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soumise à la chambre des mises en accusation. Nous partageons cet avis, par la raison que l'examen à faire par la chambre criminelle est une instruction, un rapport préparatoire que la cour entière aura à apprécier, et qui, par conséquent, rentre, par sa nature, dans les attributions de la chambre des mises en accusation. La cour et le ministère public peuvent, en tout état de cause, ordonner de nouvelles informations (art. 624). On comprend, en effet, que dans une affaire d'une aussi haute gravité, on ne peut s'entourer de trop d'éléments d'appréciation.- Mais celle disposition est remarquable en ce que, contre l'usage ordinaire, et par exception, le droit du ministère public d'ordonner des informations est indépendant et peut s'exercer sans le concours de l'autorité de la cour. Le législateur a pensé que, par sa position, le procureur général est à même de se procurer des renseignements particuliers sur la conduite du demandeur.-L'art. 625 exige une précaution de plus; il ordonne que la notice de la demande en réhabilitation soit insérée au journal judiciaire du lieu où siége la cour qui devra donner son avis, et du lieu où la condamnation aura été prononcée. Après l'accomplissement de ces formalités préalables, la cour donne son avis, le procureur général entendu (art. 626). Elle ne peut même délibérer que trois mois après la présentation de la demande en réhabilitation (art. 627).

M. Legraverend (loc. cit.) fait courir ce délai du jour de la remise au greffe, et M. Carnot du jour de la présentation à la municipalité. Le dépôt au greffe, dit ce dernier, suppose que la demande préexiste. Si ce dépôt est tardif, l'inconvénient n'est que dans le retard, puisque le délai est de trois mois au moins, et nou de trois mois au plus.

Si la cour est d'avis que la demande en réhabilitation ne peut être admise, le condamné pourra se pourvoir de nouveau après un intervalle de cinq ans (art. 628). Ainsi la loi ne repousse pas indéfiniment celui qui, au moment de sa première demande en réhabilitation, ne se trouve pas dans les conditions requises. Elle lui ouvre encore la perspective d'arriver un jour à sa réintégration dans la société; mais comme il y a lieu de présumer que le rejet de sa demande est fondé sur de graves motifs, elle ordonne qu'il recommence un temps d'épreuve pareil à celui qui s'était écoulé entre l'expiration de sa peine et sa première demande. M. Legraverend, p. 770, s'est demandé, sur cet article, si l'avis de la cour doit être motivé, et il décide l'affirmative en se fondant sur ce qu'il est juste que le condamné dont la demande est rejetée et ajournée ainsi à un délai de cinq nouvelles années, ne puisse pas se considérer comme une victime de l'arbitraire. Il convient, au surplus, que cet avis, qui n'est point qualifié arrêt par la loi, ne peut donner ouverture au recours en cassation. - Nous ne saurions partager l'opinion de M. Legraverend en ce qui concerne les motifs à donner à l'avis de la cour. - Remarquons, en premier lieu, que la loi n'a point exigé que cet avis fût motivé; remarquons aussi, avec M. Legraverend, que cet avis n'est point un arrêt, et enfin ne perdons pas de vue que de graves considérations peuvent s'opposer à de qu'on rende publics des renseignements confidentiels. Que la cour motive ou non son arrêt, il n'est pas douteux que le condamné sera toujours enclin à se déclarer victime de l'arbitraire, alors que sa demande sera rejetée, et comme la loi énumère clairement les conditions voulues pour que la réhabilitation puisse avoir lieu, ce sera au condamné à prendre ses mesures pour les remplir toutes. Si la cour pense que la demande en réhabilitation peut être admise, son avis, avec les pièces exigées par l'art. 620, est transmis par le procureur général, et dans le plus bref délai, au

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(1) (Bernard.) — LA COUR; Oui M. le procureur-général du roi, représenté par M. L'avocat-général Bouchard, en son réquisitoire, tendant à ce qu'il plaise à la cour, les deux chambres civiles réunies en audience solennelle, entériner les lettres de réhabilitation, accordées par S. M., le 27 septembre dernier, an nommé Louis Bernard; Considérant que lesdites lettres patentes de réhabilitation sont adressées par S. M. aux présidents et conseillers composant la cour royale de Poitiers; Considérant que la demande en réhabilitation a été soumise à la chambre des mises en accusation, laquelle a statué sur cette demande, par arrêt du 9 juin 1828; d'où il est naturel de conclure que la chambre d'accusation doit participer à l'entérinement des lettres patentes octroyées en conséquence de son arrêt;

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ministre de la justice, qui est spécialement autorisé, s'i. le juge convenable, à consulter le tribunal ou la cour qui a prononcé la condamnation (art. 629). Après que le ministre a pris connaissance de la demande et des pièces, ainsi que de l'avis de la cour et des renseignements qui lui ont été transmis directement, il fait son rapport au gouvernement qui prononce (art. 630). — Si la réhabilitation est accordée, il en est expédié des lettres patentes dans lesquelles l'avis favorable de la cour est inséré en son entier (651). Ces lettres patentes sont adressées à la cour qui a délibéré l'avis, à l'effet d'être lues et entérinées sur la présentation qu'en fait le procureur général, et en présence de l'impétrant. Il doit en être envoyé, par le procureur général près la cour qui les entérine, copie authentique à la cour qui a prononcé la condamnation; et transcription des lettres est faite en marge de la minute de l'arrêt de condamnation (art. 632).

756. Des lettres de réhabilitation, adressées à une cour d'appel, doivent être entérinées par toutes les chambres réunies de cette cour; et il y a lieu d'annuler la requête présentée aux deux sections civiles seulement (Poitiers, 28 nov. 1828) (1).

