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DROIT MARITIME.

CHAP. 5, SECT. 4, ART. 2.

936. L'armateur est tenu d'indemniser l'affréteur des avaries survenues aux marchandises par suite du vice propre du bâtiment, alors même que le contrat l'affranchit expressément de la responsabilité des fortunes de mer et des accidents de toute nature celte clause, quelque large qu'elle soit, ne s'applique point aux vices du bâtiment; et les parties doivent être présumées, sauf preuve contraire, n'avoir entendu désigner par ces mots accidents de toute nature que les événements fortuits occasionnés par les chances de la navigation (mêmes arrêts des 19 janv. 1841 et 11 janv. 1842).

987. On ne saurait attribuer aux chances de la navigation une voie d'eau qui s'est manifestée avant que le navire ait quitté ses amarres (Rouen, 19 janv. 1841, aff. Delaroche, V. n° 985). — On ne peut, non plus, considérer comme provenant d'une force majeure, d'un cas fortuit, mais bien d'un vice propre du navire, la voie d'eau qui est constatée par experts avoir été produite par un trou établi comme nable et dont la cheville destinée à le boucher a été mal posée. En conséquence, le dommage causé par celle voie d'eau aux marchandises, est de plein droit à la charge de l'armateur et non de l'affréteur (même arrêt). Il en est ainsi, alors même que l'armateur produit un certificat de visite attes

Attendu que la stipulation de LA COUR ;- - Sur le premier moyen : non-garantie des avaries ou pertes de marchandises et effets, autorisée par l'art. 98 c. com., n'affranchit pas le commissionnaire de transport par terre ou par eau de l'obligation de fournir une voiture ou un navire Attendu que l'arrêt en bon état et propre à faire le transport convenu; allaqué constale, en fait, que les avaries dont les sieurs Maillet-Duboulmais lay et comp. ont été déclarés responsables envers les sieurs DelarocheDelessert et comp., ne provenaient pas d'accidents de navigations, du mauvais état du navire destiné par lesdits Maillet-Duboullay et comp. à effectuer le transport des sucres des sieurs Delaroche-Delessert et comp.; Que l'arrêt attaqué, en déclarant que la stipulation de non-garantie insérée dans la lettre de voiture était relative seulement aux périls et fortunes de mer et à ceux de la navigation de la Haute et Basse-Seine; que, dès lors, elle ne pouvait pas recevoir son application aux avaries dont il s'agit, lesquelles provenaient d'un vice propre du navire, n'a fait que déduire la conséquence des faits constatés et des conventions que la cour royale avait le droit d'interpréter, et n'a violé aucune loi;

le

Sur le deuxième moyen: Attendu que, pour rejeter l'action en garantie formée par les sieurs Maillet-Duboullay et comp. contre les sieurs Lemire et fils, l'arrêt attaqué s'est fondé : 1° sur ce que les sieurs Lemire, et fils n'avaient pas été chargés de faire toutes les réparations nécessaires pour mettre le chaland le Dupleix en bon état, mais seulement de faire à ce navire les changements et réparations indiqués par les sieurs MailletDuboullay, et qui avaient été exécutés sous sa direction et surveillance; et 2 sur ce que, après les travaux faits par les sieurs Lemire et fils, Davire avait été visité par des experts et reconnu en bon état, que le navire avait été ensuite conduit, sur son lest, de Rouen au Havre, et que le trou par lequel l'eau s'était introduite dans le navire et qui avait causé les avaries éprouvées par les marchandises des sieurs Delaroche-Delessert et comp., avait pu être fait dans le cours de cette navigation; - Que de ces faits qu'il lui appartenait de constater, la cour royale a justement conclu que les sieurs Maillet-Duboullay étaient mal fondés dans leur recours en garantie contre les sieurs Lemire et fils, et que cette décision ne Rejette. contrevient à aucune loi;

-

Du 11 janv. 1842 -C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Brière-Valigny, rap.-Pascalis, av. gen., c. conf. Ripault, av.

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(1) Espèce: - (Fontan, etc. C. Deunemont.) — Le brick l'Élisa, appartenant à la maison Fontan de Samt-Malo, se trouvait mouillé en rade & Saint-Denis (ie Bourbon), dans le courant de l'année 1829. Dennemont, négociant a Bourbon, fit à Gamin père et fils, consignataires le ce navire, des propositions d'affrétement pour un voyage à Mascate et retour. Les propositions furent acceptées, et le prix du fret fixé a 1,100 piastres par mois. Le capitaine mit à la voile pour Mascate le 21 août 1829. après avoir fait visiter le navire et s'être muni du procèsverbal de visite constatant qu'il était en bon état de navigabilité. Le voyage d'aller s'effectua sans accident; mais au retour, le brick eut a supporter quelques gros temps; il fit eau en si grande abondance, qu'une relâche fut jugée indispensable; elle eut lieu à Mahé dans les iles Seychelles; la réparation des avaries du navire nécessita un assez long s jour à Mahé, et le déchargement des marchandises. Il fut constaté par es experts appelés à reconnaître les avaries, qu'elles provenaient de ce e le navire avait anciennement touché, et qu'il était en mauvais état - Les chargeurs, à leur retour a moment de son depart pour Mascate. a Samt-Denis, le 11 avril 1850, formèrent, contre les fréteurs et contre le capitaine, une demande tendant à être dispensés du payement du fret, eta obtenir des dommages-interêts, tant à cause du retard du voyage que pour les avaries de leurs marchandises. Gamin père et fils et le ca

tant le bon état du navire; car la présomption résultant de ce
certificat peut, comme on va le voir, être combattue, et l'est
en effet avec avantage dans le cas dont il s'agit par la constata-
tion ultérieurement faite de la nature des causes de la voie d'eau
(même arrêt).-V. Force majeure.

