système contraire, d'après lequel les actes faits par le condamné eussent été nuls quant au condamné incapable, et valables quant aux tiers, auxquels cette incapacité n'aurait pas été notifiée. Richer concluait en disant : Nous croyons donc qu'il est plus conforme aux règles et aux véritables principes, de dire que l'exécution du 25

[ocr errors]

jugement est nécessaire en France pour opérer la mort civile. Ainsi, un homme qui viendrait à décéder après la prononciation, et avant l'exécution du jugement, mourrait integri status. Et ce sentiment ne nous paraît pas être purement d'opinion: il est fondé sur la jurisprudence. » Et l'auteur citait à cette occasion l'arrêt dont nous avons parlé nous-mêmes, rendu par le parlement de Toulouse, sous la date du 26 mai 1566.

623. C'est à compter du jour de l'exécution réelle, ou par effigie, que le code fait courir la mort civile (art. 26). - Les mots à compter du jour sont interprétés en sens divers. Est-ce du commencement ou de la fin du jour ? est-ce du moment précis de l'exécution, que la mort civile est encourue? La question n'est pas sans intérêt: l'ouverture d'une succession à laquelle serait appelé le condamné, le décès d'un parent, son héritier présomptif, peuvent survenir le jour même de l'exécution. MM. Merlin, Rép., vo Mort civile, § 1, art. 5, no 4; Proudhon, t. 1, p. 139; Toullier, t. 1, n° 221, pensent que la mort civile date du commencement du jour de l'exécution. Le premier de ces auteurs est entré dans une longus dissertation. Voici ses motifs :—L'art. 26 porte à compter du jour; donc le jour entier est compris. Ce sont les mots depuis tel jour, qui excluent le dies à quo; mais la locution à compter, etc., est toujours inclusive. Comment le prouve-t-il? Il renvoie aux mots de son Répertoire, Prescription, sect. 2, no 5; Délai, § 3; Loi, § 5, no 10, et cite un arrêt de cassation da 6 déc. 1811 (v° Loi), qui a jugé qu'un crime commis dans le ressort de la cour de Toulouse, le jour même de son installation, devait être puni conformément au nouveau code pénal, parce que ce code, selon le décret du 15 nov. 1811, devait être exécuté dans le ressort de cette cour, à compter du jour de son installation.-Cette opinion ne nous paraît pas solidement motivée: 1o Dans l'espèce de l'arrêt cité, une circonstance particulière commandait l'interprétation inclusive des mots à compter du jour la cour de Toulouse et le code criminel étaient deux Institutions nouvelles. La cour avait été créée pour appliquer le code. L'installation de l'une et la mise en vigueur de l'autre étaient donc nécessairement simultanées dans la pensée du législateur. On ne conçoit pas qu'il eût enjoint d'observer les lois anciennes le jour de l'installation, et les lois nouvelles le lendemain. - 2o Les savantes discussions auxquelles renvoie M. Merlin, et que nous avons soigneusement parcourues, ne prouvent clairement qu'une chose, c'est que le sens de ces expressions, à compter de tel jour, depuis tel jour, à partir de tel jour, n'est pas, dans tous les cas, facile à déterminer, et qu'il est plus ou moins ambigu, selon la contexture de la phrase ou les motifs qui ont dicté la loi (V. Délai, nos 29 et suiv.);-3° S'il y a doute sur le sens littéral de l'art. 26, il faut incontestablement suivre l'une ou l'autre de ces deux règles ou l'interpréter en faveur du condamné, ou le combiner avec les principes qui ont dù diriger le législateur. Or, il est de principe que la mort civile n'est que la suite de la peine, et que cette peine ne commence qu'au moment de l'exécution. Que l'effet ne préexiste donc pas à la cause tant que cette fiction rétroactive n'est pas évidemment autorisée par la loi la rétroactivité sort du droit commun. Il est de principe encore, et l'art. 1033 c. pr. le dit formellement, qu'en général le dies à quo n'est pas compté dans le terme. V. Délai.

