Page images
PDF
EPUB

DROIT MARITIME.-CHAP. 5, SECT. 4, ART. 1.

grade de chaque mc ̈bre de l'équipage (trib. de com. de Marseille, 1er août 1833, aff. Coulomb).

933. Tout commissionnaire ou consignataire qui a reçu les marchandises mentionnées dans les connaissements ou chartesparties, est tenu d'en donner reçu au capitaine qui le demande, à peine de tous dépens, dommages-intérêts, même de ceux de retardement (c. com. 285; ord. 1681, tit. du connaiss., art.5): il est juste de donner à une personne engagée par écrit une décharge également par écrit, quand elle a rempli son engagement. Il convient que le capitaine use du droit qu'il a d'exiger des reçus des marchandises qu'il consigne, reçus qui, ordinairement, se donnent au dos des divers connaissements. Cependant l'omission de cette formalité n'engagerait pas toujours la responsabilité du capitaine (trib. de com. de Marseille, 10 nov. 1824, aff. Plancheur). Il est d'usage, en effet, qu'à son arrivée, cet officier dépose à la douane un état général du chargement, désignant chaque consignataire. Les commis de la douane assistent à la décharge des marchandises, contrôlent et enregistrent toutes celles qui sortent du navire, pour vérifier l'exacti⚫tude de l'état remis par le capitaine; d'où il suit que le registre des commis fait foi de la décharge des marchandises sur le quai. Lorsque, par suite de quelque erreur des agens des consignataires, on remet à l'un de ceux-ci des marchandises destinées à un autre, cette erreur se reconnaît d'ordinaire dès les premiers moments par la vérification qui se fait des marchandises lors de leur arrivée dans les différents magasins. Cependant si quelque ballot venait à se perdre, il suffirait pour affranchir le capitaine de la responsabilité de cette perte, qu'il eût prévenu le destinataire de se trouver sur le quai lors du déchargement des marchandises, et qu'il fût constaté par les attestations et registres de la douane que le ballot manquant a été déposé sur le quai (BoulayPaty, t. 2, p. 326; M. Dageville, t. 2, p. 579). · gnataire, avant de recevoir la marchandise, voulait préalableSi le consiment en faire constater l'état, il ne pourrait être condamné à donner le reçu qu'après cette vérification faite, ou du moins après qu'il aurait été mis en demeure de procéder à cette opération qu'il est d'usage de faire sur le quai, parce que c'est sur le quai que les marchandises sont livrées (Boulay-Paty, t. 2, p. 319).

934. La livraison de marchandises transportées par eau est réputée faite entre les mains du destinataire lorsqu'elles ont été mises à quai par ses soins. Par suite, la perte ultérieure de cette marchandise retombe sur lui et non sur le capitaine (Rouen, 3 juin 1845, aff. Illiarquier, D. P. 43, 4, 59).

935. En cas de refus ou contestation pour la réception des objets transportés, on doit se conformer aux dispositions de l'art. 106 c. com. - V. infrà, no 954.

--

936. Toute action du chargeur en délivrance des marchandises portées au connaissement se prescrit par un an à compter de l'arrivée du navire (c. com. 433), comme on le verra plus bas. 937. Le consignataire, dès qu'il a reçu les marchandises à lui adressées, en devient responsable, comme mandataire, envers leur propriétaire. Toutefois, des événements de force majeure pourraient l'affranchir de cette responsabilité (Rennes, 31 juill. 1816, aff. d'Haveloose, v° Commissionn., no 67).

938. Le navire, les agrès et apparaux, le fret et les marchandises chargées sont respectivement affectés à l'exécution des conventions des parties (c. com. 280; ord. 1681, tit. des Chartes-part., art. 11). Ainsi, si les marchandises chargées ne sont pas fidèlement remises au destinataire, si elles sont avariées par la faute des gens de l'équipage, le navire et les agrès sont affectés à la réparation de ce préjudice. marchandises répondent au propriétaire du navire de l'acquitteRéciproquement, les ment du fret qui lui est dû. Et de plus, les deux parties sont contraignables par corps à l'exécution des obligations résultant du contrat d'affrétement.

SECT. 4.

Obligations de l'affréteur.

939. Le payement du fret convenu constitue la principale obligation de l'affréteur. Pour l'expliquer méthodiquement, nous distinguerons trois cas: celui où le chargement est arrivé sans retard à sa destination; — celui où il y a eu retard; non-arrivée. On rappellera ensuite quelques dispositions com. celui de munes à tous les cas où le fret est dû.

-

[blocks in formation]

7.

Cas où le chargement est arrivé sans retard à sa destination.

940. Dans ce cas diminution sur le prix du fret (c. com. 309), quelque circonle chargeur ne peut demander de stance particulière qu'il invoque en sa faveur, et quand même. par exemple, les avaries subies par les marchandises durant la traversée ne laisseraient pas à celles-ci une valeur suffisante pour payer le fret. Ces avaries sont le résultat de chances que le chargeur a voulu subir, et ne sauraient dès lors le dispenser de remplir ses engagements. Res perit domino. — Bien entendu que s'il s'agissait d'avaries survenues par la négligence du capitaine, le chargeur pourrait être autorisé à retenir sur le fret le montant des dommages en provenant.

941. L'armateur a droit au fret convenu pour toute la marchandise que devait charger l'affréteur, bien que celui-ci n'en ait chargé qu'une partie, dès que la place qui devait contenir le surplus est restée à la disposition dudit affréteur (Bruxelles, 17 janv. 1822, aff. Dewael, V. no 826).

942. Le chargeur ne peut abandonner, pour le fret, les marchandises diminuées de prix ou détériorées par leur vice propre ou par cas fortuit. Si toutefois des futailles contenant

vin, huile, miel et autres liquides, ont tellement coulé qu'elles soient vides ou presque vides, ces futailles pourront être abandonnées pour le fret (c. com. 310. Conf. Guidon de la mer, ch. 7, art. 10 et 11; ord. 1681, tit. du Fret, art. 25 et 26).

