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at le code sarde (art. 210), que par acte public. La loi française

Dans de telles circonstances, peut-on, avec raison et équité, appliquer au mandat nécessaire qui lie l'armateur au capitaine du navire, les règles du mandat volontaire, et rendre l'armateur indéfiniment responsables de tous les engagements d'un capitaine qu'il ne choisit jamais avec toute liberté, qui parfois lui est imposé par une volonté étrangère, et dont, dans aucun cas, il n'a la possibilité de diriger et de surveiller la conduite? Votre commission ne l'a pas pensé. Il lui a paru que l'armateur, en metlant son navire à la mer, u'entendait exposer que son bâtiment même et le fret qui en est l'accessoire ou le fruit civil; que c'était là le terme de sa spécculation, dont les chances ne pouvaient jamais atteindre sa fortune de terre; que, dès lors, le mandat du capitaine devait être circonscrit lans ces bornes, et ne pouvait engager l'armateur au delà de la valeur du navire et du fret, c'est-à-dire de l'objet entier de l'expédition mari inne. La commission a pensé qu'étendre au delà les risques de l'armateur qui deviendraient alors sans limites, ce serait éloigner les capitaux d'un genre de spéculation qu'on devait, au contraire, encourager, non-seulemnt dans l'intérêt du commerce, mais dans l'intérêt plus élevé de notre puissance navale, étroitement uni au développement et à la prospérité de nos armements maritimes.

17. Cependant votre commission n'est pas arrivée à cette conclusion sans se rendre un compte exact de l'influence qu'elle pouvait avoir sur la position des prêteurs, et surtout sur celle des chargeurs, dont les marchandises peuvent avoir été vendues ou mises en gage par le capitaine pour les besoins du navire, aux termes de l'art. 234 c. com. Eile a compris, en effet, que limiter la responsabilité du propriétaire, c'était reporter sur les prêteurs et sur les chargeurs la perte résultant des engagements du capitaine pour tout ce qui excède la valeur du navire et du fret, jusqu'à concurrence du montant des sommes prêtées et du prix des marchandises vendues; elle s'est donc vivement préoccupée de ces deux deux intérêts. Votre commission a pensé que ce partage éventuel de la perte occasionnée par des obligations du capitaine pour les besoins du navire, c'est-à-dire dans l'intérêt commun du navire et de la cargaison, n'avait rien que de conforme à l'équité, rien qui ne fût avoué par la raison et par les principes généraux du droit maritime.

18. Les tiers qui peuvent avoir accordé un crédit au capitaine sont de trois classes: les créanciers pour travaux et fournitures faits au navire, ceux qui ont prêté sur lettres de change ou simples billets, en supposant ce genre d'engagement obligatoire pour l'armateur, ce qui est un point contesté que la commission n'a pas à examiner ici, et enfin, ceux qui ont prêté à la grosse sur le navire.

On sait que les deux premiers modes d'engagement sont assez rares. Les ouvriers et fournisseurs auxquels un capitaine est obligé de recourir dans des parages lointains ne donnent guère leur travail et leurs marchandises ou denrées qu'au comptant; et, comme les retours des colonies se font, en général, en marchandises qui promettent un profit considérable, on trouve peu de capitalistes disposés à prêter sur simples billets ou sur des traites qui, outre l'incertitude du recouvrement, sont loin d'offrir les mêmes avantages. Quoi qu'il en soit, on peut dire que les tiers qui engagent ainsi leur travail, leurs fournitures et leur argent à un capitaine qui n'est porteur d'aucun mandat spécial, ne prêtent qu'eu égard à la valeur du navire sur lequel ils acquièrent un privilége, et non en considération de la fortune de l'armateur, qui leur est le plus souvent connu. Si plus tard, et par suite de la dépréciation du navire, les tréanciers deviennent victimes d'un crédit trop facilement accordé à un gage insuffisant, ils ne peuvent reprocher qu'à eux-mêmes le résultat de leur imprudence.

19. S'agit-il du prêteur à la grosse? Il est de l'essence même de ce contrat d'associer le prêteur à tous les risques de la navigation; c'est une espèce de société formée entre le prêteur et le propriétaire du navire. Le propriétaire est, il est vrai, personnellement obligé, si le navire arrive à sa destination; mais le prêt n'en est pas moins fait au navire plutôt qu'à la personne, car, s'il périt, sa créance périt avec lui, et s'il souffre ane détérioration, le prêteur est obligé de contribuer au payement des Ivaries, puisqu'il est intéressé à la conservation du navire autant que f'armateur lui-même (art. 550 c. com. ). Pourquoi donc ce prêteur qui a volontairement associé ses capitaux à la destinée du navire, en stipulant in profit maritime considérable, ne partagerait-il pas avec le propriétaire t dans une certaine mesure le risque des engagements excessifs contractés par le capitaine pour la conservation de la chose commune? Pourquoi la somme qui excédera la valeur du navire et du fret, et qui sera ordinairement fort inférieure à cette même valeur, ne serait-elle pas à la charge du prêteur à la grosse, au lieu de venir s'ajouter à la perte beaucoup plus considérable que souffre déjà le propriétaire du navire?

20. La situation des chargeurs dont les marchandises peuvent être vendues ou mises en gage par le capitaine pendant le cours du voyage pour les besoins du navire, a paru à votre commission plus favorable que celle du prêteur à la grosse. Cependant il faut reconnaitre d'abord qu'entre les chargeurs et le propriétaire du navire, il existe aussi une communauté de but et d'intérêt qui justifie le partage des risques qui ont leur principe dans les dépenses faites pour les besoins de la navigation.

se borne à exiger qu'elle ait lieu par un acte écrit (art. 195). Il

C'est évidemment sur cette idée que reposent les dispositions du code de commerce, qui soumettent les chargeurs à la contribution en cas de jet (a), et celles d'une application plus fréquente qui les font concourir au payement des avaries communes, c'est-à-dire au payement des frais qui ont été faits dans le double intérêt du navire et de la cargaison (b). · Votre commission n'a pas besoin de s'étendre longuement sur cet aperçu, dont elle ne croit pas qu'on puisse contester la justesse. Elle n'insistera pas non plus sur ce motif de sécurité qui résulte pour les chargeurs de l'économie du projet qui accorde à l'affréteur unique ou aux chargeurs divers qui seront tous d'accord, le droit de s'opposer à la vente ou à la mise en gage de leurs marchandises, en ne payant qu'une partie du fret proportionnée à l'étendue de la navigation, et, en cas de dissidence, & chaque chargeur isolé la faculté d'opérer le retrait des siennes en payant la totalité du fret.

