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CHAP. 8, SECT. 4, ART. 1.

DROIT MARITIME. doleuse de marchandises dans quelque pays que ce soit, est illicite, et que, par conséquent, les magistrats n'ont pas à prononcer sur les contestations qu'elles peuvent amener, etc. »> Le second, du 1er décembre 1826 (5° ch., M. Boullaire, pr., aff. Trementin C. Delisle), décide « que l'acte d'affrétement qui a pour objet un commerce frauduleux dans les États d'une puissance étrangère, est contraire aux principes du droit naturel, et, par cela même, fondé sur une cause illicite; que ce motif suffit pour en faire prononcer l'annulation, et que, d'après les dispositions des art. 1151 et 1227 c. civ., la clause pénale stipulée pour en assurer l'observation, ne peut subsister lorsque l'obligation Néanmoins, le système contraire, principale est anéantie. » — moins fondé sans doute en droit rigoureux, paraît prévaloir dans la pratique (V. ci-dessous, n° 1681, l'arrêt de la cour d'Aix, du 30 août 1833, rendu dans l'affaire Boy de la Tour).-Et la cour de cassation l'a sanctionné en décidant que la contrebande à l'étranger n'est point une cause illicite d'obligation, et peut par suite être l'objet d'une société, alors du moins qu'elle doit s'opérer, non en corrompant les préposés de la douane étrangère, mais en éludant par des ruses leur surveillance (Req., 25 août 1835, aff. Lacrouts, v° Obligation). La même solution paraît également admise par M. Lemonnier, n° 115.

1574. On peut, suivant M. Pardessus (no 814), assurer valablement les effets appartenant aux sujets d'une nation ennemie. Delvincourt, au contraire, déclare une pareille assurance nulle, quand même ces effets seraient chargés sur des bâtiments appartenant à des neutres, si toutefois dans ce dernier cas, il y a preuve que les parties savaient que les objets appartenaient à un ennemi. Tel est aussi l'avis de M. Alauzet. Après avoir rappelé que le code espagnol déclare nulles (art. 885) ces sortes d'assurances, et que le code prussien se borne (art. 1959) à prohiber l'assurance des munitions de guerre appartenant à l'ennemi ou destinées à lui être envoyées, cet auteur constate que nos anciens jurisconsultes déclaraient illégitimes les assurances dont il s'agit; puis il ajoute, avec raison: « Cela est vrai pour les assurances maritimes dans l'état actuel du droit public, puisqu'il permet et encourage même le brigandage sur mer en cas de guerre. Il est à remarquer cependant que durant les guerres de la France et de l'Angleterre, pendant le siècle dernier et celui-ci, des assurances de ce genre ont été faites par des Anglais et ont été loyalement exécutées. Mais il n'en est pas moins incontestable que de pareilles assurances ne pourraient donner lieu à une action et être protégées par la justice, lorsque le souverain dont elle émane cherche à détruire ce qu'on vient précisément demander à ses arrêts de protéger. »

ce qui se pratique chez quelques nations étrangères, nous eus-
sions donné une plus grande extension à la liberté des assurances.
-Les Anglais assurent la somme qu'on leur présente pour être
chargée en telles marchandises qu'on veut, sur un ou plusieurs
navires, avec ou sans désignation; il suffit de la déclaration que
les marchandises sont chargées dans tel port ou dans tel temps
pour que l'assurance soit valable; l'assuré est tenu, lorsqu'il
reçoit des avis, de les communiquer aux assureurs; lorsque les
retours sont faits, si leur valeur est inférieure à la somme assu-
- Ils assurent fret acquis,
rée, il y a ristourne de la différence.
fret à faire, principal et prime ils admettent toutes les évalua-
En cas d'événement, il suffit de
tions qui leur sont proposées.
prouver que la quantité et la qualité de la marchandise désignée
ont été chargées. C'est, sans doute, aux négociants, dit la
cour de cassation, qu'il appartient de décider si les exceptions pro-
posées sont aussi bonnes aujourd'hui qu'elles l'étaient autrefois.

Pourquoi défendre d'assurer une partie du fret à faire par le navire? On pourrait en dire autant du profit espéré des marchandises et du profit maritime des sommes données à la grosse. Toutes ces choses s'assurent en Angleterre, est-il politique d'obliger des Français à rechercher chez l'étranger des assurances qu'ils ne peuvent obtenir en France?

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Le tribunal et le conseil de commerce de Nantes désirent aussi... qu'il soit permis de faire assurer le profit maritime. On peut en espérer les meilleurs effets en France, dans le moment actuel. Le préteur à la grosse, libre de faire assurer son capital et le profit stipulé, se contentera d'un change maritime plus faible; ce change n'étant fort qu'à raison des risques, il diminuera nécessairement quand il y aura un bénéfice modique, mais assuré, et par conséquent certain.— Ils pensent qu'il importe de favoriser le contrat à la grosse, puisqu'il verse dans le commerce maritime des capitaux effectifs qui le vivifient; ils croient même que cette faculté de faire assurer le profit maritime contribuera à faire baisser les taux de l'intérêt.