943. Cet article a été attaqué sous deux rapports: « Il est conçu, disait, d'une part, le tribunal de commerce de Paimpol, de manière à en conclure qu'un capitaine pourrait être tenu à recevoir, pour son fret, des marchandises à lui offertes en payement, pourvu qu'elles n'eussent pas diminué de prix et qu'elles ne se fussent pas détériorées. Comme cette obligation, dans aucun cas, ne peut entrer dans l'esprit du législateur, il convient de remplacer cet article en disant: A moins de stipulations contraires, le fret sera payé en monnaie ayant cours dans le pays où se fait la décharge; mais en aucun cas le capitaine ne peut être tenu de prendre, en payement du fret, des marchandises, traites voulait, au contraire, conformément à l'opinion de Valin, que le ou eaets quelconques. >> - D'un autre côté, la cour de Caen chargeur pût se libérer du fret en abandonnant les marchandises, fussent-elles même détériorées ou baissées de prix. « Dans le cas du naufrage et de l'échouement, disait-elle, la condition du chargeur qui n'a pas assez de marchandises, ou qui les a retirées en trop mauvais état pour faire face au payement du fret, ne doit pas être plus aggravante que si les mêmes marchandises avaient entièrement péri (auquel cas il n'est dû aucun fret, d'après l'abandon, et, à ce moyen, de le tenir quitte du fret pour lui l'art. 302 c. com.). Il serait donc juste de l'admettre à faire épargner un double préjudice. On proposa en conséquence de décider que « les marchandises chargées pourraient être abandonnées pour le fret, dans tous les cas où leur détérioration ne proviendrait ni de leur vice propre ni de la faute du chargeur. »

Il n'a point été fait droit à ces diverses propositions, et la rédaction actuelle a été préférée. Ainsi le chargeur ne peut abandonner pour le fret les marchandises diminuées de valeur par d'autres causes que la faute du capitaine. Et cela est conforme aux principes du droit; car le chargeur n'est point obligé à cause de sa chose: il l'est à cause du contrat d'afrétement, et s'il est vrai que le chargement est le gage du fret (art. 306 et suiv.), il ne l'est pas moins que la détérioration du gage ne saurait diminuer l'obligation du débiteur. p. 310. - V. Locré, t. 5,

[ocr errors]

944. Mais faut-il induire de la première disposition de l'art. 510, comme le faisait le tribunal de Paimpol, qu'elle autorise implicitement le chargeur à abandonner, pour le payement du fret, les marchandises non diminuées de prix ni délériorées? L'affirmative est enseignée par Locré : « La loi, dit-il, en désignant les marchandises qu'elle ne permet pas d'abandonner, établit par cette exception même la règle générale que les autres pourront l'être. Rarement, il est vrai, le chargeur usera de cette faculté qui lui ferait perdre le profit de son trafic, et c'est par cette raison que la loi n'a pas statué plus directement sur cette hypothèse. Cependant elle peut se présenter...

On doit penser néanmoins, ajoute-t-il, que si la vente que le capitaine fera des marchandises ne le remplit pas de son fret, il aura son recours contre le chargeur pour le surplus, de même que dans le cas de l'art. 105, lequel paraît devoir servir ici de règle. »- - Mais cette opinion ne nous semble point admissible; elle est condamnée par l'art. 1134 c. civ., qui veut que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et par la maxime aliud pro alio non datur invito creditore. On ne doit pas présumer légèrement une dérogation aux règles du droit commun.-V. en ce sens Boulay-Paty, t. 2, p. 490. 945. On a demandé pourquoi l'art. 310, qui, par son premier alinéa, défend d'abandonner pour le fret les marchandises sèches qui ont été détériorées, accorde au contraire cette faculté, par son second alinéa, pour le fret des marchandises liquides qui ont coulé. La raison de différence est, suivant Locré, que les liquides ne coulent ordinairement que par la faute du capitaine, qui n'a pas fait donner aux futailles les soins particuliers qu'elles exigent, et qui ne sont pas nécessaires pour les marchandises sèches. A l'objection tirée de ce que si la deuxième disposition de l'art. 310 reposait sur une présomption de faute du capitaine, il faudrait, non-seulement refuser à celui-ci son fret, mais encore le soumettre à des dommages-intérêts, Locré répond que le chargeur peut en effet réclamer des dommages-intérêts, s'il ne préfère user du droit d'abandon que la loi lui confère. Enfin le même auteur ajoute que si l'exercice de ce droit n'est pas limité au cas où la perte provient de la faute du capitaine, et s'étend dès lors même au cas où elle dérive d'accidents de mer, c'est que la loi n'aurait pu admettre des distinctions sans fournir au capitaine le moyen de couvrir sa négligence, parce que, à l'égard des boissons, les fraudes sont fréquentes et difficiles à démontrer. Cette doctrine ne nous paraît pas satisfaisante: l'art. 310 est tout à fait étranger au cas de faute de la part du capitaine; il ne nous semble nullement exact de dire d'une manière générale que les marchandises sèches ne réclament pas tous ses soins aussi bien que les liquides; et, d'ailleurs, à supposer qu'il eût été juste d'établir une présomption de faute du capitaine en cas de coulage de boissons, du moins la loi n'aurait pu manquer, sans violer les plus simples notions de l'équité, d'autoriser la preuve contraire, ce qu'elle n'a pas fait. Pour donner une explication vraisemblable des diverses dispositions de l'art. 310, il faut, ce semble, dire avec Pothier, que le fret étant le prix du transport, il n'est dû que si le transport est effectué. Or, cette condition n'existe point quand la marchandise périt par naufrage, prise, etc., tandis qu'elle se trouve au contraire accomplie dans le cas où la marchandise n'a subi qu'une détérioration ou diminution de valeur. Dans les transports de liquides, c'est le liquide qui est la chose principale; la futaille n'est que l'accessoire. Si elle est vide, le liquide n'ayant pas été transporté, la condition sous laquelle le fret est dû, n'a point existé. Cependant comme les futailles ont été transportées, on doit en faire l'abandon (Conf. Delvincourt, t. 2, p. 293; Boulay-Paty, t. 2, p. 495).

