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n° 2089; Paris, 27 nov. 1841, aff. Gavard, no 2011; Douai, 7 avril 1842, aff. Delrue, no 2013).

2010. Il suffit que la somme nécessaire pour réparer la détérioration du navire assuré ait été jugée, par experts, s'élever au delà des trois quarts de la valeur du navire, pour que le délaissement qui en a été fait pour cause d'innavigabilité soit valable, encore bien que le navire ait été vendu plus du quart de sa valeur, et qu'ainsi la somme à la charge des assureurs soit moindre que les trois quarts de la somme assurée, ou de la valeur du navire (Req., 14 juin 1832, aff. Reilly, V. n° 2009).

2011. Le délaissement, en cas d'innavigabilité relative, est

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eu lieu; qu'au contraire, il a été reconnu qu'elles avaient été occasionnées par fortune de mer; - Considérant qu'elles ont été constatées légalement par le procès-verbal régulier du 25 fév. 1829, lequel, vu la nature et l'étendue du dommage, a attesté que les réparations ne pouvaient s'opérer que dans un autre lieu; que le procès-verbal du avril suivant, dressé à I'lle Maurice, n'a pas été critiqué quant à son contenu, mais seulement parce que les experts n'ont pas prêté serment avant leurs opérations, et que le juge n'y a pas assisté; qu'en admettant qu'il y eût quelque irrégularité dans la forme, elle ne peut être assez puissante pour faire rejeter ce procèsverbal, parce que ces experts étaient assermentés devant l'amirauté, qu'ils avaient un caractère public, et que, suivant l'usage du lieu, le capitaine avait l'option de s'adresser à eux, ou d'indiquer des experts qui Le seraient trouvés à l'ile Maurice; que le capitaine Lamy, en préféran! requérir des experts qui étaient reconnus avoir prêté serment en justice, a donné une nouvelle preuve de sa loyauté et de sa bonne foi;

>> Que ces procès-verbaux et les autres pièces rédigées à l'île Maurice, lesquels ont acquis un caractère d'authenticité par le dépôt qui en a été fait chez le notaire de cet endroit, ont prouvé que le Harponneur était dans un état d'innavigabilité par fortune de mer; que cet état d'innavigabilité a été déclaré implicitement par le juge royal de l'ile Bourbon, qui, après avoir accordé acte du délaissement, a rendu une autre ordonnance sur le vu des procès-verbaux des 25 fév. et 2 avril 1829, et sur le vu de l'acte de dépôt dressé par le notaire de l'île Maurice, lequel relatait toutes les pièces rédigées le 6 dudit mois d'avril; et, par cette ordonnance, ce magistrat a autorisé la vente du navire le Harponneur, ayant la conviction, comme tout le démontre au procès, que ce navire était innavigable; qu'enfin, cette déclaration d'innavigabilité, les dépenses à faire excédant la valeur du navire, ne portent aucun préjudice aux assureurs, qui, comme il est précédemment observé, ne débourseront pas la totalité du prix de l'assurance. »

