Page images
PDF
EPUB

bâtiment (Aix, 18 déc. 1818) (1). Ces décisions reposent sur deux principaux motifs. d'abord, il est à remarquer que, sous l'ancienne jurisprudence, l'inobservation des formalités imposées au capitaine pour emprunter à la grosse était déjà considérée comme n'étant point opposable au prêteur de bonne foi; or rien n'atteste de la part du législateur moderne l'intention de s'écarter de cette jurisprudence. En second lieu, le véritable sens de l'art. 234 semble fixé par la disposition de l'art. 356, qui, en déclarant, comme on le verra, le capitaine responsable envers l'armement de l'argent par lui emprunté, sans nécessité, sur le corps du navire, démontre que le propriétaire est tenu, sauf son recours contre le capitaine, de désintéresser les tiers envers lesquels celui-ci s'est engagé.

443. Cette doctrine, que nous croyons fondée, et qui est enseignée par Émérigon et Valin, sur l'art. 19 du tit. du cap. de l'ord. de 1681, n'est pas cependant unanimement admise. Elle est combattue par MM. Boulay-Paty (t. 3, p. 24) et Dageville (t. 2, p. 223). Les motifs invoqués par ces auteurs sont que si, en général, les actes faits par le capitaine obligent les propriétaires dont il n'est que le préposé, ce principe reçoit des exceptions; que, par exemple, le capitaine en cours de voyage ne saurait vendre son navire qu'en cas d'innavigabilité légalement constatée (art. 237 c. com.); que, sans cette formalité, la vente est

Peu importe que l'emprunt ait eu lieu dans la forme d'une lettre de grosse ordre et que le titre se trouve entre les mains d'un tiers porteur de bonne foi. L'art. 254 pose une règle générale; on n'y peut faire d'exception. Autrement cet article serait constamment éludé, parce que le prèteur s'effacerait toujours derrière un tiers porteur. Celui-ci n'est qu'un cessionnaire qui n'a pas plus de droits que son cédant et qui n'acquiert la créance que sous les conditions qui y sont inhérentes (Boulay-Paty, t. 5, p. 98; Pardessus, n° 899). Il doit exiger que le titre soit accompagné des pièces justificatives, ou bien refuser l'endossement (Pardessus, n° 910). Arrêt (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Vu les art. 1998 c. civ. et les art. 216, 234, 236 el 312 c. com.; Attendu que le capitaine représente, pendant le cours du voyage, le propriétaire du navire pour tout ce qui est relatif au navire et à la cargaison;-Qu'en conséquence, les actes fails par le capitaine pour les besoins et les nécessités de la navigation, obligent le propriétaire, conformément aux dispositions de l'art. 1998 c. civ. et de l'art. 216 c. com., sauf, le cas échéant, la faculté d'abandon du navire et du fret, qui lui est accordée par ce dernier article; Attendu que les formalités prescrites par l'art. 254 c. com., c'est-à-dire la délibération des gens de l'équipage et l'autorisation du juge, ont uniquement pour objet de mettre le capitaine à portée de justifier de la nécessité des emprunts qu'il a souscrits et d'éviter ainsi toute demande récursoire de la part du propriétaire; mais que ces formalités ne concernent pas le prêteur qui a traité de bonne foi avec le capitaine et qui n'est soumis à aucune justification à l'appui de son contrat de grosse; Que c'est ainsi qu'a toujours élé entendu et appliqué l'art. 19, titre du capitaine, de l'ordonnance de la marine de 1681, lequel exigeait, comme l'art. 254 c. com., l'observation de formalités par le capitaine qui empruntait à la grosse; - Que, si les rédacteurs du code de commerce eussent voulu que l'absence des formalités énoncées dans l'art. 254 pút être également opposée au prêteur de bonne foi et au capitaine, ils n'auraient pas admis une innovation aussi importante, sans assujettir expressément l'un et l'autre à justifier de l'accomplissement de ces formalités; Que non-seulement l'art. 254 ne contient point à cet égard de disposition formelle, mais encore qu'il ne résulte aucunement des observations et de la discussion qui ont précédé sa dernière rédaction, qu'on ait eu l'intention de déroger à l'art. 19 précité de l'ordonnance de la marine;

[ocr errors]

Attendu, d'ailleurs, que le véritable sens de l'art. 254 se manifeste dans l'art. 256 qui dispose que le capitaine qui aura pris, sans nécessité, de l'argent sur le corps, avictuaillement ou équipement du navire, sera responsable envers l'armement personnellement tenu du remboursement, ce qui prouve que le propriétaire doit, sauf son recours contre le capiCaine, désintéresser les tiers envers lesquels il se trouve engagé par celuici, qui est son mandataire légal; — Qu'aux termes de l'art. 312, le préteur à la grosse n'est soumis aux formalités de l'art. 254 que pour la conservation de son privilége, d'où il suit nécessairement qu'il conserve ses droits et son titre contre le proprietaire ou armateur du navire; Qu'enfin l'art. 515 assimile à un effet de commerce, négociable par la voie de l'endossement, le contrat de grosse fait à ordre, ce qui repousse l'idée que le porteur, saisi par un endos régulier, puisse être contraint d'ajouter à son titre des pièces justificatives de la délibération des gens de l'équipage et de l'autorisation du juge;

Attendu, en fait, que Boullenger est porteur, par la voie d'un endossement régulier, d'une lettre de grosse de 2.000 fr., souscrite par le capitaine Lenel, pendant le cours du voyage du navire l'Eugène, pour les

nulle; qu'il doit en être de même relativement au contrat à là grosse; que le code de commerce a imposé aux capitaines des obligations plus strictes que l'ord. de 1681, ainsi que le prouvent les discussions au conseil d'État et le texte des art. 232, 233 et 234; que ces obligations sont une garantie de la bonne conduite du capitaine, dont les propriétaires ne sont pas à portée de surveiller la conduite; que les tiers doivent s'assurer si le capitaine a observé les formalités prescrites par la loi; que s'ils ne le font pas, ils doivent s'imputer leur négligence et en supporter la peine. Cette opinion a été également émise par deux juge ments du tribunal de commerce de Marseille, des 18 avr. 1828 et 28 août 1829, aff. Sière, et par un arrêt plus récent, duquel il résulte que tout prêteur à la grosse doit connaître la qualité de celui avec lequel il contracte; qu'il doit donc s'imputer les conséquences d'un prêt fait avec un capitaine qui, par cela seul qu'il n'a pas rempli les conditions sans lesquelles la loi lui dénie le pouvoir d'emprunter à la grosse, doit être considéré en réalité comme ayant agi sans mandat ou en dehors des limites de son mandat; et qu'en de telles circonstances, le prêt à la grosse ne peut avoir d'effet que contre le capitaine et non contre les propriétaires des objets sur lesquels le prêt a été fait (Rouen, 21 août 1841) (2).-Mais bien que ces raisons ne soient pas dénuées de force, elles ne nous paraissent pas néanmoins de nature à pré