946. Bien que le sucre ne soit pas un liquide, néanmoins, suivant Valin et Dageville, t. 2, p. 466, les sucres inférieurs, les mélasses peuvent être réputés tels, et dès lors on doit appliquer aux barriques de sucre qui auraient coulé, la seconde disposition de l'art. 310.

l'opinion contraire, admise par Delvincourt, t. 2, p. 294, et M. Dageville, t. 2, p. 467, nous semble préférable. Il ne nous paraît point que, dans le cas dont il s'agi', le fret soit divisible. Une somme unique ayant été convenue pour le fret, elle est payable en entier ou ne l'est pas du tout. Cela est conforme, d'ailleurs, à l'esprit de l'art. 309, suivant lequel, en aucun cas, le chargeur ne peut demander une diminution du fret.

948. Si le coulage avait eu lieu par le mauvais état des futailles, l'affréteur serait-il quitte du fret en les abandonnant? Oui, suivant Valin, sur l'art. 26, tit. du fret, parce que la seconde disposition de l'art. 310 n'étant qu'une exception au principe posé dans la première, doit, comme ce principe lui-même, s'ap. pliquer, sans distinction, au cas où le coulage provient du vice des futailles, comme à celui où il est causé par un événement fortuit. D'ailleurs, ajoute Delvincourt, t. 2, p. 293, le capitaine ayant dù s'assurer, avant de charger, du bon état des futailles, n'est pas recevable à prétendre qu'elles étaient en mauvais état.

[ocr errors]

Mais, répondent avec raison Pothier et Boulay Paty, t. 2, p. 498, c'est la faute de l'affréteur s'il a mis ses marchandises dans de mauvaises futailles; or le locataire qui, par son fait, n'a pas joui de la chose louée, n'en doit pas moins le loyer. Le capitaine est bien responsable du bon arrimage des marchandises, mais le bon ou mauvais état des caisses ou futailles qui les contiennent, ne concerne que le chargeur seul (arg. de l'art. 103). Si c'était par la faute du capitaine ou des gens de l'équipage, dont il est garant, que des liquides auraient coulé, il est évident que, non-seulement il ne serait pas dû de fret, mais qu'en outre l'affréteur devrait être indemnisé de la perte de ses liquides.

949. Au surplus, de ce que l'art. 310 n'a prévu que le cas où les futailles seraient vides, il faut conclure que, dans tout autre cas, l'abandon ne pourrait avoir lieu, dans quelque état que se trouvassent d'ailleurs les liquides, par exemple du vin qui aurait tourné, de l'huile qui serait devenue rance (Delvincourt, t. 2, p. 294; Boulay-Paty, t. 2, p. 499).

950. Le capitaine a qualité pour recevoir le payement du fret ce payement à lui fait par le consignataire doit être considéré comme fait à l'armateur lui-même (Bruxelles, 24 oct. 1829, aff. Vloers, V. Bourse de com., no 295).

951. Le fret est dû aussitôt que les marchandises sont débarquées, mais seulement alors. Aux termes de l'art. 306, le capitaine ne peut retenir les marchandises dans son navire, faute de payement de son fret. Il peut (seulement) dans le temps de la décharge (s'il doute de la solvabilité du consignataire) demander le dépôt en mains tierces, jusqu'au payement du fret (et des avaries).-Ainsi, ce n'est qu'après avoir fait conduire les marchandises à quai et en avoir offert livraison, que le capitaine peut demander son fret; on ne pouvait en esset l'autoriser à le réclamer avant qu'on ait pu vérifier si elles ne sont pas atteintes d'avaries dont il doive répondre, et dont le fret soit par conséquent la garantie. Mais, d'un autre côté, on ne devait pas contraindre le capitaine à se dessaisir de son gage; de là la faculté d'en demander le dépôt en main tierce jusqu'au payement. L'ordon. de 1681, tit. du fret, art. 23, allait jusqu'à permettre au capitaine de s'opposer au transport ou de faire saisir les marchandises dans les alléges ou gabares. Le code a adopté une mesure mieux assortie aux formes conciliatrices du commerce (V. l'exposé des motifs, p. 359, n° 11).

952. Le dépositaire, si les parties ne s'accordent pas pour le choisir, est nommé par le tribunal du lieu. L'acte de dépôt doit ensuite être signifié par le capitaine au consignataire avec déclaration que, faute de payement du fret, il sera procédé à la vente judiciaire des marchandises jusqu'à due concurrence.

947. Si les futailles d'un liquide quelconque sont, les unes vides, les autres pleines, le chargeur peut-il abandonner seulement les futailles vides, et se faire décharger du fret à proportion, ou doit-il abandonner la totalité? L'affirmative sur le premier membre de cette proposition est adoptée très-expressément par Pothier: « Ele me paraît, dit-il, plus régulière, quoiqu'on soit convenu d'une somme unique pour le fret de toute la partie de marchandises; néanmoins ce fret étant quel- Lorsque le capitaine a fait ordonner, dans le temps de la déque chose de divisible, il se répartit sur chacune des barriques charge, le dépôt de la marchandise en mains tierces, conformé qui composent la partie de marchandises: chacune des barriques ment à l'art. 306, sans que cette mesure ait été suivie du payedoit donc sa part du fret; et lorsqu'elle est périe, l'affréteur ment du fret, il est en droit de demander au tribunal de commerce doit être déchargé de la partie qu'elle doit. Or, la barrique est qu'à défaut de payement de ce fret, après condamnation, il luf réputée périe lorsqu'elle est vide ou presque vide; l'affréteur, sera permis de faire vendre les marchandises déposées : « Car, en l'abandonnant et le peu qui en reste, doit donc être quitte du sans cette disposition, le dépôt accordé par l'art. 306 et le prifret pour la part qu'elle en devait, sans être obligé d'abandon-vilége de l'art. 307 sur lesdites marchandises, en faveur de caner le surplus de la partie de marchandises.» (Charte-partie, pitaine, seraient sans utilité et tout à fait illusoires; et cepen 60). Tel est aussi l'avis Boulay-Patx t. 2, p. 996. Mais dant il est juste d'accorder, dans de telles circonstances, aux gens TONE XVIII. 63

ce mer le droit d'obtenir sans retard leur fret, pour prévenir ainsi de grandes pertes et dépenses » (Bruxelles, 4° ch., 5 mars 1825, aff. N... C. N....).