Pourvoi des assureurs pour violation des art. 237, 389, 390 c. com. Ils soutiennent: 1° que l'abandon pour cause d'inavigabilité doit être précédé d'une déclaration expresse et de la constatation de l'état d'innavigabilité par le juge du lieu; que, dans l'espèce, cette déclaration et cette constatation n'existent pas; qu'elle doit être formelle, et qu'on ne peut, ainsi que l'a fait la cour d'appel, les induire implicitement des circonstances; qu'autrement ce serait ajouter à la loi et créer des causes de délaissement qu'elle n'aurait point autorisées; qu'au reste, la cour d'appel n'a pu puiser la déclarition même implicite d'innavigabilité dans la décision du juge royal, laquelle avait un tout autre objet, l'autorisation seule de la vente du navire; qu'aussi l'innavigabilité n'existait-elle pas, puisqu'on voit le capitaine aller à l'ile Maurice, en revenir, et enfin repartir pour les Indes avec le même navire après la vente, et sans qu'il ait été reparé. Les demandeurs soutiennent, en second lieu, que, pour qu'il y ait lieu à délaissement, il faut que l'innavigabilité soit absolue ; qu'une innavigabilité relative ne suffit pas; que c'est pour prévenir les abus qui pourraient être faits de cette cause spéciale d'abandon, qu'il a été déclaré que l'échouement donnant lieu à innavigabilité temporaire seulement, ne pourrait autoriser le délaissèment, mais une simple action en réparation d'avaries; que c'est là ce qui résulte de l'art. 589 c. com. Enfin les demandeurs prétendent que le délaissement n'aurait pu avoir lieu qu'autant qu'il y aurait dépréciation des trois quarts dans la valeur du navire; dans l'espèce, cette dépréciation n'avait pas eu lieu, puisque le navire assuré pour 80,000 fr. avait, après trois ans de navigation qui ont dû diminuer sa valeur, été vendu encore 25,000 fr.; qu'en effet, ce n'est qu'après la vente que la dépréciation a pu être estimée, et le prix qui en est résulté démontre mieux que les pièces que la diminution des trois quarts dans la valeur du navire n'a pas eu lieu. - Arrêt.

LA COUR; Considérant que l'arrêt attaqué déclare qu'à la suite d'un ouragan violent, le Harponneur a été réduit à un état d'innavigabilité sinon absolue, au moins relative, résultant de ce qu'il aurait fallu plus de temps et de dépenses pour le réparer que pour en construire un neuf; - Considérant que ce genre d'innavigabilité a de tout temps été assimilé à l'innavigabilite absolue et donné lieu comme celle-ci au délaissement; que ce principe est reconnu par tous les jurisconsultes qui ont écrit sur la matière, et qu'il n'existe dans le code de commerce aucune disposition. contraire; Considérant que l'innavigabilité du brick le Harponneur est légalement constatée, ainsi que l'arrêt le déclare, par les procèsverbaux qu'il relate, et notamment par la sentence du juge royal de l'ile

valable, quoique le capitaine, dont les assureurs ont pris à leurs risques la baraterie, sauf les cas de fraude, ait refusé de bonne foi, sur l'offre à lui faite d'un prêt à la grosse, d'ailleurs insuffisant, d'en accepter les conditions onéreuses, dans l'espérance, non réalisée, de trouver à emprunter à des conditions moins exorbitantes (Paris, 27 nov.1841) (1).-Le délaissement, dans le cas dont il s'agit, ne peut être refusé sous le prétexte que l'armateur a négligé de pourvoir le capitaine, au départ, de ressources suffisantes pour parer aux éventualités d'une navigation longue et naturellement périlleuse (même arrêt).

2012. Il a été jugé que la vente d'un navire en cours de

Bourbon qui a ordonné la vente de ce navire; - Par ces motifs, rejette, etc.

Du 14 juin 1832.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Ménerville, rap. 2o Espèce:- (Assureurs C. Cabrol.) - LA COUR; Attendu qu'il est constant que, dans son trajet de Bordeaux à Bourbon, l'Indépendant avait éprouvé des sinistres maritimes, et fait des avaries qui tombaient à la charge des assureurs; Attendu qu'il est également certain que ces avaries ne pouvaient pas être réparées à l'ile Bourbon; que, pour y pourvoir, il devint nécessaire de conduire ce navire à l'ile Maurice; - Attendu que, suivant le droit maritime, l'innavigabilité est absolue ou relative; que, dans l'un ou dans l'autre cas, l'assuré peut être fondé à faire abandon; -Attendu qu'il y a innavigabilité relative, soit lorsque l'assure avaries, soit lorsqu'ils ne peuvent pas se procurer les fonds indispensables ou son représentant manquent des objets nécessaires pour réparer les pour payer ces réparations; Attendu que O capitaine justifie qu'il a usé de tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour faire un emprunt à la grosse, et qu'il n'a pu y réussir; que n'ayant pu se procurer les fonds nécessaires, il a pu se dispenser de se faire autoriser à faire un emprunt Met l'appel au néant, etc. qui était impossible;