bas de la minute de l'arrêt, dans les vingt-quatre heures, et à peine de 100 fr. d'amende (c. inst. cr., 578).-Cette indication, s'il en était besoin, se rectifierait facilement par la tradition et les documents écrits, qui donnent tant de publicité à un tel événement.-La loi, ajoute-t-on, parle du jour, et non du moment. Mais on ne saurait nier qu'une loi doive s'interpréter par ses motifs plutôt que par son texte. Or, ces motifs s'opposent, et nous l'avons prouvé, à ce que la mort civile date du commencement ou de la fin du jour. Cette démonstration reçoit des art. 720, 721 et 722 c. civ. une force irrésistible. Que deux condamnés, respectivement appelés à se succéder, meurent le même jour sur l'échafaud, lequel des deux aura succédé à l'autre? SeJon l'opinion adverse, on sera forcé d'appliquer les présomptions des articles précités. La mort civile, en effet, remontera pour tous les deux au commencement du jour. Mais cette conséquence est proscrite par les articles cités, qui ont pris soin de restreindre les présomptions qu'ils établissent, au cas où il serait impossible de reconnaître laquelle des deux personnes est décédée la première? Cette reconnaissance est-elle impossible? Non, assurément, et l'on en convient. — La loi spéciale du 20 prair. an 4, faite pour ces temps désastreux où les victimes s'amoncelaient aux pieds des échafauds, porte aussi :— « Lorsque des ascendants, des descendants et autres personnes qui se succèdent de droit, auront été condamnés au dernier supplice, et que mis à mort dans une même exécution, il devient impossible de constater leur prédécès, le plus jeune est présumé avoir survécu.» Donc c'est à l'instant précis de l'exécution que se réfère le législateur, pour fixer l'incapacité de succéder; donc la mort civile ne remonte ni au commencement ni à la fin du jour, quand l'instant de cette exécution est possible à constater. Au reste, MM. Delvincourt, p. 209, notes; Duranton, t. 1, no 22; Coin-Delisle, art. 26, no 9; Richelot, t. 1, no 105; Valette, sur Proudhon, p. 121 et Demolombe, n° 217, n'hésitent pas à adopter ce sentiment. MM. Valette et Demolombe ont très-bien fait remarquer que l'art. 26 a eu surtout pour but, en tranchant d'anciennes controverses, de décider que, même dans le cas d'une condamnation contradictoire, la mort civile ne résultera que de l'exécution. Le jour de l'exécution est opposé au jour de la condamnation; or, dans notre ancienne jurisprudence, la question n'était pas, ainsi qu'on a pu's'en convaincre en parcourant l'analyse que nous avons faite de cette controverse au n° 621, de savoir si la mort civile était encourue au commencement ou à la fin du jour, mais seulement si elle avait lieu à dater du moment de la condamnation ou de celui de l'exécution; et le mot jour était employé indifféremment avec celui de moment, toujours pour se référer à l'instant même soit de la condamnation, soit de l'exécution (Pothier, Succ., ch. 1, sect. 2, art. 2, § 3; ch. 3, sect. 1, § 3, et Denisart, v° Mort civile). Le code civil lui-même emploie souvent les mots à compter du jour comme synonymes de ceux à compter du moment (art. 30, 502, 503 et 719.V. aussi art. 476 c. inst. crim.). - Telle paraissait être aussi l'opinion de Richer, sous l'ord. de 1670 (de la Mort civile, p. 194, 195, 197). C'est ainsi qu'à Rome, et M. Merlin le remarque luimême, Rép., Mort civile, § 1, art. 5, no 3, la mort civile datat du moment, et non du jour de la prononciation de la sentence.L. 10, § 1, ff De pœnis, statim ut, etc.

625. Que faut-il entendre par l'exécution d'un jugement en traînant mort civile (c. civ. 26, 27)? En quoi consiste-t-elle ? → Parcourons les trois peines capitales auxquelles est attachée cette mort. La condamnation à la mort naturelle n'est censée exécutée qu'après que le condamné supplicié n'existe plus. - Des

624. La mort civile court-elle de la fin du jour ?- Nul auteur, que nous sachions, n'a adopté ce point de départ. Ne serait-il pas, en effet, contradictoire qu'un homme signalé par l'exécution comme ayant perdu la vie civile et peut-être la vie naturelle, conservât, après cette solennelle publication de son retranchement de la cité, les prérogatives qui ne sont attachées qu'à la qualité de citoyen? Il faut, ce nous semble, ne consi-jurisconsultes anciens et modernes professent, à cet égard, une dérer que le moment de l'exécution. On propose deux objections: 1° C'est par jour, dit-on d'abord, et non par heures, que se compte la prescription.- Qu'importe pour la question qui nous occupe; personne ici ne réclame un droit prescrit. Et pourquoi la prescription ne se compte-t-elle pas par heures ? C'est que la loi statue de eo quod plerumque fit, et que le plus souvent il n'est pas possible de constater l'heure où a commencé un droit quelconque. Les officiers publics, quand ils rédigent une convention, n'en certifient ordinairement que le jour; mais le moment de l'exécution est indiqué avec toute l'authenticité désirable par le greffier, qui en doit dresser procès-verbal avec transcription au

singulière doctrine: couper les cheveux au condamné, le placer sur la charrette, le monter sur l'échafaud, sont, à leurs yeux, des actes qui forment un commencement d'exécution, et qui, s'il parvenait à s'évader, auraient suffi pour lui ôter la vie civile.Un raisonnement bien simple renverse cette doctrine: vous admettez que la mort civile n'est que la conséquence d'une peine: qu'est-ce qui constitue la peine? c'est le mode de restriction quelconque à la liberté individuelle, ordonné par le juge et tracé par la loi. Est-ce que la loi parle des mille et un préparatifs qui peuvent précéder le dernier supplice? Ne sont-ce pas de simples mesures d'administration, variables selon les lieux et les cir