988. La preuve (que le navire était hors d'état de naviguer. lors du départ) est admissible, nonobstant et contre les certificats de visite au départ (c. com. 297). Cette disposition fut combattuo au conseil d'État, sur le motif qu'on ne devait pas admettre l'affréteur à contredire un certificat des visiteurs, qui sont les délégués de l'autorité. On demanda que du moins la disposition fùt restreinte aux vices cachés. Néanmoins, elle a été maintenue, attendu qu'il ne faut pas permettre que le certificat des visiteurs soit plus fort que l'évidence. Ce qui achève d'ailleurs de le justifier, c'est que la visite ne se fait pas contradictoirement avec l'affréteur. Si donc le retard d'un voyage maritime provient d'une relâche forcée pour réparer des avaries majeures existantes au moment du départ, bien que le certificat de visite dressé à cette époque constate que le navire était en bon état, le fret n'est pas dù, et le fréteur, aussi bien que le capitaine, sont passibles de dommages-intérêts envers l'affréteur (Req., 9 avril 1833) (1).

pitaine Gols, résistèrent à cette demande. Le tribunal de Bourbon, jugeant commercialement, déclara, par jugement du 10 mai 1850, le chargeur non recevable et mal fondé dans sa double demande, et le condamna à payer aux fréteurs le montant du fret pendant tout le temps qu'avait duré le voyage, attendu qu'il n'était pas prouvé par Dennemont que le navire fut en etat d'innavigabilité au moment de son départ, tandis que le contraire résultait du certificat de visite délivré à cette même époque; que la relâche à Mabe avait été le résultat de la force majeure, et que, si les marchandises avaient été légèrement avariées, ces avaries ne pouvaient être attribuées à l'état du navire, mais uniquement à l'humidité du magasin où elles avaient été déposées après leur déchargement.

c. com. :

Sur l'appel, la cour de Bourbon infirma cette décision par un premier arrêt, du 2 juin 1850. Elle décida qu'il n'y avait pas lieu au payement da fret, et qu'il était dû des dommages-intérêts dont elle ordonna l'évaluation par experts. Les motifs de la décision étaient pris de ce que le certificat de visite ne faisait point obstacle à la preuve contraire; de co qu'il résultait, tant des registres de bord que des procès-verbaux des experts, que le brick l'Élisa était en mauvais état, provenant d'avaries contractées même avant son départ d'Europe pour Bourbon, par suite d'échouage. L'arrêt écartait aussi la force majeure, pour faire peser toute responsabilité des avaries et du retard sur les propriétaires et le capitaine du navire. Les experts chargés d'évaluer les dommages et intérêts, s'écartant de la mission qui leur était confiée, s'érigèrent eux-mêmes en juges, et émirent l'opinion qu'il n'était dû aucuns dommages-intérêts. La cour annula cette expertise par un second arrêt du 13 avril 1850, et trouvant dans la cause des éléments suffisants pour la fixation des dommages, sans recourir à une nouvelle expertise, elle arbitra leur montant à la somme de 5,000 fr. - Pourvoi contre ces deux arrêts.- Arrêt. LA COUR; Statuant sur les deux premiers moyens dirigés contre l'arrêt du 2 juin 1830, et tirés de la violation des art. 297, 435 et 456 Attendu, en droit, que le code de commerce, conforme à l'ordonnance de la marine de 1681, reconnaît, dans les art. 295, 296 et 297, trois cas de retardement distincts: 1° celui où il provient du fait du 5 enfin, celui où il provient du mauvais état où se trouvait le navire au capitaine; 20 celui où il provient d'un cas imprévu ou de force majeure; moment de son départ; - Attendu, en fait, que l'arrêt déclare qu'au moment où le brick l'Élisa partit pour Mascate pour retourner à Bourbon, il se manifesta au bord du navire des voies d'eau et des avaries telles qu'il fut contraint de retourner à Mahé, où il resta deux mois et demi; que là, ayant été visité par des experts, ils déclarèrent que les grandes avaries, par eux constatees, provenaient de ce que le navire avait anciennement touché; que l'arrêt ajoute qu'à son départ d'Europe, ce brick était déja en mauvais état, puisque le journal même du bord mentionne qu'on avait trois fois échoué le navire pour le réparer; qu'arrivé à Bourbon en mau vais état, il ne fut fait cependant aucune réparation au corps du navire : qu'il résulte de ce point de fait que le brick l'Élisa, lors de son départ de Bourbon, était, par l'effet de dégradations intérieures et cachées, hors d'état de naviguer, c'est-à-dire de résister sans danger aux coups de vent et aux accidents inévitables en toute navigation: qu'ainsi le cas de retai dement qui a donné lieu à la demande de l'affréteur, et reconnu par l'arrêt, était le cas prévu par l'art. 297 c. com.;

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des art. 1350 et 1351 c. civ., et dirigé contre l'arrêt du 13 juillet 1830: Attendu que la cour royale ayant jugė, par son premier arrêt, qu'il était dû des dommages-intérêts à l'affréteur du navire, loin de violer l'autorité de la chose jugée, c'est confirmée à sa première décision, en arbitrant, par son second arrêt, le montant de ces dommages et intérêts;

989. La preuve dont parle l'art. 297 est à la charge de l'affréteur, lorsque le navire a été visité. Dans le cas contraire, le vice du navire est présumé (Delvincourt, t. 2, p. 299; BoulayPaty, t. 2, p. 416; Dageville, t. 2, p. 426).

990. Le capitaine qui prouverait que l'affréteur connaissait l'état d'innavigabilité du navire lors du départ, ne serait passible envers lui d'aucuns dommages-intérêts, car on n'est pas censé avoir éprouvé un préjudice quand on l'a subi par sa faute (L. 204, D. De reg. jur.- Conf. mêmes autorités). Mais l'un et l'autre pourraient être passibles, dans ce cas, de poursuites criminelles à raison des dangers auxquels ils ont exposé l'équi,

page.

991. L'armateur obligé d'indemniser le chargeur des dommages provenant du mauvais état du navire, n'a pas de recours contre le constructeur qui avait été chargé de le réparer, quand celui-ci ne s'était pas obligé par un marché à forfait, à opérer toutes les réparations nécessaires, mais seulement à en faire quelques-unes, indiquées par l'armateur lui-même, et lorsque les accidents survenus depuis ne peuvent être attribués à ce que ces réparations auraient été mal faites (Rouen, 19 janv. 1841, aff. Delaroche, V. no 985).

