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8. Les anciens militaires nés dans les provinces détachées de la France, et qui, non compris dans la formation nouvelle de notre armée, ont été ou seront désignés pour la solde de retraite ou le traitement de réforme, pourront y être admis comme les militaires français, si, au 1er mars 1815, ils se trouvaient en activité à notre service, ou domiciliés dans une commnne faisant aujourd'hui partie de notre royaume, et sous la condition aussi de se pourvoir de lettres de naturalisation.

9. Ceux qui, n'ayant pas de titres suffisants pour obtenir une solde de retraite ou un traitement de réforme, ont été ou seront, à la même organisation, reconnus susceptibles de l'indemnité ou de la gratification qu'obtiennent dans la même position les militaires français, pourront la recevoir, comme ces derniers, dans le lieu de leur domicile en France, sur le simple certificat de leur présence à ce domicile, sans être tenus de se faire naturaliser.

10. Les anciens militaires étrangers qui auraient été admissibles aux raitements et récompenses ci-dessus déterminés, en remplissant la condiion de se fixer en France, et qui préféreront retourner dans leur pays natal, seront dirigés, avec l'indemnité de route, et s'il y a lieu, avec les moyens de transport sur les cantonnements occupés à la frontière de France par les troupes du souverain dont ils sont sujets. Ils y seront remis à la disposition du commandant de ces troupes, duquel ils pourront recevoir la direction ultérieure qu'il jugera la plus convenable, avec les facilités nécessaires pour continuer leur voyage hors du territoire français.

11. Les militaires après la réorganisation de notre armée, auront été conservés à notre service, et les étrangers qui, à l'avenir, seront admis dans nos troupes, auront droit aux récompensés comme les militaires français, en obtenant des lettres de naturalisation, dans les cas où elles sont exigées par les dispositions ci-dessus.

es hors du territoire actuel du royaume, qui,

12. Les étrangers naturalisés ne jouiront de leurs soldes de retraite ou de réforme, qu'autant qu'ils conserveront leur domicile réel dans notre royaume, et qu'ils y supporteront les charges communes à nos sujets; ils cesseront d'y avoir droit s'ils résident hors de France sans en avoir obtenu de nous la permission, conformément à ce qui est préscrit pour les militaires français par l'art. 16 de notre ordonnance du 27 août 1814.

13. Les Suisses qui auront servi en France dans les régiments auxiliaires de leur nation, en vertu des capitulations militaires existant entre les deux gouvernements, pourront, à leur choix, jouir de la solde de retraite et des autres récompenses dans notre royaume, sans être tenus de s'y faire naturaliser, ou dans leur pays, sans avoir besoin de la permission mentionnée dans l'article précédent.

Mais, dans ce dernier cas, ils cessent d'avoir droit à leur solde de retraite ou de réforme, s'ils passent án service d'un gouvernement autre que celui de leur canton; de même que, dans tous les autres cas qui peuvent leur être communs avec les militaires français, ils en sont privés par les circonstances qui la font perdre à ceux-ci.

14. Nos anciens sujets nés dans les communes qui faisaient partie de notre royaume avant 1790, et qui en ont été ou en seront détachées par la nouvelle démarcation des frontières, ne cesseront pas d'avoir droit a leur solde de retraite ou de réforme sur notre trésor royal, si, dans l'année qui aura suivi la remise du lieu de leur naissance à une puissance étrangère, ils ont transféré leur domicile dans la partie de leur département restée à la France, ou dans tout autre département du royaume; leur payement sera continué en France à compter du premier jour du trimestre dans lequel ils auront déclaré, devant le maire du lieu de leur nouveau domicile, leur intention de se fixer sur le territoire actuel de la France.

15. Seront seuls exempts de l'obligation de produire des lettres de naturalisation : 1° les militaires qui se trouveront dans le cas prévu par l'article précédent; 2° les militaires suisses qui profiteront de la faculté qui leur est accordée par l'art. 13; 3° les militaires nés d'un Français en pays étrangers, et qui seront en jouissance des droits civils attachés à la qualité de Français.

Dans toute autre position, les militaires nés hors du territoire actuel du royaume seront tenus, quel que soit le pays de leur naissance, de se faire naturaliser Français pour jouir de la solde de retraite ou de traitement de réforme, à moins qu'ils n'en aient été dispensés par une décision spéciale de notre part.

16. Les individus nés Français qui ont anciennement servi dans les armées étrangères, et qui, avant le traité du 30 mai 1814, jouissaient, sur le territoire actuel de notre royaume, de soldes de retraite ou de réforme anciennement obtenues en Piémont, en Hollande ou dans d'autres pays à la réunion desquels elles avaient passé à la charge de la France, continueront à recevoir les mêmes soldes sur le pied de l'inscription qui en avait eu lieu en France avant le traité du 30 mai 1814, pourvu toutefois qu'ils soient restés en France, qu'ils y aient fixé leur domicile, et qu'ils soient portés sur les rôles des contributions.

17. Dans tous les cas où les militaires jouissant de la solde de retraite ou du traitement de réforme sont tenus de représenter leur acte de naissance, les étrangers assujettis à se faire naturaliser devront représenter en même temps leurs lettres de naturalisation.

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18. Afin que le délai nécessaire à l'expédition des lettres de naturalisation ne porte aucun préjudice au payement des militaires qui se seront

mis en règle pour les obtenir, elles pourront être provisoirement remplacées :

1° Pour les soldes de retraite de 3,000 fr. et au-dessus, inscrites au livre des pensions de notre trésor royal, par un certificat du ministère de la justice, constatant le dépôt de toutes les pièces exigibles et l'époque présumée de l'expédition des lettres;

2° Pour les soldes de retraite ou de réforme payées sur les fonds du ministère de la guerre, par un certificat du commissaire-ordonnateur de la division militaire où le pensionnaire a son domicile, constatant la date de l'envoi à notre ministre secrétaire d'État au département de la guerre, de la demande et des pièces relatives à la naturalisation,

Ces certificats vaudront jusqu'à l'obtention des lettres de déclaration de naturalité, ou jusqu'à décision contraire.