57. Avant la révision de l'art. 619, M. Legraverend (p. 771, 3e édit.) s'était demandé si la réhabilitation pouvait avoir lieu par la volonté du gouvernement avant le laps de cinq ans, depuis l'expiration de la peine, et sans que toutes les formalités indiquées par le code eussent été remplies? Et il s'était prononcé dans le sens de l'affirmative qui ne lui avait pas paru susceptible d'un doute. - «En effet, disait M. Legraverend, les lettres de réhabilitation peuvent être accordées, ou par voie de grâce, ou suivant les formes ordinaires, parce que, dans le dernier cas, elles n'ont pas, à proprement parler, le caractère d'un acte de clémence, quoiqu'elles présentent les mêmes dehors. A la vérité, elles émanent également du chef de l'État. Cette intervention était nécessaire pour donner la solennité convenable à un acte d'une aussi haute importance que celui qui rend un individu à l'honneur et à l'exercice des droits civils; mais d'après les formalités judiciaires qui précèdent ces lettres de réhabilitation, elles ne consacrent rééllement que la déclaration d'un droit acquis, le législateur ayant voulu imprimer une vertu efficace au repentir, et donner aux coupables la perspective encourageante de l'entière rémission des suites que leurs fautes avaient entraînées. Mais la prérogative du chef de l'État, qui peut faire grâce de la peine, s'étend à plus forte raison à la faculté de remettre les délais et autres formalités que la loi prescrit pour obtenir des lettres de réhabilitation. » M. Legraverend faisait ensuite remarquer l'étrange contradiction résultant du système contraire dans lequel on reconnaissait au gouvernement le droit de remettre la peine elle-même pour lui contester cependant celui de faire remise des délais. Quant à la remise des formalités elles-mêmes, M. Legraverend soutenait qu'elle pouvait être faite en vue de considérations tirées de ce qu'il y avait quelquefois de pénible et de grave à mettre un individu dans la nécessité de révéler sa condamnation dans le lieu où il avait fixé sa résidence depuis l'expiration de sa peine. Quelque favorable que puisse être l'opinion de M. Legraverend, et quel que soit le fondement qu'elle parut avoir sous le code d'instruction criminelle avant, sa révision, elle nous paraît contraire aujourd'hui au texte et à l'esprit de l'art. 619 nouveau. En effet, cet article, dans la supposition où le gouvernement aurait usé envers un condamné du droit de grâce, ne lui refuse pas, comme paraissait le faire l'ancien article, le bénéfice de la réhabilitation: seulement, il considère comme subie la peine remise et fait courir le délai de cinq ans à partir de l'entérinement des lettres de grâce. Or, si le légis

Considérant que, de ce qui précède, il suit que c'est à tous les magistrats composant la cour de Poitiers, que lesdites lettres ont été adressées; d'où résulte la conséquence que c'est par la cour royale, toutes chambres présentes à l'audience, et non pas par les deux chambres civiles seules, que doivent être entérinées les lettres de réhabilitation accordées à Louis Bernard; - Par ces motifs, les deux chambres civiles réunies, en audience solennelle, statuant sur le réquisitoire de M. le procureur-général, ordonne que les lettres patentes de S. M., en date du 24 sept. 1828, seront entérinées par la cour, toutes les chambres assemblées; - Renvoie en conséquence l'entérinement desdites lettres a l'audience qui sera postérieurement indiquée.

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Du 28 nov. 1828.-C. de Poitiers, audience solennelle.

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nelle, se prescrivent par vingt années révolues, à compter de la date des arrêts ou jugements. Et, dans aucun cas, les condamnés par défaut ou par contumace, dont la peine est prescrite, ne peuvent être admis à se présenter pour purger le défaut ou la contumace. Telle est la disposition solennelle de l'art. 641 du même code. Ainsi, quand vingt années se sont écoulées depuis que la condamnation a été prononcée, on ne peut plus saisir celui qui en a été l'objet. Il échappe définitivement à la peine; il rentre libre au milieu de la société, sauf au gouvernement à lui désigner le lieu dans lequel il devra fixer son domi

Jateur ent voulu que la réhabilitation pût s'opérer par la seule volonté du gouvernement, s'il eût admis que cette réintégration absolue dans le sein de la societé, cette réintégration qui fait supposer pour le condamné le droit acquis de reparaître au milieu du monde comme un homme nouveau, pouvait s'opérer par le seul effet de la clémence du pouvoir exécutif, loin de décider purement et simplement qu'en cas de grâce le condamné pouvait se pourvoir en réhabilitation cinq ans après l'entérinement des lettres par lui obtenues, il aurait distingué avec soin le cas où le gouvernement aurait voulu réhabiliter de son autorité privée, et celui où il voulait simplement faire remise de la peine. Quantcile, ainsi que l'y autorise l'art. 655 c. inst. crim.-Mais est-ce à la contradiction signalée par M. Legraverend, elle n'est qu'aprepte. Ce jurisconsulte recommandable nous paraît ne pas tenir assez de compte de la distinction fondamentale qui sépare le droit de grâce de celui de réhabilitation: la grâce n'est jamais qu'un acte de commisération, là réhabilitation au contraire est en quelque sorte un acte de juridiction et de justice: la première suppose que le souverain pardonne; la réhabilitation, que par son repentir le condamné s'est replacé lui-même dans les rangs de la société. Ces deux droits forment donc deux institutions parallèles qui ne doivent pas être confondues, confusion qu'amène nécessairement le système de M. Legraverend. - Le gracié en faveur duquel le souverain aura ainsi usé de son pouvoir de la manière la plus large, ne se trouvera pas dans l'hypothese d'une réhabilitation proprement dite, il n'aura pas effacé le souvenir de son crime et ne sera toujours aux yeux du monde qu'un coupable que la clémence du pouvoir a couvert de sa protection, tandis que le réhabilité sera considéré comme ayant repris luimême et par sa conduite exemplaire un rang que ses fautes passées lui avaient fait perdre, comme s'étant fait rendre justice après une justification solennelle de son retour à la vertu. La grâce ne remet jamais que les peines sans pouvoir réintégrer le coupable dans ses droits civils pour l'avenir (V. Grâce), tandis que la réhabilitation fait cesser les incapacités civiles pour l'avenir (C. inst. erim., art. 35).