nécessités de ce navire; - Qu'il n'a pas été établi que les sieurs Gaffinel frères, prêteurs du montant de la lettre de grosse, n'aient pas agi de bonne foi;-Que la cour royale d'Amiens a refusé de condamner Caillot, armateur du navire, au remboursement de ladite lettre de grosse, par l'unique motif que Boullenger ne justifiait pas de la nécessité de l'emprunt, par une délibération de l'équipage du navire l'Eugène, et une autorisation de justice, conformément à l'art. 254 c. com.; Qu'en jugeant ainsi, l'arrêt attaqué a faussement interprété et appliqué cet article, et a violé expressément ses dispositions et celles des art. 1998 c. civ., 216, 236 et 312 c. com.; - Par ces motifs, casse.

Du 5 janv. 1841.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Goudard et Coffinières, av.

(1) (Bail et Richard C. Martin.) - La Cour; Attendu que les formalités établies par l'art. 234 c. com., ne le sont pas dans l'intérêt du capitaine et de l'armateur; que cet article ni aucun autre n'attachent à leur omission la peine de nullité du contrat à la grosse ou même de la perte de l'affectation du navire et de son fret, et que la question de savoir si, sans ces formalités, le prêteur à la grosse est ou n'est pas privilégié ne peut s'élever qu'entre les créanciers venant en concours;-Attendu que lors même qu'en these générale le capitaine n'obligerait point l'armateur, si en empruntant à la grosse, en cours de voyage, il ne remplissait pas les formalités de l'art. 234, cette exception serait innapplicable à la cause où le capitaine n'a emprunté qu'avec l'assistance et par le canal du subrécargue, et par conséquent avec son intervention et son autorisation; — Attendu que l'armateur est censé présent sur le navire quand il a placé un subrécargue; que tout ce qui est fait avec l'intervention de celui-ci. est censé fait en la personne et avec l'intervention de l'armateur: que dès lors les parties ne sont plus régies par l'art. 254, qui dispose sur des emprunts faits en l'absence et à l'insu de l'armateur, mais par les art. 216, 312, 315 et 321, dont le résultat est qu'il répond sur son navire des emprunts qui y sont affectés quand ils sont faits avec son intervention; Confirme, etc.

Du 18 déc. 1818.-C. d'Aix.-MM. Cresp et Perrin, av.

(2) Espèce: (Delessert C. Meinel et Sanctos.) - Des marchandises avaient été chargées sur le navire portugais el Luzitano, capitaine dos Sanctos, à destination pour le Havre, et pour le compte de Meinel, négociant dans cette ville. Parti le 10 oct. 1840, le navire éprouva des avaries qui obligèrent de relâcher à Portsmouth. Le capitaine chercha inutilement le crédit qui lui était nécessaire pour réparer ses avaries.-Après diverses tentatives, il s'adressa, suivant les lois portugaises, au vice-consul de sa nation à Portsmouth, afin d'obtenir l'autorisation de faire un emprunt à la grosse. Le vice-consul répondit : « J'ai reçu votre lettre datée de ce jour, et je vois par son contenu qu'il ne vous est pas possible d'obtenir un crédit pour payer les frais faits en ce port, pour avaries survenues pendant votre voyage; en conséquence, je vous autorise à emprunter à la grosse la somme qui vous est nécessaire pour payer tous les frais faits ici. J'ai l'honneur de vous saluer, signé Van den Berg. Portsmouth, 1er fév. 1841. » - Delessert, négociant au Havre, prêta au capitaine Sanctos 1,522 liv. sterl. sur les navire, agrès et apparaux, le chargement et le fret, somme qui devait être employée à remettre le navire en état de navigabilité, à débarquer, emmagasiner et recharger la cargaison.

A l'arrivée du navire au Havre, Meinel, réclamateur d'une partie du chargement, fit sommer le capitaine de lui délivrer divers objets à son ordre, et, faute par ce dernier d'avoir obtempéré à cette sommation, l'as

[ocr errors]

DROIT MARITIME.

La valoir sur les motifs qui servent de base aux arrêts ci-dessus de ja cour suprême, des 28 nov. 1821 et 5 janv. 1841. decision de la cour de Rouen que nous venons de rapporter a été Jebjet d'un pourvoi par suite duquel elle a été annulée. La cour de cassation, persévérant dans sa jurisprudence, a jugé que l'inobservation des formalités prescrites par l'art. 234 n'empêche pas l'emprunt à la grosse fait par le capitaine d'être obligatoire pour le propriétaire du navire; et cela quand même l'emprunt a Sté contracté en pays étranger, par un capitaine également étranger, envers un prêteur français, qui réclame en France le remboursement du prêt (Cass., 9 juill. 1845, aff. Delessert, M. Thil, rap., D. P. 45, 1, 313).

444. L'obtention de l'autorisation d'emprunter ne dispense pas le capitaine de justifier à l'armateur de l'emploi des sommes empruntées.

445. Cette autorisation n'aurait pas non plus pour effet J'excuser le prêteur de mauvaise foi, qui, de connivence avec le capitaine, aurait fourni à celui-ci les sommes dont ils devaient faire ensuite tous deux un emploi abusif. Le prêteur ne serait pas fondé à se prévaloir contre l'armateur de l'observation des firmalités prescrites par l'art. 234. Mais ce serait à l'armateur à prouver la collusion entre le prêteur et le capitaine (Conf. Dely incourt, t, 2, p. 211; Boulay-Paty, t. 2, p. 70).

446. Mais le prêteur de bonne foi qui a fourni ses denters pour les nécessités dûment constatées du navire, n'est pas tenu de surveiller l'emploi de ces deniers; il n'aurait pas moins action contre le propriétaire et privilége sur le navire, bien que le capilaine, de la fidélité duquel il n'est pas responsable, n'aurait point employé les deniers prêtés à leur destination (Conf. RoulayPaty, eod.; M. Dageville, t. 2, p. 215).