-

Constances, au gré de l'autorité, subalterne, et qui, manquant d'un caractère juridique de pénalité, sont nécessairement sans influence sur l'état civil des personnes? C'est l'opinion de Richer, p. 150, 154; de Basnage, art. 142, cout. de Normandie (arrêt conf. Toulouse, 26 mai 1566; Rouen, 1632).—Elle est adoptée par la plupart des auteurs qui ont écrit sur le code civil, notamment par MM. Duranton, t. 1, no 221, Marcadé, art. 26, no 3 et Demolombe, no 218. En conséquence, si le condamné mourait pendant le trajet de la prison au lieu de l'exécution, il serait réputé mort inlegri statús. Toutefois, ne perdons pas de vue qu'il décéderait irrévocablement jugé, et qu'en conséquence son jugement produirait tous les effets susceptibles d'exécution, et que les condamnations à des dommages-intérêts civils resteraient acquises à ceux qui les auraient obtenues. C'est ce que porte un avis du conseil d'État des 23 et 24 fruct. an 13. Cet avis a décidé de la même manière quant aux frais de procédure causés par les poursuites. Ne serait-il pas injuste, en effet, que les contribuables supportassent, plutôt que la succession du coupable, des frais nécessités par la constatation de son crime?-V. Frais.

[ocr errors]

626. Cette dernière proposition serait-elle vraie à l'égard du condamné contumax décédé dans les cinq ans de grâce, c'est-àdire integri statús? · La négative est certaine, car il est mort à un moment où il n'était pas encore irrévocablement jugé la partie civile ne peut donc se prévaloir du jugement pour exiger les dommages-intérêts qui lui ont été accordés; elle doit de nouveau agir contre les héritiers du condamné à fin de réparation civile. Telle paraît être sur ce point l'opinion de M. Proudhon, État des personnes, édit. de M. Valette, p. 143, V. no 643 et suiv., et y Contumace.

[ocr errors]

--

627. Avant l'abolition de l'exposition, la condamnation aux travaux forcés à perpétuité était censée exécutée lors de l'exposition du condamné (c. pén. 22). —On objectait, il est vrai, que l'exposition précédait et ne constituait pas les travaux forces. Mais en se reportant à l'ancien art. 23 c. pén., on y voyait qu'avant la révision, en 1852, c'était du jour de l'exposition que se calculait la durée des travaux forcés à temps. La peine était donc supposée recevoir, ce jour même, un commencement d'exécution. Il est vrai que le nouvel art. 23 avait change ce point de départ; mais était-ce pour le reculer? au contraire, il voulait que les peines temporaires commençassent à courir du jour où la condamnation était devenue irrévocable. - Et pourquoi ce changement fùt-il introduit? C'est parce qu'au cas de condamnation aux travaux forcés à temps ou à la reclusion, il était loisible à la cour d'assises de dispenser le condamné de l'exposition publique : or, comme il était juste de fixer un point de départ uniforme pour tous les condamnés à ces peines, on dut reporter cette limite au jour où la condamnation serait devenue irrévocable, limite toute fictive, qui n'avait rien de réel et ne devait en conséquence être étendue d'un cas à un autre : aussi devait-on se garder d'en conclure que les peines perpétuelles étaient considérées comme exécutées, alors qu'elles étaient devenues irrévocables. Mais la peine de l'exposition ayant été maintenue en principe pour tous les cas de condamnation à une peine perpétuelle, c'etait, sous l'empire de la loi de 1832, de ce moment que la peine était réellement exécutée, ainsi qu'il résultait de l'ancien art. 23 c. pén., par lequel le législateur avait trèsbien fait comprendre qu'il considérait l'exposition, dans les hypothèses où elle avait lieu, comme étant un commencement d'exécution; l'exposition n'était-elle pas, en effet, un mode de notification à la société, plus efficace que l'arrivée du condamné dans un bagne? C'est, du reste, la conséquence admise par la plupart des auteurs, notamment MM. Toullier, t. 1, no 275; Duranton, t. 1, no 222; Coin-Delisle, no 5; Zachariæ, t. 1, p. 322, et Valette sur Proudhon, t. 1, p. 141. — M. Marcadé, art. 26, n° 3, était cependant d'un avis contraire. Cet auteur enseignait que l'exécution ne commençait qu'au moment où le condamné entrait au bagne, et ne considérait l'exposition que comme un préliminaire de l'exécution. MM. Richelot, t. 1, n° 106 et Demolombe, t. 1, no 218, s'étaient rangés à cette doctrine. — M. Demolombe ne méconnaissait pas la gravité des motifs sur lesquels se basait l'opinion qu'il repoussait ; mais comme il s'agit ici d'une matière rigoureuse, il ne croyait pas qu'on pût devancer par interprétation le moment exact et précis où la mort civile doit seu

lement frapper le condamné. Au surplus, la question a perdu beaucoup de son intérêt depuis que le décret du 14 avril 1848 a supprimé la peine de l'exposition et reporté ainsi nécessairement au moment de l'entrée au bagne les effets de la mort civile. Toutefois, comme il peut s'élever des contestations à l'égard des condamnés antérieurs à ce décret, nous avons cru devoir l'examiner.