Le conseil de commerce de Bordeaux désire qu'on puisse assurer le profit espéré des marchandises. Il est utile, dit-il, de laisser aux assurés et aux assureurs la faculté d'estimer la marchandise de gré à gré; la prohibition du profit espéré des marchandises pourAprès avoir rait contrarier et occasionner des difficultés..... » — ainsi exposé les observations dirigées contre les prohibitions de Part. 347, la commission y répondait en rappelant les principes sur lesquels l'ordonnance de 1681 avait fondé ces prohibitions, savoir que le risque est de l'essence du contrat d'assurance; que l'assurance n'est pas pour l'assuré un moyen d'acquérir; qu'on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre, et nullement les gains qu'on manque de faire. L'ordonnance, disaitelle, a voulu que l'assurance fût une garantie pour une chose exposée ou pour une perte réelle, et non une espèce de jeu de hasard les auteurs ont reconnu que ces sortes d'assurances pouvaient être dangereuses, en ce qu'elles favoriseraient la fraude et pourraient inspirer à la mauvaise foi des moyens criminels pour s'enrichir aux dépens de l'assureur. » Faisant ensuite application de ces principes au fret à faire, au profit espéré des marchandises, au profit maritime du prêt à la grosse, la commission pensait que leur caractère commun de profits purement éventuels justifiait suffisamment l'interdiction de les faire assurer. Elle ajoutait que l'exemple de ce qui se fait en Angleterre et dans quelques villes étrangères n'est point concluant, car il n'est pas démontré que le commerce en reçoive de grands bienfaits; que nos législateurs avaient eu sans doute de puissants motifs pour considérer les assurances qu'ils prohibaient comme plus favorables à la mauvaise foi qu'aux intérêts de la navigation; et qu'enfin le petit nombre de réclamations élevées contre les dispositions de l'art. 347 semblait prouver que ces réclamations n'étaient pas · En conséapprouvées par la majorité des villes maritimes. quence, les prohibitions de l'ordonnance ont été maintenues. Il convient de les examiner ici successivement. 1577. Le fret des marchandises existant à bord du navire A cet égard, il faut remarquer qu'il y a ne peut être assuré. le fret des marchandises exisdeux espèces de fret, le fret à faire et le fret acquis. L'ord. de - le profit espéré des marchandises, 1681, tit. des Ass., art. 15, prohibait l'assurance du fret à faire; et cela, suivant Émerigon, chap. 8, sect. 8, non-seulement afin que l'armateur eût intérêt à la conservation du chargement, dont la perte entraînait et entraîne encore celle du fret, mais en outre

1575. L'ordonnance de 1681, afin d'intéresser personnellement l'assuré à la conservation de la chose, voulait que les assurés courussent toujours risque du dixième des effets qui auraient été chargés, s'il n'y avait déclaration expresse dans la police qu'ils entendaient faire assurer le total (art. 18), et que si les assurés étaient dans le vaisseau, ou s'ils en étaient les propriétaires, ils ne laissassent pas de courir risque du dixième, encore qu'ils eussent déclaré faire assurer le total (art. 19). Lors de la confection du code de commerce, deux dispositions semblables aux art. 18 et 19 de l'ordonnance furent insérées dans le projet; mais, sur les observations de la cour de Rennes et des tribunaux de commerce de Nantes et du Havre, elles ont été retranchées, la première, comme inutile, puisqu'elle se bornait à dire, en d'autres termes, que l'assuré garderait des risques pour son compte, si telle était sa volonté; la seconde comme étant tombée en désuétude. D'où l'on doit conclure que les assurés ne courent plus le risque du dixième des effets assurés, à moins de stipulations expresses dans la police. Aussi a-t-il été jugé que, bien que "assuré soit propriétaire du navire, il n'y a pas lieu, aujourd'hui, de faire la déduction du dixième des valeurs assurées sur le prix de l'assurance (Req., 19 mai 1824, aff. Debaeque, V. n° 1556). 1576. Le contrat d'assurance est nul, aux termes de l'art. 17 c. com., s'il a pour objet : tantes à bord du navire, - les sommes empruntées à la grosse, le loyer des gens de mer, - les profits maritimes des sommes prêtées à la grosse. Les motifs de ces dispositions ont été ainsi exposés par la commission: « Quelques personnes auraient voulu qu'à l'imitation de

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et surtout parce que le fret à faire est un profit incertain. Il sera le prix de la navigation heureuse, et le fruit civil du navire; il ne l'est pas encore, et ne peut dès lors être la matière d'une assurance.- Quant au fret acquis, la déclaration du 17 août 1779 portait, art. 6, qu'il pourrait être assuré, ajoutant qu'il ne pouvait 'aire partie du délaissement du navire, s'il n'était expressément compris dans la police d'assurance. L'art. 347 c. com. semble conforme à ces dispositions, puisqu'il n'annule que le contrat ayant pour objet le fret des marchandises existant à bord du navire, c'est-à-dire, en d'autres termes, le fret à faire.

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1578. Mais quel est le sens des mots fret acquis? Valin, sur Part. 15 précité, et Pothier, no 36, entendent par là le fret qui, aux termes de la convention, entre le propriétaire du navire et 'es marchands, doit lui être payé à tout événement, dans le cas le perte du navire et des marchandises comme dans le cas d'heureuse arrivée; convention autorisée par l'ordonnance, art. 18, tit. du Fret. Il est évident, disent ces auteurs, que le fret dont il s'agit ne peut pas être matière d'assurance de la part du propriétaire du navire, puisqu'il ne court aucun risque à cet égard. Si le fret ainsi stipulé acquis à tout événement, ajoute Émerigon, a été payé avant le départ du navire, il est présumé avoir été employé à l'armement du corps, et ne peut point faire capital dans les assurances que les armateurs font faire sur le corps pour leur propre comple; autrement, ils feraient assurer au delà de leur intérêt véritable. Si le fret stipulé acquis à fout événement est encore dû aux armateurs du navire, l'assurance que ceux-ci feraient faire d'un pareil fret ne serait rien de plus qu'un simple cautionnement de la solvabilité du débiteur. Mais le passager ou le chargeur qui ont payé ou promis de payer le fret à tout événement peuvent le faire assurer, parce que ce fret, définitivement acquis à l'armateur, est une dépense qu'ils risquent de perdre, si, par fortune de mer, le navire n'arrive pas à bon port. Ces solutions nous semblent devoir être encore suivies, sous le code de commerce qui, par son art. 302, permet, ainsi que le faisait l'ordonnance, de stipuler que le fret sera acquis à l'armateur à tout événement. Il est vrai que, pour dénier au chargeur le droit de faire assurer ce fret, on pourrait alléguer que l'art. 347 interdit, en termes généraux, d'assurer e fret des marchandises à bord du navire; mais ce serait là évidemment abuser de la lettre de la loi pour violer son esprit; aussi les auteurs modernes s'accordent-ils à reconnaître que le risque auquel est exposé l'affréteur de perdre, par fortune de mer, le fret dont il s'agit, suffit pour qu'il y ait matière à l'as– V. Pardessus, no 765; Boulay-Paty, t. 3, p. 484. 1579. On doit comprendre encore, cela n'est pas douteux, dans le mot fret acquis, le fret des marchandises mises à terre pendant la durée du risque (Émerigon, ch 17, sect. 9).--Ce fret est en effet évidemment acquis, puisque l'armateur a le droit d'exiger le payement du fret aussitôt que les marchandises ont été rendues à leur destination. Nul doute donc que, dès ce moment, il ne puisse devenir l'objet d'une assurance, s'il vient à être exposé à des risques maritimes.-V. MM. Boulay-Paty, t, 3, p. 485; Favard, Rép. de la nouvelle lég., vo Assurance, § 1, no 4.

surance.