19. L'acte de naturalisation et les certificats qui en tiendront lieu provisoirement ne seront admis, pour le payement des militaires étrangers qui avaient pris domicile dans les communes détachées de la France par le traité du 20 nov. 1815, qu'autant qu'ils seront revêtus de la nouvelle déclaration prescrite par l'art. 3 ci-dessus, et dont un double aura été envoyé au ministre compétent, pour être annexé à la première demande en naturalisation.

20. La présentation de l'acte de naturalisation ou du certificat provisoire qui en tiendra lieu sera énoncée dans les certificats de vie.

29 oct. 1817.- Ordonnance du roi qui accorde un délai de six mois aux officiers étrangers en possession de la demi-solde pour réclamer des lettres de naturalité.

Art. 1. Il est accordé un délai de six mois, à compter de la promulgation légale de la présente ordonnance, aux officiers étrangers présentement en possession de la demi-solde, pour réclamer, et, s'il y a lieu, obtenir des lettres portant déclaration de naturalité.

2. Ceux de ces officiers qui, à l'expiration dudit délai de six mois, ne pourraient justifier de leur naturalisation, cesseront de toucher la demisolde, et seront immédiatement rayés du contrôle des officiers en non-activité au service de France.

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2 août 1818. - Ordonnance suivant laquelle nul étranger ne peut commander les garnisons (art. 241 et 242, V. Organ. milit.).

14-17 juill, 1819. Loi relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction.-V. Succession.

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13 juill, 1820. Ordonnance du roi qui impose aux veuves de militaires étrangers séjournant hors de France, la retenue d'un tiers sur leurs pensions.-V. Pensions.

21 nov. 1827. — Grandes lettres de naturalisation pour le prince de Hohenlobe-Barteinstein, maréchal de France (contre-signées comte de Peyronnet).

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il nous

CHARLES, etc.; Notre bien aimé cousin le prince de HobenloheBarteinstein (Louis-Aloys-Joachim François-Xaxier-Antoine), maréchal le de France, chevalier commandeur de nos ordres, né a Barteinstein, 18 août 1765, nous ayant exposé que son pays natal n'ayant jamais été réuni à la France, il pourrait être, à son grand regret, considéré comme d'honorables étranger dans notre royaume, quoiqu'il y soit attaché par services dans nos armées; que son vou le plus ardent étant de continuer à faire sa résidence en France et de nous donner des preuves dé sa fidélité et de son dévouement à notre personne; que, d'ailleurs', d'après les dispositions de l'ordonnance royale du 4 juin 1814, des lettres de naturálisation lui sont nécessaires pour jouir de la faveur insigne que nous avons daigne lui accorder en l'élevant à la dignité de pair du royaume, que nous lui supplie de vouloir bien ajouter cette nouvelle faveur à celles avons déjà faites en le nommant maréchal de France, et en l'élevant à la de notre grâce dignité de pair du royaume. A ces causes, voulant traiter favorablement l'exposant, spéciale, pleine puissance et autorité royale, vu que nous n'avons rien tant à cœur que de faire éprouver les effets de notre munificence royale aux chefs militaires qui se sont signalés par leur valeur et par leur fidélité; que le prince de Hohenlohe a mérité d'être placé dans cette classe honorable par ses longs services et par le dévouement qu'il a montré pour notre personne; nous avons dit et déclaré, disons et déclarons par ces présentes signées de notre main, voulons et nous plaît que ledit prince de Hohenlobe-Barteinstein soit tenu et réputé, ainsi que nous le tenons et réputons pour notre naturel sujet et regnicole, qu'il puisse et qu'il lui soit loisible de demeurer et s'établir dans tel lieu de notre royaume qu'il désirera, jouir des priviléges, franchises, libertés, droits civils, et politiques dont jouissent nos vrais et originaires sujets, et de celui de sieger dans la chambre des pairs, tout ainsi que si ledit exposant était originaire de notre royaume, sans qu'au moyen des lois, ordonnances et règlements d'icelui, il lui soit fait aucun empêchement dans la pleine et libre jouissance des droits et priviléges qu'il nous plaît de lui accorder, l'ayant, quant à ce, dispensé et babilité, dispensons et habilitons, à la charge de fixer pour toujours son domicile dans notre royaume.

Ordonnons que les présentes, signées de notre main, seront adressées à la chambre des pairs et à celle des députés, pour être vérifiées et être ensuite sur ce toutes lettres nécessaires expédiées.

11-12 sept 1830.— Loi portant que les Français bannis en exé

cution des art. 3 et 7 de la loi du 12 janv. 1816 sont réintégrés dans tous leurs droits civils et politiques, et peuvent, en conséquence, rentrer en France.

Art. 1. Les Français bannis en exécution des art. 3 et 7 de la loi du 12 janv. 1816 (V. Amnistie, p. 512) sont réintégrés dans tous leurs droits civils et politiques, et peuvent, en conséquence, rentrer en France. Ils sont aussi réintégrés dans les biens et pensions dont ils auraient été privés par suite de ladite loi, sans préjudice des droits acquis à des tiers. Cette dernière disposition est applicable à ceux qui seraient déjà rentrés en France en vertu de décisions particulières.

2. Néanmoins les pensions dont le rétablissement est ordonné par le précédent article, ne commenceront à courir que du jour de la publication de la présente loi.