953. En général, le terme stipulé dans une charte-partie pour le payement du fret, et qui dépasse l'époque de la décharge des marchandises, n'est pas un obstacle aux mesures conservatoires autorisées par l'art. 306, c'est-à-dire au dépôt des marchandises en mains tierces jusqu'au payement du fret. Et spécialement, le dépôt des marchandises en mains tierces doit surtout être ordonné, nonobstant le terme convenu pour le payement du fret, dans le cas où la cargaison est affectée à ce payement par clause expresse de la charte-partie (trib. de com. de Marseille, 15 déc. 1826, aff. Lucas).

Dans la pratique, les capitaines usent rarement du droit de demander le dépôt des marchandises en mains tierces. Ils ne réclament ordinairement le fret qu'après avoir livré toute la marchandise. Souvent même, quand il s'agit de frets considérables, ils sont autorisés par l'armateur à prendre en payement des billets à ordre à deux ou trois mois d'échéance, ce qui donne aux débiteurs la facilité de se libérer par le produit de la vente des marchandises (Valin, sur l'art. 25, tit. du fret; Boulay-Paty, t. 2, p. 476; M. Dageville, t. 2, p. 452).

954. Si le consignataire refuse de recevoir les marchandises (soit sur le motif qu'elles ne sont pas de la nature ou qualité de celles qu'il avait demandées, soit parce qu'il prétend qu'elles se trouvent endommagées par le fait des gens de l'équipage), le capitaine peut, par autorité de justice, en faire vendre jusqu'à concurrence du payement de son fret, et faire ordonner le dépôt du surplus (c. com. 305; ord. 1681, tit. de fret, art. 17).

955. Lorsque le connaissement est à ordre, le capitaine ne pouvant connaître celui au profit duquel l'ordre se trouve passé, il suffit, pour qu'il y ait lieu à l'application de l'art. 305, que le consignataire porté au connaissement refuse, et que personne ne se présente avec son ordre.-Si le connaissement est au porteur, il y a refus par cela seul qu'il ne se présente personne (Delvincourt, t. 2, p. 294; Boulay-Paty, t. 2, p. 470; Dageville, 1 2, p. 451). Du reste, le consignataire dénommé au connaissement, ou le porteur du connaissement qui est à ordre, est la seule personne que le capitaine doit reconnaître; il n'a point à se mêler des questions de propriété qui peuvent s'élever à cet égard.

956. Le refus du consignataire, quelle qu'en soit la cause, doit être constaté par une sommation. Le capitaine peut, par l'acté même de sommation, assigner le consignataire pour voir dire que, faute par celui-ci de recevoir les marchandises, le tribunal en autorisera la vente jusqu'à concurrence du fret, et le dépôt du surplus aux mains de tel négociant qui sera indiqué, et aux risques de qui il appartiendra. Cette autorisation doit être accordée, en France, par le tribunal de commerce, et, chez l'étranger, par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat du lieu (mêmes autorités). Dès que le jugement est signifié, le capitaine peut immédiatement faire procéder à la vente, car de pareils jugements sont toujours exécutoires par provision, nonobstant appel, et doivent en contenir la disposition (Dageville, t. 2, p. 450).

Si le refus du consignataire était motivé sur le mauvais état des marchandises, le juge devrait, avant faire droit, ordonner une visite (c. com. 106). Il est de règle néanmoins d'adjuger le frét par provision, sous la soumission de rapporter, s'il y a lieu. Si les réclamations du consignataire avaient une grande apparence de justice, le tribunal pourrait exiger caution du capitaine (M. Dageville, cod.).

957. Lorsqu'il ne se présente personne pour recevoir les marchandises, il doit être donné avis de cette circonstance aux chargeurs par le capitaine qui est tenu en même temps de se conformer à l'art. 305 pour se faire payer son fret.

958. Les marchandises doivent être vendues aux enchères avec les formalités ordinaires.- Si le produit de la vente est insuffisant pour le payement du fret, le capitaine conserve son recours contre le chargeur (c. com. 305), qui est personnellement debeur de ce fret.

39. Le refus ou retard du payement du fret ne peut donner ficu, en faveur du capitaine, à des dommages-interêts autres que

ceux consistant dans l'intérêt couru depuis la demande (trib. da com. de Marseille, 18 mai 1832, aff. Niéto).

960. On vient de voir que le capitaine a qualité pour poursuivre le recouvrement du fret. Mais son mandat, en cours de voyage, est borné, quant aux actions passives, à celles qui sont relatives à la réclamation d'un droit réel et privilégié sur le navire. Ainsi, lorsqu'un navire affrété pour un voyage a été ensuite sous-affrété, moyennant une somme plus forte, pour le même voyage, s'il arrive que cette somme soit recouvrée par le capitaine qui, sur l'ordre de l'armateur, la verse aux mains d'un correspondant de ce dernier, la demande en payement de la somme ❘ représentant le bénéfice du sous-affrétement, ne peut pas être intentée par l'affréteur contre le capitaine, mais seulement contre l'armateur (trib. de com. de Marseille, 11 fév. 1828).

[ocr errors]

ART. 2. Du cas où l'arrivée a éprouvé des retards.