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1580. Mais il peut arriver que le propriétaire du navire ait le choix, soit de décharger les marchandises dans tel port désigné, soit de les transporter moyennant une augmentation de fret dans tel autre plus éloigné dans cette hypothèse, si, après être parvenu au premier port, il poursuit sa route jusqu'au second, le fret qu'il aurait pu gagner en déchargeant dans le premier pourrait-il être de sa part l'objet d'une assurance? Émerigon estime que, d'après les principes du droit, cette question devrait être résolue négativement, attendu que le droit d'exiger le fret à l'arrivée dans le premier port était un droit conditionnel, subordonné au fait de la décharge des marchandises dans ce port, décharge qui n'a point eu lieu, de sorte que les choses sont restées dans l'ordre voulu par la loi, suivant laquelle il n'est pas dû de fret pour marchandises perdues par fortune de mer. Toutefois, et nonobstant ces considerations, Emerigon avoue que le système contraire paraît se concilier avec la déclaration de 1779, et il y donne en conséquence son adhésion. Sous le code actuel, la question divise les auteurs. Repoussé par Estrangin sur Pothier, no 36, l'avis auquel s'est rangé Emerigon est, au ceptraire, adopté par M. Pardessus, l. 5, p. 218, et par Boulay

Paty, t. 3, p. 485. Ce dernier jurisconsulte invoque comme décisive à l'appui de la doctrine, la discussion qui a lieu au conseil d'État sur l'art. 347 c. com. Mais cette assertion est-elle fondée? Nous ne le pensons pas. Le projet du code déclarait le contrat d'assurance nul, s'il avait pour objet le fret du navire. M. Berlier dit que cette expression laissait ouverture à une difficulté, « Nos usages et l'ordonnance même ont, jusqu'à présent, distingué, dit-il, le fret fait du fret à faire. Le premier a été considéré comme une propriété acquise susceptible d'être assurée, et il ya licu de douter qu'on veuille changer une règle aussi sage. Que si l'on avait des motifs pour faire cette innovation, il convieudrait qu'on les déduisit pour qu'on pût les apprécier, et alors la prohibition devrait clairement porter sur le fret tant fait qu'à faire; mais il est plus vraisemblable que la distinction sera maintenue, et alors il faut modifier, en ce sens, les expressions trop générales qu'emploie l'article par rapport au fret. » La justesse de l'observation fut reconnue, et on convint que l'ordonnance ne déclarait l'assurance nulle que quand elle avait pour objet le fret à faire, et qu'on pouvait rapporter cette disposition dans le code. Or, il résulte bien de là que le législateur moderne n'a voulu proscrire que l'assurance sur le fret à faire; mais que faut-il entendre par fret à faire? voilà ce qu'il ne dit pas; etc'est là cependant que réside toute la difficulté.—A l'appui de l'opinion d'Estrangin, on peut dire qu'autre chose est un fret acquis, susceptible de devenir la matière d'une assurance, autre chose le fret que l'armateur aurait pu acquérir en déchargeant les marchandises au port de relâche, suivant la faculté que lui en donnait la convention; et que, d'ailleurs, l'art. 547 c. com., en déclarant nulle l'assurance qui a pour objet le fret des marchandises existant à bord du navire, décide implicitement qu'il considère lui-même, tant que les marchandises ne sont pas déchargées, le frel par elles du comme fret à faire, et non comme fret acquis.-Malgré ces objections, la doctrine de M. Pardessus nous paraît préférable. Lorsqu'un navire chargé de marchandises au fret de 50 c., par exemple, le kilogramme, est arrivé au lieu de destination, il est naturel de regarder ce fret comme acquis, bien qu'il ait été stipulé que le fret serait porté à 60 c., si la marchandise était ensuite transportée à un autre lieu de destination plus éloigné du point de départ. Le contrat d'affrélement prévoit, dans ce cas, deux voyages distincts; le premier, une fois terminé, le fret qui s'y applique est donc acquis à l'armateur, sauf à celui-ci le droit de l'exposer, s'il lui plaît, à de nouveaux risques dans l'espoir de l'augmenter. Mais, s'il prend ce dernier parti, il doit lui être loisible de faire assurer le fret à lui dù pour le premier voyage, puisqu'il a gagné ce fret, et qu'il serait le maître d'en exiger le payement, s'il ne préférait entreprendre le second voyage aux conditions réglées par la charte-partie. Contrà, M. Alauzet, n° 252.

1581. Le profit espéré des marchandises étant purement éventuel, ne saurait, comme on l'a vu, être l'objet d'une assu rance valable. Mais on peut faire assurer le bénéfice acquis. Ainsi j'ai fait assurer d'entrée et de sortie de la Martinique une cargaison de la valeur de 50,000 fr. Le navire arrivé à la Martinique, j'ai avis que la vente a été faite avec un bénéfice considérable, et que les retraits sont de la valeur de 100,000 fr. Ja puis, sans difficulté, me faire assurer les 50,000 fr. de bénéfice, attendu que c'est là un profit fait et acquis (Émerigon, ch. 8, sect. 9).

1582. Par la même raison, lorsque les marchandises sont arrivées à un terme de voyage où l'on peut les vendre à un prix plus élevé que celui qu'elles avaient au départ, elles seront valablement assurées d'après l'évaluation réelle qu'elles peuvent recevoir dans ce lieu. Leur augmentation de valeur est un proft véritable, un bénéfice acquis.-V. Pardessus, no 766.

1583. Il résulte des mêmes règles, appliquées en matière de prises, que la prise faite par un corsaire autorisé pour aller en course peut, à la différence de celles qu'on a seulement l'esport de faire, être assurée à raison des risques qu'elle court jusqu'à ce qu'elle soit amenée dans un port français (Pothier, no 38; M. Pardessus, no 766).