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Du 15 nov. 1842.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. Roullet, 1er pr. (1) (Gavard C. assureurs.)-LA COUR; Considérant qu'aux termes des art. 569 et 389 c. com., comme d'après les conventions sainement entendues des parties, il y a innavigabilité, et, par suite, lieu au délaissement, non-seulement lorsque le navire éprouve par fortune de mer, dans le cours de son voyage, des avaries qui ne sont pas susceptibles d'être réparées, mais encore lorsque ces avaries ne peuvent être réparées parce que le capitaine ne trouve pas dans le lieu où il aborde soit les matériaux, soit les ouvriers, soit l'argent, nécessaires pour mettre le navire en état de reprendre la mer et de continuer son voyage; Considérant que le navire la Clio, assuré et expédié pour la pêche de la baleine dans les mers du Sud, est parti de Dunkerque le 26 sep. 1835; qu'après une navigation pénible et infructueuse d'environ huit mois et demi, le capitaine n'ayant pu doubler le cap Horn, fut forcé de revenir à Montevideo pour réparer des avaries graves que le navire avait éprouvées par fortune de mer;-Qu'arrivé dans la rade de Montevideo, le capitaine fit son rapport au consul, et demanda la nomination d'experts pour reconnaître, constater et estimer les avaries; qu'une première visite incomplete fit découvrir des avaries, qui furent estimées 2,124 piastres; que sur ces rapports, après délibération de l'équipage, le capitaine demanda et obtint l'autorisation d'emprunter à la grosse une somme de 5,500 piastres; qu'une seule offre fut faite par la maison Paul Duplessis, à la prime de 70 p. 100; que le capitaine déclara sous sa responsabilité ne pouvoir accepter cette offre, parce que la prime lui paraissait exorbitante, et demanda immédiatement l'autorisation, qui lui fut accordée, de provoquer de nouvelles soumissions pour le même emprunt, mais qu'aucune offre ne fut faite; que, le capitaine ayant reconnu l'insuffisance de la première expertise, le consul en ordonna une deuxième, d'après laquelle les dépenses nécessaires pour réparer les avaries, pout payer la nourriture et les gages de l'équipage, enfin pour ravitailler le navire et le mettre en état de continuer le cours de son voyage à la pêche de la baleine, furent portées à 9,964 piastres; que, sur ces rapports, la consul autorisa un emprunt à la grosse de 10,000 piastres; qu'aucuse soumission ne fut présentée; qu'alors le capitaine déclara faire le délais sement du navire, et demanda qu'il fût vendu; que le consul, après avoir ordonné la vente, crut devoir la suspendre et ordonner, dans l'intérêt des assureurs, qu'il serait ouvert un emprunt de 6,000 piastres seulement pour mettre le navire en état de revenir en France; que, cette dernière tentative ayant encore échoué, la vente fut définitivement ordonnée et opérée ;

-

Considérant que ces faits constituent l'innavigabililé relative et justifient le délaissement; · Qu'on objecte vainement que c'est par le fait de capitaine que l'emprunt de 3,500 piastres n'a pas été réalisé ; que cet emprunt aurait été suffisant pour réparer les avaries survenues au navire par fortune de mer, portées dans la première expertise à 2,124 piastres, el dans la deuxième à 2,596 piastres, le surplus des dépenses portées dans la deuxième expertise ne concernant que la nourriture et les gages des matelots et le réarmement du navire, qui n'etaient pas, suivant l'intimé, à charge des assureurs; que, dès lors, les conséquences du refus du capitaine devaient retomber sur l'armateur, et non sur les assureurs, qui étaient.

CHAP. 8, SECT. 8, ART. 1, § 1.