992. L'arrêt du navire par ordre de puissance, pendant le voyage, étant un événement de force majeure, il semble que, d'après la rigueur des principes, cet événement ne devrait, quand le navire est loué au mois, ni empêcher le fret de courir pendant la détention, ni modifier l'obligation du fréteur de payer seul la nourriture et les loyers de l'equipage durant le même temps. Mais des motifs d'équité ont fait tempérer la sévérité de cette règle. Si le vaisseau est arrêté dans le cours de son voyage par l'ordre d'une puissance, il n'est dù aucun fret pour le temps de sa détention, si le navire est affrété au mois, i augmentation de fret, s'il est loué au voyage. La nourriture et les loyers de l'équipage pendant la détention du navire sont réputés avaries (c. com. 300), avaries communes, à la charge tout à la fois du navire et de la cargaison, si le navire est affrété au mois (c. com. 400), et avaries simples, à la charge du navire seul, quand il est affrété au voyage (c. com. 403). On le voit, dans le cas d'affrétement au mois, la loi dispense l'affréteur de payer le fret durant la détention momentanée causée par l'arrêt de prince, afin de ne pas l'exposer à voir le fret absorber la valeur de son chargement; elle présume qu'en convenant du fret à tant par mois, l'affréteur a entendu parler du mois de navigation réelle. D'un autre côté, elle pourvoit aux intérêts de l'armateur en obligeant les chargeurs, toujours dans le cas d'affrétement au mois, à contribuer, durant la détention, à la nourriture et aux loyers des matelots. Mais lorsque l'affrétement est au voyage, elle maintient scrupuleusement le marché à fortait intervenu entre les parties, en laissant aux risques et périls de l'armateur les retards causés - Ces dispopar l'arrêt de prince et les dépenses en résultant. sitions, déjà consacrées par l'ord. de 1681 (tit. du Fret, art. 16), étaient considérées par Valin comme parfaitement équitables en ce qui concernait les affrétements au mois. Mais ce jurisconsulte pensait qu'il était également juste que la nourriture et les loyers de l'équipage, pendant l'arrêt, fussent réputés avaries communes, même lorsque l'affrétement était au voyage. Cette opinion à été reproduite, lors de la confection du code de commerce, ainsi qu'on le verrà dans la section consacrée aux avaries; mais elle n'a point été adoptée, malgré les considérations d'équité qui militaient, ce semble, en sa faveur.

993. Les règles établies par l'art. 300 c. com. doivent être étendues, par identité de motifs, au cas, où, pendant le voyage, le vaisseau s'arrête volontairement dans un port pour éviter le danger imminent d'être pris par l'ennemi (Émérigon, Assur., ch. 12, sect. 4, Valin, t. 1, p. 593; M. Dageville, t. 2, D. 442).

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation, par l'arrêt du 13 juillet 1830, des art. 322 et 325 c. pr. civ.:-Attendu que l'art. 322 c. pr. est purement facultatif, puisqu'il porte que les juges pourront ordonner une nouvelle expertise, s'ils ne trouvent pas dans le rapport des experts des éclaircissements suffisants, et que l'art. 525 dispose que les juges ne sont pas astreints à suivre l'avis des experts; que les juges composant la cour royale de Bourbon, n'ayant pas trouvé dans le rapport qu'ils avaient

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994. L'affréteur qui n'a pas chargé la quantité de marchatdises portée par la charte-partie, est tenu de payer le fret en entier, et pour le chargement complet auquel il s'est engag (c. com. 288; ord. 1681, tit. du Fret, art. 3), car il est de règ que le loyer est dû, quand il n'a tenu qu'au locataire de jouir es la chose louée.

995. Mais avant de pouvoir profiter du bénéfice de cette dis. position, le capitaine doit avoir mis l'affréteur en demeure, t avoir obtenu un jugement portant que, faute par l'affréteur d compléter le chargement dans un délai fixé, le capitaine pourra partir. La peine résultant de l'inexécution des contrats, dit Valin. sur l'art. 3, du Fret, n'est pas encourue de plein droit, surtou dans une matière comme celle-ci, où, de part et d'autre, on est accoutumé à essuyer des délais qui, naturellement, ne produisent par eux-mêmes, pour dommages-intérêts, qué les frais du retardement. Le capitaine qui aurait fait voile sans mettre l'alfréteur en demeure, loin d'être fondé à demander le fret entier, pourrait, suivant les circonstances, être tenu à des dommages intérêts envers l'affréteur, qui pourrait prétendre avoir eu l'in tention de compléter son chargement (Pothier, Charte-partie, n° 73; Boulay-Paty, t. 2, p. 366).

996. Le fret n'est dû dans le cas prévu par la disposition précitée de l'art. 288, que dans la proportion du dommage causé au fréteur. Si donc le capitaine a reçu, au lieu et place de la partie manquante du chargement promis, des marchandises appartenant à d'autres qu'à l'affréteur, celui-ci ne sera tenu que de la difference, s'il y en a, entre le fret payé pour les marchandises dont il s'agit, et le fret supérieur convenu avec lui (Valin, sur l'art. 3, tit. du fret; Delvincourt, t. 2, p. 311; Boulay-Paty, t. 2, p. 566; Dageville, t. 2, p. 390).

997. Si l'affréteur charge une quantité de marchandises supérieure à celle portée au contrat (ce qu'il ne peut faire, bien entendu, que du consentement du capitaine), il paye alors le fret de l'excédant sur le prix réglé par la charte-partie (c. com. 288); sauf conventions contraires, conventions qui doivent être constatées par écrit; de sorte que l'affréteur ne serait pas admis à prouver par témoins la fixation d'un moindre prix pour les marchadises excédantes, d'après la maxime: Contrà scriptum testimonium non fertur testimonium non scriptum (Boulay - Paty, t. 2, p. 367). .

998. Alors même que, depuis la signature de la charte-partie, le fret pour le lieu de la destination aurait augmenté, le capitaine qui laisserait charger une quantité de marchandises supérieure à celle convenue, sans exiger pour cet excédant une augmentation de fret, ne serait pas fondé à réclamer ultérieurement cette augmentation. Et vice versa, en cas de diminution du fret survenue depuis la passation du contrat, l'affréteur n'en profiterait pas pour son excédant de chargement, s'il n'avait fait à cet égard une stipulation expresse ( même autorité).