628. Que faut-il décider relativement à la déportation? Cette question a divisé les auteurs; nous l'avons examinée avec étendue vo Peine, où nous croyons avoir démontré que la condamnation est exécutée aujourd'hui dès l'instant où le condamné a été incarcéré dans le lieu qui, aux termes de l'art. 17 c. pén., a été fixé pour qu'il y subisse sa peine. Tel est sur ce point le sentiment de MM. Durantou, t. 1, no 223; Demolombe, n° 219, et Chauveau et Hélie, Théor. du c. pén., t. 1, p. 162, 2e édit. -La disposition du code pénal de 1810, qui permettait au gouvernement d'accorder l'exercice de certains droits civils aux déportés, est-elle encore en vigueur? Quel est l'effet de cette concession?-V. Peine (déportation) où la loi nouvelle est rapportée.

629. Au surplus, la mort civile, en cas de condamnation à la peine capitale, n'étant encourue qu'à compter de l'exécution, la commutation de la peine de mort en celle de la reclusion perpétuelle soustrait le condamné à la mort civile; on soutiendrait à tort que la reclusion perpétuelle n'est qu'un mode d'exécution de la déportation, et qu'elle doit produire la mort civile attachée à cette dernière peine (Orléans, 5 fév. 1847, aff. Diolot, D. P. 47. 2. 148).

630. Si le condamné s'était suicidé, aurait-il échappé ainsi à la mort civile? Les lois anciennes le déclaraient mort civilement, assimilant le suicide à l'exécution. Le suicide n'a plus cet effet il n'est point au nombre des actes punis par la loi nouvelle. Le conseil d'État rejeta la proposition d'annuler le testament du condamné qui s'en rendrait coupable (M. Locré, Espr. du c. civ., sur l'art. 26).-M. Demolombe (n° 220) est du même avis.

-

631. Nous avons vu que le condamné qui décède avant l'exécution du jugement prononcé contre lui meurt integri status. Ceci nous amène à examiner quelle est la position du prévenu d'un crime entraînant une condamnation dont l'exécution doit emporter mort civile, tant qu'il n'est que simple accusé. Un retour vers l'ancien droit nous servira beaucoup à éclairer la question. -Il était de principe, en droit romain, que la sentence, et alors seulement qu'elle avait été ratifiée par le souverain dans les cas où cette ratification était exigée, ou bien quand elle avait été prononcée à l'accusé si cette ratification n'était pas nécessaire, privait le condamné de la disposition de ses biens, lui enlevait le bénéfice du droit civil, sans même qu'elle pût rétroagir au jour de l'accusation.-C'est ce qui est établi par la loi 1, § 3, 0 r. De legat. et fideicom., qui porte: Deportatos autem eos accipere debemus, quibus princeps insulas adnotavit, vel de quibus deportandis scripsit. Cæterùm priusquam factum præsidis comprobet, nondum amisisse quis civitatem videtur. C'est ce qui résulte encore de la loi 2, § 1, ff. De pœnis, ainsi conçue: Constat, postquam deportatus in locum aquæ et ignis interdictionis successit, non prius amittere quem civitatem, quàm princeps deportatum in insulam statuerit. C'est enfin ce que décide d'un manière plus catégorique encore la loi 2, § 1, au Digeste, De bonis eorum qui ante sententiam mortem sibi consciverint.-En voici les termes : Si is de cujus pœna imperatori scriptum est, veluti quod decurio fuerit, vel quod in insulam, deportari debuerit, antequam rescriberetur, decesserit, potest quæri num ante sententiam decessisse videatur. Argumento est senatus consultum, quod factum est de his qui Romam transmissi, ante sententiam decessissent; cujus verba hæc sunt: cum damnatus nemo videri possit in hunc annum, antequam de eo forte judicium Romæ redditum et pronunciatum esset, neque cujusquam mortui bona hæredes possidere debent,» - Il est constant, d'après ces lois, que chez les Romains l'accusé demeurait citoyen et jouissait de tous les droits attachés à cette qualité jusqu'au moment de la condamnation prononcée, el que cette condamnation n'avait point d'effet rétroactif. —— C'était un principe également certain, dans notre ancienne jurisprudence française, qu'un criminel conservait son état de citoyen, avec les prérogatives qui y étaient attachées, jusqu'au moment

196

DROIT CIVIL. TIT. 3, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 2, § 1.