1584. Les loyers des gens de mer ne peuvent être assurés, parce que ces loyers sont pour eux des profits éventuels qui no leur appartiennent pas encore, et parce que, en outre, sice loyer

étalt assuré, les gens de mer seraient moins intéressés à la conservation du navire. Mais ils peuvent faire assurer les marcbandises achetées au moyen des avances ou à-compte par eux reçus pendant le voyage, ces avances leur étant irrévocablement acquises (c. com. 258), et les objets qui en proviennent étant des valeurs réelles exposées aux risques de mer.

1585. Il est interdit d'assurer les sommes empruntées à la grosse attendu 1° qu'on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre; or, le risque des sommes données à la grosse ne tombe pas sur l'emprunteur;-2° Que celui-ci, s'il lui était loisible de faire assurer ces sommes, se trouverait, en cas de sinistre, déchargé de toute obligation envers le donneur, et recevrait des assureurs les mêmes sommes en pur gain; de sorte que l'assurance aurait pour effet, non pas seulement de l'indemniser du préjudice souffert, mais de lui procurer un bénéfice réel, ce que la loi n'a pas voulu (Pothier, no 30; Émerigon, ch. 8, sect. 11; Locré, t. 4, p. 73 ). Ainsi, l'emprunteur à la grosse ne peut faire assurer soit la somme empruntée, s'il l'a chargée sur un navire et destinée à des opérations de commerce, soit les objets achetés ou les dépenses acquittées avec cette somme, puisqu'il n'en court point les risques.-Il ne pourrait même pas convenir avec un tiers que, moyennant une prime quelconque, ce tiers serait chargé du remboursement du prêt, en cas d'heureuse arrivée; car celui qui traiterait, dans ce cas, avec l'emprunteur, parierait réellement pour la perte, ce qui répugne aux idées

(1) Espèce :- (Crozet C. divers assureurs.) Le 2 avril 1818, Guiran et comp. firent assurer, de sortie de Marseille jusqu'à Stettin et Lubeck, 20,000 fr., montant de deux billets de grosse à eux souscrits, le 31 mars précédent, par Facks, capitaine du brick suédois la Catharina, avec affectation sur corps, agrès, armement, avitaillement et dernières expéditions de ce navire. D'après la police, les assureurs devaient, en cas de sinistre, payer la perte à l'assuré ou au porteur, sans exiger ni ordre ni procuration. Les deux billets de grosse furent endossés à Crozet et Bargmann, à qui fut remise la police d'assurance. Parti de Marseille, le 2 avril 1818, le brick la Catharina fut obligé, par suite de tempêtes, de faire diverses relâches; puis il périt, par fortune de mer, le 14 mai 1819. Crozet et Bargmann firent alors le délaissement, et réclamèrent le payement des sommes assurées. Refus des

assureurs.

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Jugement qui pose et résout en ces termes les questions agitées entre les parties: « 1° Les billets de grosse qui ont fait la matière de l'assurance dont il s'agit sont-ils nuls, soit parce que le capitaine ne se serait pas conformé aux dispositions de l'art. 234 c. com., soit parce que les deniers prêtés n'auraient été employés qu'en partie, effectivement et réellement au voyage projeté et entrepris; 2o Lesdits sieurs Crozet et Bargmann, acquéreurs, aux enchères publiques, du navire la Catharina, d'ordre et pour compte des sieurs Cornélius Jacob et Israël, de Stralsund, peuvent-ils être considérés comme étant restés propriétaires de ce navire, par le défaut d'acceptation de la déclaration de command par eux faite, en faveur dudit sieur Cornelius Jacob; et, dans ce cas, les assureurs seraient-ils recevables à exciper de ce défaut d'acceptation; 5° En cas d'affirmative, la cession par voie d'endossement, faite par les sieurs Guiran et comp. aux sieurs Crozet et Bargmann, des deux billets de grosse dont il s'agit, avait-elle opéré par la confusion l'extinction desdits deux billets de grosse, et dès lors l'assurance serait-elle devenue caduque, soit par défaut d'aliment, soit parce que cette assurance aurait été faite au profit de l'emprunteur; 4° Y a-t-il fausse déclaration et différence dans le sens de l'art. 348 c. comm., entre la police d'assurance dont il s'agit, et les billets de grosse qui en ont été l'objet, et dès lors, y a-t-il lieu de prononcer l'annulation de l'assurance; »

« Considérant, sur la première question, que le contrat de grosse est un prét fait sur des objets exposés aux risques de la mer; que les navires sont au premier rang des choses sur lesquelles on peut emprunter, puisque, d'après l'opinion de M. Pardessus (t. 2, n° 756 et 760), l'essence du contrat de grosse est que ces choses soient susceptibles de courir les basards de mer; qu'Emerigon (t. 2, p. 419) dit que toute personne qui a intérêt sur le corps ou sur les facultés d'un navire, peut prendre des deniers à la grosse, jusqu'à concurrence de l'intérêt qu'il expose aux risques de mer; Allendu que l'art. 316 du code ne frappe de nullité que les emprunts faits pour une somme excédant la valeur des objets sur lesquels ils sont affectés; que cette nullité n'est même que relative, et ne peut être évoquée par le prêteur que dans les cas de fraude; que des que l'objet représente la valeur de l'emprunt, l'intérêt du prêteur étant rempli par le gage, toute réclamation lui est interdite; - Attendu que l'emploi réel et effectif des deniers prêtés au voyage qui va être entrepris n'a jamais été considéré comme tellement de l'essence du contrat de grosse, que, sans cet emploi, le contrat ne puisse subsister; qu'il suflit, pour que le contrat soit valable, que l'objet affecté soit exposé aux TOME XVIII.

d'ordre et de morale (MM. Pardessus, no 768; Bernard, p. 551). -Nul doute, au reste, que lorsque l'emprunteur met en risque des effets dont la valeur excède la somme par lui empruntée à la grosse, il n'ait la faculté de faire assurer cet excédant. 1586. Quant aux profits maritimes des sommes prétées à la grosse, la défense de les faire assurer est fondée sur ce que le profit stipulé est un gain que le prêteur manquera de faire, såle vaisseau périt, et non une perte effective (Pothier, no 32; Éme rigon, ch. 8, sect. 11).