758. Effets de la réhabilitation. Les effets de la réhabilition sont réglés par l'art. 633 c. d'instr. crim., ainsi conçu : « La réhabilitation fera cesser, pour l'avenir, dans la personne du condamné, toutes les incapacités qui résultaient de la condamnation. » - Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit en parlant des effets de la cessation de la mort civile par suite de la représentation du contumax après les cinq années de grâce. Il nous suffit de rappeler qu'indulgente pour l'avenir, la loi mantient à l'égard du condamné tous les effets produits jusqu'au jour de sa réintégration.

759. Mais il s'est élevé la question de savoir de quel jour cessent les incapacités par l'effet des lettres de réhabilitation? Est-ce du jour où elles sont accordées, ou bien de celui où elles sont transmises à la cour, qui a donné son avis? - Ces lettres étant publiées en forme de décrets, l'avis du conseil d'État, du 12 prair. an 13, approuvé le 25, nous semble résoudre la question: Les décrets non insérés au Bulletin, ou qui n'y sont indiqués que par leur titre, sont obligatoires du jour qu'il en est donné connaissance aux parties qu'ils concernent, par publication, affiches, notification ou signification, ou par envois, que font ou ordonnent les fonctionnaires publics chargés de l'exécution. »

760. La réhabilitation n'est-elle efficace qu'après que le réhabilité a satisfait au payement des réparations civiles? - Le code pénal de 1791 prescrivait sursis jusqu'à cette époque. Le silence du code actuel n'autorise plus cette restriction (M. Carnot, sur l'art. 633). Elle était admise par les commentateurs de l'ordon. de 1670.

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à dire que les effets de la mort civile cesseront à l'égard de ce condamné qui aura prescrit sa peine? - Pour éclairer cette question, nous aurions vainement recours à l'autorité des lois romaines, car elles sont muettes sur ce point. Notre ancienne jurisprudence ne nous fournit non plus aucune règle à cet égard. C'est donc dans les principes seulement et dans le texte de la loi moderne que nous devons en rechercher la solution.--Eh bien, il est de principe: 1° qu'on ne prescrit qu'une peine qu'on ne subit pas; or, le condamné contradictoirement qui s'échappe et le condanné par contumace qui ont encouru la mort civile, dans les délais tracés par la loi, prescrivent bien contre la peine physique qu'ils ne subissent pas; mais il n'en est pas de même à l'égard de la mort civile qui les suit et les frappe partout (c. civ. art. 32). En vain le coupable chercherait-il à établir qu'il n'a jamais cessé de remplir les fonctions de citoyen; ces actes ne peuvent constituer à son égard que des usurpations; -2° Il est aussi de principe qu'on ne prescrit point contre l'intérêt de la société ; or le bien public est intéressé à ce qu'un coupable que la société a considéré pendant vingt ans comme banni de son sein, le soit en effet. Il ne peut en conséquence prétendre à rien autre chose, sinon que la société n'a plus le pouvoir de lui infliger la peine matérielle qui a été prononcée contre lui.-Telle est au reste la règle formelle de l'art. 32 c. civ. qui porte: « En aucun cas la prescription de la peine ne réintégrera le condamné dans ses droits civils pour l'avenir. » V. Prescript. crim., Peine.

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765. La dégradation civique produit des effets qui sont énumérés dans les art. 34 et 55 c. pén. (V. Peines). —La flétrissure morale qu'elle entraîne ne peut s'effacer que par la grâce et la réhabilitation (art. 34 c. pén. et 619 et suiv. c. inst. crim.).— La dégradation civique n'enlève pas seulement l'exercice des droits énumérés dans l'art 34 c. pén., mais elle prive de la jouissance même de ces droits. - C'est ce qui résulte de la comparaison de l'art. 34 c. pén. avec les art. 29, 30, 42 c. pén. et avec l'art. 28 c. civ. En effet, l'art. 54 prononce la destitution et l'exclusion de plusieurs droits dont la jouissance se confond avec l'exercice, et il enlève le droit lui-même, sans distinguer entre l'exercice et la jouissance, tandis que l'art. 29 prononce un état d'interdiction légale, état qui cesse, d'après l'art 30, quand la peine est subie, terme auquel le tuteur rend compte au condamné, de son administration. De même, les art. 42 c. pén. et 28 c. civ. ne prononcent que l'interdiction de l'exercice des droits

-TIT. 3, CHAP. 2, SECT. 2, ART. 2.

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DROIT CIVIL. civils, et en réservent, en conséquence, la jouissance au condamné. Les faits auxquels le code pénal applique la dégradation civique comme peine principale, sont prévus par les art. 111, 114, 119, 121, 126, 127, 150, 143, 167, 177, 183, 228, 362, 565 et 366 (V. Peines; V. aussi vis Culte, Droits politiques, Faux, Fonctionnaire public, Faux témoignage, Liberté individuelle, Serment). De quel jour la dégradation est-elle encourue, ou, en d'autres termes, de quel jour est-elle irrévocable (V. n° 777 et vo Peines). - Les incapacités qu'elle produit cessent de plein droit à partir de la réhabilitation (V. plus haut nos 758 et suiv.) ou de l'entérinement des lettres de grâce, s'il n'y a réserve expresse à cet égard. — V. Grâce.