DROIT MARITIME. voyage, par ordre de l'autorité compétente, ne peut être considérée comme la suite d'une innavigabilité par fortune de mer, Honobstant l'impossibilité où a été le capitaine d'emprunter les fonds nécessaires pour les réparations du navire, lorsque l'armateur étant sur les lieux, et se trouvant à même de faire face aux dépenses, a refusé de fournir les fonds dont il s'agit, que la vente du navire rendue ainsi nécessaire par ce refus, doit être considérée comme purement volontaire et comme le fait de l'armateur; et que dès lors, elle ne peut motiver le délaissement fait par celui qui, ayant prêté à la grosse sur le navire, avait fait assurer son prêt (trib. de com. de Marseille, 22 juill. 1850).

Mais il a été décidé depuis, en sens contraire, qu'il suffit que le capitaine d'un navire devenu innavigable par fortune de mer, n'ait pu contracter un emprunt à l'effet de le réparer, pour que l'assuré soit fondé à en faire le délaissement, encore bien que cet assuré eût, au lieu où les réparations auraient pu être faites, un correspondant dont il était créancier pour une somme importante, attendu que l'assuré ne saurait être tenu de préserver aux dépens de sa fortune de terre les risques de mer qu'il a fait assurer (Paris, 6 déc. 1848, aff. Beautemps, D. P. 49. 2. 213).

Ainsi, d'après cet arrêt, l'assuré est admissible à délaisser son navire, à titre d'innavigabilité, bien qu'il eût pu le réparer

Que cette objection est mal dit-on, affranchis de la baraterie de patron ; -que la fondée sous un double rapport;-Que, d'une part, il est constant première expertise était incomplète; que si, dans la deuxième expertise, les avaries éprouvées par le navire n'ont été portées qu'a 2,596 piastres, les frais accessoires, et qui en sont la conséquence directe et nécessaire, tels que ceux de déchargement et d'abatage du navire pour en visiter et réparer le fond intérieurement et extérieurement, portent la dépense, de l'aveu même des assureurs, dans leur plaidoirie et dans leur mémoire, au moins

la somme de 4,164 piastres; qu'ainsi, en admettant que les autres dépenses, montant à 5,575 piastres, portées dans l'estimation définitive, ne concernassent, comme le prétend l'intimé, que la nourriture et les gages de l'équipage pendant la relâche et l'avitaillement du navire pour continuer son voyage, en admettant aussi que ces dépenses ne fussent, ni en totalité ni en partie, à la charge des assureurs, il serait encore évident que l'emprunt de 3,500 piastres refusé par le capitaine n'aurait pas été suffisant même pour la réparation du navire; que, dès lors, le refus de cet emprunt par le capitaine n'aurait pas amené le délaissement et n'aurait causé auQue, d'autre part, il n'est pas exact de cun préjudice aux assureurs ; dire que les assureurs étaient affranchis de la baraterie de patron; qu'il est constant, au contraire, que, par les conventions des parties, les assureurs avaient pris à leurs risques la baraterie de patron, en exceptant seulement les frais de dol et de fraude; qu'il n'est nullement établi que le capitaine Margollé ait refusé l'emprunt de 3,500 piastres, dans le dessein prémédité d'arriver au délaissement du navire faute de fonds pour le réparer; que tout indique, au contraire, qu'il l'a refusé de bonne foi, parce que la prime de 70 p. 100 lui a paru exorbitante, et qu'il espérait trouver des fonds à des conditions moins onéreuses; qu'ainsi il y aurait eu, de sa part, tout au plus imprudence ou une faute quelconque qui ne pourrait être qualifiée ni de dol ni de fraude, et qui, dès lors, resterait à la charge des assureurs;