447. Le capitaine peut-il emprunter autrement que par contrat à la grosse ? Cette question a été diversement résolue, sous l'empire de l'ordonnance de 1681, par Valin et par Émérigon.

signa devant le tribunal de commerce pour s'entendre condamner à resemblable mettre audit Meinel les objets dont il s'agit. En même temps, assignation était délivrée à Delessert, prèteur à la grosse, pour voir dé- 10 avril 1841, juclarer le jugement à intervenir commun avec lui. gement qui déclare nul et inopposable à Meinel l'acte de grosse du 8 février, en ce qui concerne les objets par lui réclamés, et condamne le capitaine par corps et biens, et par privilége sur le navire, à livrer, dans les vingt-quatre heures de la signification, seulement contre le payement du fret et accessoires, les marchandises énoncées au connaissement dont Meinel est porteur. Le motif de ce jugement est que le capitaine avait commis dans son emprunt une double infractton à la loi de son pays, en ce que: 1o il n'avait pas pris les ordres des propriétaires du chargement, et parce que 2 il ne justifiait pas d'un acte signé des principaux de l'équipage constatant la nécessité de réparer des avaries.

Appel par M. Delessert. - Devant la cour, on a d'abord agité la question de savoir laquelle des deux législations, française ou portugaise. était applicable à la cause, et l'on a soutenu, au fond, dans l'intérêt de l'appelant, que l'inobservation des formalités prescrites pour justifier de la nécessité de l'emprunt à la grosse, ne pouvait être opposée aux préteurs de bonne foi.

- Arrêt.

LA COUR ; En ce qui concerne la législation qui doit régir la cause : -Attendu que la question capitale du procès est de savoir si le capitaine du navire el Luzitano avait qualité pour contracter, dans le port de Portsmouth, un emprunt à la grosse affectant les marchandises chargées à son bord; Qu'il s'agit donc d'apprécier la capacité de ce capitaine; que les propriétaires du navire et des marchandises étant Portugais, et le capitaine étant aussi de la même nation, la capacité de celui-ci pour contracter l'emprunt dont il s'agit ne peut être régie que par les lois de la nahion à laquelle il appartient.

Vu l'art. 54, 2 part., liv. En ce qui touche le fond du procès : unique, tit. 4 c. com. portugais, ainsi conçu: « Si, pendant le cours du voyage, il y a nécessité de réparations ou d'achats de victuailles, et si les circonstances ou la distance du domicile des propriétaires du navire ou du chargement ne permettent point de demander leurs ordres, le capilaine, après en avoir constaté la nécessité par un acte signé des principaux de l'équipage, pourra, en se faisant autoriser par le consul, ou à défaut par l'autorité locale, faire les réparations ou l'achat des victuailles nécessaires; et, s'il n'a pas de fonds, il pourra tirer des lettres de change sur la caisse ou les propriétaires du navire, ou, avec la même autorisation, prendre à la grosse sur corps et quille, et même sur la cargaison, si besoin est, ou bien encore, s'il ne peut réaliser l'emprunt en totalité ou en partie, il aura la faculté de vendre, aux enchères publiques, marchandises jusqu'à concurrence de la somme nécessaire; »

des

CHAP. 3, SECT. 4.

Le premier de ces auteurs soutenait que la loi ne déterminait
point le mode suivant lequel l'emprunt devait être fait, et qu'elle
aurait pu d'autant moins astreindre le capitaine à emprunter à
la grosse, qu'il est généralement fort difficile et fort onéreux
d'emprunter de cette manière en pays étranger (Valin, sur l'art.
19, liv. 2, tit. 1, de l'ord.). Émérigon était d'un avis contraire.
« L'ordonnance, dit-il, a réduit le pouvoir du capitaine en cours
de voyage, ou à prendre des deniers sur le corps, ou à mettre
des apparaux en gage, ou à vendre des marchandises de son
chargement pour les nécessités du navire. S'il tire des lettres de
change sur ses armateurs, cet engagement, quoique conçu en
nom qualifié, lui devient personnel, attendu qu'il a excédé son
mandat légal. Il ne doit contracter aucune obligation qui ne soit
inhérente au navire même et qui ne dépende du succès de l'ex-
pédition maritime : c'est à quoi se borne l'autorité que sa qualité
de maître lui défère » (Contr. à la grosse, ch. 4, sect. 11, § 5).-
Lors de la rédaction du code, le tribunal de commerce de Nantes
a demandé que la loi s'expliquât formellement sur le point de sa-
voir si l'armateur répond des emprunts faits par le capitaine pour
les besoins du navire par lettres de change; mais cette récla-
mation est restée sans effet. La plupart des auteurs modernes,
notamment Delvincourt (t. 2, p. 211), Locré (t. 3, p. 113) et
Boulay-Paty (t. 2, p. 71) décident que l'art. 234 c. com. ac-
corde au capitaine la plus grande latitude sur la manière d'em-
prunter; et qu'en lui permettant d'engager même le corps et la
quille du navire, il l'autorise nécessairement à prendre des en-
gagements moins rigoureux, qui peuvent être, dans beaucoup
de cas, le seul moyen offert au capitaine pour sauver le bâtiment
et continuer le voyage. Cette décision nous paraît fondée : il est
de toute justice, que lorsqu'un prêt simple ou par lettre de
change a été occasionné par les besoins du navire légalement
constatés, le propriétaire ou armateur, si ce navire arrive à bon
port, ne puisse le conserver sans acquitter la dette; mais si le

Attendu, en fait, que le capitaine n'a pas observé les formalités sans lesquelles la loi ne lui permet pas de prendre à la grosse sur la cargaison; qu'en effet cette loi n'autorise cet emprunt que si les circonstances ou la distance du domicile des propriétaires du chargement ne permettent point - Que, dans l'espèce, la distance de Portsde demander leurs ordres; mouth au Havre n'est pas telle qu'il ne fût pas facile au capitaine de prendre les ordres des réclamateurs de la marchandise, domiciliés au Havre; Qu'il devait d'autant plus se soumettre à cette condition, que c'est d'ailleurs, au Havre même qu'il a trouvé un prêteur à la grosse; que, nulle autre circonstance ne mettait obstacle à l'accomplissement de cette Que le capitaine n'a pas non plus lait constater par première formalité; les principaux de l'équipage la nécessité de réparer son navire, puisque le rapport de mer dont il se prévaut peut bien établir l'existence des avaries, mais ne suffit pas pour constater la nécessité de les réparer; la prescription de la Qu'enfin le capitaine n'a pas davantage satisfait

[ocr errors]

