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cats y sont reproduites et combattues avec mesure. Il exprime

séquence, attaqué les deux articles tout à la fois. On a dit, contre le prepremier, que la mort civile ne brisait pas les liens naturels qui unissent le condamné à ses parents; que les rapports de la nature sont indépendants de la loi civile, qui ne peut ni les détruire ni les méconnaître ; que le condamné a toujours, dans l'ordre naturel, une famille qui doit être appelée à recueillir sa succession.

30. On a critiqué la disposition faite par l'art. 33, des biens acquis par le condamné depuis la mort civile encourue. On a prétendu que c'était, sous le nom de déshérence, faire revivre le droit odieux de confiscation, à jamais retranché de notre législation; que priver celui qui est mort civilement de l'espoir de laisser à sa famille le faible produit de ses travaux, c'était l'éloigner du travail, et s'ôter ainsi le seul moyen de le voir rentrer dans le chemin de la vertu; on a ajouté que le droit conféré au gouvernement, de pouvoir faire au profit de la famille telle disposition que son humanité lui suggérera, étant purement facultatif, n'absout l'article d'aucun des reproches qu'on vient de lui faire. Je réponds d'abord à la première branche de cette objection. Je conviens, avec ceux qui la proposent, que la loi civile ne peut rompre les liens naturels qui unissent les familles mais je dis que la loi qui a attaché certains effets à ces liens naturels, peut les retrancher ou les modifier, suivant que l'intérêt social l'exige. Sans doute elle ne peut pas faire que les enfants d'un même père ne soient frères et sœurs; sans doute elle ne peut détruire ces rapports antérieurs et immuables qu'établit la nature; mais les conséquences de ces rapports dans les droits civils auxquels ils donnent ouverture dans les actions qu'elle autorise, et qui s'intentent en son nom, restent toujours dans son domaine; toujours elle peut les changer ou même les supprimer. Cette vérité s'applique surtout à l'ordre des successions, qui est tout entier l'objet et l'apanage de la loi civile. Montesquieu, après avoir réfuté l'opinion que les règles des successions sont fondées sur l'ordre naturel, ajoute: « Le partage des biens, les lois sur ce partage, les successions après la mort de celui qui a eu ce partage: tout cela ne peut avoir été réglé que par la société, et par conséquent par des lois politiques ou civiles (a). » La transmission des biens appartient done uniquement et exclusivement à la loi. La nature conserve ses rapports, sans que la loi perde ses droits; et la loi peut fort bien reconnaître des parents dans l'ordre naturel, et méconnaître des héritiers dans l'ordre légal. Je prie maintenant les auteurs de l'objection de vouloir bien considérer avec moi les contradictions dans lesquelles leur système entraînerait le législateur. Car, tout en demandant que les parents du condamné succèdent aux biens qu'il a acquis depuis sa mort civile encourue, ils ne veulent cependant pas que, depuis cette époque, il succède lui-même à ses parents. Mais s il est parent pour transmettre, il doit l'être aussi pour recueillir. S'il est de la famille quand il faut trouver des héritiers, il faut qu'il en soit aussi quand il s'agit de le devenir. Voilà les conséquences nécessaires de cet appel aux droits de la nature.

Certes, ces droits pourraient être bien plus puissamment invoqués par les parents de l'étranger mort en France, qui n'avait point, à la vérité, les droits et la qualité de Français; mais qui avait ou l'espérance ou la faculté de les acquérir; tandis que l'individu mort civilement les avait perdus par un crime, et était déclaré ou incapable ou indigne de les recouvrer; et cependant, comme l'ordre de succéder est le domaine exclusif de la loi civile, elle en prive la famille étrangère, qui n'est pas soumise à son empire.-Revenons donc à ce principe universellement établi, que, pour qu'il y ait transmission de succession, il faut qu'il y ait capacité dans la personne de celui qui transmet comme dans la personne de celui qui recueille. Sans le concours de ces deux capacités. il n'y a pas de succession. Dans l'espèce qui nous occupe, il y a incapacité dans la personne du condamné que dis-je ? il ne vit pas même aux yeux de la loi. Pourrait-elle le reconnaître capable de transmettre, quand elle méconnait son existence?

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31. La solution de la première partie de l'objection prépare et facilite la solution de la seconde, principalement dirigée contre l'art. 33. Qu'il ne soit d'abord plus question de confiscation; car franchement, ni l'idée, ni le mot, ne peuvent plus se retrouver à côté d'une, disposition qui déclare la succession du condamné, à l'instant de sa mort civile, ouverte au profit de sa famille.

2. Quel sera maintenant le sort des biens qu'il aura postérieurement acquis? Celui des biens laissés par tous ceux qui n'ont pas d'héritiers aux yeux de la loi, lors même qu'i's auraient des parents aux yeux de la naLure. Ces biens se confondront dans le domaine public; ils appartiendront à la nation par droit de déshérence; telle est la conséquence nécessaire du principe. Mais en même temps le gouvernement est autorisé, je pourrais même dire invité par la loi, à faire, en faveur de la famille, toutes les dispositions que l'humanité lui suggérera. Il n'y a ni raisons, ni intérêt possible qui puissent jamais détourner le gouvernement d'user de cette faculté, ou de déférer à cette invitation. Cette espérance, fondée sur la loi, naîtra dans l'âme du condamné, et lui rendra, s'il en est temps encere, avec l'amour du travail, celui de la vertu. Heureuse disposition

(a) Esprit des lois, liv. 16, ch. 26.

nettement les idées consacrées dans le projet et jette souvent du

qui, en sauvant un principe rigoureux, mais nécessaire à l'ordre et à la sûreté publics, satisfait en même temps à tout ce que peut exiger l'humanité!