961. Si le navire est arrêté au départ, pendant la route, ou au lieu de sa décharge, par le fait de l'affréteur, les frais du retardement sont dus par ce dernier (c. com. 294; ord. 1681, tit. du fret, art. 9).-Le retard peut venir de la part de l'affréteur, savoir au départ, si, par exemple, ila voulu charger des marchandises prohibées, ce qui a occasionné l'arrêt du navire; pendant la route, si, en temps de guerre, il a chargé des objets dits de contrebande de guerre, à la destination d'un lieu appartenant à l'une des puissances belligérantes; à la décharge, s'il a chargé des marchandises dont l'entrée est prohibée dans le pays pour lequel le navire est destiné. Dans ces cas et autres semblables, l'affréteur doit les frais de retard, même sans recours contre ses assureurs (Boulay-Paty, t. 2, p. 388; Delvincourt, t. 2, p. 296).

962. Dans la disposition de l'art. 294 qui met les frais du retard à la charge de l'affréteur qui les a occasionnés, ces mots frais de retardement ont été substitués à ceux-ci: l'intérêt du retardement. Il a paru que ces dernières expressions pourraient être diversement interprétées. « Les uns, a-t-on dit, croiront que le capitaine n'a droit de prétendre d'autre dédommagement que l'intérêt du fret pendant le retard qu'a éprouvé le navire en attendant un chargement pour le retour. L'opinion des autres sera, qu'outre le fret entier, le capitaine doit être indemnisé du retard. Ce sera un simple intérêt selon les uns, et, selon les autres, des dommages-intérêts que le capitaine aura à prétendre. La substitution du mot frais au mot intérét a fait cesser toute équivoque.

--

963. Si, ayant été frété pour l'aller et le retour, le navire fait son retour sans chargement ou avec un chargement incomplet, le fret entier est dû au capitaine, ainsi que l'intérêt du retardement (c.com. 294), si l'affréteur en a causé, par exemple, s'il a fait différer le voyage de retour, dans l'espérance de charger sur le navire des marchandises qu'il a été ensuite dans l'impossibilité de se procurer. On voit que l'affréteur n'est pas fondé à prétendre, en déclarant ne vouloir point charger de retours, qu'il ne doit que le demi-fret. Ici ne s'applique pas la disposition de l'art. 288, relative à l'affréteur qui, sans avoir rien chargé, a rompu le voyage avant le départ. Dans le cas qui nous occupe, le contrat d'affrétement ayant été en partie exécuté, il n'appar tient pas à l'un des contractants de s'en désister à son gré au préjudice de l'autre ; d'autant plus qu'il est moins aisé au capitaine de se procurer un chargement pour le retour, que de trouver, avant le départ, à louer son bâtiment pour l'aller et le retour (Valin, sur l'art. 9, tit. du fret).

964. Le fret ne cesserait pas d'être dû pour le retour comme pour l'aller, alors même que le chargement de retour ne sera autre que celui de l'aller, lequel, par une circonstance quelcon que, n'aurait pu être vendu au lieu où il avait été transporté.

965. Si le capitaine trouvait à charger pour le retour d'autres marchandises que celles de l'affréteur, il est évident que le fret de ces marchandises entrerait en déduction du fret entier & par cet affréteur (Delvincourt, t. 2, p. 295; Boulay-Paty, t. 2, p. 391).

966. Il va de soi qu'il peut être dérogé à la disposition cldessus de l'art. 294 par les conventions des parties. On a proposé de le dire expressément, mais cela a été jugé inutile.

967. Le même motif a fait rejeter un amendement portant

[ocr errors]

DROIT MARITIME. —CHAP. 5, SECT. 4, ART. 2.

que les dommages-intérêts résultant de retardement seraient réglés par les tribunaux, si mieux n'aimaient les parties les faire régler à dire d'experts.

968. S'il n'y avait eu d'autre retard que la quarantaine qui a été ordonnée pour purger le navire ou la cargaison, il ne serait dû de dommages-intérêts par aucune des parties.

969. De même que l'affréteur qui occasionne un retard doil une indemnité, de même, et par réciprocité, le capitaine est tenu des dommages-intérêts envers l'affréteur, si, par son fait, le navire a été arrêté ou retardé au départ, pendant sa route, ou au lieu de la décharge (c. com. 295).-Le retard peut venir du fait du capitaine, s'il relâche sans nécessité dans les ports sur la route, s'il est retardé par des irrégularités dans les pièces du bord qui doivent légitimer sa navigation. Dans ces cas, et autres semblables, les dommages-intérêts dus par le capitaine à l'affréteur, comprennent l'indemnité, tant du préjudice que le retard lui a causé dans la vente de sa cargaison et la rentrée de ses fonds, que des avaries qu'ont pu éprouver les marchandises par suite de ce retard.

970. Bien entendu qu'il n'y a lieu à aucune indemnité quand le retard provient d'une force majeure. C'est à celui qui invoque cette exception à la prouver. Lorsque l'affréteur a été mis en demeure, la présomption est contre lui. Quand le retard est imputé au capitaine, c'est surtout par la présentation de procès-verbaux inscrits sur le livre de bord, de rapports vérifiés par les gens de l'équipage, qu'il peut prouver la force majeure.

971. On a proposé au conseil d'État d'étendre au propriétaire du navire la disposition portée par l'art. 295 contre le capitaine, attendu que celui-ci n'agit qu'au nom du propriétaire auquel le fret appartient, et que « cette observation reçoit ici une application d'autant plus sensible que le vaisseau peut être retardé par le fait de l'armateur, comme il peut l'être par le fait du capitaine. En ce dernier cas, l'affréteur n'est pas le seul qui ait droit à des dommages-intérêts; il en sera également dû à l'armateur. Au premier cas, le capitaine, qui n'a fait qu'exécuter les ordres de l'armateur, n'est point passible des dommages-intérêts de l'affréteur. » Il n'a pas été fait droit à ces observations, bien qu'elles soient fondées, parce que, comme le fait remarquer Locré, on n'a voulu régler par l'art. 295 que le cas où le retard vient du fait du capitaine, ce qui concerne le propriétaire étant régi par d'autres dispositions.