1587. Mais s'il est interdit au prêteur de faire assurer le profit maritime, il lui est permis, au contraire, de faire assurer le capital (c. com. 334), pourvu néanmoins, comme le fait observer Émerigon, eod., que cette assurance ne soit pas souscrite par l'emprunteur lui-même, car alors le contrat serait nul, comme renfermant une usure déguisée, la prime d'assurance étant toujours moindre, dans le fait, que le profit maritime stipulé par le prêteur à la grosse (Conf. M. Pardessus, n° 762).

1588. La validité de l'assurance ayant pour objet des sommes prêtées à la grosse, ne peut être contestée par l'assureur, sous le prétexte que l'emprunt à la grosse a été fait par le capitaine, non propriétaire du navire, sans l'observation des formalités prescrites par l'art. 234 c. com., et que les deniers prêtés n'ont point été entièrement employés aux besoins du voyage assuré (Aix, 8 déc. 1820) (1).

Mais l'assurance prise sur argent prêté à la grosse est nulle,

risques de la mer, que ce risque soit à la charge du prêteur qui reçoit une somme convenue pour le prix du risque, et qu'enfin en cas de perte, le preneur justifie qu'il y avait pour son compte des effets jusqu'au concurrent de la somme empruntée; qu'en supposant même que cet emploi réct et effectif fût nécessaire, il existerait dans la cause, puisque, sans le payement des sommes dues aux sieurs Crozet et Bargmann, ceux-ci auraient eu le droit incontestable de faire saisir le navire et de l'empêcher, par conséquent, de faire le voyage projeté ; Attendu que l'on n'a jamais exigé la preuve de l'emploi des deniers pris à la grosse, si ce n'est de la part du capitaine vis-a-vis de son armateur, parce que, d'après l'art. 236 du code, le capitaine ne peut prendre, sans nécessité, de l'argent à la grosse, sans être responsable envers l'armement, mais sans aucun préjudice pour le prêteur; -«L'infidélité du capitaine (dit Émerigon, t. 2, p. 440) ne nuit pas au tiers; ce tiers a toujours action contre les armateurs et privilége sur le navire, pourvu que le contrat ait été causé pour les nécessités de la navigation ; »

» Attendu que, dans la cause, il ne s'agit pas d'un capitaine qui aurait pris des deniers à la grosse, ni d'un emprunteur quelconque, mais d'un prêteur qui, d'après l'auteur déjà cité, n'est pas obligé de suivre ses deniers, ni d'en prouver l'emploi utile; qu'il lui suffit de constater le prêt, pour qu'il soit en droit d'en exiger le remboursement de ses assureurs, en cas de perte;

» Attendu que le capitaine Fachs ne peut être placé dans la catégorie prévue par l'art. 234 du code, puisqu'il ne s'agit pas, dans la cause d'un navire en cours du voyage, mais bien d'un navire qui allait entreprendre un voyage; qu'en supposant même qu'on pût le placer dans l'hypothèse prévue par cet article, l'observation des formalités qu'il exige, ne l'étant pas à peine de nullité, on ne saurait l'y suppléer;

» Attendu, sur la deuxième question, que les sieurs Crozet et Bargmann ont acheté, aux enchères publiques, le brick la Catharina dont il s'agit, d'ordre et pour compte du sieur Heins Israël et du capitaine Cornelius Jacob, ainsi qu'il resulte de la lettre du 25 juin 1817, dûment enregis trée, et de la déclaration de command, par eux faite en faveur dudi Cornelius Jacob; que si cette déclaration n'a pas été acceptée expressé ment par ledit Cornelius Jacob, rien ne prouve non plus qu'il l'ait dés avouée, et qu'il ait jamais protesté contre cet achat; que le refus isola d'acquitter les traites que les sieurs Crozet et Bargmann avaient tirées en remboursement du montant de l'adjudication, ne peut être considéré. comme un désaveu de leur part; que lors même que ces deux commet. lants auratent refusé formellement d'accepter, pour leur compte, l'acha' de ce navire, il ne s'ensuivrait pas que les sieurs Crozet et Bargmann er fussent restés, ipso facto, propriétaires; il leur aurait seulement com pété contre ces derniers une action en désaveu qui aurait dû être soumise à l'examen des tribunaux, et que les assureurs n'ont ri titre, ni qualité pour intenter; qu'en droit, le désaveu est une action personnelle et directe qui ne compète, d'après l'art. 1998 c. civ., qu'au mandant à l'égard du mandataire; qu'en droit même, nul ne pouvant exciper des droits du tiers, les assureurs sont non recevables à contester la déclaration de command faite au profit du capitaine Cornelius Jacob, et à se prévaloir du défaut d'acceptation de cette déclaration; qu'ils sont, en outre, mal fondés, puisque tout coïncide à prouver que les sieurs Crozet et Bargmann n'ont jamais été propriétaires du navire, et que cette propriété résidait sur la tête dudit Cornelius Jacob; que d'une part, la lettre

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si elle a été faite après que le billet de grosse était devenu exigible par suite du déroutement du navire (trib. de Marseille, 29 déc. 1820, aff. Gras).

1589. Les prohibitions prononcées par l'art. 347 c. com. sont-elles d'ordre public? Cette question a été debattue dans une affaire où il s'agissait d'une assurance sur le fret à faire. Pour la négative, on disait qu'une telle assurance n'est ni illicite ni contraire aux mœurs; qu'elle est autorisée en Angleterre; que l'art. 347, à supposer qu'il ait dû être d'abord interprété en sens contraire, doit être considéré, depuis l'accroissement récent des opérations maritimes, comme tombé en désuétude par le consentement unanime des commerçants; que, s'il en était autrement, le commerce français serait obligé de recourir aux assureurs anglais, au préjudice des assureurs de France; et qu'enfin il doit en être de l'assurance du fret comme de celle sur la vie des hommes qui, prohibée par l'ord. de 1681, bien qu'admise dès longtemps en Italie et en Angleterre, est reconnue aujourd'hui chez nous comme légale, nonobstant le silence du code, quoiqu'il pût sembler naturel d'induire de ce silence le maintien de la prohibition de l'ordonnance. Ces considérations ne pouvaientprévaloir sur le texte de l'art. 547; aussi a-t-il été jugé que la défense d'assurer le fret d'un navire a été puisée dans les intérêts généraux du commerce maritime, et est, dès lors, d'ordre public;

contenant l'ordre d'achat, désignait le capitaine Fachs pour commander le navire, et que ce capitaine l'a en effet commandé; que, d'un autre côté, il s'agissait, dans cette lettre d'un voyage dans la Baltique, qui a été effectué; qu'enfin, tout ce qui était prescrit par c tte lettre aux sieurs Crozet et Bargmann, a été ponctuellement suivi et exécuté; que des pièces authentiques, telles que des polices d'assurances, constatent que, dans un précédent voyage fait a Odessa, par ce même navire, les sieurs Crozet et Bargmann n'ont agi que comme recommandataires; qu'ils ont pris cette même qualité dans l'affrétement consenti en dernier lieu par ledit capitaine; qu'en un mot, tout, avant le procès, écarte l'idée que les sieurs Crozet et Bargmann aient été ou soient devenus proprietaires du navire en question.