766. L'art. 42 c. pén. autorise les tribunaux à interdire en tout ou en partie l'exercice de certains droits civiques, civils et de famille, le vote, l'éligibilité, les fonctions de tuteur, juré, experts et autres, du port d'arme, des fonctions de la tutelle. cette privation d'exercice implique celle de la jouissance (V. - El Peines). Ces cas doivent être prévus par la loi (c. pén. 45). Cette interdiction ne peut être que temporaire (c. pén. 9-2°), ce qui induit MM. Chauveau et Hélie, 2e édit., t. 1, p. 165, à lui donner la préférence sur la dégradation civique, ce qui est dans l'esprit d'un bon système pénitentiaire.-V. Peines.

ART. 2.

Privation partielle des droits civils, considérée comme suite ou accessoire d'une peine.

767. La privation partielle des droits civils est la conséquence légale et l'accessoire nécessaire de la condamnation à la peine des travaux forcés à temps, de la détention, de la réclusion ou du bannissement. - Elle emporte dans ces divers cas la dégradation civique (c. pén., art. 28), peine indéfinie qui survit, ainsi qu'on l'a dit, à l'expiration de la peine principale et ne peut s'effacer que par la réhabilitation, et par la grâce, en certains cas. Il a été jugé: 1° qu'un « mandat d'arrêt, surtout lorsqu'il n'est donné que faute de comparution sur un mandat d'amener, et qu'il n'est pas exécuté, ne rend pas le citoyen qui en est frappé inhabile à contracter » (Rej., 25 vent. an 9, M. Henrion, rapp., aff. Jannot); 2° Que la condamnation à la peine du boulet prononcée par un conseil de guerre pour délit militaire n'entraîne point l'interdiction légale d'ester en justice « attendu que les lois pénales ne doivent point être étendues; que la législation pénale militaire, entièrement séparée et distincte de la législation pénale ordinaire, ne prononce point l'interdiction légale contre les condamnés à la peine du boulet » (Paris, 17 mars 1809, aud. sol., aff. Frémyn); -5° Que la loi du 10 avril 1852, en autorisant les Bourbons de la branche aînée à vendre leurs biens de France, est censée leur avoir réservé l'exercice momentané de tous les droits civils nécessaires à cette aliénation (Paris, 24 juill. 1825, aff. Pastoret, V. Minorité-tutelle); -4° Que le condamné à une peine afflictive et infamante, même non exécutée et commuée, ne peut déposer en justice avec prestation de serment (Cr. rej., 13 janv. 1858, aff. Radez, V. Inst. crim.). — V. Peines (commutation).

768. Aux termes de l'art. 29 c. pén., quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la réclusion, sera, de plus, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale; il lui sera nommé un tuteur et un subrogé-tuteur pour gérer et administrer ses biens, dans les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et subrogés-tuteurs aux interdits. Ainsi, le condamné aux travaux forcés à temps, étant incapable d'administrer ses biens pendant le temps de sa peine, ne peut pas souscrire des lettres de change; celles qu'il aurait souscrites sans date certaine sont annulables, comme supposées faites après sa condamnation, si des présomptions graves motivent cette supposition, et font croire d'ailleurs que ces lettres (1) Espèce: (Raissac C. Bourdin et cons.) — Le jugement attaqué avait décidé que Collet, frappé d'interdiction légale, n'avait pu, en vendant à M. Raissac le droit d'imprimer ses mémoires, lui transmettre celui d'exercer une action en contrefaçon contre le sieur Bourdin et autres, à qui le même Collet avait depuis cédé le droit de réimprimer le même ouvrage. Appel. - Arrêt.

LA COUR;

Considérant que les art. 29, 50, 51 c. pén. placent le condamné aux travaux forcés à temps, à la détention ou à la réclusion,

contiennent une donation déguisée (Rouen, 27 nov. 1823, aff. Launay). Ainsi encore, une vente d'immeuble, consentie par un individu condamné à une peine emportant suspension de l'exercice des droits civils, doit, pour être valable, porter une cette date, les créanciers du condamné peuvent demander la nul date certaine antérieure à l'arrêt de condamnation. Si elle n'a pas lité de cette vente, comme faite en fraude de leurs droits (Rouen, 7 mai 1806, aff. Liniaire, V. Obligat.).—Et l'acquéreur ne peu prouver par témoins l'authenticité de la date (Même arrêt).Le ministère public peut même requérir la nullité d'une telle vente dans l'intérêt de la loi (Même arrêt).- Enfin, le curateur du condamné ne peut ratifier la vente, sans autorisation du conseil de famille, au préjudice des enfants mineurs du condamné (même arrêt).