999. Si l'affréteur, sans avoir rien chargé, rompt le voyage avant le départ, il doit payer en indemnité au capitaine la moitié du fret convenu par la charte-partie pour la totalité du chargement qu'il devait faire (c. com. 288). Il a paru trop rigoureux de faire payer la totalité du fret à l'affréteur qui rompt le voyage avant le départ; le capitaine se trouve, en pareil cas, suffisamment indemnisé par le payement de la moitié du fret, puisqu'il lui reste la faculté de louer son bâtiment à un autre chargeur.La disposition qui nous occupe est, on le voit, restreinte au cas où le voyage est rompu, sans que l'affréteur ait rien chargé, et où par conséquent les choses sont encore entières. Elle est, du reste, indistinctement applicable quelque ait été le mode de l'affrétement. Le capitaine ne pourrait rien exiger au delà de la moitié du fret, en alléguant qu'il éprouve un tort plus considé

ordonné, les éclaircissements qu'ils recherchaient, se sont déterminés, pour fixer les dommages et intérêts réclamés, sur les documents que leur fournissait le procès, et n'ont, en disposant ainsi, violé ni l'art. 322, ni l'art. 323 c, pr.; Rejelte.

Du 9 avril 1833.-C. C., ch. req.- MM. Zangiacomi, pr.-Jaubert, rap.Tarbé, av, gen., c. conf.-Cremieux, av.

rable. Mais aussi le demi-fret lui est acquis, quand même il trouverait à l'instant on affrétement plus avantageux (Delvincourt, 1. 2. p. 302; Boulay-Paty, t. 2, p. 368).

1000. Da reste, il ne peut point, pour le payement de ce demi fret, exercer le privilége établi par l'art. 307 c. com. ; car des que les marchandises n'ont point été chargées, le capitaine n'a gagné aucune partie du fret; ce n'est donc qu'une simple indemnité qui lui est due, indemnité qui ne peut donner lieu qu'à une action personnelle, et ne saurait conférer le jus in re (Valin, fur l'art. 21, du Fret; Delvincourt, t. 2, p. 302; Boulay-Paty, 1. 2, p. 387; M. Dageville, t. 2, 392).

100. Si le navire á reçu une partie de son chargement, et il parte & non-charge, le fret entier est dû au capitaine (c.com. 994), à la différence de ce qui a lieu, comme on vient de le voir, quad la charte-partie est rompue sans avoir reçu aucun commencement d'exécution. Mais il faut, dans le cas dont s'agit, que le havire parte à non-charge; car celui des affréteurs qui n'aurait Pas complété son chargement ne devrait rien à raison de ce qu'il Taurait pas chargé, si d'ailleurs le navire partait avec une carTaison complète (Boulay-Paty, t. 2, p. 369).

1002. Les termes précis et absolus de la sition cidessus, semblent repousser l'opinion de Pothier (charte-partie, no 81) et de Valin (sur l'art. 6, titre du Fret), suivant laquelle Paffréteur qui, après avoir chargé partie de ses marchandises, otifierait, avant le départ, sa volonté de n'en pas charger daVantage, ne serait pas tenu de payer la totalité du fret de cette Hartie restante, mais seulement la moitié. Boulay-Paty, t. 2, 570, regarde aussi cette opinion comme inconciliable avec le texte de la loi, alors même que l'intention de ne faire qu'un chargement partiel aurait été signifiée longtemps avant le départ, et que la place qu'auraient dû occuper les effets non chargés serait assez considérable pour que le capitaine pût trouver facilement à la louer à d'autres.

1003. La règle établie par l'alinéa final de l'art. 288 ne concerne pas les affrétements à cueillette. Si le navire est chargé à cueillette, soit au quintal, au tonneau ou à forfait, le chargeur peut retirer ses marchandises avant le départ du navire, en payant le demi-fret. Il supporte les frais de charge, ainsi que ceux de décharge et de rechargement des autres marchandises qu'il faudrait déplacer, et ceux du retardement (c. com. 291; ord. 1681, tit. du Fret, art. 6). Il résulte clairement des termes limitatifs de cette disposition exceptionnelle et de ceux du dernier paragraphe de l'art. 288, que la faculté de résilier la charte-partie, avant le départ, en payant seulement le demi-fret et les frais, et cela, nonobstant le commencement d'exécution du contrat résultant du chargement total ou partiel des marchandises, n'est accordée à l'affréteur que lorsque le chargement est à cueillette. Dans tous les autres affrétements, dès que le chargeur a commencé son chargement, il ne peut plus le retirer qu'en payant la totalité du fret, si le navire part à noncharge. La raison de différence est que, dans le chargement à cueillette, le capitaine n'étant pas obligé de partir à jour fixe, trouvera plus facilement un autre chargeur; et que, d'ailleurs, le droit qu'il a de ne pas prendre les marchandises, s'il ne trouve pas à compléter la charge du navire, exigeait qu'on donnât au chargeur, par une sorte de réciprocité, le droit de rompre le voyage sans payer le fret entier (Delvincourt, 2, 302; BoulayPaty, 2, 380; Dageville, 2, 391).

1004. La faculté de retirer ses marchandises en payant le - Mais demi-fret, n'existe pour le chargeur qu'avant le départ. · elle existe alors sans qu'il ait à justifier les motifs de sa détermination; l'exercice de cette faculté n'est subordonnée qu'à sa seule valonté. Mais aussi dès qu'il prend cette mesure, le demi-fret est dû au capitaine comme indemnité de la rupture du contrat et alors même qu'il trouverait à remplacer sans délai le chargement qui lui est retiré (Locré, t. 3, p. 257).

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Il a été jugé qu'un navire est réputé parti dans le sens de
l'art. 291 c. com.,
et que le chargeur n'a plus la faculté de retirer
sa marchandise en payant le demi-fret, lorsque ce navire est ar-
rimé, expédié en douane et qu'il attend la marée pour mettre à
la voile (Paris, 27 nov. 1847, aff. Ricou, D. P.
prévu.
1005. Dans le cas de l'art. 291, comme
par le 3 de l'art. 388, le droit du capitaine de se faire payer I

le demi-fret ne constitue point entre ses mains une créance jouissant du privilége porté par l'art. 307. C'est le sentiment unanime des auteurs (V. Valin, sur l'art. 24, tit. du Fret; Boulay-Paty, t. 2, p. 587; M. Dageville, t. 2, p. 408).