--

loi qui exigeait qu'il obtint l'autorisation du consul pour faire ledit em-
prunt; Qu'en effet on ne peut considérer la lettre du vice-consul
de la nation portugaise à Portsmouth comme contenant une autorisation
valable, puisque cette lettre ne contient aucune indication de la somme
qui pourra être empruntée, ce qui, dans l'espèce, était d'autant plus né-
cessaire que l'emprunt était exorbitant relativement à la valeur du navire;
que cette lettre ne renferme pas non plus l'autorisation spéciale et formelle
Que, cependant, une telle autorisation de-
d'engager le chargement;
vait d'autant plus être observée que, d'après la loi portugaise, la cargai-
son ne peut être frappée d'un emprunt à la grosse qu'en cas de nécessité
absolue; Attendu que le capitaine n'ayant reçu aucun mandat de la
part des propriétaires de la marchandise, expéditeurs ou réclamateurs,
ne pouvait affecter la cargaison au droit réel que crée un contrat à la
grosse qu'en observant strictement toutes les conditions qui lui étaient
imposées par la loi; car ce n'est que sous la condition de cet accomplisse
ment que la loi consent à donner au capitaine, dans les circonstances
qu'elle détermine, un pouvoir qu'il ne tient pas des propriétaires de la
marchandise; Attendu que tout prêteur à la grosse doit connaître la
qualité de celui avec lequel il contracte; qu'il doit donc s'imputer les
conséquences d'un prêt fait à un capitaine qui, par cela seul qu'il n'a
pas rempli les conditions sans lesquelles la loi lui dénie le pouvoir d'em-
prunter à la grosse, doit être considéré en réalité comme ayant agi sans
mandat, ou en dehors des limites du mandat que la loi lui confère;
Qu'en de telles circonstances, le prêt à la grosse ne peut avoir d'effet que
contre le capitaine et ne peut en avoir aucun contre les propriétaires de
la marchandise, qui ne sauraient ainsi être engagés contre leur volonté et
Confirme.
contre celle de la loi;

Du 21 août 1841.-C. de Rouen, 2 ch.-MM. Gesbert, pr.-Chassan, av. gén., c. contr.-Deschamps et Sénard, av.

[ocr errors]

sur le changement qu'afin de se procurer les fonds nécessaires pour subvenir à la conservation et aux besoins spéciaux de ce même changement; et qu'en conséquence, lorsqu'il a emprunté pour subvenir à la fois aux besoins du navire et à ceux du chargement, cet emprunt n'est obligatoire pour les chargeurs, vis-à-vis du prêteur, que jusqu'à concurrence de la portion des tomme dans l'espèce, le navire est perdu, devient illusoire;- Qu'il serait souverainement injuste que le chargeur vit disparaître le prix de ses marchandises, vendues sans son consentement et dans le seul intérêt de "armateur; Que, si la prétention des armateurs était admise, ils ourraient, à leur gré, mettre à contribution les chargeurs en ne donnant -point au capitaine les lettres de crédit ou les fonds nécessaires pour les besoins du navire et de l'équipage pendant la traversée, en le forçant ainsi de vendre ou d'affecter par des prêts à la grosse les marchandises, afin de se procurer des ressources nécessaires, et en offrant ensuite aux chargeurs ou les débris d'un navire naufragé ou peut être d'un navire englouti sous les flots;-Que la loi n'a pas voulu, n'a pas pu vouloir d'aussi elranges conséquences; — Que, lorsque le capitaine n'a fait que ce qui était autorisé, que ce que l'armateur aurait fait lui-même à la place du capitaine, l'armateur dans ce cas est tenu de payer ce que le capitaine a emprunté, sans pouvoir s'affranchir de l'obligation contractée dans son intérêt par son préposé, en abandonnant un navire qui n'existe plus ou qui est sans valeur;

Qu'ainsi, lorsque le capitaine n'ayant pas l'argent nécessaire pour acquitter les dépenses à la charge des armateurs, vend ou affecte les marchandises des chargeurs pour payer les dépenses, les armateurs doivent rembourser le prix de ces marchandises qui ont suppléé au défaut d'argent remis au capitaine pour les besoins du navire et de l'équipage; et dès lors, n'étant pas seulement responsables, mais débiteurs directs et personnels, ils ne peuvent se libérer par l'aban fon; - Que si, au contraire, le capitaine excède les bornes de son mandat, s'il contracte quelque engagement non autorisé par la loi, ou s' commet quelque faute, Parmateur, dont il est le préposé, en est civilement responsable, et c'est pour raison de cette responsabilité qu'il a été dérogé par l'art. 216 c. com. aux dispositions illimitées de l'art. 1384. civ. ;- Que l'art. 234 c. com., après avoir accordé au capitaine le droit exorbitant de vendre ou de mettre en gage des marchandises jnsqu'à concurrence de la somme que les besoins du service exigent, ajoute que le propriétaire ou le capitaine qui les emprunte, tiendra compte des mar bandises vendues;-Que la loi ne dit pas, dans l'art. 234, que le proprie aire du navire ne tiendra compte que subsidiairement et comme civilement responsable des faits du capitaine, mais que le propriétaire tiendra compte comme étant le représentant du propriétaire débiteur; que la loi déclare donc formellement que l'armateur n'est pas seulement civilement responsable des faits du capitaine, mais qu'il est personnellement et directement débiteur envers les chargeurs; Qu'on ne peut prétendre que le propriétaire du navire 'n'est débiteur qu'avec la faculté à lui réservée par l'art. 216 d'abandonIner le navire et le fret, attendu que cette faculté n'est point exprimée dans l'art. 234; qu'elle est, au contraire, formellement écartée par l'art. 298, qui est le complément de l'art. 234;-Qu'en effet, le dernier alinéa de l'art. 298 dispose que, « si le navire se perd, le capitaine tiendra compte des marchandises sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant régalement le fret porté aux connaissements;- Qu'il faut donc de ces expressions, si le navire se perd, tirer cette conséquence naturelle que la perte du navire ne dispense pas de payer aux chargeurs le prix des marchandises vendues par le capitaine; Que l'armateur ne peut s'affranchir de cette obligation par l'abandon, puisque la loi veut que le chargeur soit payé, même dans le cas de perte du navire;- Que c'est ainsi que l'orateur du gouvernement expliquait l'art. 298, lorsqu'il disait « que le capitaine et les propriétaires du navire, qui étaient chargés de pourroir à ses besoins, avaient contracté une dette individuelle en appliquant les marchandises à l'accomplissement de leur devoir personnel; Qu'ainsi, d'après le texte précis et formel de l'art. 298, l'armateur ne pent se dispenser de payer les marchandises, quoique le navire ait péri;

)) -

Que, des lors, il serait absurde que l'armateur fût admis à dire aux chargeurs, en vertu de l'art. 216, qu'il leur abandonne, pour les payer, un navire qui n'existe plus, puisque, d'après l'art. 298, il doit les indemniser nonobstant la perte du navire;

Attendu que l'armateur oppose en vain que l'art. 216, qui fait cesser sa responsabilité par l'abandon 'du navire et du fret, s'applique à tous les faits du capitaine, que o mct fe est un terme générique qui comprend les faits, quels qu'ils soient, tout aussi bie que les fautes, délits ou quasi-délits, erreur que les premiers juges ont accueillie; -Attendu que, pour déterminer le sens du mot faits, il faut examiner son rapport avec ·V'objet pour lequel il est employé';—Que l'art. 216 c. com. est une exception à l'art. 1584 c. civ., en co sens que la responsabilité de l'art. 1584 est indéfinie, tandis qu'elle est restreinte par l'art. 216, dans l'intérêt du commerce maritime;- Que comma, suivant l'art. 1584, on est civilement responsable du fait de ses préposé, de même aussi, d'après l'art. 216, l'armateur est responsable civilement des faits du capitaine; mais responsabilité'civile qui n'a lieu que pour les fautes civiles et quasi-délits,

sommes empruntées qui a été appliquée audit chargement (Rennes, 25 juill. 1831) (1).