3. Il n'est pas dérogé aux dispositions contenues dans l'art. 4 de la loi précitée.

30 août-9 sept. 1837.- Ordonnance du roi qui détermine la forme dans laquelle seront intentées et suivies les instances ayant pour objet de faire prononcer, par jugement, contre un officier, la perte de sa qualité de Français.

LOUIS-PHILIPPE, etc.; Sur le rapport du comité de législation et de justice administrative; - Vu l'art. 1, § 2, de la loi du 19 mai 1834 sur l'état des officiers, qui fait résulter la perte du grade de la perte de la qualité de Français prononcée par jugement; - Vu l'art. 46 de la loi du 20 avril 1810, qui détermine les attributions générales du ministère public; - Voulant pourvoir à l'exécution dudit art. 1, § 2, de la loi du 19 mai 1834, en déterminant dans quelle forme l'autorité judiciaire sera appelée à rendre les décisions prévues par ledit article; - Notre conseil d'Etat entendu, Nous avons ordonné, etc.

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Art. 1. Les instances qui auront pour objet de faire prononcer, par jugement, contre un officier, la perte de sa qualité de Français, seront intentées et suivies, à la requête de nos procureurs près les tribunaux, dans la forme ordinaire des instances poursuivies d'office par le ministère public. Pour l'exécution de cette disposition, notre ministre de la guerre transmettra les pièces relatives aux instances à introduire à notre garde des sceaux, qui ordonnera les poursuites.

28-31 mars 1848. Décret relatif à la naturalisation des étrangers (D. P. 48. 4. 61).-V. n° 109.

19-22 avril 1848. — Arrêté relatif aux demandes de naturalisation (D. P. 48. 4. 73).

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de dire que, par cela même qu'un droit civil ne peut s'exercer par un représentant, la jouissance de ce droit ne diffère pas de son exercice et que, dès lors, la distinction précitée devient purement nominale? Nous ne le pensons pas de ce que le droit d'être témoin dans un procès, de se marier, de voter, etc., ne peut être délégué à un mandataire, ce droit ne subsiste pas moins, et celui qui en est investi ne cesse pas d'être réputé en avoir la jouissance. C'est là, au surplus, ce que M. Demolombe ne contesterait certainement point.

62. Les droits civils, dont la définition se trouve plus haut, no 1, diffèrent des droits politiques par leur objet et par les personnes auxquelles ils s'appliquent. Les uns règlent les relations des particuliers entre eux, et appartiennent à tous les Français, même en certain cas aux étrangers non naturalisés. Les autres consistent dans la faculté de concourir, soit à l'établissement, soit à l'exercice de la puissance ou des fonctions publiques, et ne sont attribués qu'à un certain nombre de Français. -V. Droit constit. et Droit politique.

63. « L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle» (c. civ. 7). — Ainsi, à la différence des droits civils qui appartiennent à tous les Français, suivant ce que nous expliquerons bientôt, les droits politiques ne sont l'apanage que des citoyens. D'où cette première conséquence que les femmes et les mineurs ne participent pas aux droits politiques, tandis qu'ils ont l'attribution des droits civils. Mais nous n'anticiperons pas ici sur ce que nous aurons à dire dans notre Traité des droits politiques, où se trouveront naturellement placés tous les développements que demande l'art. 7. 64. Tout Français jouit des droits civils, aux termes de l'art. 8. Par cela même qu'on est Français, qu'on soit citoyen ou

22-23 mars 1849.-Loi qui modifie l'art. 9 c. civ. (D. P. 49. 4. 72). | qu'on ne le soit pas, homme ou femme, peu importe; on a la -V. plus bas, no 130.

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3-11 déc. 1849. Loi sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France (D. P. 49. 4. 171).—V. n° 109.

TIT. 2.

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DE LA JOUISSANCE DES DROITS CIVILS. 61. Avoir la jouissance d'un droit, c'est participer à ses avantages, en être investi, être apte à en profiter, qu'on en fasse usage par soi-même et personnellement, ou par un représentant. Toutes les fois que celui auquel la loi accorde la jouissance d'un droit est en même temps reconnu par elle capable de mettre ce droit en pratique et par l'effet de sa seule volonté, cette personne joint à son aptitude de jouir du droit en question celle de le mettre en exercice. Elle a non-seulement la jouissance de ce droit, mais encore l'exercice, deux choses essentiellement distinctes et qui ne doivent pas plus être confondues que la propriété, qui appartient au maître et l'usage qui peut appartenir à un tiers non-propriétaire. Ainsi, en ce qui concerne les droits civils, l'art.7 du code reconnaît à tout Français le droit d'en jouir, que ce soit un anajeur ou un mineur, un homme ou une femme; et, quand le législateur arrive à l'application du principe qu'il a ainsi posé, nous e voyons permettre aux uns de faire valoir par eux-mêmes les livers droits civils dont il s'occupe, tandis qu'il n'accorde pas ce bénéfice à d'autres (les mineurs, les interdits, les femmes mariées dans certains cas). — Et cette distinction n'est pas une vaine fiction théorique dont la doctrine seule ait à tenir compte: elle est, au contraire, basée sur les motifs les plus sensés.