[ocr errors]

de la condamnation. On considérait ce principe comme une suite nécessaire d'un autre non moins certain, d'après lequel on n'admettait pas qu'aucune peine pût être encourue ipso facto. Telle était la doctrine enseignée par les meilleurs auteurs, notamment Le Prêtre, cent. 1, ch. 8; Lebrun, Traité des successions, liv. 1, ch. 2, sect. 3; Rousseau de Lacombe, Traité des matières crim., part. 1, ch. 1, no 24, et Richer, Traité de la mort civ., p. 47 et 48. - Cette règle était aussi admise par la jurisprudence, attestée par Lebrun (loc. cit.), qui rapporte un arrêt du 24 mars 1603 qui avait statué dans ce sens. est vrai, à cette jurisprudence l'art. 11 du tit. 10 de l'ordonnance On opposait, il de 1670, portant que le décret d'ajournement personnel ou de prise de corps emportait de plein droit interdiction; mais c'était à tort, car le mot interdiction ne s'entendait pas dans cet article de celle relative à l'administration des biens, mais uniquement de l'exercice des fonctions de judicature, ainsi qu'il résultait du rapprochement de l'art. 11 et de l'art. 10, qui décidait que «l'ordonnance d'assigné contre un juge ou officier de justice, n'emporterait point interdiction,» — - Tel était donc le principe admis dans le droit romain et dans notre ancienne jurisprudence. Examinons maintenant les conséquences qui en découlaient.

--

[ocr errors]

En consultant les lois romaines, nous voyons qu'elles accordaient expressément à l'accusé la faculté d'administrer son bien et de recevoir ses revenus jusqu'au moment de sa condamnation: In reatu constitutus bona sua administrare potest; eique debitor recte bona fide solvit, porte la loi 46, § 6, ff. De jure fisci.-Reo criminis postulato interim nihil prohibet recte pecuniam à debitoribus solvi; alioquin plerique innocentiam necessario sumptu egebunt, dit aussi la loi 41, ff. De solut. et liberat. Enfin la loi 42, au même titre, est ainsi conçue: Sed nec illud prohibitum videtur, ne à reo creditori solvatur. éviter que le coupable n'échappât par dol aux et ets qui devaient - Toutefois, pour résulter d'une condamnation, les lois romaines ne maintenaient que les actes faits sans fraude, et réputaient nuls les actes frauduleux; c'est ce qui est nettement exprimé dans la première des lois que nous venons de rapporter, « debitor recte BONA fide solvi. » - A l'égard des actes d'aliénation, les lois romaines faisaient deux distinctions: l'une sur la qualité des crimes, l'autre sur la nature des contrats passés depuis le crime commis. A l'égard des crimes, elles considéraient l'accusé de crime de lèse-majesté comme ayant perdu absolument la faculté d'aliéner, soit par acte entre-vifs, soit à titre onéreux, dès l'instant de la perpétration de son crime: Is qui in reatu, porte la loi dernière au Dig.,Ad legem Juliam majestat., decedit, integri status decedit. 'Extinguitur enim crimen mortalite, nisi fortè quis majestatis reus fuit. Nam hoc crimine, nisi à successoribus purgetur, hereditas fisco vindicatur. Mais l'accusé d'un crime autre que celui de lèse-majesté, n'était pas placé dans une position aussi rigoureuse : l'aliénation par lui consentie avant le jugement n'était pas nulle de droit, elle était seulement en suspens jusqu'au prononcé de la décision et restait maintenue si l'accusé décédait avant d'être condamné. C'est ce qui résulte de la loi 8, au Dig., De lege pomp. de parricid., ainsi conçue: Parricidii postulatus, si interim decessit, si quidem sibi mortem conscivit, successorem fiscum habere debebit; si minùs eum quem voluit, si modo testamentum fecit. Si intestatus decessit, eos heredes habebit qui lege vocantur.-La fin de la loi dernière précitée au Dig., Ad. leg. Juliam majest., semble même indiquer qu'il en était ainsi dans l'hypothèse des crimes de lèse-majesté autres que celui qu'ils appelaient perduellio: « Cæterum, si quis ex aliâ causá Julia majestatis reus sit, MORTE CRIMINE LIBERATUR. » — conde distinction de la romaine portait sur la nature des contrats - La sefaits par l'accusé. Les aliénations par lui consenties étaient à titre onéreux ou à titre gratuit. ces aliénations étaient valables, à moins que la preuve d'une Dans la première hypothèse, fraude entre les deux contractants ne fût établie. C'est ce qui résulte de la loi 41, ff. De sol. et liber., précitée, et qui est enseigné par Cujas, sur la loi Post contract. 15, ff. De donat., no 8; Bartole et Alciat sur la même loi; d'Argentré, sur l'art. 188 de la coutume de Bretagne; Basnage, sur l'art. 145 de la coutume de Normandie; Lebret, Décis. civ. des mat. crim., décis, 4; Trait. de la souveraineté du roi, liv. 5, ch. 15; Mornac, in præfat., ad tit, de pign,; Ricard, Tr. des don., p. 1, ch. 3, f. 4, no 214;