1006. Dans le cas d'un chargement à cueillette, si le capi̟... taine, ayant à bord plus des trois quarts de la portée du navire, mais désirant rompre le voyage, dans la crainte de la survenance de la guerre, s'abstient volontairement de compléter son chargement et refuse de partir, les chargeurs peuvent, le faire condamner à mettre à la voile dans un délai fixé, où, faute de ce faire, à décharger à ses frais les marchandises, sans pouvoir réclamer le demi-fret, C'est ce qu'à décidé un jugement du tribunal de Marseille, cité par des auteurs qui n'en font pas connaître la date.

1007. Le chargeur qui retire ses marchandises pendant le voyage, est tenu de payer le fret en entier et tous les frais de déplacement occasionnés par le déchargement (c. com. 293), parce qu'il sera vraisemblablement fort difficile au capitaine de remplacer, pendant le voyage, les marchandises qu'on lui retire. Cette disposition est générale; elle s'applique à celui qui a chargé à cueillette comme à celui qui a chargé de toute autre manière. — Mais, pour le payement du fret, le capitaine n'aura sur les marchandises, après leur déchargement et leur délivrance, le privilége établi par l'art. 307, que pour la portion due à raison de l'avancement du voyage. Il n'a, pour le payement du surplus, qu'une action en indemnité, purement personnelle (Valin, sur l'art. 24, du Fret; Delvincourt, t. 2, Boulay-Paty, t. 2, p. 387).

P1008, Si les marchandises sont retirées pour cause des faits

ou des fautes du capitaine (comme s'il change de route, s'il al-
longe trop le voyage par des escales répétées), celui-ci est res-
ponsable de tous les frais (c. com. 293) de déplacement. — Il
est, en outre, sans droit pour réclamer le fret, et passible de dom-
mages-intérêts envers le chargeur (c. com. 221,,216, V. Valin,
sur l'art. 8, du Fret; Pothier, Charte-partie, n° 74; Locré, t. 3,
p. 264; Boulay-Paty, t. 2, p. 385; M. Dageville, t. 2, p. 408).
Mais lorsqu'un chargeur retire ses marchandises, pendant le
Voyage,
à cause du retardement occasionné par une relâche que
des événements de force majeure ont nécessitée, il ne peut se
dispenser de payer le fret entier (Aix, 22 juin 1823, aff. Armin-
gaud C. Trabaud).

1009. Le fret est dû pour les marchandises que le capitaine a été contraint de vendre pour subvenir aux victuailles, radoubs et autres nécessités pressantes du navire, en tenant par lui compte de leur valeur, au prix que le reste ou autre pareille marchandise de même qualité sera vendu au lieu de la décharge, si le navire arrive à bon port (c. com. 298. Conf. jugement d'Oleron, art. 22; ord. de Wisby, art. 35 et 69; assur. d'Anvers, art. 19; ord. 1681, tit. du Fret, art. 14). En effet, dès que le capitaine est obligé de tenir compte des marchandises qu'il a vendues, conformément à l'art. 234, pour les besoins du navire, et de leur assigner la même valeur qu'elles auraient eue au lieu de la destination si elles y étaient arrivées, il est de toute justice de lui payer en retour le fret de ces marchandises.

1010. Si le navire se perd, le capitaine doit tenir compte des marchandises sur le pied qu'il les a vendues, en retenant également le fret porté aux connaissements (c. com. 298). Pour motiver cette disposition, contraire à l'opinion d'Émérigon, mais conforme à celle de Valin, on a dit: d'une part, la disposition dont il s'agit est favorable aux chargeurs; car si leurs marchandisés n'avaient pas été vendues, elles auraient péri avec le navire; ils sont donc heureux de recevoir le prix de la vente qua en a été faite, en payant le fret stipulé. D'un autre côté, le capitaine est justement obligé de tenir compte des marchandises sur le pied qu'il les a vendues; car ces marchandises ayant été ainsi aliénées pour subvenir aux besoins du navire, constituaient un titre de créance en faveur de leur propriétaire; dès lors elles avaient cessé d'être en risque; le capitaine et les propriétaires du navire, qui étaient chargés de pourvoir à ses besoins, avaient donc contracté une dette individuelle en appliquant ces marchandises à l'accomplissement de leur devoir personnel. V. l'exposé des motifs, p. 359, no 10.

1011. Il résulte, on le voit, des deux dispositions ci-des

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sus citées de l'art. 298, que si le navire pour les besoins duquel des marchandises ont été vendues arrive à bon port, on doit tenir compte de leur valeur au prix qu'elles auraient eu au lieu de la décharge, tandis que si le navire se perd, il n'est tenu compte de ces marchandises que sur le pied qu'elles ont élé vendues.

1012. Lorsque, au lieu de vendre la marchandise, le capitaine l'a mise en gage, comment le propriétaire est-il remboursé? Si le navire arrive à bon port, la marchandise mise en gage doit être payée au prix qu'elle aurait valu au lieu de la destination, sous la déduction du fret; et l'armateur qui, par ce payement, en devient propriétaire, peut en disposer à son gré. En cas de perte du navire, le capitaine ne devra rembourser que l'argent par lui emprunté sur la marchandise en gage, toujours sous la déduction du fret, et il devra remettre au propriétaire le titre de nantissement, en vertu duquel elle peut être retirée des mains du prêteur ( Boulay-Paty, t. 2, p. 423; Dageville, t. 2, p. 438).