21. Ce qui la rassure complétement sur les conséquences du projet à l'égard des chargeurs et même des prêteurs, en général, c'est la facilité que les uns et les autres auront, au moyen d'un faible surcroft de prime, de s'assurer contre le risque nouveau que le droit d'abandon du navire et du fret par le propriétaire pourra leur faire courir. Quelques membres de votre commission avaient d'abord douté qu'il y eût là un risque maritime dont l'assurance fût autorisée par la loi; mais, après un examen approfondi, il a été reconnu qu'il était impossible de méconnaitre les caractères d'un risque maritime dans la chance qui existe pour les prêteurs et pour les chargeurs dont les marchandises ont été vendues pour les besoins du navire, de perdre une partie de leurs créances, par suite de l'insuffisance du navire et du fret qui pourront leur être abandonnés par le propriétaire. Or, aux termes de l'art. 334 c. com., l'assurance peut avoir pour objet « les marchandises du chargement et toutes autres choses ou valeurs estimables à prix d'argent, sujettes aux risques de la navigation, sous les seules exceptions contenues dans l'art. 347, exceptions qui n'ont aucun rapport au risque maritime dont il s'agit ici.

Dira-t-on que ce surcroit de prime est une charge imposée aux prêteurs à la grosse et aux propriétaires des marchandises? On ne le niera pas; mais cette charge est une conséquence naturelle du mandat qu'ils sont implicitement présumés avoir donné au capitaine pour la conservation du navire et de la cargaison. Cette charge, ils doivent la supporter au même titre qu'ils contribuent au payement de grosses avaries dont elle offre, à beaucoup d'égards, le caractère. D'ailleurs, si l'on veut comparer un moment leur situation avec celle du propriétaire du navire, on voit qu'au moyen d'un sacrifice, qui sera nécessairement fort minime, les prêteurs et les chargeurs pourront faire assurer la totalité de leurs risques; tandis que l'armateur ne peut jamais faire assurer une valeur supérieure à celle du navire, puisque la loi lui interdit même l'assurance des loyers des gens de l'équipage et du fret. Or serait-il juste d'ajouter à cette disparité déjà si onéreuse de situation une obligation personnelle indéfinie, dont l'armateur ne pourrait jamais se dégager, et contre les dangers de laquelle aucune assurance ne saurait le prémunir ? C'est ce que votre commission n'a pu penser.

22. Quelques cours royales, au nombre de trois, ont demandé qu'indépendamment du navire et du fret, l'armateur fût tenu d'abandonner le montant de l'assurance qu'il aurait contractée, et cette demande a été reproduite avec force, dans le sein de votre commission, par l'un de ses membres qui a présenté l'abandon du montant de l'assurance comme un moyen de préserver les prêteurs et les chargeurs des conséquences d'un concert entre le capitaine et l'armateur désintéressé par l'assurance, pour emprunter et vendre des marchandises à l'effet de réparer un bâtiment sans valeur réelle. L'honorable membre a toutefois subordonné cel abandon du montant de l'assurance à la restitution de la prime payée par le propriétaire du navire.

Votre commission a très-attentivement examiné cette proposition, mais elle n'a pu l'admetre, même avec le correctif dont on vient de parler. Il lui a semblé que les rapports établis par la loi entre le propriétaire de navire et le prêteur ou chargeur, devaient demeurer tout à fait indépendants des contrats d'assurance que chacun d'eux pouvait passer. Lorsque l'arma teur n'a pas cru convenable de faire assurer son navire, il suffit qu'il l'abandonne avec le fret pour s'affranchir de toute responsabilité des engagements du capitaine; on ne lui demande rien de plus. Pourquoi done, si l'armateur a jugé prudent de se faire assurer moyennant une prime plus ou moins élevée qu'il a payée, pourquoi les prêteurs et les chargeurs viendraient-ils lui ravir le fruit d'une sage prévoyance, et recueillir l'avantage d'un contrat auquel ils sont demeurés étrangers? Une telle obligation ne tendrait rien moins qu'à interdire l'assurance du navire à l'armateur déjà privé du droit de faire assurer le fret; car ce serait bien lui interdire réellement cette assurance que de lui en retirer le bénéfice. Sous ce rapport on disait avec raison, dans une autre enceinte, où déjà cette idée s'est produite sans succès, qu'avec un tel système la loi nouvelle deviendrait entièrement stérile pour les propriétaires de navires.

(a) Art. 417 c. com. (b) Art. 401 c.com.

en est de même des lois anglaise, hollandaise et portugaise

Quant à la crainte d'un concert coupable entre le capitaine et l'armateur, elle a paru peu fondée à votre commission. D'une part, en effet, le propriétaire du navire qui ne peut faire assurer le fret ni les gages des gens de mer, n'est pas complétement désintéressé par l'assurance; le fûti en faisant assurer le fret à l'étranger, il ne faut pas oublier que le concert frauduleux qu'on redoute ici entraînerait pour l'armateur une responsabilité personnelle dont il ne lui serait pas permis de s'affranchir par l'abandon du navire; car la fraude, comme on sait, fait exception à toutes les règles. Ajoutons qu'une semblable fraude constituerait une véritable baratterie, et qu'il n'est pas permis de supposer qu'un armateur youlût encourir les peines terribles que nos lois ont infligées à ce crime.

Votre commission a donc pensé qu'il n'y avait aucun motif d'enlever à l'armateur déjà privé du droit de faire assurer le fret et les loyers de l'équipage, celui de profiter de l'assurance du navire, et de se mettre, au moins pour partie, à l'abri des risques que les prêteurs et les chargeurs peuvent eux-même totalement conjurer en recourant à ce contrat d'assurance dont la protection bienfaisante doit s'étendre à tous les intérêts maritimes, au lieu d'étre le partage exclusif de quelques intérêts privilégiés. 23. Après s'être ainsi fixé sur l'utilité commerciale et la justice du principe même du projet, votre commission s'est occupée de l'examen des dispositions de détail.