33. La seconde difficulté que j'ai déjà annoncée, a pour objet la dissolution, quant à tous les effets civils, du mariage précédemment contracté par celui qui est mort civilement. On a dit, contre cette disposition, qu'elle ajoute à la sévérité de l'ancienne loi française, qui, es privant le condamné et sa famille de tous ses biens, avait cru néanmoine devoir conserver l'engagement qui subsistait entre les époux. On a ajouté qu'en faisant même abstraction des idées religieuses, le mariage ne doit pas être considéré comme une chose purement civile; que c'est un contrat naturel réglé par la loi civile, une union dont la perpétuité est le vœu. Enfin, on a regardé cette dissolution du mariage commu une peine infligée à des tiers intéressés, à la femme et aux enfants comme tendant surtout à établir une opposition toujours funeste entre loi d'un côté, et la morale et la religion de l'autre; la loi, qui regarrait comme un concubinage la persévérance d'une épouse à partager la destinée de l'époux malheureux et coupable; la morale et la religion, qui l'approuveraient comme un acte de dévouement et de vertu.

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Je reprends successivement les trois parties de cette objection.-Quant au reproche qu'on fait au projet de loi d'être plus sévère sur cet objet que les lois de la monarchie, cette disparité est fondée sur la manière différente dont on envisageait, sous l'empire de ces lois, le lien du mariage. C'était alors un engagement tout à la fois religieux et civil; la religion et la loi concouraient également à le former, et la loi seule ne pouvait rompre des nœuds qu'elle seule n'avait pas tissus. Aujourd'hui, la célébration du mariage et tous ses effets appartiennent à la loi civile. Elle laisse aux époux le soin ou la liberté de prendre le ciel à témoin de leurs engagements; elle n'entre point, à cet égard, dans l'asile impénétrable des consciences; mais il n'y a à ses yeux d'union légitime que celle qui est formée devant les magistrats qu'elle en a chargés, et il n'y a que les mariages ainsi contractés qui puissent produire les effets qu'elle y attache. Aussi se contente-t-elle de dissoudre le lien, quant à ces effets. Je conviens d'ailleurs que, dans le mariage, le contrat naturel a précédé le contrat civil. Qu'en faut-il conclure? c'est que cet engagement est sous la double autorité de la loi nouvelle et de la loi civile. Si l'un des époux vit encore aux yeux de la nature, le lien qu'il a formé reste sous l'empire de la loi naturelle, à laquelle, à la vérité, il ne reste plus alors de sanction. Mais si cet époux est hors de la société, les lois que cette société n'a faites que pour elle-même, qui n'existent que par sa volonté et pour son intérêt, ne peuvent plus, sans se contredire, reconnaître la durée de l'engagement, quant aux effets qu'elle y avait allachés. La rupture d'un lien purement légal (et il n'est que cela aux yeux du législateur), est la suite nécessaire de la perte de tous les droits légaux. Comment conserver le droit d'un homme vivant à celui qui est réputé mort? Peut-on considérer comme époux, comme père, celui qui n'existe plus? Si l'on reconnait la nécessité du principe, il faut bien en adopter les conséquences. C'est, au surplus, la force des choses qui nous conduit à ce résultat. Comment, en effet, supposer qu'un individu mort civilement puisse rester chef d'une communauté dissoute par l'ouverture de sa succession; que celui qui n'a ni biens, ni existence légale, puisse exercer la puissance déférée par les lois aux époux et aux pères sur la personne et les biens de leurs femmes et de leurs enfants; qu'il puisse autoriser sa femme à paraître devant les tribunaux, quand l'accès lui en est personnellement interdit à lui-même ? C'est donc la force des choses, je le répète, qui amène l'annulation de tous les effets civils du mariage, ou sa dissolution, quant à ces effets.

M'objectera-t-on qu'il est possible que des enfants naissent de cette union dissoute par la loi, et qu'alors ces enfants seront privés des honneurs de la légitimité? je reconnais la vérité de cette conséquence. Je pourrais dire qu'en pareil cas la légitimité a beaucoup à perdre de ses honneurs et de son prix; mais enfin, la législation est pleine de ces dispositions de rigueur, commandées par des intérêts d'un ordre supérieur. Les enfants naturels sont exclus des honneurs réservés aux fruits d'une union légitime, et cependant ils sont innocents de la faute qui leur a donné le jour. C'est la morale, c'est le maintien des bonnes mœurs, la dignité du mariage, qui ont fait établir cette sage distinction. Ici, c'est l'intérêt général de la société qui veut que l'individu retranché de son sein subisse toute sa peine, qu'il ne puisse plus invoquer ces lois qu'il a méconnues et violées, qu'il ne soit plus ni citoyen, ni père, ni époux. - A l'égard de la femme qui, oubliant les crimes de son époux, ne verrait que son malheur, et qui consentirait encore à suivre sa destinée, si elle se croit liée aux yeux de la religion et de la nature, la loi n'entend contrarier ni ses sentiments ni sa résolution. Si ce dévouement lui est dicté par des motifs honorables, qu'elle en trouve sa récompense dans sa conscience, dans sa religion, même dans l'opinion; tout cela sort du domaine de la loi. Son devoir à elle, c'est d'assurer aux peines leur effet, c'est d'être conséquente avec elle-même, de ne plus voir dans la société celui qu'elle en a exclu, de ne plus reconnaitre comme vivant l'homme qu'elle a déclaré mort.

34. Après avoir réglé les effets de la mort civile, le projet de loi devait

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naturellement s'occuper du moment où elle serait encourue; et il a trèssagement distingué les condamnations contradictoires des condamnations ar contumace. Les premières emportent la mort civile du jour de leur xécution, soit réelle, soit par effigie; c'est la disposition de l'art. 26. - Quelques difficultés se sont élevées sur l'art. 27, qui veut que les condamnations par contumace n'emportent la mort civile qu'après les cinq années qui suivront l'exécution du jugement par effigie, et pendant lesquelles le condamné peut se représenter. Ceux qui pensaient que la mort civile devait dater du jour même de l'exécution par effigie, se fondaient sur la nécessité d'exécuter, autant que posssible, le jugement rendu, et sur l'avantage qui reviendrait à la société de la promptitude de l'exemple; sauf néanmoins à prendre des précautions telles que, si le condamné mourait, se représentait, ou était arrêté dans les cinq ans, cet état de choses ne fût que provisoire, et ne pût nuire aux droits rouverts en faveur des parties intéressées. On a répondu à ces objections que l'ordre public n'a jamais à souffrir de la suspension de l'exécution d'un jugement, quand cette suspension est l'ouvrage ou du jugement même, ou de la loi supérieure aux jugements; qu'ainsi toute latitude est laissée au législateur.