-

Considérant que les reproches adressés à l'armateur ne sont pas mieux fondés; qu'il résulte du certificat de visite du navire, avant et après l'armement, qu'il était en bon état pour l'expédition à laquelle il était destiné; — Qu'il n'est pas justifié qu'une partie quelconque des avaries pro- Que l'armateur n'a rien fait de vinssent d'un vice propre du navire; contraire à l'usage et a la raison, en donnant pour instruction au capitaine de ne point effectuer son retour sans produits, et, en cas d'avaries, Que si le capitaine, prenant peutde les faire réparer convenablement; être trop à la lettre ces instructions, avait d'abord repoussé l'avis ouvert par le consul de tenter un emprunt de 6,000 piastres pour ramener le navire en France, il s'était ensuite soumis à la décision de ce magistrat; mais que l'emprunt n'avait pas pu être réalisé, de sorte qu'en définitive, ni les instructions de l'armateur ni l'hésitation du capitaine n'ont exercé Que les instructions de l'armateur aucune influence sur le résultat; n'étaient pas de nature à augmenter l'opinion du risque ni à en changer le sujet; qu'on ne saurait donc voir, dans le défaut de communication de ces instructions aux assureurs, une réticence qui pût donner lieu à l'annulation de l'assurance, aux termes de l'art. 348 c. com., annulation qui, au Qu'enfin il est inusurplus, n'a pas été demandée par les assureurs ; tile d'examiner si l'armateur aurait dû munir le capitaine d'argent ou de lettres de crédit pour subvenir aux dépenses de ravitaillement et de réarmement pendant toute la durée présumée de l'expédition, ou si, à tort, le capitaine avait fait porter ses dépenses dans l'état des sommes à emprunter à la grosse ainsi que les gages et la nourriture de l'équipage pendant la relâche forcée à Montevideo, puisque toutes les tentatives succesivement

et le mettre en état de continuer sa route, s'il eût fallu pour obtenir ce résultat faire des sacrifices sur sa fortune de terre; de sorte que la disposition de l'art. 389, qui n'admet pas le délaissement, pour innavigabilité, quand le navire échoué peut être relevé et mis à même de se rendre à sa destination, ne doit, dans l'opinion de la cour de Paris, recevoir son application qu'autant que les réparations nécessaires pour mettre le bâtiment en état de poursuivre sa route, peuvent être faites au moyen d'emprunts dont le payement n'est garanti que par la fortune de mer de l'assuré, et dont celui-ci peut, dès lors, se décharger par l'abandon... du navire et du fret.-V. suprà, no 1970,

2013. Le droit de délaisser appartient à l'assuré, en casd'innavigabilité absolue ou relative du navire assuré, alors même, que ce navire, ou ce qui en est resté après le sinistre, a pu être renfloué et ramené dans le port de destination. Cette circonstance ne donne pas lieu à l'application de l'art. 389 c. com., qui suppose un navire demeuré entier et seulement susceptible de sim-" ples réparations; s'il en était autrement et si cet article était applicable au cas de reconstruction possible du navire brisé par i l'échouement, le droit de délaisser serait presque toujours illusoire et l'art. 369 sans objet (Douai, 7 avril 1842) (1).

2014. L'innavigabilité qui, au lieu d'être déclarée dans un port de la route, n'est déclarée qu'au lieu de la destination, est

-

P

faites n'ont amené que l'offre de 3,500 piastres, somme dans tous les case
insuffisante, ainsi qu'il a été ci-dessus expliqué, même pour réparer les
avaries que le navire avait souffertes; - Infirme, etc.
Du 27 nov. 1841.-C. de Paris, 3o ch.-M. Simonneau, pr.
Attendu qu'en traitant verba-
(1) (Delrue C. Hubert.)-LA COUR ;
lement, à la date du 7 mars 1841, de l'assurance du navire Dogre l'É-
toile-du-Nord, pour la pêche de la morue sur les côtes d'Islande, les par-.
ties ont stipulé qu'il y aurait lieu au délaissement en cas d'échouement
- Que cette stipu- !
avec bris qui rendrait le navire assuré innavigable;
Attendu qu'il est constant
lation est conforme à l'art. 369 c. com.;
dans la cause et qu'il résulte d'ailleurs, tant du rapport du capitaine que
des procès-verbaux d'expertise des 5 octobre et jours suivants et 27 nov.
1841, que le 5 dudit mois d'octobre, à son retour de la pêche, le navire,
dont il s'agit a échoué avec bris, au moment où il allait rentrer dans le
port de Dunkerque; qu'il a été totalement submergé, disloqué dans son
ensemble et détruit dans plusieurs de ses parties les plus essentielles ; →
Qu'il résulte notamment et spécialement du rapport dudit jour 27 no-
vembre, que toute la quille dudit navire a été enlevée, à l'exception d'un
morceau complétement ragué et hors de service; que l'étrave a tellement
l'étambord
fatigué, que la rablure a plusieurs centimètres d'ouverture, que