Le nouveau projet, plus étendu dans sa rédaction, a pour but nonseulement de développer l'idée fondamentale de l'ancien projet, mais encore de modérer les conséquences que le principe pouvait avoir à l'égard des chargeurs. A cet effet, le gouvernement vous propose trois dispositions nouvelles qui forment autant de paragraphes distincts dont l'un est ajouté à l'art. 216, l'autre à l'art. 231, et le troisième à l'art. 298

c. com.

24. Le paragraphe ajouté à l'art. 216, dont les deux premiers numéros ont paru à votre commission rédigés avec une netteté qui ne laisse rien à désirer, a pour objet de refuser le droit d'abandon au propriétaire, qui est en même temps capitaine du navire, en réduisant toutefois son obligation personnelle à la proportion de son intérêt, dans le cas assez fréquent où le capitaine n'a qu'une part dans la propriété du navire.

Un membre de votre commission s'est élevé avec énergie contre cette disposition qu'il a signalée comme contraire au principe même de la loi. Quel est, a-t-il dit, le principe du projet? C'est que le propriétaire du navire n'est pas personnellement engagé, puisqu'il peut se libérer par l'abandon du navire et du fret. Les tiers qui traitent avec le capitaine ne contractent qu'avec le navire; c'est le navire seul qui est obligé. Pourquoi en serait-il autrement dans le cas où le capitaine se trouve en même temps propriétaire ou copropriétaire du navire? Pourquoi l'engagement, qui n'affecte que la chose dans le premier cas, affecterait-it tout à la fois la chose et la personne dans le second? Dès que l'intérêt du commerce maritime exige que les obligations contractées par le capitaine, pour les besoins du navire, ne lient le propriétaire que jusqu'à concurrence du navire et du fret, cet intérêt est le même, soit que le capitaine ait un intérêt dans la propriété du navire, soit qu'il n'en possède aucune partie. Dans l'un comme dans l'autre cas, son obligation doit être limitée à la valeur du navire et du fret. Décider autrement, c'est donner à la loi deux principes différents, ou, pour mieux dire, c'est ne lui en laisser aucun, car c'est renverser celui sur lequel elle repose.

Votre commission n'a pu se rendre à cette opinion qui déjà avait été proposée dans les observations d'une cour royale, et il semble que bien peu de mots sont nécessaires pour montrer qu'elle n'a pas de fondement réel. Pourquoi le projet propose-t-il d'accorder au propriétaire du navire le droit de s'affranchir des obligations contractées par son capitaine, en abandonnant le navire et le fret? Ce n'est pas parce que les tiers qui ont traité avec le capitaine n'ont contracté qu'avec le navire; car, en traitant avec le capitaine, ils ont traité avec le propriétaire, qui est personnellement tenu jusqu'au moment où il use du droit d'abandon; c'est parce qu'il serait tout à la fois contraire à la raison, à l'équité et aux vrais intérêts du commerce maritime, de laisser le propriétaire indéfiniment obligé sur toute sa fortune des engagements contractés par un mandataire que la loi lui impose pour la conduite de son navire, par un mandataire pour le choix duquel il n'a pas toute sa liberté, et dont il est dans l'impuissance de contrôler la conduite. Voilà pourquoi la loi vient au secours de l'armateur, et limite à la valeur du navire et du fret, c'est-à-dire de l'objet même confié au capitaine, les effets des engagements contractés par ce capitaine envers des tiers qui n'ont pu raisonnablement compter que sur ce gage. Mais, on le demande, quel motif peut-il exister de restreindre l'obligation à la valeur du navire et du fret, lorsque c'est l'armateur luimême qui est capitaine du navire, et qui a personnellement contracté en parfaite connaissance de cause? Il ne s'agit plus alors de mettre l'armateur à l'abri de l'imprudence ou de l'infidélité d'un mandataire; il s'agit d'un engagement personnel qui affecte indistinctement la fortune de terre comme la fortune de mer de l'obligé, et auquel la loi ne saurait apporter la plus légère restriction sans oublier les notions les plus élémentaires du droit et de la raison. Comment la loi pourrait-elle placer sur la même ligne et soumettre à la même décision deux situations aussi profondément

(art. 1290). Mais, en Angleterre, le certificat d'inscription ou

dissemblables, et comment peut-on dire qu'elle abdique son principe, parce qu'à côté de la règle qu'elle pose pour un cas, elle établit une sage et indispensable exception pour un cas tout différent?

La disposition critiquée dérive si naturellement des principes que, dans le silence même de la loi nouvelle, le droit commun n'aurait pas permis d'admettre une autre doctrine, et c'est pour ce motif que le gouvernement, dans son projet primitif, et votre ancienne commission, n'avaient pas jugé nécessaire de formuler sur ce point un texte dont la dissidence même qu'on vient de rapporter montre l'utilité. Votre commission approuve donc le troisième paragraphe que le projet propose d'ajouter à l'art. 216; elle admet aussi la restriction de l'obligation personnelle du capitaine cópropriétaire à la proportion de son intérêt dans la propriété pour le surplus de la propriété du navire, il n'est que le mandataire de ses cointéressés, il ne traite que comme capitaine, et il ne peut être tenu indéfiniment qu'autant qu'il se serait personnellement engagé pour le tout.

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25. Le nouveau paragraphe que le gouvernement propose d'ajouter à l'art. 234, accorde aux chargeurs le droit de s'opposer à la vente ou à la mise en gage de leurs marchandises, moyennant un fret proportionné au voyage avancé si l'affréteur est unique ou si tous les chargeurs sont d'accord pour rompre le voyage, et en payant le fret entier s'il y a dissentiment entre eux. Cette disposition a paru assez grave à votre commission. C'est un tempérament apporté en faveur des chargeurs au principe même de la loi, et, sous ce rapport, on est disposé à y applaudir; d'un autre côté, il faut craindre d'aggraver la position de l'armateur que la loi a précisément pour but d'encourager. Votre commission a trouvé une conciliation satisfaisante de ces deux intérêts dans la sage restriction inspirée par la chambre des pairs, qui ne permet pas que quelques chargeurs puissent retirer leurs marchandises, en ne payant qu'une partie du fret, alors que le capitaine serait dans la nécessité de continuer à grands frais le voyage pour le transport de celles peut-être en fort petite quantité dont le déchargement n'aurait pas été demandé. Le retrait ne peut avoir lieu, dans ce cas, que conformément à la règle générale posée dans le code de commerce, c'est-à-dire en payant la totalité du fret (a).