451. Le capitaine peut emprunter à la grosse, même après que le navire, déclaré innavigable, a été vendu, car l'innavigabilité et la vente du bâtiment n'empêchent pas que le capitaine ne soit dans l'obligation de veiller à la conservation et au transport

et qui ne peut faire disparaître l'engagement direct et personnel contracté au nom de l'armateur par le capitaine qui le représente; - Qu'il suit de là que les premiers juges ont fait une fausse application de l'art. 216, et qu'ils ont violé les art. 254 et 298 c. com.;

Faisant droit su l'appel, met l'appellation et ce dont est appel au néant, au chef oùs premiers juges ont décidé que l'armateur pouvait se libérer par l'aba don du navire et du fret des obligations contractées par le capitaine Dri hot dans les limites de son mandat; réformant, condamne Heurtault, far corps et biens, à payer aux assureurs particuliers de Paris, aux mains de Béranger, leur secrétaire, la somme de 5,250 fr. 88 c., avec les inté êts à partir du 22 oct. 1828, jour du payement de la lettre de grosse, et

Du 29 déc. 1831 -C. de Rouen.

(1) Espèce (Delustelle, etc. C. Bugault.)-Le sloop le Jeune-Louis était allé prendre à Dunkerque un chargement pour Saint-Malo. Forcé, pour cause d'avaries, de relâcher à Cherbourg, le capitaine Thoreux s'y fit autoriser par justice à emprunter à la grosse 2,140 fr. pour les besoins du navire et du changement. Il s'obligea personnellement à l'exécution du contrat de grosse.- Avant que le navire reprit la mer, le capitaine Thoreux fut remplacé par Bugault, qui, sur la demande du prêteur à la grosse, déclara au pied d. l'acte en avoir pris connaissance et s'engager solidairement à en rei plir les conditions. — A l'arrivée du navire à SaintMalo, le capitaine Jugault laissa les chargeurs ressaisir leurs marchandises. Un jugen ent ordonna la vente du bâtiment, et l'on procéda à un règlement d'avarie. Le porteur du billet de grosse forma, contre l'armateur, les charge rs et les capitaines Thoreux et Bugault, une action dans laquelle inter inrent les assureurs. - 18 août 1850, jugement qui accueille les conclusions formées par le demandeur contre l'armateur et contre le capitaine 1 horeux; rejette celles formées contre le capitaine Bugault, sur le motif que celui-ci ne s'est point obligé personnellement, mais en nom qualifié seilement. A l'égard des chargeurs, le jugement décide que l'emprunt n'était obligatoire pour eux que jusqu'à concurrence de la portion pour laquelle ils étaient com ris dans le règlement d'avaries, et il condamne les assureurs à indemnise les chargeurs de ladite contribution. -Appel du porteur de l'acte de greise. Arrêt. LA COUR; Considérant, en dr sit, que l'art. 234 c. com., en autorisant le capitaine pendant le cours du voyage, à emprunter à la grosse sur le corps et quille de son navire, pour nécessité de radoub et l'achat de victuailles, mettre en gage ou à vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la somme que les besoins constatés exigeaient, a fixé les li mites des droits que la loi accorde a capitaine pour subvenir aux nécessités de la navigation sans compromettre les interets des propriétaires du chargement, puisque le même art. 254 dispose immédiatement que les armateurs, ou le capitaine qui les représente, fait tenir compte aux chargeurs des marchandises vendues, d'après le cours des marchandises de même nature et qualité, dans le lien de la décharge du navire à l'époque de son arrivée;-Considérant, en droit, d'un autre côté, que le capitaine est tenu, par une suite naturelle des obligations de la charte-partie, et par l'absence des propriétaires, de pourvoir à la conservation du chargement, dans l'intérêt des chargeurs, d'où il suit qu'il est pour ainsi dire leur mandataire forcé; mais qu'il résulle seulement de ce dernier point de vue que les droits du capitaine doivent se borner à faire, dans l'intérêt des chargeurs, les emprunts soit à la grosse ou autrement, qui seraient jugés indispensables pour la seule conservation et les besoins speciaux du chargement, mais ne sauraient s'étendre jusqu'à affecter indistinctement la totalité du chargement à des emprunts a la grosse, principalement pour les besoins du navire;

[ocr errors]

Considérant qu'il suit de ces principes, appliqués aux faits de la cause, , que le capitaine Thoreux n'a pu, sans excéder les pouvoirs que la loi lui donnait, s'écarter des limites tracées par elle, pour subvenit aux besoins de son navire, et y substituer un mode d'emprunt plus onéreux pour les chargeurs, et qui, dans toute hypothèse, n'a pu les obliger qu'autant qu'il a eu lieu dans l'intérêt du chargement; - Consi dérant, en droit, qu'on peut, non-seulement se rendre caution du débiteur principal, mais encore de celui qui l'a cautionné; Considérant, en fait, que le capitaine Bugault déclare, au pied de l'acte de grosse dont est cas, qu'il a pris connaissance du contrat à la grosse-dessus, et qu'il s'engage solidairement à en remplir toutes les conditions; - Considérant, en droit, que cet engagement solidaire constitue contre le sieur Bagault une obligation personne à laquelle il s'est volontairement soumia;

Donne défaut contre le sieur Bugault...;- Le condamne, par voie so lidaire, à payer à l'appelant la totalité de l'acte de grosse dont il s'agit, sauf son recours; A l'égard des autres parties, ordonne que le jugement dont est appel sortira son plein et entier effet, etc. »

Du 25 juill 4851.-C. de Rennes, 4re ch.-M. Denis Duporzon, pr.

de la cargaison, et de payer les loyers de l'équipage, ainsi que les frais occasionnés par le sinistre (Rouen, 29 déc. 1831, aff. Heurtault, V. no 449).