-

Le Prestre, cent. 1, quest. 85; Henrys, tit. 2, liv. 4, quest. 36; Papon, notes, tit. 1, liv. 5 des Donat., et Richer, p. 117. Dans l'hypothèse d'une aliénation à titre gratuit, on distinguait entre le testament et la donation entre-vifs. Les dispositions testamentaires ne pouvaient avoir lieu qu'au cas où l'accusé mourait avant la condamnation ou était absous par le jugement. natus, testamentum ejus valebit, porte la loi 9, . Qui testam. Si quis, post accusationem, in custodia fuerit defunctus indemfacere possunt. « Si quis, in capitali crimine damnatus, appellaverit, et medio tempore, pendente appellatione, fecerit testamentum, et ita decesserit, valet ejus testamentum, » disalt la loi 15, § 2, eod. tit. - En conséquence, dit Richer, p. 116, le testament était annulé par la condamnation; et nous verrons, en effet, en expliquant l'art. 25 c. civ., que cette conséquence était logique. - Quant aux donations entre-vifs, elles étaient toujours maintenues au cas, où postérieurement, l'accusé était absous. Telle nous paraît être l'interprétation que nécessite la loi 14 De donationibus, qui porte, dans l'édition connue sous le nom de Editio Haloandri: Post contractum crimen capitale, donationes factæ non valent, ea constitutione divorum Severi et Antonini, SI condemnatio secuta sit. Il est vrai que l'édition 'de Florence et la Vulgate présentent un sens différent. Suivant la première, la donation faite par le coupable ne vaudrait qu'autant qu'il aurait été condamné, sens évidemment inadmissible, car ce n'est pas la preuve qu'il est coupable qui doit donner faveur au criminel; d'après la Vulgate, la donation est valable, crimen, donationes factæ valent, nisi condemnatio secuta sit. » pourvu que l'accusé ne soit pas condamné: Post contractum leçon se rapproche complétement de celle de l'édition d'Hæloan-Entendue dans le sens qu'elle présente naturellement, cette dri, que Cujas a suivie, dans son comm. ad libr. 1, Respons. pap. L. 31, § ult., et qui est aussi adoptée par Richer, p. 108 et suiv.); mais elle a été expliquée par la glose en ce sens qu'une donation faite après le crime commis est valable, pourvu qu'elle ne soit pas faite après la condamnation. Cette interprétation, entièrement contraire au texte même qu'elle a pour objet de tracuire, ne distingue aucunement entre les donations faites par celui qui plus tard est absous et l'hypothèse contraire la donation est toujours valable, pourvu qu'elle précède la condamnation. Telle serait en effet la conséquence rigoureuse qu'on aurait pu tirer du principe que l'accusé, tant qu'il reste accusé, conserve la plénitude de ses droits. Mais si, comme nous venons de l'établir les donations faites avant le jugement par l'accusé absous sont toujours maintenues, la solution contraire est adoptée au cas de condamnation. - C'est ce qui résulte de la loi 15 par nous précitée, qui mettant pour condition à la validité de la donation l'absolution de l'accusé, suppose qu'au cas de condamnation l'acte ne vaudrait pas.-Tel est sur ce point le sentiment de Cujas (loc. cit.) et de Richer, p. 111.

[ocr errors]

Cette loi ne distingue pas entre les donations entre-vifs et les donations à cause de mort. Cette distinction paraît toutefois devoir être faite d'après la loi 7 au ff. de mortis causæ donation.; car, après avoir proscrit les donations à cause de mort suivies de la condamnation du donateur, elle ajoute: Quamvis cæteræ donationes, sine suspicione pœnæ facto, valeant. - Richer,

p. 114, conciliait ces deux lois en disant que les donations à cause de mort faites depuis l'accusation et avant la condamnation étaient toujours nulles, tandis que les donations entre-vifs, n'étaient nulles qu'autant qu'elles étaient faites in suspicione pœnæ; ce qui était la présomption admise, sauf la preuve du contraire, auquel cas elles étaient maintenues en conséquence du principe que l'accusé est encore en possession de ses droits civils jusqu'à ce qu'il soit condamné.