» Attendu, sur la troisième question, qu'en déclarant les assureurs pon recevables à critiquer la déclaration de command faite par les sieurs Crozet et Bargmann, en faveur du capitaine Cornelius Jacob, et, dans tous les cas, mal fondés à leur attribuer la propriété du navire dont il s'agit, le tribunal se trouve dispense de prononcer sur la question d'extinction des deux billets de grosse par la confusion, ainsi que sur celle de la nullité de l'assurance, comme ayant été faite au profit de l'emprunteur. » Attendu, sur la qua rieme question, qu'il n'y a pas eu fausse déclaration de la part des assurés, dans la police dont il s'agit, puisqu'elle est en tout conforme à la nature du risque qui a eté couru; qu'on y trouve l'aliment du risque, le nom du navire, celui du capitaine et le voyage assure, et que s'il existe quelque différence en ce qu'on aurait énonce dans la police que l'argent emprunte avait été employé aux corps, agrès, armement, avitaillement, salaires et dernières expeditions dusit brick, tandis que les deux billets de grosse auraient éte causés pour le corps, agres, provisions et pour acquitter les droits et engagements du navire, celle legère différence, qui n'aurait pu diminuer l'opinion du risque, ni en chauger la nature, est insuffisante, dans le sens de l'art. 548, pour faire prononcer la nullité de l'assurance; que l'allégation avancée par les assureurs; que le navire a été mis en mer, sans réparations, tandis qu'ils ont dù le croire, d'après l'énonce de ladite police, dans un élat parfait de navigation, est détruite par le fait et par le droit : par le fait, en ce que d'apres les billets de grosse, une partie de la somme a été employée aux réparations dont le navire a eu besoin, et par le droit, en ce que, d'après l'art. 297 c. com., le vaisseau est censé parti en bon état, jusqu'à la preuve contraire; Le tribunal rejette les fins tant principales que subsidiaires des assureurs, et les condamne au payement des sommes assurées, avec dépens. )) -- Appel. Arrêt. LA COUR Attendu qu'il n'est pas de l'essence du contrat à la grosse que la somme empruntée soit employée au besoin du voyage qui va être entrepris ; — Que l'art. 525 e. com. suppose le contraire, puisqu'il donne aux sommes empruntées pour le dernier voyage la préférence sur celles prêtées pour le précédent et que, dans l'espèce, on ne peut point méconnaitre que la somme empruntée n'ait profité au dernier voyage, puisqu'elle a libéré le navire d'une dette qui en autorisait la saisie, et en eù empêché la sortie ; Attendu que s'agissant d'un emprunt fait dans le lieu de l'armement et avant le voyage commencé, l'art. 254 c. com, ne reçoit aucune application à la cause; qu'on ne peut y ramener que Part. 521 qui n'annule point le contrat à la grosse pour avoir été fait sans l'autorisation des propriétaires, mais en réduit le privilége sur la portion que le capitaine peut avoir, au navire et au fret, disposition qui laissant subsister le contrat, ne permet pas aux assureurs de prétendre que l'aliment du risque a manqué; Allendu qu'il n'y a dans l'assu

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qu'il ne peut en conséquence y être dérogé par des conventions particulières, et que la nullité absolue qui en résulte ne serait pas couverte par la ratification ou exécution des parties (Req., 5 juin' 1852 (1). Conf. trib. de com. de Marseille, 8 août 1821 et 27 nov. 1855, aff. Aimand),

La même décision nous semble applicable à toutes les assurances qui seraient faites nonobstant la prohibition de l'art. 347. Toutefois, il a été décidé en sens contraire, que les assureurs sur argent prêté à la grosse, qui ont su que le capital énoncé dans la police comprenait le change maritime, ne sont pas recevables, après avoir, sur la justification de la perte, effectué en entier le payement de la somme assurée, à répéter des assurés la partie de cette somme relative au change maritime (trib. de com. de Marseille, 23 juin 1836).

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1590. Mais la nullité de l'assurance, en ce qui concerne l'objet assuré en contravention à la loi, n'empêcherait pas le contrat d'avoir son effet relativement aux objets licitement assurés. C'est l'opinion de M. Dageville (t. 3, p. 227); et il a été jugé en ce sens que, bien que l'estimation donnée à des marchandises par l'assuré comprenne à la fois leur prix réel et le profit espéré, l'assurance, néanmoins, n'est pas absolument nulle, mais seule ment réductible à la valeur réelle des marchandises (Bordeaux, 20 aout 1855) (2).

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(1) Espèce :- (François C. Harancbipy, etc.) — En 1829, les sieurs François, de Nanies, font assurer par les sieurs Harancbipy et autres, la somme par eux ci-après déclarée sur le montant du fret et des passages du navire français l'Apollon, capitaine Douville, ou tout autre à sa place, reçu ou non reçu pour le voyage que ledit navire fait ou doit faire de Bourbon à Nantes, lesdits frets et passages estimés ensemble de gré à gré 86,000 fr., sans qu'il soit besoin, pour justifier cette valeur, de représen ter d'autres pièces que la présente police, celle estimation étant agréée vaille plus, vaille moins, la présente assurance faite moyennant la prime de 2 p. 400.... Il est dérogé d'un commun accord à toutes lois ou ordonnances qui seraient contraires à la présente assurance; l'aperitzur est autorisé à viser seul tous les avis qui seraient relatifs à la présente assu rance. » A l'instant, les assurés payent, en leur billet, partie de la prime, Depuis, on apprend que le navire l'Apolon a péri par un coup de vent. Les assurés reclament le payement de l'assurance et demandent une nomination d'arbitres; mais, par jugement du 6 avril 1851, le tribunal de commerce de Nantes rejette d'office cette demande, en se fondant sur ce que la police consentie dans l'espèce et comprenant le fret d'un navire est prohibée par la loi, et ne peut donner lieu à aucune action judiciaire. Appel, et le 25 mai 1851, arrêt de la cour de Rennes qui, adoptant les motifs des premiers juges, declare qu'il a été fait une juste app í ation de l'art. 347 c. com. à la police ayant pour objet le fret du navire l'Apollon, et déclare cette police nulle.