1013. Dans les deux cas qui viennent d'être énoncés, où les propriétaires du navire doivent indemniser les affréteurs de la vente de leurs marchandises, l'art. 298, dans une disposition 'complémentaire qui y a été ajoutée par la loi du 14 juin 1841, autorise ces propriétaires à exercer le droit à eux réservé par le § 2 de l'art. 216, c'est-à-dire à s'affranchir de toute obligation vis-à-vis des affréteurs en abandonnant le navire et le fret. 1014. l était juste de faire contribuer tous les chargeurs à la réparation de la perte éprouvée par celui d'entre eux dont les marchandises ont été vendues, quand le propriétaire use du droit qu'il a de lui abandonner le navire et le fret. C'est à quoi pourvoit une disposition finale qui a été pareillement ajoutée à l'art. 298 par la loi précitée de 1841, et qui est ainsi conçue : << Lorsque de l'exercice de ce droit résultera une perte pour ceux dont les marchandises auront été vendues ou mises en gage, elle sera répartie au marc le franc sur la valeur de ces marchandises et de toutes celles qui sont arrivées à destination ou qui ont été sauvées du naufrage postérieurement aux événements de mer qui ont nécessité la vente ou la mise en gage. » — - Cette disposition est de toute équité la vente ou mise en gage a été faite dans un intérêt commun; c'est une avarie commune; la| perte doit donc être répartie au marc le franc sur toutes les marchandises, et la contribution de chacun doit être réglée conformément aux art. 414 et 416 ci-après.

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(1) Espèce: (Doguet C. Perchais.) — Le 30 juill. 1841, arrêt de la cour de Rennes ainsi conçu : Considérant, en fait, qu'une certaine quantité de balles de sucre avait été chargée à Bourbon, sur le navire le Marcambie, capitaine Doguet, à la consignation de Perchais et Mead et de Betting de Lancastel, tous négociants à Nantes; que ce bâtiment, après s'être rendu à l'fle Maurice pour y prendre des passagers, en repartit le 11 fév. 1840; qu'il fut assailli par la tempête les 13 et 14 du même mois, et forcé, par suite des avaries qu'il avait éprouvées, de rentrer à Maurice; que la il fut légalement constaté que les sucres, dont le fret a donné lieu au procès, avaient été endommagés à tel point qu'il y avait nécessité de les vendre; que le capitaine Doguet fit procéder à cette vente dans les formes voulues, et que le produit en fut employé à réparer les avaries du navire; Considérant que l'art. 293 c. com. ne saurait recevoir d'application à la cause; qu'il ne prévoit que le cas où le chargeur P fait volontairement remettre ses marchandises pendant le cours du voyage; qu'il est bien vrai qu'il en doit alors le fret en entier, parce qu'il ne peut rompre, par sa seule volonté, ses propres engagements, priver le capitaine du juste salaire qu'il devait attendre pour le transport ont il s'était chargé; que ces mots : le chargeur qui retire ses marchandises, font assez connaître qu'il s'agit du cas où le chargeur prend volonfairement cette détermination, et non de celui où un événement de force majeure met dans la nécessité de débarquer les marchandises chargées et s'oppose à ce qu'elles soient conduites au lieu pour lequel elles étaient destinées, comme cela est arrivé dans l'espèce de la cause; que le chargeur, qui éprouve déjà dans de telles circonstances une perte sur sa marchandise, ne peut répondre envers le capitaine du navire de la perte que elui-ci éprouve de son côté sur son fret; qu'autrement ce serait condamner le chargeur à des dommages-intérêts envers celui-ci pour un événement de force majeure dont aucun d'eux ne doit répondre vis-à-vis de J'autre que plusieurs dispositions du code de commerce prouvent qu'en cas semblable le chargeur ne doit rien au capitaine, ou ne lui doit de fret que jusqu'au lieu du sinistre; qu'ainsi, et dans le cas de naufrage ou de prise du navire par les pirates, le capitaine, d'après l'art. 303 du même Code, ne peut, lorsque les marchandises sont sauvées ou rachetées, ré

Toutefois, il faut prendre garde de donner à la disposition dont il s'agit une extension exagérée. Sans doute il est de toute justice que la perte occasionnée à ceux dont les marchandises ont été vendues ou mises en gage pour subvenir aux frais de radoub, soit répartie sur la valeur de toutes les marchandises auxquelles ce radoub a profité, c'est-à-dire sur la valeur de toutes celles qui sont restées sur le navire, et qui, postérieurement à ce radoub, sont arrivées à leur destination primitive, ou même à une destination accidentelle; mais il n'y a pas le même motif pour faire également contribuer, soit les marchandises qui avaient pour destination le port de radoub, soit celles qui y auraient été déchargées pour éviter la vente ou la mise en gage, puisqu'il est évident qu'elles n'ont aucunement profité des réparations faites au bâtiment, lesquelles étaient pour elles sans aucune utilité. En conséquence tout ce qu'on peut exiger des propriétaires de ces marchandises, c'est le payement de la totalité du fret convenu; | l'équité ne permet pas, dès qu'ils ne veulent pas continuer le voyage, de les faire participer aux dépenses qui ont lieu pour opérer cette continuation. Telle est aussi l'opinion de M. Duver. gier, Collect. des lois, vol. de 1841, p. 327. Elle semble confirmée par le rejet, lors de la discussion de la loi de 1841 à la chambre des pairs, d'un amendement de M. de Cordoue, qui tendait à consacrer une décision contraire.

1015. Le capitaine qui a été contraint de vendre, durant la traversée, les marchandises chargées à son bord, à raison des avaries qu'elles avaient éprouvées par fortune de mer, et qui en a appliqué le produit à la réparation du navire endommagé par le même sinistre, peut n'être admis à réclamer du chargeur qu'une portion du fret convenu, proportionnelle au trajet parcouru depuis le départ jusqu'a lieu du sinistre... Du moins il n'y a violation d'aucune loi dans l'arrêt qui, en le décidant ainsi, constate, par appréciation des faits de la cause, que le capitaine s'étant trouvé en cours de voyage dans la nécessité de faire réparer son bâtiment, et ayant consacré à ces réparations le prix des marchandises par lui vendues, n'éprouve pas, en définitive, de la perte d'une partie du fret de ces marchandises, un préjudice supérieur à celui qu'il aurait subi s'il avait été obligé de se procurer d'autres fonds pour procéder auxdites réparations (Req., 2 mai 1843) (1).