La jouissance et l'exercice d'un droit sont donc deux choses parfaitement distinctes: c'est ce que tout le monde reconnaît, ce que le législateur a proclamé lui-même et ce que la raison demandait hautement. Mais suivant quelques auteurs (notamment M. Demolombe, Cours du code civil, t. 1, no 139), cette distinclion, quoique vraie, ne saurait s'appliquer à tous les droits civils, et même c'est, suivant cet auteur, à l'égard des plus précieux peut-être et des plus importants de ces droits qu'elle se trouve en défaut. Ainsi, la faculté de tester, la faculté de se marier sont

Jouissance des droits civils, pourvu, bien entendu, qu'on n'en ait pas été privé par suite d'une condamnation judiciaire. Certaines personnes joignent à cette jouissance l'exercice des droits civils qu'ils peuvent faire valoir par eux-mêmes et mettre en usage par l'effet seul de leur volonté tels sont les Français mâles et majeurs et les Françaises non mariées, âgées de vingt et un ans accomplis. D'autres sont, au contraire, inhabiles à exercer les droits civils dont la loi leur garantit la jouissance; ils reçoivent le nom générique d'incapables : ce sont les mineurs, les interdits et les femmes mariées. La loi a confié à un tuteur l'exercice de la plupart des droits civils attribués aux mineurs et aux interdits, et au mari l'exercice des droits de la femme. Mais la jouissance des droits civils n'est pas exclusivement accordée aux Français; elle peut aussi, en certains cas, être dévolue aux étrangers. Tels sont, notamment, les cas prévus par les art. 11 et 13 c. civ. et par la loi du 14 juill. 1819.

65. Puisque, d'après l'art. 8, la qualité de Français suffit pour conférer la jouissance des droits civils, nous avons à rechercher quelles sont les personnes auxquelles la loi donne cette qualité de Français. Et, d'un autre côté, puisque les étrangers ne sont pas absolument incapables des droits civils, nous avons à étudier également quelle est la condition qui leur est faite dans notre droit actuel. Nous consacrerons les deux chapitres suivants à l'examen de ces deux points.

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67. La naissance en France donnait autrefois, même à l'enfant de parents étrangers, la qualité de Français. C'est ce que nous avons établi dans notre chapitre historique qui précède (V. n° 39), et c'est, au surplus, ce qui se pratique encore dans quelques législations, notamment en Angleterre, où, vant Blackstone, Comm. sur les lois 'anglaises, liv. 1, ch. 10, tout enfant né sur le sol anglais d'un étranger est considéré comme Anglais de naissance et en a tous les priviléges.- Le lieu de la naissance seul faisait donc acquérir la qualité de Français, ainsi que l'attestent Bacquet, Droit d'aubaine, ch. 39; Domat, Droit public, liv. 1, tit. 6, sect. 4, no 5; d'Aguesseau, 32 plaidoyer; Pothier, Tr. des personnes, part. 1, tit. 2, sect. 1. Il a été jugé que l'individu d'origine malabare, né dans les Indes, sur le territoire français, est habile à succéder sans lettres de naturalisation (Req., 5 juin 1828, aff. Tumerel, V. Disp. entre vifs).

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d'un étranger...,» dit l'art. 9...: « tout enfant né d'un Français, » porte l'art. 10. L'enfant, dans le sein de la mère, n'est point encore une personne, ajoute-t-on ; il ne compte pas dans la société humaine; il n'est et ne peut être membre d'aucune nation. Si quelquefois on considère comme déjà né l'enfant simplement conçu, c'est là une fiction qui ne peut être admise que dans les cas déterminés par la loi. Le texte de la loi est donc conforme à la vérité, à la nature même; il doit prévaloir sur une interprétation qui, sous prétexte de favoriser Penfant, élève une se paration de nationalité entre les père et mère et l'enfant, lui imprime une qualité avant même qu'il ait reçu l'être. — Mais cette interprétation a été rejetée, avec raison, par les meilleurs interprètes du code, notamment par M. Demolombe (t. 1, n° 151), qui n'a fait que suivre à cet égard le sentiment exprimé par Pothier en son Traité des personnes (part. 1, tit. 1, art. 4). En effet, n'est-il pas de principe que in his qui juro contracto matrimonio nascuntur, conceptionis tempus spectatur... (Ulpien, Regul., tit. 5, § 10), et n'est-il pas conforme à la nature même de ne considérer que le moment seul de la conception quand l'enfant suit la condition de son père? A quel moment un enfant peut-il se rattacher à son père si ce n'est à celui où il est conçu? En quoi est-il sous la dépendance de ce père à dater de la conception; est-ce que la maladie, la mort même de ce dernier peut avoir une influence quelconque el directe sur l'existence de l'enfant conçu de ses œuvres? Et qu'im

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68. Le code civil a dérogé à l'ancien droit à cet égard, ainsi que nous l'expliquerons bientôt, en se fondant sur ce que le hasard de l'origine qui n'est suivi d'aucun domicile, ne garantit pas assez l'attachement à la patrie natale. Il n'accorde la qualité de Français qu'à celui qui est né de parents français.-Du reste, on ne distingue plus aujourd'hui, comme autrefois, entre l'enfant né en France de parents français et celui qui serait né en pays étranger, aussi de parents français : dans les deux cas, Penfant est réputé français ipso jure. Autrefois, au contraire, suivant Bacquet (loc. cit.), toutes les fois qu'on était né sur un sol étranger on était considéré comme étranger. Mais, déjà au temps de Pothier, il n'en était plus ainsi à cet égard : « Des enfants nés dans un pays étranger, nous dit, en effet, cet auteur (loc. cit.), d'un père français qui n'a pas établi son domicile dans ce pays, ni perdu l'esprit de retour, sont aussi Français. >> Toute personne née en pays étranger de parents français est donc admise à réclamer ses droits de Français, pourvu qu'elle éta-si l'on s'en tenait au texte des art. 9 et 10, il faudrait dire que

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blisse la preuve que les auteurs dont elle est née étaient Français (c. 10). Il suffit même, quand on est issu d'un légitime mariage, de prouver qu'on est né d'un père français, puisque il est de principe qu'en mariage les enfants suivent la condition de leur père : cum legitimæ nuptiæ factæ sint patrem liberi sequuntur, dit la loi 19, au Dig., de statu hominum. - Par application de l'article 10, il a été décidé: 1° qu'un individu né à l'étranger d'un Français est réputé Français, tant qu'il n'est pas justifié que son père avait perdu sa qualité de Français, par un des modes spécifiés par la loi ; il peut par suite être juré (Crim. Rej., 25 janv. 1838 (1); 2o L'enfant né en Espagne d'un Français, est Français, bien qu'il ait pris dans son contrat de mariage la qualité d'Espagnol, et qu'il ait prêté serment à la constitution d'Espagne (Bordeaux, 14 déc. 1841) (2).