26. Enfin, le paragraphe additionnel proposé par le gouvernement à l'art. 298 c. com. a pour objet la répartition entre les chargeurs de la perte qui résultera de l'exercice du droit d'abandon du navire pour ceux dont les marchandises auront été vendues ou mises en gage.

Aucun doute ne peut sérieusement s'élever sur le principe même de cette répartition dont l'équité est manifeste, qui a obtenu le suffrage de toutes les cours royales favorables au projet, moins une seule, et celui même de quelques-unes de celles qui se sont prononcées contre le projet. Votre ancienne commission, d'accord en cela avec le gouvernement et avec la commission de la chambre des pairs, l'avait regardée comme une application si naturelle des dispositions du code de commerce sur les avaries communes, qu'elle avait cru pouvoir s'abstenir de rédiger un article pour consacrer un droit, à son avis, déjà écrit dans la loi. Votre commission actuelle reconnaît cependant que certains précédents de jurisprudence peuvent faire naitre des doutes qu'il est utile de dissiper par une disposition expresse.

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27. Mais quelle doit être cette disposition, et comment la répartition se fera-t-elle ? Le projet présenté par le gouvernement, à la chambre des pairs, était ainsi conçu: « Lorque, de l'exercice de ce droit, résultera une perte pour ceux dout les marchandises auront été vendues ou mises en gage, elle sera supportée par tous les chargeurs, au marc le franc de la valeur de leurs marchandises. >> La commission de la chambre des pairs craignant, d'une part, que cette rédaction ne fit exclusiment supporter la perte aux marchandises qui arriveraient à la destination la plus éloignée du navire; et, d'autre part, que les marchandises sauvées du naufrage ne fussent pas soumises à cette contribution, a substitué la rédaction suivante: «Lorsque, de l'exercice de ce droit, il résultera une perte pour ceux dont les marchandises auront été vendues ou mises en gage, elle sera répartie au marc le franc sur toutes les marchandises arrivées à leur destination ou sauvées du naufrages, postérieure. ment aux événements de la mer qui ont nécessité la vente ou la mise en gage. »

Cette rédaction, adoptée par la chambre des pairs, et qu'on lit aujour d'hui dans le projet qui vous est soumis, a paru à votre commission avoir évidemment trahi la pensée qui l'avait inspirée. Elle a eu pour but d'étendre la répartition à toutes les marchandises qui se trouvaient à bord au moment où quelques-unes de ces marchandises ont été vendues ou mises en gage pour les besoins du navire; et cependant l'article exclut nettement de cette contribution les marchandises mêmes qui ont été vendues ou mises en gage, puisque la répartition ne se fait que sur les marchandises arrivées à leur destination ou sauvées du naufrage. Il suivrait de là que, par un étrange privilége, le chargeur dont les marchandises auraient été vendues ou mises en gage se trouverait le seul affrånchi de toute contribution à la perte commune.-Telle n'a certainement pas été la pensée de l'amendement, et on en trouve la preuve dans un passage du rapport de

(@) Art. 295 e. com.

d'enregistrement du navire (certificate of registry) doit être endossé à l'acheteur, en présence de deux témoins, et une copie de cet endossement doit ensuite être remise, dans un délai déterminé, à l'employé chargé d'en opérer la transcription sur des registres publics (statuts 3 et 4, Guillaume IV, ch. 55; statut 26, Georges III, ch. 60, § 17; statut 34, Georges III, ch. 68, § 41, et statut 42, ch. 61, § 17). Le code hollandais, art. 309, veut que les ventes de bâtiments soient transcrites sur un registre public à ce spécialement destiné. Et, d'après la loi portugaise, art. 1320, l'enregistrement du navire à l'intendance du port auquel il appartient doit être renouvelé toutes les fois que la valeur entière ou partielle de ce navire est transférée à un nouveau propriétaire.

18. En Espagne, un étranger non naturalisé ne peut acheter un navire. S'il en acquiert un par succession ou à tout autre titre gratuit, il doit le vendre dans le délai de trente jours, à peine de confiscation. Mais il est loisible aux Espagnols d'acquérir des bâtiments de construction étrangère. Le commerce de cabotage est exclusivement fait par des navires espagnols, sauf les exceptions résultant des traités de commerce avec les puissances étrangères. Les navires étrangers mouillés dans les ports espagnols ne peuvent être saisis pour des dettes qui n'auraient pas été contrac- | tées sur le territoire espagnol et pour l'utilité de ces mêmes navires (c. espagn., art. 584, 590, 591, 605).

19. En Russie, chacun a le droit d'acheter et de vendre des bâtiments russes; mais les marchands des première et deuxième guildes ont seuls le droit d'acheter des navires étrangers. Les Russes ne peuvent vendre leurs navires dans les ports étrangers sans l'intermédiaire des consuls de leur nation, ou, s'il n'y a pas - de consuls, sans en donner avis au consul le plus voisin. La navigation du cabotage d'un port de l'empire à un autre n'est autorisée qu'en faveur des sujets russes, sur des bâtiments russes (c. russe, art. 547, 550, 572).

20. D'après la loi espagnole, si l'un des copropriétaires d'un navire veut vendre sa part, il doit, à prix égal, la céder de préférence aux autres copropriétaires, si ceux-ci exercent dans un bref délai ce droit de préemption, et consignent le prix d'achat (art. 612). Des dispositions analogues se trouvent dans les codes prussien (art. 1437 et 1438), danois (c. de 1683, liv. 4, ch. 2, art. 14), suédois (ord. de 1667, liv. 3, ch. 3) et russe (art. 560).