769. La disposition de "'art. 29 c. p. a soulevé de graves difficultés. Les auteurs sont loi d'être d'accord sur sa nature et ses effets. Suivant un premier système enseigné par MM. Toullier, t. 6, no 111, et Chauveau et Hélie, Théor. du c. pén. t. 1, p. 211, l'interdiction prononcée par l'art. 29 ne se rapporte qu'à l'administration des biens, sans altérer la capacité du condamné, qui conserverait dès lors l'exercice ainsi que la jouissance de ses droits civils, et pourrait, en conséquence, s'obliger, aliéner, se marier, faire un testament valable.-Cette opinion se fonde sur le texte même de l'art. 29, qui ne prescrit la nomination d'un tuteur et d'un subrogé tuteur qu'en ce qui concerne l'adminis qui l'ont fait prononcer. En effet, dit-on, la loi s'est ici proposé tration des biens du condamné; elle a aussi sa base dans les motifs un double but: 1o de pourvoir à une nécessité, à l'abandon où se trouve forcément l'administration des biens du condamné pendant la durée de sa peine; 2° de l'empêcher de recevoir des sommes d'argent dans le lieu où il subit sa peine.-Mais la loi n'a pas eu un autre but, et n'a établi aucune déchéance, à la différence de l'art. 28 qui prononce la dégradation civique.-MM. Carnot, Com. sur le code pénal, art. 29, no 5, Duranton, t. 8, no 181, et Boitard, leçons de dr. pén., p. 188, professent un système entièrement opposé. Selon eux, le condamné est complétement privé de l'exercice des droits civils; en conséquence, il ne peut s'obliger, ni aliéner, ni tester. Ces auteurs basent aussi leur système sur le texte même de l'art. 29, qui place le condamné en état ordinaire, ainsi qu'il résulte du renvoi que fait cet article au tit. 11 d'interdiction légale, c'est-à-dire dans la position d'un interdit du liv. 1 du c. civ. Dans cette opinion, on fait remarquer, en outre, qu'il y aurait contradiction et inconséquence à défendre au condamné d'administrer et à lui permettre d'aliéner, de faire une donation. Le rôle du tuteur, dont la loi veut que le condamné soit pourvu, serait alors ridicule. Et d'ailleurs, puisque le but de la loi est, suivant les auteurs mêmes qui défendent le sentiment contraire, que le condamné ne puisse pas se livrer à de scandaleuses profusions, qu'il ne puisse se créer, dans le lieu de sa détention, des moyens de corruption et d'évasion, on ne doit pas l'interpréter en ce sens que s'opposant à ce qu'il put toucher les revenus de ses biens, il lui soit permis d'en avoir le capital. M. Demante, t. 1, p. 55, paraît se ranger à cet avis, car il enseigne que, l'effet de l'interdiction légale est de priver entièrement le condamné de l'exercice des droits civils. Enfin, M. Valette, sur Proudhon, t. 2. p. 554-556, adopte la même opinion, en exceptant néanmoins l'hypothèse d'un mariage que le condamné contracterait pendant la durée de sa peine.

à une peine afflictive et infamante, qui écrit ses mémoires ne
Conformément à cette opinion, il a été jugé que le condamné
par suite, le cessionnaire n'a pas le droit d'intenter une action
peut en vendre le manuscrit sans l'intervention d'un tuteur; et que
en contrefaçon contre le libraire à qui le même condamné a
vendu par un second traité le droit de réimprimer cet ouvrage
(Paris, 7 août 1857) (1).

pendant la durée de sa peine, dans un état d'interdiction légale ; qu'il lui
est nommé un tuteur et un subrogé tuteur pour gérer et administrer
ses biens, et que, pendant la durée de sa peine, il ne peut lui être
remis aucune somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus;
- Qu'il suit de là que le condamné aux travaux forcés ne peut faire
aucune aliénation de ses biens, qu'il ne peut faire aucun acte de ges-
qui a pour but de faciliter la répression des crimes, est d'ordre public, es
tion, ni même de simple administration; que cette interdiction légale,

M. Merlin, Quest. de droit, vo Testament, § 3 bis, a proposé un troisième système, qui, depuis, a été reproduit par MM. Zachariæ, Cours de dr. civ. franç., t. 1, p. 350, et Demolombe, t. 1, n° 192. D'après ces auteurs, il y a lieu de distinguer entre les actes entre - vifs et le testament. Les premiers seraient interdits au condamné, et cette interdiction se justifie par les motif allégués dans l'opinion précédente. Le testament fait pendant l'interdiction légale serait, au contraire, valable, et voici pourquoi: En premier lieu, dit M. Demolombe, ce n'est point par l'effet du jugement d'interdiction que l'interdit ordinaire ne peut pas tester, c'est par suite du dérangement de ses facultés intellectuelles. Son incapacité dérive, non pas de l'art. 502, mais de l'art. 901. Or, ce motif est complétement inapplicable à l'interdit légalement, qui peut être très-sain d'esprit. En second lieu, on ne saurait confondre l'interdiction toute spéciale, si différente de l'interdiction ordinaire dans sa cause et dans son but, avec cette dernière. On ne doit, en conséquence, l'appliquer qu'aux actes, qu'aux dispositions entrevifs concernant le patrimoine de l'interdit, parce que ces dispositions sont incompatibles soit avec l'administration donnée au tuteur, soit avec le but essentiel auquel tend la loi, qui est d'empêcher le condamné de se procurer des ressources. M. Demolombe applique le même raisonnement en ce qui concerne le mariage que le condamné contracterait pendant l'interdiction légale et en l'absence de textes qui, soit au titre des donations et des testaments, soit au titre du mariage, prononcent la nullité du testament ou du mariage faits par le condamné, il se prononce pour la validité. La jurisprudence paraît favoriser cette interprétation, au moins en ce qui concerne le testament. C'est ainsi qu'il a été jugé que le condamné à une peine afflictive et infamante à temps (la réclusion), peut tester pendant la durée de sa peine; l'interdiction légale dont il est frappé ne concerne que la gestion et l'administration de ses biens (Nimes, 16 juin 1835) (1).