1016. Mais lorsque le capitaine qui a vendu, pendant le voyage, des marchandises avariées par fortune de mer, a agi ainsi, non dans l'intérêt de l'armement, mais dans l'intérêt exclamer de fret que jusqu'au lieu du naufrage ou de la prise, à moins qu'il ne les conduise au lieu de leur destination; que si donc leur état de détérioration force de les vendre, comme cela a eu lieu dans l'espèce de la cause, le capitaine ne peut réclamer qu'un fret proportionnel, eu égard au trajet parcouru; que plusieurs autres articles du même code prouvent que le même principe est appliqué toutes les fois qu'il s'agit d'un événement de force majeure; que les art. 296, 299 et 300 en offrent entre autres des exemples; Considérant qu'une circonstance de fait particulière à la cause vient démontrer de plus en plus que la prétention du capitaine Doguet ne saurait être admise; qu'en effet, son navire ayant éprouvé de fortes avaries, il eût été dans la nécessité ou d'emprunter à la grosse pour le faire réparer, ou de faire vendre partie du chargement pour le même objet, aux termes de l'art. 254 du code précité; qu'il eût eu droit, il est vrai, dans ce cas, à la totalité du fret des marchandises ainsi vendues, suivant l'art. 298, mais aussi qu'il eût été obligé de tenir compte de ces mêmes marchandises, suivant leur valeur au lieu de leur destination; que s'il n'obtient contre les appelants qu'une partie du fre qu'il réclame, il ne tient compte non plus que du prix qu'il en a obtenu par la vente à Maurice, avec intérêts des sommes qu'il a employées, ce qui est d'autant plus avantageux pour l'armement, qu'il prit à fret, Maurice, dans l'intérêt et pour compte de qui il appartiendrait, trois cent vingt-neuf bûches de bois d'ébène, qui remplacérent, pour partie du moins, les sucres qu'il y avait eu nécessité de vendre. Pourvoi pour violation des art. 293 et 309 c. com., et fausse application des art. 296 et 303 même code. LA COUR; Attendu que la cour royale de Rennes a fondé sa décision sur les faits et circonstances de la cause qu'elle a appréciés et qu'elle avait le droit d'apprécier souverainement, et qu'en jugeant, comme conséquence de ladite appréciation, que le demandeur en cassation n'avait droit qu'à une partie du fret des marchandises chargées sur son navire, l'arrêt attaqué n'a violé ni faussement appliqué aucun des articles de loi invoqués à l'appui du pourvoi; — Rejette, etc.

Arrêt.

Du 2 mai 1843.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-F. Faure, rap.-Delangle, av. gén., c. conf.-Dupont-White, av.

clusif de l'affréteur et comme son mandataire, il a droit au fret entier. Ce cas doit être assimilé à celui où l'affréteur aurait luimême retiré et vendu ses marchandises en cours de voyage. Peu importe que le déchargement qui a fait découvrir l'avarie des marchandises n'ait eu lieu que dans l'intérêt du bâtiment qu'il fallait réparer tout ce qu'on pourrait induire de cette circonstance, c'est que l'affréteur n'est pas tenu de contribuer aux frais de déchargement. La vente effectuée, en pareil cas, par le capitaine, est la conséquence d'un cas fortuit dont nul n'est responsable et qui doit retomber uniquement sur le propriétaire des marchandises vendues. On ne saurait décider autrement et retrancher au capitaine une partie de son fret; ce serait le punir d'avoir fidèlement géré les affaires du chargeur; ce serait, ce que la loi a voulu constamment éviter, mettre ses intérêts en contradiction avec ses devoirs, puisqu'il y aurait devoir pour lui de vendre la marchandise avant qu'elle ne fût plus profondément détériorée, et intérêt à la retenir, afin de ne pas subir une diminution de fret (Bordeaux, 30 nov. 1848, aff. Foussat, D. P. 49. 2. 238. Contrà, Rennes, 19 août 1859, aff. Legrand C. Chauvet).

De même, le fret stipulé ne doit pas éprouver une réduction proportionnelle lorsqu'une partie de la cargaison a été retenue en cours de voyage par le fait d'un prince ami, et que l'autre partie est arrivée au lieu de sa destination (trib. de com. de Marseille, $ août 1828).

1017. S'il arrive interdiction de commerce avec le pays pour lequel le navire est en route, et qu'il soit obligé de revenir avec son chargement, il n'est dù au capitaine que le fret de l'aller, quoique le vaisseau ait été affrété pour l'aller et le retour (c. com. 299). Cette disposition, relative, on le voit, au cas où l'interdiction de commerce survient pendant le vogage, est fondée sur ce que cette interdiction est un cas fortuit dont chaque partie doit souffrir. Le capitaine perd son fret pour le retour; les chargeurs supportent le fret pour l'aller.

1018. Le fret de l'aller serait dû sans réduction quand même le vaisseau n'aurait été affrété que pour l'aller. La cour d'Ajaccio voulait qu'il ne fût dù, dans ce cas, que la moitié du fret, puisque le capitaine n'en reçoit pareillement que moitié, quand le navire a été affrété pour l'aller et le retour. Mais on a préféré l'opinion contraire de Valin, qui s'explique ainsi sur l'art. 15, liv. 3, tit. 3, de l'ordonnance: « Le mot quoique prouve que quand bien même l'affrétement n'aurait été fait que pour l'aller, le fret serait dû également au capitaine pour ce voyage de l'aller seulement, et cela parce qu'il s'agit d'un voyage commencé, dont l'interruption procède d'une cause extraordinaire et indépendante des périls maritimes ordinaires; à raison de quoi il ne s'agit point de régler le fret à proportion de ce que le voyage est avancé. D'ailleurs, outre le chemin déjà fait pour aller

-

Le

(1) Espèce : (Tixier C. Franly.) En 1815, Tixier affrète de Franly Swardroff le brick les Victoires: la cargaison devait être remise à la Guadeloupe à Napias, consignataire et correspondant de Tixier. navire part du Havre sous la conduite de Swardroff lui-même, en qualité de capitaine. Lorsqu'il se trouve en vue de la Guadeloupe, les Anglais, qui s'étaient emparés de cette ile, s'opposent à l'entrée et au déchargement des marchandises. Alors, de concert avec Napias, le capi. laine conduit les marchandises à la Martinique, les décharge dans cette lle, et en repart avec une nouvelle cargaison pour le continent français. Arrivé au Havre, Swardroff assigne Tixier en payement du fret pour l'aller et le retour du navire.