69. Mais faut-il aller jusqu'à dire que l'enfant conçu en légitime mariage est Français par cela seul que son père avait cette qualité au moment de la conception, si, d'ailleurs, il est devenu étranger au moment de la naissance? Devons-nous appliquer ici la règle du droit romain: Conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur?-Pour soutenir la négative, on se fonde sur le texte même des art. 9 et 10 c. civ., qui paraissent ne s'attacher qu'au fait de la naissance : « Tout enfant né (1) (Val C. min. publ.) LA COUR ; Attendu qu'il n'est point allégué que le chef du jury n'est pas Français, mais seulement qu'il est né en pays étranger, d'un Français qui a pu perdre sa qualité; que la qualité de Français ne pouvant se perdre, d'après l'art. 17 c. civ., que par certains actes que cet article énumère, il y a présomption que le Français résidant en pays étranger, contre lequel on n'articule aucun de ces acies, conserve sa nationalité, et que, d'après l'art. 10 du même code, tout enfant né d'un Français en pays étranger, est Français; - Rejelle. Du 25 janv. 1838.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-Vincens, rap.

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(2) (Le préfet de la Gironde C. Moti.) LA COUR; Vu les dispositions de l'art. 22 du décret du 30 mars 1808, statuant que les contestations sur l'état civil des citoyens seront portées aux audiences solennelles, et l'art. 26 de la loi du 21 mars 1832, qui décide que les réclamations en matière de recrutement relatives à l'état et aux droits civils des jeunes gens appelés par la loi, seront décidées judiciairement, et que les tribuLaux statueront sans délai : Attendu qu'il résulte de cette disposition

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| portent, peut-on ajouter, les résultats possibles de la dépendance intime dans laquelle il est vis-à-vis de sa mère, puisque nous sommes dans une hypothèse où la loi fait abstraction de cette mère pour considérer le père seul? Une observation bien simple suffit, d'ailleurs, pour rendre palpable la justesse de la solution que nous adoptons. Si le père d'un enfant conçu meurt quelques jours après la conception, tout le monde reconnaît que cet enfant légitimement conçu, nous le supposons, naîtra Français si son père était tel au moment de sa mort; et cependant,

cet enfant n'aura pas de patrie, ou plutôt qu'il aura celle de sa mère, puisqu'au moment de la naissance de l'enfant son père était sans patrie, car il n'existait plus. - Tenons-nous en donc aux principes et ne heurtons pas notre intelligence contre des termes qui ne statuent pas la question spéciale qui nous occupe, leur but étant surtout de déterminer les conséquences de la filiation, mais non de préciser le moment où la filiation doit être appréciée et caractérisée. Ainsi il a été jugé, en matière d'émigration, que les enfants nés après l'émigration de leurs père et mère sont Français si leur conception remonte à une époque antérieure à cette émigration (Caen, 3 fév. 1813, aff. Montalembert, V. Émigré, n° 77.

En conséquence, sous l'empire du code civil et avant la loi de 1819, nous aurions décidé, qu'abstraction faite de tout traité, l'enfant conçu légitimement d'un père Français, mais naturalisé en pays étranger avant la naissance de son enfant, était capable de recueillir une succession ouverte en France à son profit, car l'art. 725 de ce code appelle à une succession les parents plus proches du de cujus pourvu qu'ils fussent conçus au moment de son décès, et le fait de la naturalisation du père est entièrement étranger à l'enfant et ne saurait lui ravir un droit que la loi française lui avait attribué à lui-même directement et que la chambre doit statuer immédiatement et sans renvoi aux audiences solennelles; Attendu qu'il n'est pas contesté que le père de Saint-Jacques Moti fût Français; Attendu que suivant l'art. 10 c. civ., tout enfant né d'un Français en pays étranger est Français; que, par conséquent, la naissance de l'intimé, en Espagne, ne peut le faire considérer comme espagnol, puisque son père avait conservé la qualité de Français, nonob stant sa résidence en Espagne, Attendu que la qualité de Français, en accordant des droits, impose des devoirs auxquels le Français ne peut se soustraire par le seul effet de sa volonté; Attendu que si l'intimé a pris la qualité d'Espagnol dans son contrat de mariage, et s'il a prêté serment à la constitution d'Espagne, cette erreur, qu'il a pu commettre de bonne foi, n'a pu effacer la qualité qu'il tient de sa naissance, et le soustraire aux obligations qui en résultent, Faisant droit de l'appel interjeté par M. le préfet de la Gironde, du jugement du tribunal do première instance de Bordeaux, du 9 août 1841, émendant, déclare que Moti est Français et qu'il en a conservé la qualité.

Du 14 déc. 1841.-C. de Bordeaux, 1 ch.-M. Roullet, 1er pr.

cution des art. 3 et 7 de la loi du 12 janv. 1816 sont réintégrés dans tous leurs droits civils et politiques, et peuvent, en conséquence, rentrer en France.

Art. 1. Les Français bannis en exécution des art. 3 et 7 de la loi du 12 janv. 1816 (V. Amnistie, p. 512) sont réintégrés dans tous leurs droits civils et politiques, et peuvent, en conséquence, rentrer en France. Ils sont aussi réintégrés dans les biens et pensions dont ils auraient été privés par suite de ladite loi, sans préjudice des droits acquis à des tiers.

Cette dernière disposition est applicable à ceux qui seraient déjà rentrés en France en vertu de décisions particulières.