50

972. Les dommages-intérêts dus par le capitaine, quand le retard provient de son fait, doivent être réglés par des experts (c. com. 295). La loi, dans ce cas, est impérative. Mais quand le retard provient du fait de l'affréteur, l'expertise est facultative pour le juge. C'est que les simples frais de ce retardement, qui peuvent être dus par l'affréteur, sont faciles à évaluer, tandis que l'indemnité dont le capitaine est passible se compose d'eléments plus compliqués, puisqu'elle comprend tout à la fois la perte effective que l'affréteur éprouve, et les gains dont il est privé (c. civ. 1449). Dès lors, pour Festimer, il faut entrer dans un examen détaillé, auquel des experts seuls peuvent se livrer (Locré, sur l'art. 295; Boulay, 2, 595; Dageville, 2, 415). 973. Le règlement de cette indemnite a paru à quelques jurisconsultes être moins de la nature d'une expertise que de felle d'un arbitrage, parce qu'il s'agira presque toujours, nonseulement d'apprécier des faits matériels, mais encore d'évaluer des choses incorporelles; d'où l'on a conclu que la liquidation ne levait avoir lieu que par un arbitrage forcé. Mais la loi parle d'experts et non d'arbitres; on ne peut dépouiller les tribubaux de leur autorité, quand la loi la leur conserve formellement; et d'ailleurs l'arbitrage forcé n'a lieu qu'en matière de société. Disons donc, avec Boulay-Paty, 2, 595. et M. Dageville, 2, 414, que, dans l'espèce, les opérations des experts ne forment pas le jugement, mais seulement le préparent, et que les juges ne sont point tenus de les prendre pour règle de leur décision ⚫ppr. 525).

934. Ces experts doivent être nommés d'office par le tribunal, à moins que les parties n'en conviennent à l'audience (p. pr. 429). — V. Expertise.

975. Si le capitaine eat contraint de fair radouber le navire pendant le voyage, l'affréteur est tenu d'attendre ou de payer le fret en entier (c. com. 296; ord. 1681, tit. du fret,

499

art. 11), s'il retire ses marchandises.-Cette disposition ne con-
cerne que le cas où le navire, parti en bon état, s'est dété-
rioré pendant le voyage, et, en outre, par suite de fortunes de
proviendrait du fait ou de la négligence du capitaine. Dans cette
mer; elle ne s'étend pas au cas ou le mauvais état du navire
dernière hypothèse, il ne s'agit plus, comme dans la première,
d'un cas fortuit dont, aux termes du droit commun, chacun, en
ce qui le concerne, subit les effets, mais bien d'une faute dont
les suites doivent retomber sur son auteur, conformément aux
art. 221 et 216 c. com.-V. Locré, t. 3, p. 274.V. Force majeure.

976. « L'art. 296, sainement entendu, n'oblige les affré-
teurs à attendre le radoub du navire que dans le cas où il peut
être achevé dans un court délai, sans vouloir les priver de la
jouissance de leurs marchandises pendant un long espace de
temps, et les exposer ainsi aux pertes qu'ils pourraient éprouver
sur la valeur du chargement. » Si donc le radoub exige un temps
considérable, ils peuvent retirer leurs marchandises en ne payant
qu'une partie du fret proportionnelle à la distance parcourue de-
puis le départ jusqu'au lieu où ce retrait s'effectue (Rennes, 3o ch.,
19 août 1831, aff. de la Hubaudière C. Thémoy).

977. Si, pour radouber le navire, on est obligé de déchar-
ger, la décharge et le rechargement sont aux frais du chargeur
(Valin, sur l'art. 11 du Fret): dès qu'il y a accident purement
ville, t. 2, p. 416; Boulay-Paty, t. 2, p. 401).
fortuit, tout devient avarie simple (Delvincourt, loc. cit., Dage-

Avant qu'il soit procédé au radoub, il faut que des experts, par un rapport en forme, aient déclaré que le navire est susceptible de réparations, et pourra être en état de faire le voyage aver sûreté (Valin, loc. cit.).

978. Dans le cas où le navire ne pourrait être radoubé (ou, ce qui revient au même, ne pourrait l'être que pour un prix et dans des délais presque égaux à ceux qu'exigerait la construction d'un nouveau bâtiment), le capitaine est tenu d'en louer un autre. Si le capitaine n'a pu louer un autre navire, le fret n'est dù qu'à proportion de ce que le voyage est avancé (art. 296). 979. La première de ces dispositions ne doit point être interprétée à la lettre, suivant Valin, loc. cit., et Pothier, Chartepartie, n° 68. Le capitaine, disent-ils, n'est tenu de fréter un autre veut se contenter d'une partie du fret, proportionnée à l'avancebâtiment, que lorsqu'il veut gagner le fret entier, et non lorsqu'il ment du voyage; car il ne s'est obligé qu'à fournir son vaisseau, et lorsque, par une force majeure, dont il n'est pas garant, il ne obligé à autre chose qu'à décharger l'affréteur ou le locataire du Mais cette opinion peut remplir cet engagement, il n'est, selon les principes du louage, fret, pour ce qui restait à faire du voyage.