21. On a vu plus haut que la question de savoir si les propriétaires de navire sont indéfiniment responsables des obligations contractées par leurs capitaines en cette qualité, ou s'ils peuvent, au contraire, s'en affranchir en abandonnant aux créanciers le navire et le fret, a été résolue, chez nous, dans ce dernier sens, par la loi du 17 juin 1841. La même règle est suivie en Portugal (art. 1544), en Hollande (art. 321), à Hambourg (statuts de 1603), en Danemark (arg. des art. 5 et 15 du ch. 2 du code de 1685), en Suède et en Norwége (ord. 1667, tit. 2, ch. 16), en Russie (art. 649), dans les Deux-Siciles (art. 203),

l'honorable M. Camille Périer, où on lit « que la répartition de ces pertes au marc le franc sur toutes les marchandises, afin de désintéresser, sauf sa part contributive, le propriétaire des marchandises vendues, ne serait que l'application d'une règle de droit commun, comme d'un principe d'équité (b). »

Unanimement convaincue que cette rédaction ne répondait point à la pensée de ses auteurs, votre commission a été divisée sur le point de savoir si elle vous proposerait un amendement pour la rectifier, ou si, au contraire, elle se bornerait à une explication dans le rapport. - La minorité a pensé qu'une explication dans le rapport suffisait pour prévenir toute erreur dans l'application de la loi, dès que l'intention de la chambre des pairs elle-même, attestée par le rapport de sa commission, ne pouvait être l'objet d'un doute. Mais la majorité de votre commission a répondu que les termes de l'article étaient trop clairs pour se prêter à uno interprétation extensive; qu'isolé des rapports qui l'auraient précédé, un semblable texte ne pourrait manquer d'induire en erreur le citoyen, le juge ou l'arbitre; qu'il serait d'ailleurs, d'un fâcheux exemple, de laisser se glisser dans nos codes une disposition en opposition manifeste avec la pensée du législateur. La majorité a donc été d'avis qu'un amendement était nécessaire.

Elle vous propose de combiner la rédaction primitive du projet avec

(6) Rapport de la chambre des pairs.

TOME XVIII.

à Malte, où sont suivies les dispositions de l'ord. de 1681, dans le royaume Lombardo-Vénitien, dont le code commercial est la reproduction du nôtre, dans la Sardaigne (art. 231), et dans les pays régis par l'ordonnance de Bilbao, c'est-à-dire au Mexique et dans les Républiques de l'Amérique du Sud. Mais le système de la responsabilité illimitée des propriétaires de navire a prévalu en Espagne (art. 621), en Prusse (art. 1525 à 1529), en Angleterre (stat. 42, Georges III, ch. 61), et aux États-Unis (Vl'ouvrage de M. Antoine de Saint-Joseph, intitulé Concordance entre les codes de commerce étrangers et le code de commerce français, pr. 212).

22. En Espagne, nul ne peut être capitaine de navire, s'il n'est Espagnol ou naturalisé Espagnol. L'étranger naturalisé doit fournir une caution à l'armateur de la moitié au moins de la valeur du navire. Quiconque veut exercer les fonctions de capitaine doit avoir subi les examens prescrits par les règlements (art. 634 à 638). Des dispositions analogues sont établies par le code portugais (art. 1362). En Prusse, nul ne peut être nommé patron sans un examen préalable (art. 1446). Et la loi russe exige que le capitaine ne soit choisi par l'armateur que sur l'exhibition d'un certificat attestant sa capacité et sa moralitó (art. 611).

23. A la différence de la loi française (art. 234), la loi espagnole interdit au capitaine d'emprunter à la grosse sur le chargement, à peine, en cas d'infraction à cette défense, de nullité du contrat en ce qui concerne ce changement (art. 671).

24. D'après le code hollandais, si le capitaine est copropriétaire du navire, sa part et le profit qui en provient sont affectés, par privilége, à sa dette envers ses coïntéressés (art. 392).

25. Nul, aux termes du code espagnol, ne peut être pilote, contre-maître ni officier de navire marchand, sans avoir obtenu le brevet et l'autorisation prescrits par les ordonnances, à peine de nullité de l'engagement contracté en contravention à cette prohibition (art. 687).

26. Les officiers et les gens de l'équipage sont autorisés par la loi hollandaise à se refuser au service: si, avant le commencement du voyage, le capitaine veut changer de destination; s'il existe avec le royaume une guerre maritime; s'il en survient une pendant une relâche; s'il éclate une épidémie; si le navire change de propriétaire, de directeur ou de capitaine; si, s'étant engagés à voyager sous escorte, l'escorte n'est pas accordée (art. 440). D'après la même loi, les officiers ou gens de l'équipage ne peuvent intenter un procès quelconque contre le capitaine ou le navire avant le voyage fini, sous peine de perdre leurs gages. Seulement ils ont le droit, quand le navire est dans un port, s'ils ont été maltraités ou mal nourris, de demander la résolution de leur engagement (art. 444).

27. Les matelots, suivant la loi prussienne, sont avec le patron dans les mêmes rapports que les domestiques avec leurs maîtres (art. 1534). Le code russe distingue les matelots des

celle de la commission de la chambre des pairs, de manière à exprimer, en termes formels, cette idée que les marchandises vendues ou mises en gage devront concourir comme toutes les autres, au payement de la perte qu'éprouvera le propriétaire de ces marchandises, par suite de l'exercice du droit d'abandon du navire et du fret. Le dernier paragraphe de l'art. 298 serait ainsi formulé: « Lorsque, de l'exercice de co droit, résultera une perte pour ceux dont les marchandises auront été vendues ou mises en gage, elle sera répartie au marc le franc sur la valeur de ces marchandises et de toutes celles qui sont arrivées à leur destination, ou qui ont été sauvées du naufrage postérieurement aux événements de mer qui ont nécessité la vente ou la mise en gage. »

28. Sauf ce changement de rédaction dont elle se serait abstenue si elle ne l'avait jugé indispensable, votre commission donne son entier assentiment au projet de loi. Ce projet est l'expression d'un besoin profondement senti par le commerce; son but est de raviver l'industrie des armements maritimes, de la faire sortir d'un état stationnaire, s'il n'est rétrograde, pour la mettre en harmonie avec les progrès toujours croissants de notre commerce extérieur. Le principe de la loi, parfaitement conforme à la raison et à l'équité, répond tout à la fois à un intérêt économique et à un intérêt politique; depuis que vous l'avez voté dans votre précédente session, il a obtenu le suffrage des grands corps de notre magistrature et la sanction de l'autre chambre. Vous ne sauriez donc le répudier aujour d'hui, et votre commission est unanime pour vous en proposer l'adoption.