2. Néanmoins les pensions dont le rétablissement est ordonné par le précédent article, ne commenceront à courir que du jour de la publication de la présente loi.

3. Il n'est pas dérogé aux dispositions contenues dans l'art. 4 de la loi précitée.

30 août-9 sept. 1837.- Ordonnance du roi qui détermine la forme dans laquelle seront intentées et suivies les instances ayant pour objet de faire prononcer, par jugement, contre un officier, la perte de sa qualité de Français.

LOUIS-PHILIPPE, etc.; - Sur le rapport du comité de législation et de justice administrative; - Vu l'art. 1, § 2, de la loi du 19 mai 1834 sur P'état des officiers, qui fait résulter la perte du grade de la perte de la qnalité de Français prononcée par jugement; - Vu l'art. 46 de la loi du 20 avril 1810, qui détermine les attributions générales du ministère public; Voulant pourvoir à l'exécution dudit art. 1, § 2, de la loi du 19 mai 1834, en déterminant dans quelle forme l'autorité judiciaire sera appelée a rendre les décisions prévues par ledit article; Notre conseil d'Etat entendu, Nous avons ordonné, etc.

Art. 1. Les instances qui auront pour objet de faire prononcer, par jugement, contre un officier, la perte de sa qualité de Français, seront intentées et suivies, à la requête de nos procureurs près les tribunaux, dans la forme ordinaire des instances poursuivies d'office par le ministère public. Pour l'exécution de cette disposition, notre ministre de la guerre transmettra les pièces relatives aux instances à introduire à notre garde des sceaux, qui ordonnera les poursuites.

28-31 mars 1848. Décret relatif à la naturalisation des étrangers (D. P. 48. 4. 61).—V. n° 109.

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des droits civils à l'égard desquels on ne conçoit pas la jouissance distincte et séparée de l'exercice, car ils sont essentiellement personnels et ne sauraient s'exercer par délégation. La jouissance sans l'exercice n'est donc, ajoute M. Demolombe, qu'un droit purement nominal. Tout ceci est-il bien exact? Est-il bien vrai de dire que, par cela même qu'un droit civil ne peut s'exercer par un représentant, la jouissance de ce droit ne diffère pas de son exercice et que, dès lors, la distinction précitée devient purement nominale? - Nous ne le pensons pas de ce que le droit d'être témoin dans un procès, de se marier, de voter, etc., ne peut être délégué à un mandataire, ce droit ne subsiste pas moins, et celui qui en est investi ne cesse pas d'être réputé en avoir la jouissance. C'est là, au surplus, ce que M. Demolombe ne contesterait certainement point.

62. Les droits civils, dont la définition se trouve plus haut, no 1, diffèrent des droits politiques par leur objet et par les personnes auxquelles ils s'appliquent. — Les uns règlent les relations des particuliers entre eux, et appartiennent à tous les Français, même en certain cas aux étrangers non naturalisés. Les autres consistent dans la faculté de concourir, soit à l'établissement, soit à l'exercice de la puissance ou des fonctions publiques, et ne sont attribués qu'à un certain nombre de Français. -V. Droit constit. et Droit politique.

63. « L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle» (c. civ. 7). — Ainsi, à la différence des droits civils qui appartiennent à tous les Français, suivant ce que nous expliquerons bientôt, les droits politiques ne sont l'apanage que des citoyens. D'où cette première conséquence que les femmes et les mineurs ne participent pas aux droits politiques, tandis qu'ils ont l'attribution des droits civils. Mais nous n'anticiperons pas ici sur ce que nous aurons à dire dans notre Traité des droits politiques, où se trouveront naturellement placés tous les développements que demande l'art. 7. 64. Tout Français jouit des droits civils, aux termes de l'art. 8. Par cela même qu'on est Français, qu'on soit citoyen ou

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22-23 mars 1849.-Loi qui modifie l'art. 9 c. civ. (D. P. 49. 4. 72). | qu'on ne le soit pas, homme ou femme, peu importe; on a la -V. plus bas, no 130.

3-11 déc. 1849. Loi sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France (D. P. 49. 4. 171).-V. n° 109.

TIT. 2.

- DE LA JOUISSANCE DES DROITS CIVILS. 61. Avoir la jouissance d'un droit, c'est participer à ses avantages, en être investi, être apte à en profiter, qu'on en fasse usage par soi-même et personnellement, ou par un représentant.

Toutes les fois que celui auquel la loi accorde la jouissance d'un droit est en même temps reconnu par elle capable de mettre ce droit en pratique et par l'effet de sa seule volonté, cette personne joint à son aptitude de jouir du droit en question celle de le mettre en exercice. Elle a non-seulement la jouissance de ce roit, mais encore l'exercice, deux choses essentiellement distinctes et qui ne doivent pas plus être confondues que la propriété, qui appartient au maître et l'usage qui peut appartenir à un tiers non-propriétaire. Ainsi, en ce qui concerne les droits civils, l'art.7 du code reconnaît à tout Français le droit d'en jouir, que ce soit un anajeur ou un mineur, un homme ou une femme; et, quand le législateur arrive à l'application du principe qu'il a ainsi posé, nous Le voyons permettre aux uns de faire valoir par eux-mêmes les livers droits civils dont il s'occupe, tandis qu'il n'accorde pas ce bénéfice à d'autres (les mineurs, les interdits, les femmes mariées dans certains cas). Et cette distinction n'est pas une vaine fiction théorique dont la doctrine seule ait à tenir compte: elle est, au contraire, basée sur les motifs les plus sensés.