Quelle est celle de ces trois opinions qui doit être suivie? Quant à la première, celle qui reconnaît au condamné le droit d'aliéner, de contracter, etc., de faire enfin tous les actes du droit civil qui ne sont pas des actes d'administration, elle n'est pas admissible, et pour l'établir, nous nous référons purement et simplement aux raisons données dans le second système. Reste donc le système de MM. Duranton et Boitard, en opposition avec celui de MM. Merlin, Zachariæ et Demolombe. Ces derniers auteurs maintiennent le testament fait pendant

que le condamné ne peut, sous peine de nullité; disposer d'une partie quelconque de ses propriétés; · Considérant qu'il résulte de l'instruction et des debats que Collet, condamné aux travaux forcés à temps, pendant qu'il subissait sa peine au bagne de Rochefort, a cédé à Raissac le droit d'imprimer l'histoire de sa vie; que Raissac a imprimé cet ouvrage, et en a déposé deux exemplaires à la bibliothèque royale pour s'en assurer la propriété;

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Considérant que Bourdin a également acquis de Collet, par le traité du 16 avril 1857, le droit de publier la seconde édition de cet ouvrage, et que Bourdin a cédé une partie de l'édition à Pathonot et Débée; Considérant que ces deux cessions, faites par Collet, sont également frappées de nullité, et n'ont pu avoir pour effet de transmettre le droit d'exercer une action en contrefaçon;-Considérant que, d'ailleurs, par le premier traité de 1856, Collet avait seulement autorisé Raissac à imprimer son ouvrage, et s'était interdit de céder le même droit à un autre sous peine de dommages-intérêts; Que, de son côté, Raissac s'était obligé à imprimer l'ouvrage dans le délai de quatre mois, et à remettre à Collet la moitié des bénéfices:-Qu'il résulte des termes de cette convention que, dans l'intention des parties, ce n'est pas réellement la propriété de l'ouvrage, mais seulement le droit d'en publier une édition, qui a été transmis à Raissac; Considérant que Raissac a joui de tous Ses droits à lui inférés par ce traité, que la première édition était épuisée lorsque Bourdin a traité avec Collet, et que même il en avait fait paraitre une seconde édition; -- D'où il résulte que Raissac ne peut, sous aucun rapport, exercer une action en contrefaçon contre les défendeurs ; - En ce qui touche le droit personnel invoque par Raissac, résultant de ce que Raissac prétend, comme coauteur, avoir acquis des droits à la proprieté de l'ouvrage;

Considerant que, si Raissac a fait quelques corrections et changements plus ou moins considérables à l'ouvrage originaire dans l'édition qui lui en a été cédée, n'a point acquis par là un droit de propriété, et qu'il a au contraire placé la propriété entière sur la tête de Co!let, on publiant l'ouvrage sous le du Collet et sous le titre de Mé

l'interdiction légale; ils admettent la validité du mariage contracté dans le même intervalle par le condamné, et en ce point ils sont d'accord avec M. Valette.-Mais sur quel texte appuientils leur opinion? Ils se fondent sur les motifs de la loi, et aussi sur l'absence de textes qui prononcent la nullité du testament et du mariage de l'interdit légalement. Il nous semble que ce raisonnement est plus spécieux que solide. — En effet, s'il est vrai que le but principal, essentiel, du législateur qui a prononcé l'interdiction légale a été d'empêcher le condamné de se procurer des ressources pour qu'il ne fit pas, suivant l'expression de l'orateur du gouvernement, « par de scandaleuses profusions, d'un séjour d'humiliations, un théâtre de joie et de débauches, » il a eu aussi pour but d'aggraver la position de ce condamné, d'ajouter à la peine principale qu'il subit une peine accessoire, qui est celle de l'interdiction. Si ce législateur eût seulement voulu empêcher le coupable de se procurer des moyens d'évasion, il lui suffisait de déclarer qu'il ne pourrait pas percevoir le prix des actes par lui souscrits; il lui suffisait de régler sa position pécuniaire comme celle des prisonniers ordinaires. Mais il a été plus loin: il l'a déclaré en état d'interdiction légale; et pour expliquer la portée de la disposition pénale qu'il édictait, il a eu soin d'ajouter qu'un tuteur et un subrogé tuteur lui seraient nommés, dans les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et subrogés tuteurs aux interdits, c'est-à-dire qu'ayant dejà organisé les règles de l'interdiction, il se contente d'y renvoyer purement et simplement pour ne pas reproduire inutilement des dispositions déjà établies. Il n'y a pas, en effet, ainsi qu'on l'a dit dans le second système, deux espèces d'interdiction, l'une ordinaire, l'autre légale : la loi n'en a organisé qu'une, et c'est à elle qu'il faut se reporter pour bien apprécier la position de l'interdit légalement.- Un dernier argument en faveur de l'opinion qui considère le condamné comme privé absolument de l'exercice des droits civils, opinion que nous adoptons, nous paraît résulter du texte de l'art. 2 (tit. 4, part. 1) de la loi des 25 sept. 6 oct. 1791, qui portait : « Quiconque aura été condamné à l'une des peines des fers, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention, ne pourra, pendant la durée de sa peine, exercer par lui-même aucun droit civil, sera pendant ce temps en état d'interdiction légale, et il lui sera nommé un curateur pour gérer et administrer ses biens. » — Sous l'empire de cette loi, on le voit, l'état d'interdiction légale empêchait le condamné d'exercer aucun droit civil, et c'est aussi ce que l'art 28 c. civ. fait aujourd'hui. Or, comme loin de voumoires d'un condamné, faits et écrits par lui-même, en sorte que Bourdin a cru de bonne foi, en traitant avec Coliet, qu'il était le véritable auteur de ces mémoires, et que, sous ce rapport, Raissac est non recevable dans son action; Confirme.