La nature même du jugement rendu par contumace, et les dispositions qui l'accompagnent, exigent que la mort civile ne soit encourue qu'après les cinq années. Pendant toute la durée de ce délai, le sort du condamné est incertain, tout est provisoire à son égard; non-seulement, s'il est arrêté, ou s'il se représente, les choses recouvrent leur premier état; mais s'il vient à mourir, il meurt integri status, et sa succession s'ouvre par sa mort naturelle. Ce n'est qu'après le délai, pour purger la contumace, que la condamnation, suivant les principes et les expressions de l'ancienne jurisprudence, est réputée contradictoire; il serait donc injuste de faire mourir civilement, le condamné, pendant la durée de l'ordre de choses purement provisoire, qui s'établit jusqu'à l'expiration de ce délai.

On insiste sur la nécessité de l'exemple; mais l'exemple est donné par l'exécution en effigie, par la privation de l'exercice des droits civils provisoirement prononcée contre le condamné, enfin par sa mort civile, et par son expropriation après les cinq ans, s'il ne s'est pas présenté. Indépendamment des vues générales d'équité et d'humanité qui s'élèvent en faveur de la disposition du projet de loi, elle est encore secourue par les difficultés infinies que présente l'exécution du système contraire, l'organisation d'une mort civile provisoire, dont les effets peuvent à chaque moment être anéantis par la résurrection ou par la mort naturelle du condamné. Ce système, quelques précautions qu'on puisse prendre, laisse toujours régner une affreuse incertitude: 1° sur le sort des enfants nés dans les cinq ans, légitimes si le père se représente ou meurt dans cet intervalle, illégitimes si les cinq années s'écoulent sans que la destinée du père soit connue. -2° Sur le sort de la femme qui aura contracté, dans les cinq ans, un nouvel engagement, épouse légitime si son premier mari ne paraît pas, infidèle et coupable s'il meurt ou se représente.

- 3° Sur le sort des successions, qui, pendant les cinq ans, s'ouvriraient au profit du condamné, héritier s'il paraît ou s'il meurt, non héritier s'il iaisse passer les cinq ans sans se représenter. L'impossibilité de remédier à tant d'inconvénients, jointe à la vérité et à la force du principe, qui ne permet pas qu'on place, dans un état de choses purement provisoire, des effets définitifs par leur nature, a déterminé la préférence donnée à la disposition de l'art. 27. Cependant, et pendant la durée des cinq ans, le condamné par contumace sera privé, comme je viens de l'observer, de l'exercice des droits civils. C'est l'objet de l'art. 28, qui pourvoit d'ailleurs à l'administration de ses biens et à l'exercice de ses actions, en l'assimilant, sous ce double rapport, aux absents.

Les art. 29 et 31 s'occupent des cas où le condamné serait constitué prisonnier, se représenterait ou décéderait dans les cinq ans ; et, dans ces trois cas, le jugement est anéanti de plein droit. C'est par rapport à la personne et aux biens, comme si la condamnation n'eût jamais existé. Tous les développements contenus dans ces articles tiennent à ce pricipe incontestable. L'art. 31 prévoit le cas où le condamné ne se représenterait ou ne serait constitué prisonnier qu'après les cinq ans; et, dans ce cas, quelle que soit l'issue du nouveau jugement, les effets de la mort civile, encourue après les cinq ans de l'exécution du premier, sont immuables. Enfin, l'art. 52 établit qu'en aucun cas la prescription de la peine ne réintégrera le condamné dans ses droits civils pour l'avenir. Cette disposition concilie un principe d'humanité avec les règles de l'ordre social. L'humanité sollicite, après un long temps, la prescription de la peine. Mais si le temps teint la peine, il n'éteint ni le crime ni le jugement; et l'ordre social, troublé par le crime, exige que le jugement conserve son effet quant à la privation des droits civils.

Législateurs, pressé par l'importance et la multiciplicité des matières, je ne sais si j'ai rempli la tâche qui m'était imposée. J'ai essayé de remettre sous vos yeux les motifs du vœu du tribunat sur chacune des nombreuses dispositions que renferme le projet de loi. Je me suis attaché à vous présenter, sur les objets les plus susceptibles de difficulté, les raisons de douter et celles de décider. Votre résolution nous éclairera sur le mé

49. Depuis la promulgation du code civil, de nouveaux trai

rite de nos observations. Qu'il me soit permis, au moment où vous allez délibérer sur le premier titre du code civil, d'offrir à votre pensée les beaux souvenirs que vous prépare la gloire de décréter une législation qui va avoir une si prompte et si grande influence sur le bonheur de vos concitoyens. Vous avez sous les yeux les résultats de cette heureuse harmonie entre deux autorités qui ne se sont rapprochées à la voix du gouvernement que pour s'honorer et s'estimer davantage, et qui, dans les discussions profondes et lumineuses qui ont précédé l'émission des projets de lois, n'ont montré de toutes parts que l'émulation du bien public, que le noble orgueil de se rendre à la vérité. — C'est à votre sagesse, législateurs, de sanctionner leur ouvrage. C'est en vous, c'est dans vos suffrages qu'est leur gloire et leur récompense.

(1) Code civil, tit. 1 (L. des 17-27 vent. an 11, 8-18 mars 1803). DE LA JOUISSANCE ET DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS.

CHAP. 1. - De la jouissance des droits civils.

Art. 7. L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle.-V. Exposé des motifs et Rapport, no 16.