452. Pour la validité d'un emprunt à la grosse contracté par le capitaine, il n'est pas exigé que la nécessité de l'emprunt ait été réconnue par délibération de l'équipage; il suffit que la nécessité du radoub ou des achats de victuailles ait été constatée par un procès-verbal signé des principaux de l'équipage (Rouen, 29 déc. 1831, aff. Heurtault, V. no 449).

453. La circonstance que le propriétaire du navire aurait formellement interdit au capitaine d'emprunter à la grosse, n'empêcherait point que le prêteur qui aurait ignoré cette prohibition, n'eût action contre le propriétaire, si d'ailleurs les formalités requises par l'art. 234 avaient été remplies (arg. de la loi 1, §5, f., De exercit. act. (Delvincourt, loc. cit.; Boulay-Paty, t. 2, p. 74).-V. plus haut, nos 363 et suiv., 473.

454. Alors même que le prêt aurait été effectué dans un lieu où l'emploi ne pouvait en être fait, il suffit que cet emploi pût être fait dans un autre lieu, et que les formalités prescrites aient été observées, pour que le prêteur de bonne foi ait action contre le propriétaire (Boulay-Paty, t. 2, p. 74). De même, celui qui a prêté au capitaine plus qu'il n'était nécessaire pour les besoins du navire, a néanmoins action contre les propriétaires, même pour cet excédant, pourvu que l'excédant dont il s'agit ne fasse pas, par sa quotité, présumer une collusion (mérig., Contr. à la grosse, chap. 4, sect. 8, § 2; Boulay, loc. cit.).

455. L'armateur assigné en remboursement d'un prêt à la

(1) Espèce: (Chicallat C. Levavasseur.) Le 11 nov. 1830, le Lavire la Providence, capitaine Bacon, part de Cette avec un chargement de vins pour le Havre et Rouen. Le 8 décembre, il est forcé de relâcher à Alméric pour réparer une voie d'eau, réparation qui fut faite au moyen d'un emprunt de 9,000 réaux. Forcé de relâcher ensuite à Malaga, le capitaine s'y fait autoriser par le consul de France à emprunter les sommes nécessaires pour mettre le navire en état de continuer sa route.

Ces sommes étant très-considérables, l'armateur Chicallat invita par plusieurs lettres son capitaine à faire déclarer le navire en état d'innavigabilité relative. Celui-ci, toutefois, ayant trouvé à emprunter, fit réparer le navire et arriva au Havre le 15 juill. 1831. Levavasseur, commettant de la maison Reins, de Malaga, qui avait fait, par son ordre et pour son compte, le prêt à la grosse, assigne Bacon devant le tribunal du Havre.-19 nov. 1851, jugement qui condamne ce dernier au payement de 42,461 fr. 51 c., montant du prêt et intérêts maritimes, ensemble aux intérêts de terre courus depuis l'arrivée du navire au Havre. - 21 novembre, saisie du navire, dont Chicallat fait l'abandon aussitôt qu'il est instruit des poursuites (c. com. 216).

Nonobstant cet abandon, Levavasseur assigne Chicallat devant le tribunal de commerce du Havre, pour entendre prononcer contre lui la commune exécution du jugement du 19 novembre. Déclinatoire de Chicallat, et, le 14 avril 1852, jugement qui l'accueille :-« Attendu qu'il est de règle que le défendeur soit, en matière personnelle, assigné devant le juge de son domicile; Attendu que, si le législateur a cru devoir, en matière commerciale, apposer quelques modifications à ce principe général, il faut, pour être admis à les invoquer, se trouver dans l'un des cas expressément prévus par la loi; — Attendu que la lettre de grosse, souscrite par Bacon cadet, capitaine du navire la Providence, était payable au Havre; - Attendu que Levavasseur, qui en était porteur lors de l'échéance, a assigné en payement Bacon cadet devant ce tribupal, et qu'il a obtenu condamnation; - Attendu que, si, comme l'articule Levavasseur, cette condamnation prononcée contre le capitaine de la Providence, était censée l'être contre l'armateur lui-même, l'action actuelle n'aurait évidemment d'autre but que de faire décider par ce tribunal comment devrait s'exécuter son jugement du 19 nov. dernier ; Attendu qu'aux termes de l'art. 442 c. pr., les tribunaux de commerce ne connaissent pas de l'exécution de leurs jugements; - Attendu, enfin, que si le sieur Levavasseur, qui a déjà obtenu condamnation pour le payement de la lettre de grosse, contre celui qui l'a souscrite, base sur l'art. 216 c. com. sa demande actuelle, il s'agit alors uniquement de l'exercice d'une action en responsabilité, et, conséquemment, d'une action principale dont l'art. 59 c. pr. n'attribue la connaissance qu'au juge du domicile du défendeur.>>

Appel de Levavasseur, et, le 26 juill. 1832, arrêt infirmatif de la cour de Rouen qui condamne Chicallat à payer, par corps, à Levavasseur, le montant de sa demande : « Attendu que, d'après l'art. 420 c. pr., le demandeur peut assigner le défendeur devant le tribunal dans l'arrondissement duquel le payement doit être fait;-Attendu que la lettre de grosse souscrite par le capitaine Bacon était stipulee payable au Havre, et que, dès lors, le sieur Levavasseur a pu assigner le sieur Chicallat devant le tribunal de commerce du Havre, pour le faire condamner au payement de

grosse contracté par le capitaine, est justiciable du même tribunal que ce dernier, et peut, dès lors, comme celui-ci, être assigné devant le juge du lieu où le prêt devait être remboursé (Req., 14 mai 1833) (1).

456. Le capitaine peut mettre en gage ou vendre des marchandises, soit qu'elles appartiennent à l'armateur, soit qu'elles appartiennent à d'autres chargeurs, la loi ne distingue pas. Le tribunal de commerce de Marseille demandait que cela fût exprimé; mais la généralité des termes de la loi suffit pour écarter toute incertitude. Toutefois, le capitaine, obligé de vendre des marchandises, doit vendre celles de l'armateur, s'il peut le faire facilement, de préférence à celles des affréteurs (Conf. Pothier, Charte-partie, no33).

457. A la différence de l'ordonnance de 1681, la loi nouvelle n'a pas autorisé le capitaine à mettre des apparaux en gage pour emprunter, dans la crainte qu'il n'abusât de cette faculté et ne compromît le salut du navire (Locré, t. 3, p. 115).