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Du 7 août 1857.-Paris, ch. corr.-MM. Dupuy, pr.-Cloque et Marie, av. (1) Espèce (Aygalenq C. Ledoux.) 25 avril 1824, testament public d'Antoine Aygalenq, condamné à la réclusion, par lequel il lègue un pré à Catherine Ledoux; il décède peu de jours après et pendant que sa détention dans la maison d'arrêt de Montpellier subsistait encore. La légataire demande à la sœur du défunt la délivrance de ce legs. Refus de celle-ci, fondé sur ce que son frère était incapable de tester. Jugement qui maintient le legs.-- Appel.-Arrêt.

LA COUR;- Attendu qu'aux termes de l'art. 902 c. civ., toutes personnes peuvent disposer de leurs biens par actes entre-vifs et par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables; attendu qu'aucune disposition législative ne frappe de cette incapacité le condamné à la réclusion; Que l'art. 25 c. civ. ne peut lui être appliqué, parce que la condamnation à la réclusjon n'emporte point mort civile;-Que l'art. 28 c. pén. de 1810, et les art. 28 et 54 de ce code, tel qu'il a été modifié en 1852, énumèrent les droits dont le condamné à la réclusion se trouve privé, et qu'il n'y est nullement question de la faculté de tester; attendu qu'aucune loi n'attache à l'interdiction légale dont parle l'art. 29 c. pén, l'incapacité de disposer par testament, et qu'on ne peut assimiler arbitrairement cette interdiction légale à l'interdiction judiciaire dont s'occupe le tit. 11, liv. 1 c. civ., s'agissant surtout d'une clause pénale qui doit être soigneusement restreinte daps ses termes; attendu enfin que le seul effet de Pinterdiction légale mentionnée en l'art. 29 précité, se trouve indiqué dans la deuxième partie de cet article, et dans l'art. 51 du même code, portant que les biens du condamné seront gérés et administrés par un curateur où tuleur, sans qu'il puisse lui être remis aucune partie de ses revenus; de tout quoi il suit que la demande en nullité du testament dont s'agit est mal fondée; Démet, etc.

Du 16 juin 1855.-C. de Nimes.-M. Trinquelague, 1er pr.

loir modifier les principes reçus à cet égard, le législateur de 1810 les a maintenus dans l'art. 29 en employant le terme d'interdiction légale, sans indiquer qu'il lui attribuait une signification différente, il en résulte qu'il a entendu lui faire produire les mêmes effets.

770. La nullité qui frappe les actes faits par l'interdit légal est-elle absolue ou relative, c'est-à-dire peut-elle être opposée seulement par l'interdit ou par les tiers, ou peut-elle l'être par les uns et les autres simultanément? D'abord, il semble que l'individu frappé d'interdiction légale étant assimilé à l'interdit ordinaire, doit seul pouvoir opposer la nullité, conformément à l'art. 1125 c. civ., mais il serait contraire à la morale que le condamné pût tirer avantage de sa position abaissée pour retehir dans les liens d'une obligation nulle à son égard les tiers visà-vis desquels il ne serait pas lié lui-même. Il est à remarquer que l'art. 1125 est fait pour protéger l'interdit ordinaire, le mineur, la femme mariée, et non pour le priver du droit de contracter, tandis que l'art. 29 c. pén., a voulu, non pas protéger, mais punir l'interdit légal. Ensuite, est-il plus exact de dire que la nullité pourra être invoquée par les tiers seulement, et qu'il est juste de ne pas permettre à l'interdit de se prévaloir des suites de son crime pour faire tomber un acte qu'il contracte librement avec des tiers de bonne foi? - Non certainement, et il est contraire à l'essence des obligations synallagmatiques qu'un des contractants soit lié alors que l'autre ne l'est point. L'art. 1125 contient une exception à ce principe qu'on ne saurait appliquer à un autre cas. Il suit de là que la nullité est générale, d'ordre public, et que chaque contractant peut s'en prévaloir. Une décision contraire n'atteindrait pas le but que la loi s'est proposé; elle serait même dépourvue de sanction, car les tiers trouveraient l'interdit presque toujours disposé à accepter les conditions qu'ils croiraient devoir lui imposer. Ils abuseraient en conséquence de sa situation et de ses besoins pendant la durée de sa peine.-Cette opinion est aussi celle de MM. Zachariæ, p. 530, note 1, et Demolombe, n° 193, et cela est conforme à ce qui a été dit à l'égard du mort civilement (V. no 665 ). — Toutefois nous pensons, avec M. Valette, sur Proudhon, t. 2, p. 557, et Demolombe (loc. cit.), que l'interdit serait irrecevable à se prévaloir de son incapacité, dans le cas où par dol il aurait trompé les tiers sur son état personnel; car il serait contraire à la raison que le condamné pût se faire de cette incapacité un moyen de surprise contre les tiers. L'art. 1310 c. civ., qui, en cas de fraude, prive le mineur du Lénéfice de restitution, fournit un, puissant argument en faveur de cet avis. M. Demolombe, no 224, cite un arrêt qui aurait décidé en ce

sens.

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771. Pendant la durée de sa peine, il ne peut être remis au condamné aucune somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus (c. pén., art. 31); mais cette défense ne fait pas obstacle à ce qu'il lui soit remis des aliments. Le tuteur fera déterminer par la famille la somme qui peut lui être accordée à cet égard.-Telle est sur ce point l'opinion de M. Magnin, Traité des minorités, t. 1, no 37. - Il pourrait aussi recevoir des tiers des fonds à titre de secours; mais ces fonds, ainsi que l'argent saisi sur lui lors de son arrestation, sont déposés au greffe. Ils ne peuvent être retirés qu'en vertu de bons ou mandats du directeur. C'est ce que porte un arrêté du ministre de l'intérieur, en date du 10 mai 1839.