8. Tout Français jouira des droits civils.-V. n° 2 s., 17.

9. Tout individu né en France d'un étranger pourra, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, réclamer la qualité de Français; pourvu que, dans le cas où il résiderait en France, il déclare que son intention est d'y fixer son domicile, et que, dans le cas où il residerait en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile, et qu'il l'y établisse dans l'année, à compter de l'acte de soumission. — V. 15, 17.

10. Tout enfant né d'un Français, en pays étranger, est Français. Tout enfant né en pays étranger, d'un Français qui aurait perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en remplissant les formalités prescrites par l'art. 9.-V. no 3 s., 18.

11. L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra.-V. n° 6, 19.

12. L'étrangère qui aura épousé un Français, suivra la condition de son mari.-V. no 4, 21.

13. L'étranger qui aura été admis par le gouvernement à établir son domicile en France, y jouira de tous les droits civils tant qu'il continuera d'y résider.-V. no 5, 20.

14. L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français; il pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français. V. n° 21.

15. Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.-V. n° 21.

16. En toutes matières autres que celles de commerce, l'étranger qui sera demandeur sera tenu de donner caution pour le payement des frais et dommages-intérêts résultant du procès, à moins qu'il ne possède en France des immeubles d'une valeur suffisante pour assurer ce payement. — V. n° 21.

Sect. 1..

CHAP. 2.

De la privation des droits civils.

· De la privation des droits civils par la perte de la qualité de Français.

17. La qualité de Français se perdra, 1o par la naturalisation acquise en pays étranger; 2° par l'acceptation, non autorisée par le gouvernement, de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger: 3° par l'affiliation à toute corporation étrangère qui exigera des distinctions de naissance; 4° enfin, par tout établissement fait en pays étranger sans esprit de retour. · Les établissements de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour.— V. n° 7, 23.

18. Le Français qui aura perdu sa qualité de Français, pourra toujours la recouvrer en entrant en France, avec l'autorisation du gouvernement, et en déclarant qu'il veut s'y fixer, et qu'il renonce à toute distinction contraire à la loi francaise.-V. no 9, 24.

19. Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari. Si elle devient veuve, elle recouvrera la qualité de Française, pourvu qu'elle réside en France, ou qu'elle y entre avec l'autorisation du gouvernement, et en déclarant qu'elle veut s'y fixer.-V. no 7, 25. 20. Les individus qui recouvreront la qualité de Français dans les cas prévus par les art. 10, 18 et 19, ne pourront s'en prévaloir qu'après avoir rempli les conditions qui leur seront imposées par ces articles, et seulement pour l'exercice des droits ouverts à leur profit depuis cett époque.-V. n°* 26.

tés sont intervenus entre la France et plusieurs puissances relativement à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction. Nous en présentons le résumé succinct en renvoyant vo Traités internationaux, où l'on en trouve le texte.

50. De ce qui précède il résulte, si toutefois nous avons bien saisi leur pensée, que les rédacteurs du code civil, abandonnant les brillantes utopies de l'assemblée constituante, et le rêve de fraternité universelle des peuples que les contrariétés innombrables d'intérêts empêcheront sans doute toujours de se réaliser, eurent la pensée éminemment nationale de faire prévaloir dans la loi positive les principes qu'ils croyaient utiles à la prospérité de leur pays, tout en maintenant néanmoins, au profit des étrangers, ces règles que la raison universelle des peuples civilisés proclame comme indispensables au développement des sociétés. Mais la réaction qui s'était opérée contre les innovations trop hâtives des assemblées révolutionnaires avait fait dépasser le but que se proposait le législateur de 1804, et l'expérience ne tarda pas à démontrer que le système de réciprocité diplomatique admis dans le code détournait souvent les étrangers de venir faire des acquisitions en France; qu'en conséquence, il était un obstacle à la grande circulation des capitaux, aux progrès du commerce et de l'industrie. Aussi la loi du 14 juill. 1819 vint-elle abolir définitivement les droits d'aubaine et de détraction que les art. 726 et 912 c. civ. avaient en quelque sorte rétablis dans notre droit. On a toutefois critiqué l'intitulé de cette loi dite abolitive du droit d'aubaine et de détraction, titre menteur, a-t-on dit, donné par quelque employé ignorant de la chancellerie, attendu que le droit d'aubaine, aboli pour toujours par l'assemblée constituante, n'avait point été rétabli par le code civil, car le droit d'aubaine, c'était le droit du fisc de venir à la succession de l'aubain au préjudice de tous héritiers, français ou étrangers; or, le code civil ne met point obstacle à ce que l'étranger transmette sa succession à ses parents français : donc, quand le fisc succède à un étranger sous l'empire du code civil, c'est, non par droit d'aubaine, mais par droit de déshérence et parce que le de cujus n'a pas laissé d'héritiers capables. —

21. Le Français qui, sans autorisation du gouvernement, prendrait du service militaire chez l'étranger, ou s'affilierait à une corporation étrangère, perdra sa qualité de Français.

Il ne pourra rentrer en France qu'avec la permission du gouvernement, et recouvrer la qualité de Français qu'en remplissant les conditions imposées à l'étranger pour devenir citoyen le tout sans préjudices des peines prononcées par la loi criminelle contre les Français qui ont porté ou porteront les armes contre leur patrie.-V. no 7, 10, 27.

Sect. 2.

De la privation des droits civils par suite de condamnations judiciaires.

22. Les condamnatiens à des peines dont l'effet est de priver celui qui est condamné, de toute participation aux droits civils ci-après exprimés, emporteront la mort civile.-V. no 11, 28.

25. La condamnation à la mort naturelle emportera la mort civile.V. n° 29.

24. Les autres peines afflictives perpétuelles n'emporteront la mort civile qu'autant que la loi y aurait attaché cet effet.-V. no 29.

25. Par la mort civile, le condamné perd la propriété de tous les biens qu'il possédait; sa succession est ouverte au profit de ses héritiers, auxquels ses biens sont dévolus de la même manière que s'il était mort naturellement et sans testament.

Il ne peut plus ni recueillir aucune succession, ni transmettre à ce titre les biens qu'il a acquis par la suite.