458. Dans le projet, on avait ajouté à la disposition finale de l'art. 234 que les propriétaires sont débiteurs des sommes empruntées. — Le tribunal de commerce de Marseille fit observer que les sommes prêtées durant le cours du voyage ne doivent avoir d'autre garantie que la valeur du navire, des marchandises appartenant aux propriétaires, et du fret acquis, et que, dès lors, il convenait de retrancher une disposition d'après laquelle le préteur pourrait se croire en droit d'exercer ses poursuites sur les autres biens des propriétaires. La disposition a été en conséquence supprimée.

cette lettre de grosse; Attendu que le sieur Levavasseur, qui avait deux débiteurs, le capitaine souscripteur de la lettre de grosse, et le sieur Chicallat, que représentait le capitaine, a pu les assigner devant le même tribunal pour les faire condamner tous deux au payement de la somme réclamée, ce qui écarte le moyen tiré de l'art. 442 c. pr., aux termes duquel les tribunaux de commerce ne peuvent connaître l'exécution de leurs jugements; que le but de l'action du sieur Lavavasseur a été d'obtenir, ainsi qu'il en avait le droit, condamnation, tout à la fois, et contre le capitaine et contre l'armateur, qui n'avait pas été personnellement condamné par le premier jugement, et que ce droit ne pouvait lui être refusé, en déclarant son action incompétemment portée devant le tribunal de commerce du Havre; Au fond: - Attendu que le fond de la contestation est en état de recevoir jugement, et vu l'art. 473 c. pr.; - Attenda que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par son mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné (c. civ. 1998); que ce n'est que dans le cas d'une responsabilité civile que l'abandon du navire et du fret met l'armateur à l'abri de toutes poursuites (c. com. 216); qu'il résulte de l'art. 254 c. com., qui se rapporte à l'art. 1998 c. civ., que l'armateur n'est pas civilement responsable, mais débiteur direct et personnel; - Attendu encore que le sieur Chicallat á connu tous les événements qui ont eu lieu à Alméric ainsi qu'à Malaga, et qu'il a fait lui-même les démarches nécessaires pour se procurer un prêt à la grosse; que le capitaine Bacon n'a point excédé les limites de son mandat; Attendu enfin, que le sieur Chicallat ne peut conserver dans ses mains la valeur du navire qu'il a touchée des assureurs, et s'affranchir du payement de la lettre de grosse.»

[ocr errors]

Pourvoi de Chicallat. -1° Violation des art. 59 et 442 c. pr., et fausse application de l'art. 420 du même code, en ce que la cour de Rouen a décidé que le tribunal de commerce du Havre était compétent; -2° Violation de l'art. 216 c. com. et fausse application de l'art. 1998 c. civ., en ce que l'arrêt a jugé que l'art. 216 ne reçoit son application que dans le cas de faute du capitaine, et non en cas d'emprunts à la grosse fait par ce dernier dans le cours du voyage. Arrêt.

-

[ocr errors]

LA COUR; Vu les art. 1998, 2092 c. civ. 216, 254 et 298 c. com.; -Attendu que le capitaine d'un navire, empruntant dans les cas prévus par l'art. 254 c. com., et avec les formes exigées tant par cet article que par l'art. 311, agit dans les termes de son mandat et oblige directement et personnellement les propriétaires; qu'aucune disposition du code de commerce n'a dérogé à l'art. 2092 c. civ., et que l'art. 216 c. com., se référant à l'art. 1584 c. civ., s'applique seulement aux faits du capitaine dont la responsabilité pèse sur le propriétaire du navire, ce qui n'est pas l'espèce de la cause; Attendu que, dans l'espèce, il s'agit d'un emprunt fait dans l'un des cas et dans les termes de l'art. 234 c. com.; que, dès lors, le sieur Chicallat était tenu de payer comme le capitaine lui-même, et soumis à la même juridiction, le capitaine pouvant, pour ses emprunts, souscrire des effets de commerce negociables, ainsi que cela résulte de l'art. 313 c. com.; d'où il résulte que, sous le rapport de la compétence comme sous le rapport du fond, loin de violer les lois relatives à la matière, la cour royale de Rouen en a fait une juste application; Rejette, etc.

Du 14 mai 1855.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Mestadier,rap.

459. Les propriétaires, ou le capitaine, qui les représente, doivent tenir compte des marchandises vendues, non sur le pied de la vente, qui peut être faite à vil prix, mais d'après le cours des marchandises de même nature et qualité, dans le lieu de la décharge du navire à l'époque de son arrivée (c. com. 234), sous la déduction toutefois du fret (c. com. 298), car il est de toute justice que celui à qui on paye ses marchandises vendues en cours de voyage au prix qu'il en aurait retiré si elles étaient arrivées à destination, paye à son tour le fret entier de ces marchandises.

460. Le chargeur dont la marchandise a été vendue en cours de voyage à un prix supérieur à leur valeur au lieu de l'arrivée, peut exiger du capitaine le bénéfice provenant de la vente. C'est du moins ce qu'a jugé le tribunal de commerce de Marseille, le 24 avr. 1834, aff. Ewalds.

461. Si le navire se perd postérieurement à la vente, il n'est tenu compte des marchandises que sur le pied qu'elles ont été rendues, déduction également faite du fret, à proportion de ce que le voyage était avancé lors de la vente (c. com. 298).

462. Il a paru convenable de laisser aux chargeurs la faculté de soustraire leurs marchandises, sous certaines conditions, à la vente ou à la mise en gage nécessaires pour subvenir aux dépenses imprévues du navire. De là la disposition suivante ajoutée à l'art. 234 par la loi de 1841 : « l'affréteur unique ou les chargeurs divers, qui seront tous d'accord, pourront s'opposer à la vente ou à la mise en gage de leurs marchandises, en les déchargeant et en payant le fret en proportion de ce que le voyage est avancé. A défaut du consentement d'une partie des chargeurs, celui qui voudra user de la faculté de déchargement sera tenu du fret entier sur ses marchandises. >>

[ocr errors]

463. Défense d'emprunter sans nécessité sur corps ou faculté. - Le capitaine qui a, sans nécessité, pris de l'argent sur le corps, avitaillement ou équipement du navire, engagé ou vendu des marchandises ou des victuailles, ou qui a employé dans ses comptes des avaries et des dépenses supposées, est responsable envers l'armement, et personnellement tenu du remboursement de l'argent ou du payement des objets, sans préjudice de la poursuite criminelle (ou correctionnelle), s'il y a lieu (c. com. 236), c'est-à-dire si le fait dégénère en faux, en vol, etc. (Conf. ord. 1681, tit. du cap., art. 20).

son ne concerne que le capitaine chargé de la gestion (laquelle, comme on l'a déjà dit, est quelquefois déférée à un subrecargue on gérant particulier), tandis que l'obligation de lui faire connaître les sommes empruntées à la grosse concerne tous les capitaines, puisqu'ils peuvent tous emprunter à la grosse pour les besoins du navire. Le capitaine est tenu d'appuyer de pièces justificatives chaque article du compte qu'il adresse à l'armateur; sinon celui-ci serait en droit de lui dénier l'article non justifié.— Lorsque la gestion est confiée à un subrécargue, ou lorsque la cargaison de retour est achetée par un commissionnaire ou représentant de l'armateur, c'est à ce représentant à faire l'envoi prescrit par l'art. 255. Lorsque le chargement est fait par le propriétaire ou armateur lui-même, c'est à lui à en dresser la facture générale, dont il se fait donner alors une reconnaissance par le capitaine (Boulay-Paty, t. 2, p. 79).