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2. On a critiqué, comme trop rigoureuse et trop absolue, la disposition de l'art. 31 c. pén., qui defend de remettre au condamné, pendant la durée de sa peine, aucune somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus. C'est ainsi que, dans la discussion de cet article (procès-verbaux du conseil d'Etat, séance du 8 oct. 1808), M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angely) en avait demandé la suppression, et que M. Redon avait proposé de laisser à l'administration la faculté de remettre des secours aux condamnés dans la proportion de leurs besoins. C'est dans le même esprit que M. Carnot, Comm. du c. pén., t. 1, p. 105, s'est élevé contre la sévérité de notre article. « N'y avait-il donc, dit M. Carnot, aucun moyen à prendre pour allier les principes de l'humanité avec ceux d'une rigoureuse justice? Tous les intérêts n'auraient-ils pas été ménagés, si le code avait autorisé le conseil de famille à fixer le montant des sommes que

le curateur aurait dû remettre entre les mains des administra. teurs des prisons pour subvenir aux plus pressants besoins dea condamnés? Les individus qui se sont rendus coupables de crimes ne méritent sans doute aucune faveur; mais peut-on regarder comme une simple faveur de subvenir aux besoins que réclame l'humanité? » Il nous semble que l'intérêt de l'humanité lui-même justifie la disposition qui nous occupe; car ce serait, ainsi que le firent remarquer MM. Treilhard et Berlier, dans la séance précitée du conseil d'État, établir un privilége scandaleux en faveur des criminels riches, et une inégalité choquante entre divers hommes qui doivent subir la même peine, que de permettre au condamné de percevoir ses revenus. MM. Chauveau et Hélie, t. 1, p. 170, sont du même avis que nous sur ce point.

-

773. MM. Toullier, t. 1, n° 295, et Duvergier, Collect. des lois, t. 32, p. 227, note 2, enseignent qu'il pourra être remis par le tuteur, avec l'autorisation du conseil de famille, des secours à la femme et aux enfants du condamné, s'ils sont dans le besoin. Cette opinion est favorable et, selon nous, conforme aux principes, car le mariage n'est pas dissous dans les divers cas de condamnations qui nous occupent. Il doit, en conséquence, être pourvu aux charges du ménage avec les revenus des biens des deux époux. On oppose vainement à notre opinion la rédaction de l'art. 30 c. pén. qui prescrit au tuteur de rendre au condamné qui a subi sa peine le compte de son administration, et le texte de l'art. 475 d'inst. crim. qui dispose, en faveur de la famille des contumax, que, durant le séquestre, il peut être accordé des secours à la femme, aux enfants, au père ou à la mère de l'accusé, s'ils sont dans le besoin, article d'où l'on a conclu, à contrario, que la même disposition n'ayant pas été reproduite à l'égard de la famille des condamnés contradictoires, elle ne pouvait réclamer aucun secours sur les biens de l'interdit légalement. En effet, lors de la discussion de la loi de 1852, M. Emmanuel Poulle avait proposé un amendement ayant pour objet de permettre au conseil de famille de faire remise à la famille du condamné d'une partie de ses revenus à titre de secours, et cet amendement fut repoussé comme inutile. Ajoutons, avec MM. Chauveau et Hélie, Théorie du c. pén., t. 1, p. 168, que la loi n'a pas appliqué le même mode d'administration aux biens des condamnés par contumace et à ceux des condamnés contradictoirement, ceux-ci étant régis comme biens d'interdits, ceuxlà comme biens d'absents (c. inst. crim. 471). · Dans ce dernier cas, une disposition formelle était nécessaire pour que la famille du condamné pût recevoir des secours. Dans la première hypothèse, au contraire, on a pu d'autant plus s'en référer aux règles du droit commun qu'un tuteur est chargé d'administrer les biens de l'interdit sous la surveillance d'un conseil de famille.

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774. D'après le code pénal de 1791 (tit. 4, art. 5), les secours sur les biens du condamné ne pouvaient être accordés qu'au profit de la femme, des enfants, du père ou de la mère. Nous pensons, avec M. Chauveau et Hélie, f. 1, p. 169, que, sous l'empire de la loi actuelle, ils devront être accordés à tous ceux qui, aux termes des art. 203, 205, 206 et 207 c. civ., ont droit d'exiger des aliments.

5. Le conseil de famille, chargé de nommer un tuteur et un subrogé-tuteur à l'interdit légalement, est convoqué et présidé par le juge de paix du domicile du condamné (art. 406 et suiv. c. civ. combiné avec l'art. 29 c. pén.). Si ce condamné était mineur et déjà en tutelle à l'époque de sa condamnation, y aurait-il lieu à une nomination nouvelle d'un tuteur et d'un subrogé tuteur? La négative nous paraît certaine, car, aux termes de l'art. 29 c. pén., ce tuteur est nommé pour gérer et administrer les biens de l'interdit: or, cette gestion est déjà entre les mains d'un tuteur; il n'y a donc aucune mesure à prendre en ce qui la

concerne.

776. Quand le condamné a subi sa peine ses biens lui sont remis et le tuteur lui rend compte de son administration (c. pén. art. 30. V. à cet égard v° Minorité et Tutelle). - Rappelonsnous toutefois ce que nous avons dit au no 773, en ce qui concerne les secours qui peuvent avoir été accordés à la famille.

777. A quelle époque commence la privation partielle de droits civils, par suite de condamnation à une autre peine (c.pa

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