La jouissance et l'exercice d'un droit sont donc deux choses parfaitement distinctes: c'est ce que tout le monde reconnaît, ce que le législateur a proclamé lui-même et ce que la raison de.mandait hautement. Mais suivant quelques auteurs (notamment | M. Demolombe, Cours du code civil, t. 1, no 139), cette distinclion, quoique vraie, ne saurait s'appliquer à tous les droits civils, et même c'est, suivant cet auteur, à l'égard des plus précieux peut-être et des plus importants de ces droits qu'elle se trouve en défaut. Ainsi, la faculté de tester, la faculté de se marier sont

jouissance des droits civils, pourvu, bien entendu, qu'on n'en ait pas été privé par suite d'une condamnation judiciaire. Certaines personnes joignent à cette jouissance l'exercice des droits civils qu'ils peuvent faire valoir par eux-mêmes et mettre en usage par l'effet seul de leur volonté tels sont les Français måles et majeurs et les Françaises non mariées, âgées de vingt et un ans accomplis. D'autres sont, au contraire, inhabiles à exercer les droits civils dont la loi leur garantit la jouissance; ils reçoivent le nom générique d'incapables: ce sont les mineurs, les interdits et les femmes mariées. La loi a confié à un tuteur l'exercice de la plupart des droits civils attribués aux mineurs et aux interdits, et au mari l'exercice des droits de la femme. Mais la jouissance des droits civils n'est pas exclusivement accordée aux Français; elle peut aussi, en certains cas, être dévolue aux étrangers. Tels sont, notamment, les cas prévus par les art. 11 et 13 c. civ. et par la loi du 14 juill. 1819.

65. Puisque, d'après l'art. 8, la qualité de Français suffit pour conférer la jouissance des droits civils, nous avons à rechercher quelles sont les personnes auxquelles la loi donne cette qualité de Français. — Et, d'un autre côté, puisque les étrangers ne sont pas absolument incapables des droits civils, nous avons à étudier également quelle est la condition qui. leur est faite dans notre droit actuel. Nous consacrerons les deux chapitres suivants à l'examen de ces deux points.

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74. peut se présenter une situation bien étrange pour l'enfant naturel que les lois du pays de sa mère réputeraient appartenir à ce pays, et que la France revendiquerait comme reconnu par un père français; il aurait deux patries à la fois. C'est ce qui arriverait dans le cas signalé par M. Demolombe; l'enfant né d'un Français à Londres est, dit-il, Français d'après la loi française; mais il est aussi Anglais d'après la coutume anglaise, suivant laquelle il suffit d'être né en Angleterre pour être Anglais.-Raisonnant dans l'hypothèse où cet enfant suivrait en France la condition de sa mère française, M. Duranton, no 125, prétend qu'il lui suffirait pour cesser d'être Français, d'opter à sa majorité pour la qualité d'étranger, et M. Demolombe a adopté ce sentiment. - Cette solution ne se justifie par aucune loi. La faculté d'opter n'est laissée, par l'art. 9 c. civ., qu'à l'étranger né en France. La qualité de Français est considérée comme une faveur. Mais une fois imprimée par la naissance, cette qualité né se perd que par l'un des moyens énoncés dans les art. 17 et 18 c. civ.- C'est donc toujours à la naissance qu'il faut en revenir; et sur ce terrain, on ne saurait méconnaître que l'interprétation favorable à la nationalité de la mère reprend crédit.

75. Quelle est l'époque qui fixe la nationalité de l'enfant naturel? Est-ce la conception, la naissance ou la reconnaissance? - A l'égard de la mère, M. Duranton, no 122, s'arrête à l'époque de la naissance : c'est la seule qu'il considère. MM. Demolombe, no 151, et Marcadé, sur l'art. 8 n° 3, rappelant la règle infans conceplus pro nato habetur, se déterminent pour la conception, dans le cas, par exemple, où, dans l'intervalle, la qualité civile de la mère a changé. Et cet avis nous paraît devoir être suivi de préférence, car c'est toujours à la conception (appréciée, il est vrai, cette fois, non d'après le principe de l'art. 312, mais d'après la loi ordinaire de la gestation)' qu'on doit s'attacher.

76. Le même point de départ doit aussi, dans le système qui fait prédominer la nationalité du père sur celle de la mère, être consultée en cas de reconnaissance faite par le père avant que l'enfant soit né et même dans l'acte de naissance. C'est la qualité civile du père, au temps de la conception, plutôt que celle qu'il avait au jour de la naissance qui, dans ce cas, passe à l'enfant. 77. Que si la reconnaissance du père n'a été faite qu'après que la nationalité de la mère a été imprimée à l'enfant, nous serions tenté de voir dans cet acte une sorte de naturalisation virtuelle qui, à l'instar de la naturalisation ordinaire, ne daterait que du jour où il a été passé.

78. Les règles que nous venons de retracer s'appliquent-elles aux enfants adultérins et aux enfants incestueux? - Nous adoptons à cet égard l'opinion émise par M. Guichard (nos 51 et suiv.) et suivie aussi par M. Coin-Delisle, no 11. Suivant elle, il y a lieu de distinguer entre les cas rares où ces enfants se rattachent forcément aux auteurs de leurs jours par suite d'une reconnaissance résultant de jugements et arrêts (V. Enfants adultérins et incestueux) et les cas ordinaires qui ne permettent pas que la parenté adultérine ou incestueuse produise des effets légaux. Dans la première hypothèse, ce que nous avons dit au sujet des enfants naturels simples est applicable aux enfants adultérios ou incestueux. Dans la seconde, nous croyons que ces enfants #oivent être traités comme nés de père et mère inconnus. 79. L'enfant, né en France, d'un étranger qui jouit des ant en outre ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce; que la prestation du serment civique n'est imposée par cette loi qu'aux seuls étrangers qui veulent être admis à l'exercice des droits de citoyens actifs; que la simple qualité de Français, indépendante de celle de citoyen, s'acquiert d'après la même loi, par la seule existence des conditions requises el sans autre formalité, qu'en conséquence, Disant père, marié à cette époque à une Française, domicilie en France depuis plus de cinq ans et exerçant une profession de commerce, est devenu Français par la seule force de la loi, même sans prêter le serment civique; Attendu que la qualité de Français, définivement acquise à Disant père lui a été de plus en plus assurée, tant par la constitution de 1791 que par celle de 1795 qui, par son art. 4, admet à l'exercice des droits de citoyen français tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, épouse une Française ou acquiert une propriété; qu'à la vérité, cette dernière constitution a été suspendue dans sa partie politique et gouvernementale par le décret du 19 vend. an 2, mais que ses dispositions, relatives à la manière d'acquérir la qualité de Français, n'en ont pas