Il ne peut ni disposer de ses biens en tout ou en partie, par donation entre-vifs ni par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est pour cause d'aliments.

Il ne peut être nommé tuteur, ni concourir aux opérations relatives à la tutelle.

Il ne peut être témoin dans un acte solennel ou authentique, ni être admis à porter témoignage en justice..

Il ne peut procéder en justice, ni en défendant, ni en demandant, que sous le nom et par le ministère d'un curateur spécial qui lui est nommé par le tribunal où l'action est portée.

Il est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil. Le mariage qu'il avait contracté précédemment est dissous quant à tous ses effets civils.

Son époux et ses héritiers peuvent exercer respectivement les droits et les actions auxquels sa mort naturelle donnerait ouverture; le tout sauf la caution dont il sera parlé ci-après.-V. no 12, 29, 33.

TOME XVIII.

Mais cette critique nous paraft outrée, car, ainsi que le fait observer M. Demangeat (Condition civile des étrang. en France, p. 281), dans notre ancienne jurisprudence, le mot droit d'aubaine était pris dans trois acceptions différentes dont l'une comprenait l'incapacité générale de l'aubain, soit d'acquérir, soit de transmettre par un mode civil et spécialement par succession. Or, relever l'étranger de l'incapacité de recueillir une succession ou de recevoir un legs, c'était abolir toute la fraction du droit d'aubaine qu'avait conservée le code civil-Quoi qu'il en soit du mérite de la critique faite au titre de la loi de 1819, toujours est-il qu'elle reconnut aux étrangers le droit de succéder, de disposer et de recevoir de la même manière que les Français, dans toute l'étendue du royaume.-Elle rétablit ainsi, en principe, le système proclamé par les décrets des 6 août 1790 et 8 avr. 1791, sauf toutefois pour le cas prévu par l'art. 2, où une succession, déférée à des Français et à des étrangers, comprendrait à la fois des biens situés en France et des biens situés à l'étranger, et où la loi étrangère n'appellerait pas le successible français dans la même proportion que les parents nationaux.-V. cette loi vo Success.

51. Quoique, par suite de la publication de la loi du 14 juill. 1819, la distinction entre les droits civils et les droits naturels ait perdu une grande partie de son importance, le droit de succéder et de transmettre étant un des principaux de nos droits civils, elle n'en continue pas moins de subsister sous l'empire de la législation française actuelle. « On a examiné, disait M. de Serres (exposé des motifs), si on abrogerait l'art. 11. On n'y a vu aucun avantage..... Les autres droits civils n'ont rien de commun avec celui qu'il nous est avantageux de restituer. »

52. Bien qu'aujourd'hui le droit d'aubaine soit généralement aboli en France, il est certain que cette abolition ne saurait s'appliquer aux colonies françaises, les lois n'y ayant d'exécution qu'autant qu'elles y ont été promulguées conformément à la constitution, promulgation qui n'a eu lieu dans aucune d'elles en ce qui concerne les lois abolitives de l'aubaine.-V. Possess. franç. 53. A part les dispositions de droit que nous venons de par

26. Les condamnations contradictoires n'emporteront la mort civile qu'à compter du jour de leur exécution, soit réelle, soit par effigie.-V. n°* 13, 54.

27. Les condamnations par contumace n'emporteront la mort civile qu'après les cinq années qui suivront l'exécution du jugement par effigie, et pendant lesquelles le condamné peut se représenter. V. n° 14, 34. 28. Les condamnés par contumace seront, pendant les cinq ans, ou jusqu'à ce qu'ils se représentent ou qu'ils soient arrêtés pendant ce délai, privés de l'exercice des droits civils. Leurs biens seront administrés et leurs droits exercés de même que ceux des absents.-V. no 34. 29. Lorsque le condamné par contumace se présentera volontairement dans les cinq années, à compter du jour de l'exécution, ou lorsqu'il aura été saisi et constitué prisonnier dans ce délai, le jugement sera anéanti de plein droit; l'accusé sera remis en possession de ses biens, il sera jugé de nouveau; et si, par ce nouveau jugement, il est condamné à la même peine ou à une peine différente, emportant également la mort civile, elle n'aura lieu qu'à compter du jour de l'exécution du second jugement.-V. n° 35.

30. Lorsque le condamné par contumace, qui ne se sera représenté ou qui n'aura été constitué prisonnier qu'après les cinq ans, sera absous par le nouveau jugement, ou n'aura été condamné qu'à une peine qui n'emportera pas la mort civile, il rentrera dans la plénitude de ses droits civils pour l'avenir, et à compter du jour où il aura reparu en justice; mais le premier jugement conservera, pour le passé, les effets qu'avait produits la mort civile dans l'intervalle écoulé depuis l'époque de l'expiration des cinq ans jusqu'au jour de sa comparution en justice.-V. no 14.

31. Si le condamné par contumace meurt dans le délai de grâce des cinq années, sans s'être représenté, ou sans avoir été saisi ou arrêté, il sera réputé mort dans l'intégrité de ses droits; le jugement de contumace sera anéanti de plein droit, sans préjudice néanmoins de l'action de la partie civile, laquelle ne pourra être intentée contre les héritiers du condamné que par la voie civile.-V. n° 35.

32. En aucun cas, la prescription de la peine ne réintégrera le condamné dans ses droits civils pour l'avenir.-V. n° 35.

33. Les biens acquis par le condamné depuis la mort civile encourue, et dont il se trouvera en possession au jour de sa mort naturelle, appartiendront à la nation par droit de déshérence.

Néanmoins le gouvernement en pourra faire, au profit de la veuve, des enfants ou parents des condamnés, telles dispositions que l'humanité lui suggérera.-V. no 31.