est rejetée par Émérigon, ch. 12, sect. 16, § 6, Locré, sur Part.
296, Delvincourt, t. 2, 297 et Boulay-Paty, t. 2, 401, attendu
qu'elle est contraire au texte des art. 296 et 391; qu'en l'ab-
sence du chargeur, le capitaine étant son mandataire, doit faire
tout ce qui dépend de lui pour transporter les marchandises à
leur destination; que ce transport est l'objet principal de l'obli-
gation contractée par le capitaine; que le navire n'est qu'un
moyen d'exécution de cette obligation, lequel venant à manquer,
doit être suppléé par d'autres, lorsque cela est possible; qu'on
doit appliquer à l'espèce, par analogie, la règle qui, dans le cas
d'un transport par terre, oblige le voiturier à effectuer le trans-
port, quelque accident qui puisse arriver à sa voiture; qu'enfin,
la proposition faite par la cour de Caen de consacrer l'opi-
nion de Pothier et de Valin, en rendant la disposition de l'art.
296 simplement facultative pour le capitaine, n'a point été
accueillie (Conf. Bruxelles, 27 mai 1848, aff. Serigiers, D. P.
48.2.182). Quant à M. Dageville, tout en reconnaissant que la
loi oblige le capitaine à louer un autre navire, s'il le peut, il
dérive que de sa qualité de mandataire légal des chargeurs,
pense, et, ce nous semble, avec raison, que cette obligation ne
non du contrat d'affrétement, lequel n'a réellement pour obje
que le louage d'un vaisseau, et dès lors ne soumet point le fré-
teur à l'obligation indéfinie de faire transporter le chargement à
sa destination, mais se trouve résilié par l'événement qui fait pé-
rir le navire ou le rend innavigable; qu'enfin, l'engagement du
voiturier par terre, engagement qui a pour objet principal le
transport des marchandises d'un lieu à un autre, et dans lequel
la voiture n'est qu'un moyen accessoire toujours facile à rempla-

CHAP. 5, SECT. 4, ART. 2.

DROIT MARITIME. cer ou réparer, ne peut être assimilé à l'engagement du fréteur, qui ne consiste que dans le louage d'une place quelconque dans le navire, avec obligation de faire voile vers le lieu de destination, et sous la condition résolutoire des événements de force majeure. 980. Si le capitaine n'a pu trouver à fréter un nouveau naviie qu'à un prix proportionnellement plus élevé que celui accordé primitivement par le chargeur, l'excédant de fret est à la charge, non du capitaine, comme l'a jugé une sentence de l'amirauté de Marseille, du 30 juill. 1748, approuvée par Valin, mais bien des affréteurs, comme le soutenait Emérigon, loc. cit. Cela résulte, soit de l'art. 9 de la déclaration de 1779, ci-dessus citée, soit de l'art. 393, qui mettent cet excédant à la charge des assureurs du chargement. Comme, d'ailleurs, c'est en qualité de mandataire des chargeurs que le capitaine est tenu de louer un autre navire, il a l'action contraire du mandat, quatenùs sibi abest ex causâ mandati (Delvincourt, t. 2, p. 298; Boulay-Paty, t. 2, p. 407; Dageville, t. 2, p. 421.-Si au contraire le fret du nouveau navire est proportionnellement inférieur à celui originairement stipulé, le capitaine peut, en s'en chargeant, demander le fret primitif. La première charte-par.ie continue de subsister.

981. Le capitaine qui, pouvant noliser un autre bâtiment, s'abstiendrait de le faire, s'exposerait à des dommages-intérêts envers les chargeurs, assureurs et autres intéressés; mais il n'aurait pas moins droit au fret à proportion de ce que le voyage serait avancé.

982. Si l'affréteur refusait d'accepter le navire présenté par le capitaine en remplacement du premier, ce serait aux tribunaux à apprécier si ce refus est fondé, c'est-à-dire si le nouveau bâtiment est ou non en état de faire le service pour lequel on le propose. Une vérification par experts suffirait pour faire résoudre la difficulté. Si le refus de l'affréteur ayant été jugé injuste,

--

(1) (Delaroche C. Maillet.) Le 19 janv. 1841, arrêt de la cour de Rouen, ainsi conçu: «Attendu que, par la nature du contrat d'affrétement, l'armateur est tenu des vices ou défauts de son bâtiment et de la réparation du dommage que ces vices peuvent occasionner aux marchandises; que, pour se soustraire à cette garantie, dérivant tout à la fois du droit commun et du droit maritime, les propriétaires du chaland le Dupleix devraient trouver dans le connaissement qu'ils invoquent une exception positive qui les eût affranchis de leur principale obligation; Qu'on ne peut en effet, à l'aide de simples inductions, admettre que l'affréteur ait voulu dégrerer l'armateur de toute responsabilité, même dans le cas où le navire ne serait pas en état de naviguer ou de recevoir son chargement sans un danger imminent pour la marchandise; Attendu que, si la première partie du connaissement signé par le capitaine Martel excepte de la responsabilité les périls et fortunes de mer, ceux de la navigation de la baute et basse Seine et les accidents de toute nature, cette clause, quelque large qu'elle soit, ne peut s'appliquer aux vices ou défauts du navire, lesquels ne sauraient être rangés au nombre des accidents dont les parties ont entendu parler ; que cette qualification, dans le connaissement, d'accidents de toute nature, emporte l'idée d'une force majeure ou de l'un de ces événements fortuits occasionnés par les chances de la navigation; que, dès lors, il faut rechercher, dans l'espèce, quelle a été la cause de la voie d'eau qui s'est manifestée à bord du chaland le Dupleix.

[ocr errors]

-

Attendu, en fait, que ce bâtiment, après être entré le 23 sept. dans les bassins du Havre, a commencé son chargement le 24, et l'a terminé le 27; que, le 28 au matin, alors qu'il était sur le point de faire voile pour Rouen, on s'aperçut que l'eau montait abondamment dans la cale; Attendu que les experts nommés d'un commun accord entre les armateurs rt les chargeurs ont constaté l'existence d'une voie d'eau considérable produite par un trou semblable à celui d'un gournable; que ce trou, suivant les experts, avait été établi comme nable à bord dudit chaland; et, soit que la cheville qui le bouchait à l'intérieur, mal posée, n'ait pas pu résister à la force repulsive de l'eau, soit qu'on ait oublié de le boucher, toujours est, continuent les hommes de l'art, que c'est par cette seule issue que 'eau est entrée dans la cale dudit chaland et y a causé toutes les avaries tonstatées; Attendu qu'il résulte de ce rapport que la voie d'eau qui 'est manifestée au fond de la cale ne peut être attribuée à une force majeure, à un cas fortuit; qu'elle a eu pour cause l'existence d'un trou pratiqué de main d'homme, qualifié nable, et dont l'ouverture n'aurait pas eté bouchée par une cheville, ou ne l'aurait été qu'imparfaitement; que, dans l'un comme dans l'autre cas, il faut tirer la conséquence que le mauvais état du navire, ou au moins le vice qu'il renfermait, a compromis la cargaison, et doit faire, dès lors, tomber sur les armateurs les avaries constatées par les experts;

Attendu que, pour écarter cette solution, les armateurs ne peuvent, dans l'espèce, se prévaloir du certificat de visite qu'ils se sont fait deli

cet affréteur refusait, nonobstant le jugement, de charger sur le bâtiment proposé, il serait considéré comme opérant volontairement la rupture du voyage et devrait payer le fret entier.