Sous l'empire de l'ordonnance de 1670, nos anciens auteurs tiraient de ce principe, également reconnu par eux, les mêmes conséquences que les lois romaines, et comme ils argumentaient de ces lois pour baser leur doctrine, nous ne reviendrons pas sur ce que nous venons de dire à cet égard. Il nous suffira de ren voyer à l'examen que fait Richer, p. 110 et suiv., des systèmes enseignés par les différents auteurs. - Arrivons à l'examen de

la question sous l'empire de notre législation actuelle.
Le décret du 26 frim. an 2 contenait une disposition précise
et rigoureuse sur les actes consentis par les accusés avant le in-

gement de condamnation. L'art. 2 de ce décret portait, en ellet: « Tout acte contenant donation, aliénation, reconnaissance, obligation ou engagement quelconque de la part d'un individu mis hors la loi, déporté, ou dont les biens ont été confisqués par jugement, est nul et sans effet à l'égard de la République, s'il n'a une date certaine et authentique antérieure, savoir: au décret de déportation ou de mise hors la loi, pour ceux contre lesquels il a été prononcé en cette forme, soit nominativement, soit sous une dénomination générique, et au décret d'arrestation ou d'accusation, mandat d'arrêt ou ordonnance de prise de corps, pour ceux qui auront été jugés contradictoirement ou par con

lumace. »

Aujourd'hui, la mort civile n'est encourue que par l'exécution de la condamnation. Jusqu'à ce moment, l'accusé, le condamné même, conserve la vie civile dans toute sa plénitude; et s'il décède avant l'exécution, il est réputé mort dans l'integrité de ses droits. Il suit de là: 1° que les actes d'administration faits par lui dans le temps intermédiaire qui nous occupe sont valables; qu'il peut toucher ses revenus jusqu'au jour de l'exécution; 2° que s'il meurt avant l'exécution, son testament est valable, car il n'est pas décédé en état de mort civile; 3° qu'en ce qui concerne la donation entre-vifs, elle est aussi valable au cas de prédécès du condamné avant l'exécution et par la même raison; 4° qu'en principe les libéralités de la dernière espèce doivent être maintenues, même au cas de condamnation et d'exécution entraînant mort civile, car la donation entre-viís dépouille le donateur actuellement et irrévocablement, et n'est plus ensuite subordonnée à la capacité ou à l'indignité du donateur au moment de son décès (c. civ. 894); or, le condamné était capable au moment de la donation; en conséquence, la mort civile qui le rend incapable plus tard ne saurait détruire un acte déjà consommé. -En vain, on argumenteralt en sens contraire des lois romaines que nous avons analysées et reproduites au numéro précédent, car leur but était d'assurer les effets de la confiscation, qui n'existe plus aujourd'hui. — On invoquerait également à tort la disposition de l'art. 25 c. civ. qui déclare le testament du mort civilement comme non-avenu, car la loi a par là voulu consacrer l'indignité du mort civilement et anéantir un acte qui n'était destiné à produire son effet qu'après la mort civile déjà encourue;- 5o La dernière conséquence qui résulte, et à fortiori, du principe que le condamné reste capable tant que la peine n'a pas été exécutée est qu'il peut valablement aliéner à titre onéreux les biens qui lui appartiennent. Mais ce qui précède ne doit s'entendre que des actes sérieusement faits. L'application des règles ordinaires en cas de fraude devrait avoir lieu, toutes les fois que les circonstances dénoteraient ce caractère. On proposa, en effet, lors de la discussion du code, de réputer frauduleux tous les actes d'aliénation faits par l'accusé, dans le cas où il serait condamné à une peine emportant mort civile. Le conseil d'État arrêta qu'on s'en tiendrait à la jurisprudence suivant laquelle «< ces actes ne sont pas proscrits indistinctement par une présomption de fraude, mais anéantis individuellement, et seulement lorsque les circonstances les accusent, et qu'ils blessent les droits des liers » (Proc. verb. de la disc. du c. civ., séance du 29 therm. an 9, t. 1, p. 118). Cette décision doit être suivie, à défaut d'une loi positive qui y déroge. La raison l'approuve : puisqu'on conservait à l'accusé la puissance maritale et paternelle, et que, chef de famille, il peut avoir besoin d'aliener, il était juste de ne pas paralyser, par une présomption de fraude, des transactions indispensables. MM. Toullier, t. 1, n° 288; Duranion, t. 1,

(1) Espèce : (David C. Fouyer.) Les sieurs David se sont pourvus en cassation contre un arrêt de la cour royale de Caen, du 20 déc. 1842, pour 1° violation des dispositions du code du 5 brum. an 4, en ce que l'arrêt attaqué a considéré cette loi comme ayant maintenu la mort civile à l'égard de laquelle elle garde complétement le silence.

Violation de l'art. 17, tit. 17 de l'ordonnance de 1670, en ce que le même arret a validé un procès-verbal d'exécution par effigie d'une condamnation à mort par contumace, quoiqu'il ne fut point revêtu de la signature du greflier. -3° Violation de la loi du 3 brum. an 4, en ce que l'arrêt a jugé que, sous celle loi, comme sous l'ancienne, la mort civile était encourue, et les droits de succession ouverts, du jour de l'exécution par effigie et non de l'expiration du délai accordé au condamné pour purger sa contumace ( vingt années).-Arrêt.

n° 233; Zachariæ, t. 1, p. 322, et Demolombe, n° 220, adoptent cette opinion.