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droits civils en vertu de l'art. 15 c. civ., est-il Français d'origine? M. Delvincourt, t. 1, p. 189, note 1, se prononce pour l'affirmative, sans toutefois motiver son opinion. Mais n'est-il pas de principe que l'enfant suit la condition de son père? Or, et M. Delvincourt le reconnaît lui-même, p. 194, loc. cit., l'étranger domicilié avec autorisation ne cesse pas d'être étranger. Les lois personnelles de son pays le régissent, comme on le verra dans la section suivante (n° 45). Il faut donc décider que le père et le fils auront tous les deux la même qualité nationale et les mêmes droits civils, tant qu'ils continueront de résider en France. C'est aussi ce que pensent MM. Duranton, t. 1, n° 221, Legat (Code des étrang., édit. 1832, p. 7) et Demolombe, no 153. 80. Cette décision doit, à plus forte raison, s'étendre à l'enfant né en France de l'étranger qui s'y est établi sans autorisation, quoiqu'à perpétuelle demeure, sans esprit de retour dans sa patrie originaire. Cependant M. Proudhon, t. 1, p. 197 et suiv., est d'un avis opposé. Il argumente, d'abord, de ce que le père n'a plus dans ce cas d'autre patrie que la France, et que les lois françaises gouvernent son état. Cette objection du savant professeur se rattache à un système particulier d'après lequel l'étranger non domicilié, mais établi en Francé à perpétuelle demeure serait dans un état mitoyen qu'il appelle incolat, pour l'étranger établi en France sans esprit de retour. En cet état, sa capacité personnelle sera régie par nos lois; mais il ne pourra réclamer les droits qui intéressent le fisc ou les tiers. M. Proudhon en donne plusieurs raisons que nous allons successivement parcourir. Le domicile, dit-il, est la seule marque distinctive de l'association civile; or, l'étranger cesse d'être membre de celle à laquelle il appartenait, lorsqu'il transporte son domicile dans un autre pays: il doit donc acquérir des droits civils dans ce pays; car il ne peut être sans patrie. — Mais on ne voit pas pourquoi l'étranger qui a perdu sa patrie et n'a pas rempli les conditions nécessaires pour en acquérir une autre, devrait cependant en avoir une, et l'on conçoit encore moins comment il en aurait deux, c'est-à-dire, comment il pourrait être moitié étranger et moitié Français. En supposant que d'après les lois dé son pays, en cela conformes aux nôtres, son établissement ne France lui fasse perdre ses droits civils dans sa patrie, il ne s'ensuit pas, il ne peut aucunement s'ensuivre, qu'il acquière par là même en France des droits civils que la loi française peut seule conférer, puisque ces droits sont une émanation nécessaire de la souveraineté. M. Proudhon considère ensuite que l'étranger qui a abdiqué sa patrie pour fixer irrévocablement son domicile en France serait sur la même ligne que le mort civilement, si l'on décidait que le fait de son établissement n'emporte pas en sa faveur jouissance des droits civils.-Il n'en est point ainsi; l'étranger domicilié aura tes mêmes droits que les étrangers en simple séjour ou résidence, dont la condition en France n'est certainement pas la même que celle des individus frappés de mort civile.-M. Proudhon se prévaut encore de ce que la loi du 10 sept. 1807 met l'étranger domicilié à l'abri de l'arrestation provisoire. -D'abord, il est douteux qu'il s'agisse dans cette loi d'un domicile non autorisé, témoin l'arrêt de la cour de Paris du 16 août 1811, aff. Poniatowski, V. Compét. com., no 187). Mais quand le bénéfice de cette exception pourrait être attribué au fait seul du domicile, faudrait-il en conclure, par extension, que le domicile emporte aussi par lui-même la jouissance des droits civils? La loi a pu se moins produit tout leur effet ; Attendu que si le traité du 30 mai 1814, en rapportant la loi du 2 mars 1793, qui réunissait à la France le pays de Hainaut, a de nouveau rendu étrangers tous les habitants de ce pays, cette rupture du lien politique temporairement formé entre les deux Etats n'a pu enlever a Disant père, mort Français en 1812, une qualité par lui acquise un autre titre; Qu'en effet, même en admettant que par suite de la séparation de la Belgique d'avec la France, toutes les conséquences produites par la réunion momentanée des deux pays dussent être considérées comme résolues et annulées, Disant père n'en devrait pas moins être réputé Français en vertu de la loi du 2 mai 1790 et de la constitution de 1795, comme le serait devenu tout autre étranger originaire d'un pays qui n'aurait jamais été réuni à la France; - Attendu que l'enfant naturel légalement reconnu par son père suit la condition de ce dernier; que, par conséquent, l'intimé François-Ernest Disant doit être réputé Français et soumis comme tel à toutes les charges imposées par les lois; Met l'appellation et le jugement dont est appel au néant, et faisant, elc., déclare que ledit François-Ernest Disant est Français, etc., etc...

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Du 19 mai 1835.-C. de Douai, 1 ch.-M. Deforest-de-Quartdeville, pr.

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