Pourvoi des sieurs François. -1° Contravention aux art. 6 c. civ., et 347 c. com. Dans l'espèce, ont-ils dit, les parties ont pu déroger à la disposition de l'art. 347 probibant l'assurance du fret du navire. - Eo effe, cette cause d'obligation n'est point illicite, et à supposer qu'elle puisse être considérée comme contraire à l'art. 547, on doit reconnaître que cet article est aujourd'hui tombé en désuétude par le consentement unanime des commerçants. 2° Contravention aux art. 1558 et 1134 c. civ., 347 c. com., en ce que, d'une part, la cour d'appel aurait dù renvoyer les parties devant arbitres, juridiction convenue par les parties; et, d'autre part, en ce qu'il y a eu ratification par le payement que les assurés ont fait de la prime, ratification qui aurait effacé le vice de l'asserance. Arret.

LA COUR;

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Attendu que l'arrêt attaqué s'est conformé littéralement à la disposition de l'art. 547 c. com., en déclarant nul un contrat d'as surance sur fret du navire; que cette disposition du code, renouvelée de l'ordon. de 1681, est d'ordre public, parce qu'elle a été prise dans les intérêts généraux du commerce maritime; que, dès lors, il n'a p· y être valablement dérogé par des conventions particulières ; Et en e qut concerne la prétendue ratification qui aurait été faite de ces conven tions : Attendu qu'un acte nul de nullité absolue ne peut valider par aucun consentement et que sa ratification ne serait qu'une illegalité de plus; Rejette, etc.

Du 5 juin 1852.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Hua, rap.(2) Espèce : (Assurances C. Dufresne.) — Le capitaine Bideau fit assurer, pour un voyage de l'ile Molènes, à Bordeaux, le navire Ea

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DROIT MARITIME.

CHAP. 8, SECT. 4, ART. 1.

1591. En cas d'assurance faite sur des sommes prêtées à la grosse, le cessionnaire du prêteur, porteur de la police d'assurance, est fondé à réclamer l'exécution de cette police, encore bien qu'il se fût précédemment rendu adjudicataire du navire affecté au prêt pour le comple d'un tiers, qui n'a point accepté la déclaration de command faite en sa faveur : l'assureur n'est pas recevable à contester la déclaration de command et à se prévaloir du défaut d'acceptation de cette déclaration, à l'effet de faire considérer le porteur de la police d'assurance comme étant resté propriétaire du navire, et de faire, en conséquence, annuler l'assurance comme ayant été formée en contravention à l'art 347 c. com. C'est du moins ce qui résulte d'un arrêt cité ci-dessus (Aix, 8 déc. 1820, aff. Crozet, no 1588).

1592. L'assuré peut faire assurer la prime ou coût de l'assurance (c. com. 342); ainsi, par exemple, après avoir fait assurer 40,000 fr. de marchandises par Paul, à une prime de 10 p. 100, c'est-à-dire pour une prime de 4,000 fr., il peut, par la même ou par une seconde police, faire assurer cette prime au même taux, c'est-à-dire pour une prime de 400 fr., ou à un taux different. -Il paraît d'abord étrange, comme le fait observer Boulay-Paty, que la prime puisse être un objet d'assurance, car étant due en cas de perte, ainsi qu'en cas d'heureuse arrivée, elle ne semble jamais exposée à des risques. Mais il faut remarquer, ajoute avec raison le même auteur, « que si la navigation est heureuse, l'assuré se trouve amplement dédommagé de la prime qu'il a payée par le bénéfice qu'il obtient; tandis qu'en cas de perte, au contraire, il ne recouvre que ses capitaux et n'est indemnisé par rien du payement de la prime. Il y a donc une chance de perte, et c'en est assez pour que l'assurance devienne possible et legitime. »

1593. Est-il loisible de faire assurer la prime par le même assureur à qui elle a été payée ou promise? On dit, pour la négative, qu'il répugne à la nature du contrat d'assurance que l'assureur s'oblige, en cas de perte, à payer, outre le capital assuré, la prime qui était le prix du péril même. Le désastre, dans un pareil système, tombe tout entier, et sans compensation aucune, sur la même tête; et l'on méconnaît par là la règle qui veut que la prime payée par l'assuré et les risques dont se chargent les assureurs soient deux corrélatifs inséparables. Telle est la doctrine de Pothier (no 34). Néanmoins, l'opinion contraire a prévalu dans la pratique et ne semble point condamnée par la loi. Celui qui, par la même police, assure à la fois et le capital et la prime, fait la fonction de deux personnes, et souscrit deux contrats renfermés dans un seul; par le premier, il assure le capital moyennant telle prime; par le second, il assure cette même prime