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gens de l'équipage: ceux-ci, dit-il, exercent des fonctions spé-moyennant l'engagement du navire ou de la cargaison, ou de tous ciales; ceux-là sont obligés d'exécuter à bord les travaux et les les deux à la fois, et où il a la faculté de stipuler des intérêts qui manœuvres (art. 651 et suiv.). surpassent ceux fixés par la loi (art. 2359 ets.).- Le code russe définit le prêt à la grosse une convention d'emprunt d'argent sous la caution du navire ou du chargement; d'où il semble résulter que ce contrat, au lieu d'avoir, en Russie, le caractère aléatoire qu'il a dans les autres pays, n'y constitue qu'un prêt sur gage.

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28. A Hambourg, l'homme de l'équipage qui est reconnu impropre au service pour lequel il s'est engage, est tenu de rendre ce qu'il a reçu et de payer la moitié du salaire convenu (stat. de 1603, art. 20). En Prusse, il ne peut rien exiger au delà de ce qui lui est dû jusqu'au moment de son renvoi Jart. 1545).-En Danemark, il perd son salaire et est passible d'une amende égale à ce salaire (code de 1683, liv. 4, ch. 1, art. 4).-En Russie, il perd sa solde, et reste obligé de remplir ses fonctions, en recevant seulement sa nourriture ou une paye fixée par le capitaine (art. 714). En cas d'évasion d'un marin, la loi prussienne veut que le déserteur, si le capitaine refuse de le reprendre, soit condamné à la restitution des loyers qu'il a reçus et à une peine corporelle (art. 1547).

29. Suivant la loi française, les gages du matelot tué en défendant le navire sont dus en entier pour tout le voyage, si le navire arrive à bon port (art. 265). D'après le code prussien, les veuves ou enfants de marins tués en défendant le bâtiment, ou par suite des blessures qu'ils y ont reçues, ont droit, dans tous les cas, au payement d'une somme double des loyers du défunt; mais les autres héritiers n'ont droit qu'aux simples loyers (art. 1565).

30. Aux États Unis, les règles relatives au payement des loyers des gens de l'équipage sont à peu près les mêmes qu'en Angleterre.

Sous toutes les législations, ces loyers sont privilégiés sur les navires.

31. En Danemark, tous les gens de l'équipage ont le droit de charger une pacotille pour laquelle ils ne payent pas de fret (ord. de 1683, liv. 4, chap. 1, art. 27). Il en est de même en Autriche (ord. de 1774, chap. 3) et à Malte (V. M. Anthoine de Saint-Joseph, p. 305, 2° col.).

32. Le contrat d'affrétement est régi, chez les diverses nations maritimes, par des règles assez uniformes. En général, il doit être constaté par écrit. D'après le code français, le capitaine qui a déclaré le navire d'un plus grand port qu'il n'est, est tenu de dommages-intérêts envers l'affréteur, si l'erreur dans la déclaration du tonnage excède un quarantième (art. 289, 290). En Espagne, la différence entre la capacité réelle et celle qui a été déclarée doit excéder le quinzième pour que la déclaration soit réputée frauduleuse (art. 747). L'affréteur peut faire annuler le contrat lorsqu'on lui a caché le véritable pavillon du bâtiment (art. 748). Il lui est loisible de céder ses droits à un tiers, en demeurant responsable envers le capitaine (art. 755). — A Lubeck, il est indéfiniment permis de sous-affréter (Statuts, liv. 6, tit. 1, art. 9).

33. Aux termes du code russe, le capitaine, s'il craint de n'être pas payé du prix de transport, peut refuser de mettre à la voile avant d'avoir reçu ce prix. Les créanciers de l'affréteur peuvent pareillement s'opposer au départ, s'ils ont juste sujet de craindre que leur débiteur, près de tomber en faillite, fasse embarquer ses marchandises pour se soustraire au payement de ses dettes (art. 762).

34. D'après la loi hollandaise, la cabine n'est jamais comprise dans l'affrétement du navire entier. Néanmoins il est interdit au capitaine d'y charger des marchandises sans le consentement de l'affréteur, sous peine de dommages-intérêts (art. 456). -La même loi veut que si l'affréteur, sans avoir rien chargé, renonce au contrat avant le commencement des jours de planche supplémentaires, il soit tenu de payer au fréteur la moitié du fret convenu (art. 407). —Si, lors du déchargement des marchandises, l'avarie ou la diminution qu'elles ont subie n'est pas visible à l'extérieur, la visite judiciaire peut, suivant la même législation, se faire valablement après que les marchandises son! passées aux mains des consignataires, pourvu qu'elle ait lieu dans les quarante-huit heures après le déchargement (art. 495). -En Russie, le capitaine opère la livraison des marchandises par lui transportées en les remettant à la personne qui lui en présente l'état signé par lui (art. 753).

35. Le contrat à la grosse est défini par la loi prussienne un prêt par lequel le prêteur se charge des risques maritimes,

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36. Presque toutes les législations exigent que le contrat à la grosse aventure soit rédigé par écrit. A Malte, il doit être fait par acte notarié (Droit municip., liv. 6, chap. 9, § 2). — Aux Etats-Unis, le capitaine ne peut emprunter à la grosse qu'en cas de nécessité absolue. Pour que les armateurs soient liés par l'emprunt, l'existence du contrat doit être prouvée par le prêteur. — En Suède, le prêteur à la grosse a le droit d'exiger la prime qui lui convient, lorsqu'il est établi qu'il a avancé ses fonds à la suite d'un accident de mer ou de force majeure (ord. de 1667, liv. 4, ch. 2 et 3; placard du 16 déc. 1687). — En Angleterre, on ne peut emprunter à la grosse pour les bâtiments qui vont aux Indes orientales (stat. 19, Georges II, ch. 37, § 2).