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d'État, du 20 prair. an 11 où il est dit que dans tous les cas où un étranger veut s'établir en France, il doit en obtenir la permission du gouvernement, qui a le droit d'y apporter les modifications ou les restrictions qu'il croit convenables et qui conserve le pouvoir de la révoquer ;-2o L'art. 9 c. civ. spécial à la naturalisation des étrangers en France; 3o Le sénatus-consulte, du 19 fév. 1808, qui réduit à une année la condition de résidence en faveur des étrangers qui rendront ou auraient rendu des services importants à l'État, ou qui apporteront dans son sein des talents, des inventions, ou une industrie utile, ou qui formeront de grands établissements; — 4° L'ord. du 4 juin 1814 qui déclare qu'aucun étranger ne pourra siéger dans les chambres avant d'avoir obtenu des lettres de naturalisation, vérifiées par les chambres;-5° La loi du 14 oct. 1814, dont nous avons déjà parlé, et relative aux lettres de naturalité;- 6o Le décret du 28 mars 1848 (D. P. 48 4. 61) qui autorise provisoirement le ministre de la justice à accorder la naturalisation à tous les étrangers qui justifieraient d'une résidence de cinq ans;—7o Loi du 22 mars 1849 (D. P. 49. 4. 72) qui, modifiant l'art. 9 c. civ., permet à l'individu né en France d'un étranger, de faire, même après l'année de sa majorité, la déclaration exigée par cet article, s'il sert ou a servi dans les armées françaises de terre ou de mer, ou s'il a satisfait à la loi du recrutement, sans exciper de son extranéité.

courir, il existe un grand nombre de mesures législatives qui règlent les droits civils, spécialement en ce qui concerne les étrangers. Nous allons faire connaître l'esprit de ces lois dont le tableau est présenté ci-après (p. 30 et suiv.).— En général, aucun étranger ne peut être admis à servir dans les armées françaises, à moins qu'une loi particulière n'en décide autrement (const. 5 fruct. an 3, art. 287, et loi du 21 mars 1832; V. Organ. milit. et infrà, no 230). Par une loi du 27 juill. 1791, les étrangers habitant Paris devaient être recensés, une peine correctionnelle était prononcée contre les étrangers qui n'auraient pas déclaré leur résidence. Une loi du 19 sept. 1792 prescrivait aux étrangers demeurant à Paris de faire la déclaration du lieu de leur résidence. Une autre loi du 26 fév. 1793 enjoignait aux propriétaires et locataires de faire connaître les noms des étrangers logés dans leurs maisons, et un décret du 21 mars suivant instituait un comité chargé de recevoir, dans chaque commune, les déclarations des étrangers. Par un déeret du 7 frim. an 5, aucun étranger ne pouvait résider à Paris sans un permis. D'après un décret du 20 prair. an 11, les étrangers ne pouvaient s'établir en France sans en avoir obtenu l'autorisation. Ces dispositions relatives à la résidence sont tombées en désuétude; on verra seulement, au numéro suivant et à l'art. 5 de la sect. 1, ch. 2, que le ministre de l'intérieur a le droit d'interdire le territoire aux étrangers non domiciliés, et même de retirer l'autorisation du domicile à ceux qui l'ont reçue. - L'art. 335 de la constitution du 5 fruct. an 3 portait que les étrangers, établis ou non en France, succéderaient à leurs parents étrangers ou français, qu'ils pourraient contracter, acquérir et recevoir des biens situés en France et en disposer de même que les citoyens français, par tous les moyens autorisés par les lois. Nous avons vu ce que le code civil et la loi de 1819 ont apporté de modifications à ce droit. Par un décret du 7 sept. 1793, la convention nationale avait prononcé la confiscation des biens des étrangers en guerre avec la France et qui étaient en France. Ce décret fut abrogé le 15 du même mois, excepté à l'égard des Espagnols.-La loi du 7 therm. an 5 soumet les étrangers à la contribution personnelle (V. Impôts).—Aux termes de l'art. 3 d'un décret du 5 niv. an 2, les étrangers sont exclus des fonctions publiques (V. n° 223). Diverses lois ont ordonné l'arrestation immédiate de tous les étrangers des pays avec lesquels la République était en guerre et qui n'étaient pas domiciliés en France avant le 14 juill. 1789.- Un décret du 9 prair. an 5 (art. 2) maintenait ces mesures de sûreté, qui furent abrogées le 11 mess. an 5, et remplacées par une mesure de surveillance générale prononcée par décret du 22 mess. an 7. — Le traité de paix du 30 mai 1814, art. 26, et une ordonnance royale du 27 août de la même année, décident que tout individu qui a cessé d'être Français n'a plus droit à la pension qui pouvait lui avoir été accordée. Une loi du 14 oct. 1814, sur laquelle nous aurons à revenir (V. nos 104 et suiv., et tit. 3, ch. 1, sect. 2, art. 6), décidait que les habitants des départements qui avaient été réunis à la France depuis 1791, et qui, en vertu de cette réunion, s'étaient établis sur le territoire actuel de France, et y avaient résidé sans interruption depuis dix ans et depuis l'âge de vingt et un ans, étaient censés avoir fait la déclaration prescrite par l'art. 3 de la loi du 22 frim. an 8, à charge par cux de déclarer, dans le délai de trois mois, qu'ils persistaient dans la volonté de se fixer en France. Cette loi a été en vigueur jusqu'en décembre 1849, et les gouvernements qui se sont succédé en France depuis 1814 en ont souvent appliqué les dispositions. La loi du 3 déc. 1849 l'a abrogée dans son art. 4.On verra (loc. cit.) que cette loi établissait une différence essentielle entre l'effet des lettres de naturalité et la naturalisation. Aux termes d'une ordonnance du 26 mars 1816, art. 9, les étrangers peuvent être admis dans la Légion d'honneur, mais ils ne sont point reçus membres de l'ordre. V. Ordres civils et milit.