632. Ne perdons pas de vue cependant, que si, en principe, l'accusation reste sans effet relativement aux droits civils, il n'en saurait être de même quant aux droits politiques qui sont suspendus pendant la durée de l'accusation. Telle était la disposition formelle de l'art. 5 de la constitution du 22 frim. an 8, article qui n'a été abrogé par aucune loi, ainsi que nous l'établirons dans notre Traité des droits politiques.

§ 2.- Condamnations par contumace.

[ocr errors]

633. Aux termes de l'art. 29, tit. 17 de l'ord. de 1670, la mort civile était encourue du jour de l'exécution de la condam nation par contumace et résoluble pendant cinq ans dans to us ses effets, par la représentation du condamné ou par sa mot naturelle arrivée dans cet intervalle. Tel est, du moins suivant Richer, p. 192 et suiv., le sens de cet article ainsi conçu : « Celui qui aura été condamné par contumace à mort, aux galères perpétuelles, ou qui aura été banni à perpétuité du royaume, qui décédera après les cinq années, sans s'être représenté, ou avoir été constitué prisonnier, sera mort civilement du jour de l'exécution de la sentence par contumace. » — Au premier aperçu cet article parait contraire au sens que lui donne Richer, car il ne prononce la mort civile que contre ceux qui ont laissé passer les cinq années sans se représenter, d'où la conséquence qu'elle n'existait pas pendant ces cinq premières années. Contre cette interprétation, on pourrait encore faire valoir les art. 30, 31 et 32 du même titre de l'ordonnance, qui n'accordaient au fisc que la jouissance des biens des condamnés pendant les cinq ans, et qui vonlaient que, même après ce temps, les confiscataires se présentas. sent en justice pour y obtenir la permission d'en disposer comme propriétaires, ce qui prouve que jusque-là la propriété de ces biens était restée au condamné. Mais ces objections étaient écartées par Richer (p. 194) qui prouve très-bien, d'une part, que l'art. 29 avait été rédigé principalement dans le but de repousser la prétention des confiscataires, tendant, au cas d'expiration des cinq années de grâce, à se faire attribuer les successions qui pouvaient être échues au condamné dans cet intervalle. A l'égard des inductions tirées des art. 30, 31 et 52, l'auteur fait voir, en se basant sur l'art. 28 de l'ord. de Moulins, que ces articles avaient pour objet d'éviter les inconvénients qui seraient résultés d'aliénations prématurées. La position du contumax était à peu près semblable à celle des personnes qui avaient fait des vœux en religion, vœux contre lesquels elles pouvaient réclamer pendant cinq ans, du jour de l'émission des voeux, mais qui n'en étaient pas moins réputées mortes civilement et privées en conséquence de la propriété de leurs biens, sauf à y rentrer si elles réclamaient contre leurs vœux dans les cinq ans.

[ocr errors]

-

Conformément à cette doctrine, il a été jugé que d'après la législation ancienne qui accordait cinq ans au condamné pour purger sa contumace, comme d'après la législation intermédiaire qui portait ce délai à vingt années, la mort civile n'était pas suspendue jusqu'à l'expiration du délai pour purger la contumace, mais elle était encourue du jour de l'execution par effigie; qu'en conséquence, si le condamné était mort sans avoir purgé sa contumace, il était considéré comme mort civilement du jour de l'exécution par effigie; et que, par suite, sa succession etait ouverte à cette époque et dévolue à ceux qui, ce jour-là, se trouvaient être ses héritiers légitimes (Req., 2 avr. 1844) (1). — Il résul

LA COUR; Sur le premier moyen attendu, en droit, que d'après la législation tant ancienne (ord. de 1670, tit. 17, art. 29) que nouvelle (c. civ., 23), la condamnation à la mort naturelle a emporté et emporte toujours la mort civile; - Qu'aucune distinctior n'a été ni pu être faite entre la condamnation contradictoire et celle par contumace; qu'en effet, il serait injuste que la loi retranchât la mort civile, suite nécessaire de la mort naturelle, en faveur du contumax, qui, par sa contumace même, lui devient rebelle; Que la législation nouvelle, plus indulgente en cela que l'ancienne, a seulement disposé que la condamnation par contumace n emporterait la mort civile qu'après les cinq années qui suivraient l'exécution du jugement par effigie, et pendant lesquelles le condamné pourrait se représenter ( c. c., art. 27); Attendu que la législation intermédiaire, dès 1791 jusqu'à 1810, et notamment le code criminel du 5 brum.

« PreviousContinue »