37. L'emprunt fait sur un navire ou sur un chargement n'est pas un emprunt à la grosse et n'a point ses effets, si le prêteur ne prend pas sur lui quelqu'un des risques de mer (code portug., art. 1627; code prussien, art. 2562). Pareillement, le contrat est nul, si les effets affectés au prêt ne sont pas exposés aux risques (c. espagnol, art. 828), ou si ce contrat a été conclu sur des risques déjà acceptés par un autre ou sur des objets déjà assurés pour leur entière valeur (c. portug., art. 1628). Aux États-Unis, le prêteur qui n'a pas couru tous les risques, n'est pas fondé à exiger la totalité de la prime. Dans ce cas, la prime est fixée par le tribunal de l'amirauté, d'après les risques qu'il suppose avoir été courus.—En Prusse, il est interdit aux armateurs et aux affréteurs d'emprunter à la grosse sur des objets déjà assurés pour toute leur valeur. En cas d'infraction à cette défense, ils doivent payer au prêteur le capital stipulé, alors même que la chose affectée au contrat aurait péri. Quant au capitaine, il ne peut contracter à la grosse que dans les ports où il est obligé de relâcher. Il peut alors emprunter à la grosse soit sur le navire seul, soit sur le navire et le chargement, mais non sur le chargement seul. Dans ce cas, il est indifférent que le navire et la cargaison soient assurés pour leur valeur totale (art. 2376 à 2382).

38. La plupart des législations exigent, pour que le contrat à la grosse obtienne la préférence à l'égard des tiers, qu'il soit inscrit sur un registre public (c. fr., art. 312; c. espagn., art. 813). En Hollande, à défaut de cette formalité, le contrat n'est pas réputé prêt à la grosse, et, dans ce cas, l'emprunteur reste obligé personnellement à payer au prêteur le principal et les intérêts légaux (art. 572).

39. A instar de la loi française qui ne permet d'emprunter à la grosse que sur un objet existant au moment du contrat, et qui en conséquence prohibe tous emprunts sur le fret à faire du navire et sur le profit espéré des marchandises, les codes espaguol (art. 819), hollandais (art. 578), prussien (art. 2569), ceux de la Grèce (art. 318), des Deux-Siciles (art. 309), des Etats romains (art. 514), de la Lombardie (art. 318) et de la Sardaigne (art. 348) ont établi la même prohibition. Mais une règle contraire est suivie à Malte (ord. de la marine, liv. 5, tit. 5, art. 4) en Portugal, en Angleterre (stat. 19, Georges II, ch. 57, § 5) et aux États-Unis. Quant à la défense pareillement faite par la loi française de prêter à la grosse aux gens de mer sur leurs loyers, elle n'a été reproduite que par les codes espagnol (art. 821), portugais (art. 1640), hollandais (art. 677) et prussien (art. 2571).

40. En Espagne, on ne peut emprunter sur le corps d'un navire pour plus des trois quarts de sa valeur, mais on peut emprunter sur les marchandises chargées pour toute la valeur qu'elles ont au lieu et à l'époque du commencement du risque (art. 822). Celui qui, ayant emprunté à la grosse pour charger le navire, ne peut employer dans le chargement toute la somme empruntée, doit rendre le surplus avant l'expédition du bâtiment (art. 824).

41. En cas de perte entière des effets sur lesquels le prêt a eu lieu, la somme prêtée ne peut être réclamée, Si la perte a été

DROIT MARITIME. CHAP. 1.

partielle, le prêteur n'a de droits que sur les effets sauvés (c. fr.,
art. 325, 327). D'après le code hollandais, l'emprunteur
est personnellement responsable du principal et de la prime, si
la destination du navire a été changée de son consentement, ou si
Je navire ou les marchandises affectées au prêt ont péri ou se sont
détériorées par sa faute ou par leur vice propre (art. 587.
Conf. c. fr., art. 524, 326).

-

42. Lorsque l'époque du remboursement du prêt n'est pas fixée, le code prussien veut que ce payement soit fait dans la buitaine de l'arrivée du bâtiment (art. 2398). —- Lorsque le contrat ayant été négocié, n'a pas été payé à l'échéance, le porteur est astreint par la loi portugaise à le faire protester, suivant les formes voulues pour le protêt d'une lettre de change. Si le contrat n'a pas été à ordre, il n'est transférable qu'avec les formalités prescrites pour la cession civile (art. 1633 et 1636). cas de retard dans le remboursement du capital prêté et des primes, le prêteur, aux termes de la loi espagnole, a droit à l'intérêt commercial pour le capital et non pour les primes (art. 839; V. aussi le code pruss., art. 2437).

En

43. En matière d'assurances maritimes, il y a d'assez nombreuses divergences entre les législations relativement aux choses qui peuvent être l'objet de l'assurance. Ainsi, par exemple, la défense d'assurer soit le fret des marchandises existant à bord du navire, soit le profit espéré des marchandises, est écrite dans les codes français (art. 347), espagnol (art 885), dans la loi de Danemark, qui proscrit l'assurance de tout ce qui est indéterminé, dans celle des Deux-Siciles (art. 339), des États romains (art. 340), de la Lombardie (art. 347), de la Sardaigne (art. 377), des les Ioniennes (art. 316), de la Grèce (art. 347), d'Haïti, et dans l'ordonnance de Bilbao, ch. 22, art. 11 et 12; tandis que l'assurance du fret à gagner et du profit espéré est, au contraire, autorisée explicitement ou implicitement par les législations de Portugal (art. 1700), de Hollande (art. 593), de Prusse (art. 1981, 1982, 1991), de Hambourg (règl. du 1er sept. 1731), de Malte (Droit municip., liv. 6), d'Angleterre (stat. 19, Georges II, chap. 38. § 4), et des États-Unis. —L'ordonnance de Bilbao permet de faire assurer le profit espéré des marchandises jusqu'à concurrence de 25 p. 100, si elles sont aux Indes ou dans d'autres pays éloignés (chap. 12, art. 8).— L'assurance qui a pour objet les loyers des gens de mer est interdite par la plupart des législations qui viennent d'être indiquées; toutefois, elle est permise à Malte et aux États-Unis (V. M. Anthoine de Saint-Joseph, Introduction, p. 40).