54. La loi du 3 déc. 1849 mérite de fixer notre attention d'une manière spéciale. Avant la promulgation de cette loi, la législation qui régissait la naturalisation des étrangers se résumait: 1° dans la constitution du 22 frim. an 8, dont l'art. 5 porte qu'un étranger devient citoyen français, lorsque après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé dix années consécutives; disposition à laquelle il faut ajouter un avis du conseil

Dans une séance de l'assemblée, MM. Vatimesnil et Lefebvre-Duruflé ont présenté une proposition ayant pour but, d'une part, de déterminer de nouveau les conditions et les formes de la naturalisation des étrangers nés sur le sol étranger, et de mettre ainsi un terme aux effets du décret du 28 mars 1848, et, d'autre part, de réglementer le séjour des étrangers en France.- La proposition, après avoir été prise en considération, fut soumise à l'examen d'une commission composée de MM. Bavoux, de Flavigny, Crillon, de Vatimesnil, Riché, Godelle, de Montigny, Didier, Raulin, de Kératry, Benoît-Champy, de la Devansaye, Chapot, de Melun (Nord) et Perreau. Cette commission convertit la proposition en un projet de loi dont elle chargea M. Montigny, l'un de ses membres, de faire le rapport. Ce rapport (D. P. 49. 4. 171) fut présenté dans la séance du 8 nov. 1849.- - Dans ce travail, l'organe de la commission fait d'abord ressortir les deux objets distincts du projet de loi la naturalisation et la réglementation du séjour des étrangers en France. Sur le premier point, le rapporteur signale les inconvénients qui résultent d'une trop grande facilité accordée pour la naturalisation des étrangers. Il fait remarquer que, du 1er avril au 28 juin 1848, sous l'empire du décret rendu par le gouvernement provisoire, le nombre des naturalisations s'est élevé à 2,459, tandis qu'avant cette époque la moyenne ne dépassait pas 100 par année.-M. Montigny examine ensuite la question de savoir si le pouvoir législatif doit retenir dans ses attributions la concession du droit de naturalisation, et il conclut pour la négative, en se fondant sur l'impossibilité pratique où serait l'assemblée d'examiner sérieusement les demandes qui pourraient se produire. Du reste, l'importance de cet acte a paru telle à la commission, qu'elle a cru devoir, dans tous les cas, exiger l'avis favorable du conseil d'État pour que la naturalisation puisse être accordée par le président de la République. Le rapporteur explique ensuite la nécessité d'un stage prolongé (dix ans) pour que l'étranger puisse être recevable à demander sa naturalisation, sauf l'abréviation de ce délai à deux années pour ceux qui auraient rendu des services signalés à la France. L'organe de la commission s'occupe, après cela, d'un abus très-grave résultant de la loi du 14 oct. 1814 dont nous avons fait connaître les dispositions relatives aux lettres de naturalité, et en propose l'abrogation, afin de mettre un terme à l'extension arbitraire donnée à une loi purement transitoire. Revenant au second objet du projet de loi, le rapporteur insiste sur la nécessité de maintenir au gouvernement la faculté de faire sortir du territoire français les étrangers dont il jugerait la présence dangereuse pour le pays, et d'accorder, par exten sion, la même faculté aux préfets de nos départements frontières, quant aux étrangers non résidant, et à la charge d'en référer immédiatement au gouvernement. La première délibération eut lieu à la suite de ce rapport, dans la séance du 13 novembre (V. Monit. du 14); la deuxième délibération s'ouvrit dans

la séance du 20 novembre et fut continuée le 21 (Monit. des 24 et 22 nov.); enfin l'assemblée procéda à la troisième délibération les 28 et 30 novembre et le 3 décembre (Monit. 29 novembre, 1er et 4 décembre). — Divers amendements furent proposés dans le cours de la discussion, notamment par M. Bourzał, qui voulait placer la naturalisation dans les attributions du pouvoir législatif; son amendement fut repoussé par suite de l'impossibilité où aurait été l'assemblée de procéder sérieusement aux enquêtes et à toutes les formalités qu'exige un acte de cette nature. M. Mauguin proposa de réserver au pouvoir législatif la concession pour les étrangers naturalisés de siéger dans l'assemblée, et cette proposition est devenue le dernier paragraphe de l'art. 1 de la loi, qui veut qu'une loi soit nécessaire pour rendre un étranger naturalisé éligible à l'assemblée nationale. Sur la demande de M. Wolowski, on réduisit à un an le délai de deux ans de résidence que le projet fixait pour autoriser la naturalisation des étrangers ayant rendu à la France des services signalés. Deux dispositions furent ajoutées au projet afin de conserver les droits acquis aux étrangers déjà naturalisés au moment de la loi. Elles forment aujourd'hui les art. 7 et 8 de la loi. Le premier décide que les dispositions précédentes ne portent aucune atteinte aux droits d'éligibilité à l'assemblée nationale, acquis aux étrangers naturalisés avant la promulgation de la présente loi. C'est sur la proposition de M. Joly, reprise par M. Victor Lefranc, que cet art. 7 fut adopté.-M. Wolowski est l'auteur de la seconde proposition. Elle est devenue l'art. 8, ainsi conçu : « L'étranger qui aura fait, avant la promulgation de la présente loi, la déclaration prescrite par l'art. 3 de la constitution de l'an 8, pourra, après une résidence de dix années, obtenir la naturalisation suivant la forme indiquée par l'art. 1. Les dispositions de la loi qui accordent au ministre de l'intérieur le droit d'expulser les étrangers voyageurs ou résidant sur le territoire, et même ceux qui auraient été autorisés, et aux préfets des départements frontières celui d'expulser les voyageurs ou résidants, n'ont donné lieu à aucune discussion grave. Sur l'ensemble de la discussion de cette loi, V. au surplus D. P. 49. 4. 173 et suiv.