et son chargement, consistant en quatorze blocs de marbre. Ces marbres,
qui avaient été achetés à Molenes pour 5.600 fr., furent assurés pour
- Refus
25,000 fr.-Le navire ayant fait naufrage, les assurés firent le délaisse-
ment, et reclamèrent le payement du montant de l'assurance. -
des assureurs. Ils sontiennent, en ce qui concerne l'assurance des mar-
chandises, que l'assuré, en fixant à 23.000 fr. la valeur des marbres, qui
réellement ne valaient que 5,600, a eu pour but de faire assurer le profit
esperé du chargement, ce qui doit entrainer aux termes de l'art. 547 c.
com., la nullité de l'assurance, nullite à l'appui de laquelle on invoque
encore l'art. 557, en alléguant que l'estimation des objets assurés a été
En ce qui concerne l'abandon du navire,
exagérée de mauvaise foi.
les assureurs prétendent que la perte de ce navire doit être attribuée, non
à un événement de mer, mais à ce qu'il était vieux et hors d'état de sup-
porter le voyage, et à ce que, d'ailleurs, il avait été surchargé, puisque
le bâtiment qui jangeait seulement 27 tonnaux, portait un poids équiva-
L'assuré répond que l'assurance qui comprend
lent à 57 tonneaux.
tout à la fois la valeur réelle des marchandises et le profit espéré, n'est
pas nulle, mais seulement réductible a la valeur réelle desdites marchan-
dises; que, dans l'espèce, l'estimation des objets assurés a été faite sans
mauvaise foi et d'accord avec les assureurs; que, quant au bâtiment, il
ne pouvait être présumé avoir péri par son vice propre, puisqu'il avait
été constaté en bon état au moment du départ; et que peu importait qu'il
eût reçu un chargement plus considérable que celui des tonneaux que,
d'après la jauge, il pouvait contenir, car la fixation de la jauge a
plutôt pour but d'empêcher l'encombrement du navire que de régler le
poids qu'il peut supporter.

Jugement qui rejette l'abandon des marchandises; et plus tard, autre Appel, tant de la part des jugement qui validé l'abandon du bâtiment. a-surés que des assureurs. Il a été statué sur ces appels par deux arrêts istincts dont voici les termes :

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moyennant une prime nouvelle. Il n'y a rien là d'illicite.-V. Émerigon, ch. 8, sect. 12; M. Bernard, p. 359.

1594. On peut faire assurer, non-seulement le capital et la prime, mais encore la prime de la prime, et même la prime des primes à l'infini. L'effet de cette assurance est facile à expliquer par un exemple: Pierre a fait assurer une somme de 3,000 fr. a 10 p. 100 de prime. Pour éviter de perdre, tant en cas de sinistre qu'en cas d'heureuse arrivée, les 300 fr. montant de cette prime, il les fait assurer au même taux; il devra donc, en cas d'heureuse arrivée, 300 fr., plus 30 fr. de prime. Mais aussi, en cas de sinistre, il ne perdra que 30 fr. S'il fait assurer cette seconde prime au même taux, il payera, en cas d'heureux voyage, 333 fr. de prime, et ne perdra, dans le cas contraire, que 3 fr. —Enfin, s'il a fait assurer la prime des primes à l'infini, il rentrera, en cas de sinistre, dans so capital entier, sans déduction d'aucune prime.

1595. L'assurance de la prime et de la prime des primes est très-usitée en temps de guerre, à cause du haut prix de la prime. - Elle ne se présume pas. Seulement elle s'induit souvent de certains termes usités pour l'exprimer, par exemple, de la s'ipulation que la prime ne sera payable qu'en cas d'heureuse arrivée. Cette stipulation a précisément l'effet d'une convention d'assurance de la prime et de la prime des primes, parce qu'à ce moyen l'assureur reçoit, en cas d'heureuse arrivée, une prime plus forte, et s'engage, s'il y a sinistre, à payer la totalité de la somme assurée, sans déduction (M. Pardessus, t. 3, p. 263).

1596. Il y a des polices dans lesquelles les assureurs disent aux assures: Nous vous permettons de vous faire assurer en entier la prime et la prime de la prime. L'usage attribue à ces expressions le même effet que si les assureurs avaient dit qu'ils assuraient eux mêmes la prime et la prime de la prime. 1597. Il a été jugé que lorsque, outre l'évaluation de l'objet assuré, évaluation déclarée faite pour tenir lieu de capital en lous temps et en tous lieux, la police présente ensuite la clause imprimée portant que l'assuré fait tout assurer, la prime, la prime des primes et l'escompte, on doit conclure qu'il n'existe aucun découvert pour l'assuré, et, par suite, que la prime, la prime des primes et l'escompte se trouvent compris dans le capital assuré..... On doit du moins le décider ainsi à Marseille (c. civ. 1159), parce qu'il y est d'usage que, dans les cas d'avarie, ce n'est jamais que la somme déterminée par la police qui contribue aux avaries, lorsqu'il est stipulé que cette somme servira de capital en tout temps et en tout lieu (trib. de com. de Marseille 29 août 1821).—Mais M. Dageville, t. 5, p. 162, considère cette interprétation comme erronée. Pour que l'évaluation

Premier arrêt.

LA COUR;-Attendu que l'assurance ne peut porter sur le profit espéré; que, si les quatorze blocs de marbre pouvaient réaliser à leur arrivée à Bordeaux une valeur de 25,000 fr., ils étaient loin d'avoir la même valeur à l'ile de Molènes, où le chargement s'en était opéré; que, dans la réalité, ils n'avaient d'autre valeur pour l'assuré que le prix qu'ils lui avaient coûté, lequel était de la somme de 5,600 fr.; que c'était cette valeur seule Qu'à la vérité, la qui était exposée et qui faisait l'aliment du risque; valeur de 25.000 fr. donnée à ces marbres, est exagéree, mais que cette exagération est le fruit de l'erreur et non de la mauvaise foi; que l'assuré n'a usé ni de déguisement ni de surprise à l'égard des assureurs; que l'estimation a été faite d'accord entre eux par la police, et en parfaite connaissance de cause: que dès lors il y a lieu de réduire l'assurance, mais qu'elle ne doit pas è're annulée; — Faisant droit de l'appel interjeté par Dufresne et compagnie, émendant, déclare bon et valable l'abaadon par eux fait des marbres dont s'agit au procès, etc.

Deuxième arrêt.

LA COUR: Attendu que le capitaine Bideau était muni d'un certificat de visite régulier, constatant que son navire était en bon état de faire voile; que la présomption résultant de ce certificat n'est point détruite par une preuve contraire, et qu'il en résulte que le bâtiment est censé avoir péri par fortune de mer;

Attendu qu'il est reconnu que la jauge d'une navire fixée quant à sa capacité, ne fait pas obstacle à ce qu'il prenne un poids plus considérable que celui des tonneaux qu'il peut contenir, parce que la jange est moins Met au neant l'appel interjeté par la rence est constatée par l'usage; relative au poids qu'a l'encombrement du chargement, el que cette diffécompagnie d'assurances, etc.

Du 20 (et non 29) août 1835.-C. de Bordeaux.-M. Roulet, 1er pr.

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