Tixierrefuse de payer le fret de retour; il soutient que, d'après l'art. 299 c. com., Swardroff, trouvant obstacle au débarquement des marchandises à la Guadeloupe, lieu de leur destination, devait nécessairement les ramener au Havre sans frais pour le retour; qu'en les conduisant à la Martinique, contre la teneur de la charte-partie, il avait excédé ses pouvoirs, et devait être privé du fret de la Martinique au Havre, comme il aurait perdu celui de la Guadeloupe en ce dernier port, si, conformément à la joi, il y eût ramené les marchandises, ne pouvant les décharger à la Guadeloupe. Vainement opposerait-on le consentement de Napias, le droit qu'il avait de recevoir les marchandises en consignation n'emportait nullement celui de consentir à leur changement de destination. Or, d'après l'art. 1998 c. civ., un mandant n'est obligé d'exécuter les engagements pris par son mandataire qu'autant que celui-ci n'a point excédé les pouvoirs qui lui étaient confiés.

Le 19 avril 1817, jugement du tribunal de commerce du Havre, qui rejette ces moyens de défense, attendu que, le débarquement à la GuaTOME XVIII.

au lieu de la destination, il y a celui du retour du navire pour revenir au lieu de son départ. ».

1019. Ce n'est qu'en cas d'interdiction de commerce avec le pays pour lequel le navire est en route que le capitaine peut revenir avec son chargement: il ne serait pas autor sé à rompre ainsi son voyage, en cas d'interdiction avec d'autres lieux, si ce n'est du consentement de l'affréteur.

1020. Du reste, l'art. 299 est inapplicable, et le fret de retour doit être payé par l'affréteur, dans le cas où le capitaine, de concert avec le correspondant chargé de recevoir les marchandises en consignation, a, par suite de l'interdiction de commerce, conduit et vendu le chargement dans un port voisin et est revenu avec une autre cargaison (Req., 10 déc. 1818) (1).

1021. Lorsque, pour se soustraire à un danger, il y a nécessité d'alléger le navire en jetant des marchandises à la mer, les propriétaires des marchandises jetées doivent être indemnisés de cette perte, soit par les propriétaires des marchandises sauvées, soit par le propriétaire du navire (V. c. com. 417), et dès lors il est juste que les marchandises jetées, dont la valeur se trouve ainsi remboursée, payent le fret qu'elles doivent. Aussi l'art. 301 c. com. décide-t-il que le capitaine est payé du fret des marchandises jetées à la mer pour le salut commun, à la charge de contribution (Conf. ord. de 1681, tit. du Fret, art. 13), c'est-à-dire que le montant du fret de ces marchandises sera compris dans la somme pour la moitié de laquelle le capitaine doit contribuer au payement des effets jetés.

1022. Si le navire a péri depuis le jet, et qu'il n'y ait rien de sauvé, il est évident qu'il n'est pas dû de fret pour les objets jetés. Si le navire ayant péri depuis le jet, avec tout son chargement, les objets jetés ont été recouvrés, le fret de ces objets est dû, savoir en totalité, si le capitaine les a fait parvenir au lieu de la destination; et, dans le cas contraire, à proportion de ce que le voyage était avancé lors du jet (Valin, sur l'art. 13 du Fret). Mais le capitaine doit contribuer, pour ce même fret, avec les propriétaires des marchandises jetées et recouvrées, aux avaries que ces marchandises ont éprouvées par le jet (Delvincourt, t. 2, p. 309).

1023. Il n'est dû aucun fret pour les marchandises perdues par naufrage ou échouement, pillées par des pirates, ou prises par les ennemis (c. com. 302; ord, de 1681, tit. du Fret, art. 18), et en général pour les marchandises péries par cas fortuit. Il eût été trop rigoureux d'exiger du chargeur le payement du fret de marchandises qu'il perd sans retour. Cette règle est applicable quel que soit le mode d'affrétement du navire, c'est-à-dire soit qu'il ait été loué au voyage ou au mois, au quintal ou au tonneau. Peu importe aussi qu'il l'ait été en totalité ou en partie.Le capitaine est tenu de restituer le fret qui lui aura été avancé, s'il n'y a convention contraire (302), convention que, suivant

deloupe se trouvant impossible, la Martinique était un port de refuge que la prudence suggérait de choisir, au lieu d'opérer le retour sur le Havre; que le capitaine ne peut être blâmé pour ce changement de destination, et qu'ainsi le fret doit lui être payé complétement pour le double voyago du Havre à la Martinique et de la Martinique au Havre. - Appel.

13 août 1817, arrêt de la cour de Rouen, qui confirme ce jugement, en ajoutant aux motifs des premiers juges que, si Tixier éprouve quelque préjudice du changement de destination donné à la cargaison, il n'en peut demander satisfaction qu'à Napias, son correspondant, et non au commandant du navire.-Pourvoi pour violation de l'art. 299 c. com. et de l'art. 1998 c. civ. Arrêt.

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LA COUR; Attendu que, d'après la nature du fait, le cas non prévu dans la charte-partie, et toutes les circonstances réunies et appréciées, l'arrét a décidé, en fait, que le capitaine Swardroff n'a point contrevenu à son mandat; qu'il s'y est conformé autant que la position extraordinaire où il se trouvait et que les obligations qui en résuitaient pouvaient le prescrire;

Qu'il s'est adressé au correspondant même de son chargeur sur le lieux chargé de recevoir, qu'il lui avait indiqué, dans son intérêt même, pour le fait de ladite cargaison; que c'est de concert avec ce correspondant que les mesures les plus propres pour sauver la cargaison et le navire ont été prises et exécutées; d'où il suit que les juges, en le décidant ainsi, n'ont point violé les lois du mandat et ne se sont pas mis en opposition avec les articles cités du code de commerce, 298 et 299; — Rejelte.

Du 10 déc. 1818.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Sieyès, rap.Lebeau, av. gén.-Dupont, av. 64

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