983. Le capitaine perd son fret, et répond des dommagesintérêts de l'affréteur, si celui-ci prouve que, lorsque le navire a fait voile, il était hors d'état de naviguer (c. com. 297); et cela, quand même le capitaine aurait ignoré le vice du navire (c. civ. 1721); car le contrat était censé fait sous la condition résolutoire que le capitaine fournirait un bon navire (Valin, sur l'art. 12, du Fret). D'ailleurs, le capitaine ne peut, sans être en faute, avoir ignoré l'état d'innavigabilité de son bâtiment (Conf. Locre, sur l'art. 297; Boulay-Paty, t. 2, p. 412).

984. Il résulte de l'art. 297 que, lorsqu'on est forcé de s'arque ce navire était, au départ, hors d'état de naviguer, n'est rêter en route pour radouber le navire, l'affréteur, s'il prouve point tenu d'attendre que le radoub soit effectué, et peut retirer ses marchandises sans payer aucun fret. Et, de même, si le radoub étant impossible, le capitaine ne trouve pas à louer un autre bâtiment, le chargeur n'est point obligé de payer le fret en proportion du voyage avancé. - Dans l'un et l'autre cas, la perte

du fret, qui est la peine de la faute du capitaine, reste indépendante de l'action en dommages-intérêts dérivant pour l'affréleur du préjudice que lui occasionne l'inexécution de la charte-partie, 985. Il est évident d'après cela, que le chargeur dont les marchandises ont été endommagées par l'effet du mauvais état où s'est trouvé le navire à la suite d'un accident de mer, est fonde à faire supporter ce dommage par l'armateur, si l'accident dont il s'agit a eu lieu et si le navire n'a point été suffisamment réparé avant le chargement. C'est ce qu'a jugé un arrêt de la cour de d'autres chefs, un pourvoi qui a été rejeté le 11 janv. 1842 (1). Rouen du 19 janv. 1841, contre lequel il a été formé, mais sur

présomption du bon état du navire, fondée sur la visite, peut être comvrer à Rouen, après les réparations faites au chaland le Dupleix; que la qu'elle s'établit par la nature et le caractère particulier de l'ouverture battue par une preuve contraire; que cette preuve est ici rapportée, et qui a donné passage à l'eau; que, dès lors, le certificat doit céder à l'el'échouement involontaire du chaland dans le trajet de Rouen au Havre, vidence du fait constaté; aurait pu, suivant les armateurs et le tribunal du Havre, avoir pour cause Attendu que, dans le cas où la voie d'eau cette circonstance serait loin d'être décisive au procès ; les affréteurs ne pourraient être astreints à supporter les conséquences d'un -Qu'en ellet événement antérieur a leur chargement; objecter que le bâtiment arrivé dans les bassins du Havre devait être en Qu'ils seraient bien fondés à état de recevoir leurs marchandises au moment du chargement; qu'ainsi on rentrerait encore forcément dans l'application des principes établis à la responsabilité des vices ou défauts du navire; — Attendu, en définitive, qu'il n'est pas exact de dire, avec les premiers juges, qu'au respect der affréteurs la voie d'eau en question doive être attribuée aux chances de la navigation, alors que cette voie d'eau s'est manifestée avant que le navire ait quitté ses amarres.

Sur le recours des armateurs contre Jean-Baptiste Lemire; Attenda qu'il n'est pas justitie par les armateurs que Jean-Baptiste Lemire se suit chargé, par un marché à forfait, de faire toutes les réparations qui pourraient être nécessaires au chalani le Dupleix avant son départ pour le Havre; Qu'il résulte des explications données en plaidoirie que les changements et les réparations de ce bâtiment ont eu lieu sous la surveillance et les indications de Maillet-Duboullay; que ce dernier ne demande pas même à établir positivement que le trou de nable aurait été pratique lors des réparations faites par Lemire, ni que celui-ci eût alors néglige d'en faire boucher convenablement l'ouverture; - Vu ce qui résulte, d'ailleurs, du certificat de visite faite à Rouen et des articulations de Maillet-Duboullay relativement aux échouements du navire dans le trajet de pleix; Rouen au Havre; Réformant, déclare Maillet-Duboullay et compagnie responsables de l'événement arrivé le 28 sept. 1840 à bord du DuEn conséquence, les condamne à payer à Delaroche-Delessert et compagnie, la somme de 7,696 fr. pour réparation du préjudice pat eux éprouvé ; Et, en ce qui concerne la demande récursoire de Maillet Duboullay et compagnie contre Lemire, dit à tort ladite demande. » Pourvoi: 1° pour violation des art. 98 et 103 c. com., 1784, 1154 el 1157 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge des armateurs du navire le Dupleix une responsabilité dont ils avaient été affranchis par une stipulation expresse du contrat d'affrétement; -9° Pour violation des art. 1582, 1585, 1142 et 1155 c. civ., en ce que le même arrêt a exempté de tout recours en garantie les sieurs Lemire et fils qui avaient elé chargés de réparer le navire et qui avaient mal exécuté ces réparations puisque c'est du vice propre du bâtiment que sont résultées les peries qu'on veut faire supperter aus demandeurs.

[ocr errors]

-

Arrel

« PreviousContinue »