468. Defense de vendre le navire sans un pouvoir spécial. - Hors le cas d'innavigabilité légalement constatée, le capitaine ne peut, à peine de nullité de la vente, vendre le navire sans un pouvoir spécial des propriétaires (c. com. 237; disposit. analologues jugements d'Oléron, art. 1; ordon. de Wisby, art. 13 et 15; ordon. de la Hanse teutonique, art. 57; ordon. de 1681, tit. du cap., art. 19).—Le projet portait, conformément à l'art. 19 de l'ordonnance, qu'en aucun cas, le capitaine ne pourrait vendre le navire de sa propre autorité. Mais on fit observer qu'il était de l'intérêt du commerce maritime d'autoriser les capitaines à vendre le navire, soit dans le cas où ayant fait naufrage, il ne pourrait être relevé, soit dans le cas où, il aurait éprouvé des avaries telles qu'on ne pourrait le réparer sans qu'il en coûtât sa valeur et au delà; sinon, on mettrait les capitaines dans la nécessité ou de laisser périr des débris dont on pourrait tirer parti par une vente, ou d'entreprendre des radoubs ruineux.-On a fait droit à ces observations en substituant aux mots en aucun cas, ceux-ci hors le cas d'innavigabilité, etc.

469. L'innavigabilité consiste dans la dégradation irrémédiable de quelqu'une des parties essentielles d'un navire, dégradation par suite de laquelle il est hors d'état de naviguer. — Il faut, pour l'application de l'art. 237, que l'innavigabilité soit constatée légalement, c'est-à-dire par un procès-verbal régulier dressé par d'anciens navigateurs experts nommés par les juges du lieu, conformément aux dispositions du tit. 3 de la loi du 13 août 1791.

470. C'est sur ce procès-verbal, signé d'ailleurs du capi

464. Autrefois, le capitaine coupable d'avoir, sans nécessité, emprunté des deniers, vendu des marchandises, devait, indépendamment des effets de sa responsabilité civile, être, dans tous les cas, déclaré indigne de commander un navire et banni du port❘taine et des principaux de l'équipage, que la condamnation et la de sa demeure ordinaire. Le code a justement admis un système de répression moins rigoureux, en n'exigeant de poursuites au criminel que s'il y a lieu, c'est-à-dire si les circonstances du fait ne sont pas de nature à lui faire perdre tout caractère de criminalité. Au surplus, toutes les condamnations pécuniaires que le capitaine peut encourir au civil ou au criminel, emportent la contrainte par corps.

465. Il y a présomption légale que le capitaine a fait les emprunts, engagé ou vendu des marchandises, sans nécessité, s'il n'a pas dressé un procès-verbal régulier des besoins du navire, s'il n'a pas obtenu l'autorisation et rempli les formalités prescrites par les art. 234 et 235 : c'est à lui de prouver l'absence de fraude (Boulay-Paty, t. 2, p. 65; Dageville, t. 2, p. 231).

466. Obligation d'adresser à qui de droit, avant le voyage de retour, l'etat du chargement.-Le capitaine, avant son départ d'un port étranger ou des colonies françaises, pour revenir en France, est tenu d'envoyer à ses propriétaires ou à leurs fondés de pouvoirs, un compte signé de lui, contenant l'état de son chargement, le prix des marchandises de sa cargaison, les sommes par lui empruntées, les noms et demeures des prêteurs (c. com. 253. Anal. ord. de la Hanse teutonique, art. 6; ord. de 1681, tit. du cap., art. 30). Cette mesure a pour objet, soit de faire connaître aux propiétaires, en cas de perte du navire dans la traversée, de quoi se composait le chargement, soit d'empêcher qu'on ne puisse, à leur préjudice, substituer, pendant le voyage, aux marchandises qui avaient été chargées, des marchandises d'une moindre valeur, soit de mettre les personnes intéressées, ainsi avertiesà l'avance de l'arrivée du bâtiment, à même de préparer les opérations qu'elles jugeront opportunes.

--

vente du navire sont prononcées soit par le tribunal de commerce, soit à l'étranger, par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat du lieu où est survenue l'innavigabilité (Boulay-Paty, t. 2, p. 88). Cependant l'abandon du navire peut être valablement fait par le capitaine, sans la constatation préalable et légale d'innavigabilité, selon le mode prescrit par l'art. 257 c. com., lorsqu'il y a eu impossibilité de recourir à ce moyen (Req., 14 mai 1854, aff. Fieffe, V. n° 2087). Sur les questions qui se rattachent aux sinistres de mer, la distance des lieux, les ressources du pays, la nature des événements, doivent éminemment influer sur le caractère et sur les effets des preuves qui, dans ces cas, ne sauraient être soumises par la loi à des conditions rigoureuses et précises; et spécialement, en l'absence du livre de bord, perdu dans une catastrophe dont le capitaine a été la victime, des lettres de ce capitaine et de son lieutenant, de simples procès-verbaux et interrogatoires peuvent suffire à prouver l'existence d'une délibération de l'équipage sur le délaissement du navire (même arrêt).

Il est sans difficulté que la vente d'un navire pour cause d'innavigabilité peut être provoquée par le propriétaire présent sur les lieux aussi bien que par le capitaine (trib. de com. de Marseille, 14 mars 1854, aff. Rostard-Vidal).

471. La vente faite par le capitaine, dans le cas même d'innavigabilité, ne doit, suivant M. Dageville, t. 2, p. 236, avoir lieu qu'aux enchères publiques, afin d'écarter toute possibilité de collusion. Mais bien que ce mode de vente soit le plus convenable, le capitaine n'encourrait, ce semble, aucun reproche en vendant de toute autre manière, pourvu que ce fût sans fraud. 472. La vente du navire faite par le capitaine, sans pol167. L'obligation de donner à l'armateur l'état de la cargai- voir spécial, hors le cas d'innavigabilité, est frappée de null;

« PreviousContinue »