44. Au nombre des choses qui ne peuvent être l'objet d'une assurance, la loi anglaise comprend les gains imaginaires, les opérations de commerce avec l'ennemi, les marchandises dont l'importation ou l'exportation est prohibée, toutes les opérations de commerce défendues par les lois, le commerce des esclaves (stat. 9 et 10, Guill. III, chap. 44; stat. 33, George III, chap. 53). -Les codes portugais (art. 1703) et hollandais (art. 599) interdisent aussi l'assurance des objets dont le trafic est prohibé par les lois, et celle des navires employés à transporter ces objels. Le code prussien dispose qu'en cas d'assurance des marchandises dont l'importation, l'exportation ou le transit sont défendus, l'assuré est déchu de tous les droits résultant du contrat (art. 1955), et l'assureur doit payer au fisc une amende égale à la somme énoncée dans le contrat, à moins qu'il ait ignoré que la marchandise fût au nombre de celles prohibées, auquel cas il ne paye, à titre d'amende, que la prime reçue (art. 1963 et 1964). Les assurances sur paris sont expressément prohibées par la loi suédoise. Elles le sont également dans le Massachusetts; mais elles sont autorisées à New-York.

45. En général, il est interdit à l'emprunteur à la grosse de faire assurer les sommes empruntées, car il ne court à leur égard aucun risque. Mais rien n'empêche le prêteur à la grosse de faire assurer les sommes par lui prêtées, puisqu'il court risque de les perdre par fortune de mer. Quant au profit maritime de ees sommes, l'assurance en est interdite en France (art. 347), en Espagne (art. 885), en Danemark, en Italie et dans les pays régis par l'ordonnance de Bilbao (chap. 22, art. 17), tandis qu'elle est considérée comme valable en Portugal (art. 1700), en Hollande (art. 593), en Prusse (art. 1980 et 2345), à Ham

bourg, à Malte et aux Etats-Unis (V. M. Anthoine de Saint
Joseph, loc. cit.).

46. Les choses susceptibles d'être assurées peuvent l'être,
suivant la loi française, pour toute leur valeur. Mais en Espagne,
les assurances faites par le capitaine ou le chargeur qui s'em-
barquent avec leurs marchandises ne peuvent couvrir que les neuf
dixièmes de leur valeur; et ce n'est que pour les quatre cin-
quièmes de leur valeur que les navires peuvent être assurés (art.
855, 854). En Danemark, l'assurance ne peut pareillement excé-
der les neuf dixièmes des choses assurées (c. de 1683, chap. 6,
art. 6), et à Malte, les sept huitièmes.

47. Aux termes du code prussien, il n'est permis qu'aux négociants de prendre des assurances sans se nommer, et sans la désignation au porteur, ou pour le compte de l'intéressé. Mais si, dans la suite, l'assureur est obligé de payer des indemnités, il peut exiger que l'assuré soit nommé et produise son engagement (art. 2071, 2072). Quand l'assurance est au porteur ou à un porteur quelconque (art. 2281). pour le compte de l'intéressé, l'assureur peut payer valablement

-

48. A la différence de ce qui a lieu en France, où les assurances peuvent être faites pour un temps limité (art. 365), la Le législation des États-Unis interdit les assurances à terme. code espagnol déclare nulle l'assurance, s'il s'est écoulé un an depuis la signature de la police, sans que le voyage assuré ait élé entrepris (art. 889).

49. En Angleterre, on ne considère pas comme provenant de fortunes de mer dont doive répondre l'assureur, les dommages arrivés par suite de la simple crainte d'un danger, ni ceux causés par des rats ou des vers dans l'intérieur d'un navire, ni le séjour du bâtiment au milieu des glaces, ni les simples vols, à la différence des vols commis avec violence, tels que piraterie. En Russie, l'assureur ne répond pas des vols, à moins de clause Aux États-Unis, il peut prendre à sa contraire (art. 716). charge les risques provenant de contraventions aux lois d'un pays étranger.

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50. La responsabilité de l'assureur ne s'étend point, en France, à moins de stipulation contraire, aux fautes et prévarications du capitaine et de l'équipage (c. fr., art. 353). Il en est de même aux États-Unis. En Prusse, quand le dommage provient du patron ou des gens de l'équipage, l'assuré doit prendre, aux frais de l'assureur, toutes les mesures pour être indemnisé, soit sur les biens du débiteur, soit sur le navire ou le fret; il n'est autorisé à s'adresser à l'assureur que subsidiairement (art. 2275, 2276). A Hambourg, le préjudice causé par l'impéritie des gens de mer est à la charge de l'assureur, sauf, suivant les cas, son recours contre l'auteur du dommage (règl. du 1er sept. 1731, tit. 7, art. 1). — La même règle est suivie en Suède.

51. En France, toute assurance, faite après la perte ou l'arrivée des objets assurés, est nulle, s'il résulte des circonstances que la perte ou l'arrivée a pu être connue des parties avant la siA Hambourg, l'assugnature du contrat (art. 365 et 366). rance est valable, bien que le navire fùt perdu ou endommagé, lors de la convention, si l'assuré affirme sous serment n'avoir pat été instruit du sinistre (règl. du 1er sept. 1731, tit. 5, art. 9).

52. En cas de faillite de l'assuré avant la fin des risques, la loi française reconnaît à l'assureur le droit de demander caution ou la résiliation du contrat (art. 346). D'après le code prussien, l'assureur jonit, dans le même cas, du privilége de la deuxième classe, pour le payement de la prime due, pendant le mois du jour de la faillite; après ce délai, il n'a plus que le privilége de quatrième classe (art. 2115). à

53. Les risques cessent, d'après la législation anglaise, l'égard du navire, dans les vingt-quatre heures après qu'il a jeté l'ancre, et, à l'égard des marchandises, au moment du décharge. ment. Il en est de même aux États-Unis et à Malle.

54. Dans toutes les législations, les sinistres majeurs, c'està-dire ceux qui ont causé la perte totale ou quasi-totale des ob jets assurés, donnent ouverture, au profit de l'assuré, à l'action en délaissement, tendant à obtenir le payement de l'indemnité stipulée, moyennant l'abandon à l'assureur de ce qui peut rester desdits objets; et les sinistres mineurs donnent naissance à l'action d'avaries, dont le but est de faire payer à l'assuré une indemnité équivalente au dommage qu'il a éprouvé. Ces deux ac

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