55. Droit comparé.-De toutes les législations qui nous sout connues, il n'en est aucune qui n'ait considéré certains droits privés comme l'apanage exclusif des membres composant la nation qu'elle régit; il n'en est pas qui n'admette la distinction que nous a transmise le droit romain entre les droits civils et les droits naturels. La nationalité se détermine différemment, selon le système que chaque législateur a adopté.— Ainsi, le code napolitain a reproduit intégralement les dispositions contenues dans les art. 9 à 16 de notre code civil.-En Hollande, est réputé national non-seulement tout individu né dans le royaume qui y a fixé son domicile, mais encore l'enfant né à l'étranger de parents étrangers domiciliés dans le royaume ou ses colonies et absents momentanément pour le service de l'État. Telle est la disposition de l'art. 5 de ce code. Aux termes de l'art. 20 du code sarde, l'enfant né en pays étranger d'un père qui a perdu la jouissance des droits civils de sujet est réputé étranger; il acquiert, néanmoins, la qualité et les droits de sujet, lorsque, dans l'année qui suit sa majorité, il a déclaré, s'il réside dans les États du roi, vouloir y fixer son domicile, et, s'il demeure encore en pays étranger, vouloir rentrer dans les États du roi, et y résider d'une manière fixe, et si effectivement il y établit son domicile dans l'année où sa déclaration aura été faite, cette déclaration doit être faite au secrétariat du sénat (cour d'appel du ressort) pour celui qui se trouve dans l'État; et, s'il se trouve en debors du territoire de l'État, la déclaration peut être faite devant l'ambassadeur Du les consuls, qui en transmettent copie au secrétariat royal de l'État du département des affaires étrangères.-D'après l'art. 24, l'enfant né d'un étranger établi dans le royaume avec l'intention de s'y fixer à perpétuelle demeure, ou y ayant conservé son domicile pendant dix ans, est considéré comme sujet. Les art. 22 et 23 fixent l'état de l'enfant naturel d'après celui de sa mère, à défaut du père.-Suivant l'art. 26, les étrangers, s'ils veulent jouir de tous les droits des sujets sardes, doivent fixer leur domicile dans l'État, obtenir le privilége de naturalité et prêter le serment de fidélité au souverain. A défaut de ces formalités, ils ne jouissent que de ceux des droits civils qui, dans l'État auquel ils appartiennent sont accordés aux sujets du roi, sauf les excep

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tions qui peuvent avoir lieu au moyen de transactions diplomatiques. La réciprocité ne peut cependant jamais être invoquée par un étranger pour jouir de droits plus considérables ou différents de ceux dont jouissent dans l'État les sujets du royaume, ni s'appliquer à des cas pour lesquels une loi spéciale en a disposé autrement. -Les étrangers non habitant dans l'État et ceux qui, y résidant, n'ont pas obtenu le privilége de naturalité, sont incapables de succéder aux biens des sujets sardes tant par intestat que par quelque acte que ce soit de dernière volonté, à moins que, dans l'État auquel appartiennent ces étrangers, il n'ait été étal li, en vertu de traité public, la réciprocité des successions (arl, 27). - Les étrangers ne peuvent acquérir ni prendre à gage, à loyer ou à colonage, des biens immeubles faisant partie du ter itoire de l'État, qui seraient situés à une distance moindre de (inq kilomètres des limites, à peine de la nullité du contrat. - le même, les biens qui se trouvent dans cette situation ne peuvent être adjugés à aucun étranger en payement de ses créances, mais ils doivent toujours être vendus aux enchères, et l'étranger st désintéressé sur le prix. Le tout sans préjudice de, plus grandes rohibitions pour ceux des États étrangers à l'égard desquels il en aurait été établi par des lois particulières (art. 28), Le code auichien (art. 29) accorde le droit de cité à ce lui qui entre dans un service public, à celui qui se fixe dans l'empire à perpétuelle demeure et à celui qui y a séjourné dix ans. Les édits des 2 et 9 juill. ont consacré les mêmes principes pour la Prusse. Quant à la jouissance des droits civils, elle est également, étendue ou restreinte pour les étrangers suivant le système général adopté par le législateur de chaque pays.En Hollande (code hollandais, art. 2), toute personne qui s'y trouve est capable de jouir des droits civils. En Autriche et en Prusse, on acquiert l'exercice des droits civils en même temps que le droit de cité. - Le code des Deux-Siciles n'admet point le droit de réciprocité consacré par l'art, 11 de notre code. L'art. 26 du code sarde exige la naturalisation, le serment de fidélité prêté au roi, et la fixation du domicile, pour que l'étranger puisse participer aux droits civils.

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56. En Angleterre, les droits dont les citoyens jouissent dans la société composent leur état civil. Sous le nom d'état civil, on comprend aussi tous les citoyens qui n'appartiennent ni au clergé, ni à l'armée, ni à la marine. C'est le sens que Blackstone donne à ce mot lorsqu'il examine la composition et les prérogatives de l'état civil en Angleterre. Cette partie, la plus étendue de la nation, se divise en deux : la noblesse et le peuple. La plus haute prérogative de la noblesse ou pairie anglaise, c'est de former l'une des branches du parlement (V. Lois). On distingue les étrangers des naturels du pays. Ceux-ci sont ceux qui sont nés sous la domination de la couronne d'Angleterre, dans l'élendue de l'allégeance du roi; l'allégeance est le lien qui soumet le sujet au roi, en retour de la protection que le roi accorde au su jet. Ce terme est emprunté, par analogie, aux obligations féodales. L'allégeance existe implicitement et par le seul fait de la loi du pays: le serment d'allégeance ne constitue pas le lien, il y ajoute seulement une sanction à l'égard de ceux qui doivent le prêter (V. Serment). L'allégeance est naturelle et perpétuelle, ou locale et temporaire. La première est due, dès la naissance, par tout homme né sous la domination de la couronne. Aucun Anglais ne peut s'y soustraire, quelque loin qu'il se trouve de son pays; on ne peut abdiquer sa patrie : nemo potest exuere patriam. L'allégeance locale est celle que doit un étranger tant qu'il vit sous la domination et la protection du roi, eile cessedès qu'il passe dans un autre pays. L'allégeance est due à celui qui occupe le trône, même lorsqu'il l'a usurpé. Les délits commis sous son règne doivent être punis même après le rétablissement de l'autorité légitime. Elle est due non-seulement au caractère politique du roi, à la fonction royale, mais aussi à la personne et au sang royal.

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