a disparu entièrement avec le contre-étambord et tout le massif de derrière; que la plupart des parties secondaires sont également bors d'état, de service; Attendu que, consulté sur la question de navigabilité ou d'innavigabilité, les experts déclarent que, considéré en lui-meme et dans son état actuel, le navire est dans un état complet d'innavigabilité; que, dans le même état, sa valeur ne dépasse pas 500 fr.; que, dans le cas do. réparation, cette valeur serait de 2,000 fr.; mais que la démolition d'une grande partie du navire serait indispensable en cas de reconstruction, ajoutant qu'il est aussi coûteux de réparer complétement un navire dans l'état où se trouve celui dont il s'agit, que d'en construire un neuf;

Attendu qu'il résulte manifestement, tant de cette opinion des experts que des circonstances du fait, que, par suite de son échouement avec bris, ledit navire a été mis dans un état d'innavigabilité absolue dans le par suite sens de la loi et des véritables principes de la matière; que, Qu'il n'importe que ce? l'assuré est fondé à en faire le délaissement; navire ou ce qui en est resté après le sinistre, ait pu être renoué et ra mené dans le port; que ce fait ne peut pas tomber sous l'application de l'art. 389 c. com., qui suppose un navire demeuré entier et seulement susceptible de simples réparations; que, s'il en était autrement et si cel article était applicable au cas de reconstruction possible du navire brisé par l'échouement, le droit de délaisser serait presque toujours illusoire et l'art. 569 sans objet; Qu'il n'importe non plus que l'échouement avec bris ait eu lieu sur un point plus ou moins éloigné du lieu de desti-, nation, la loi ne distinguant pas à cet égard et la convention repoussant Attendu que les considérations:3 ici toute distinction de cette nature; qui précèdent rendent inutile l'examen de la question d'innavigabilité a relative agitée dans la cause, et les vérifications réclamées à ce sujet par Par ces motifs, met le ju-.les conclusions subsidiaires des assureurs ; gement dont est appel au néant; donne acte à l'appelant du délaissement & qu'il a fait aux intimés, du navire échoué; condamne en conséquence ces derniers commercialement et par corps, chacun pour la quote-part), rêts, etc., etc. qu'il a prise dans l'assurance, à payer à l'appelant 30,000 fr. avec inte

Du 7 avril 1842.-C. de Douai, 2 ch.-M. Petit, pr.

tation des clauses de la police, ne viole aucune loi (Req., 22 juin 1826) (1).

néanmoins à la charge de l'assureur, s'il est constant qu'elle procède des fortunes de mer survenues durant le voyage (trib. de com. de Marseille, 29 juill. 1825, aff. Nègre).—Pareillement, le 2017. Délaissement pour cause d'arrêt d'une puissance droit de délaisser est acquis à l'assuré, quand même l'échoue- étrangère. La disposition de l'art 369, qui autorise le délaissement avec bris aurait eu lieu au retour du navire et en vue du ment en cas d'arrêt d'une puissance étrangère, se trouve expliquée port de destination (Douai, 7 avr. 1842, aff. Delrue, n° 2013). et complétée, soit par l'art. 370, portant, en termes généraux, -Et il a encore été décidé, dans le même sens, que l'innaviga- que le délaissement ne peut être fait avant le voyage commencé, bilité relative résultant de l'impossibilité où l'assuré s'est trouvé soit par les art. 387 et 388, ainsi conçus : « En cas d'arrêt de la de se procurer des fonds pour réparer les avaries survenues au part d'une puissance (étrangère), l'assuré est tenu de faire la navire par fortune de mer, donne ouverture au délaissement, alors signification à l'assureur dans les trois jours de la réception de même que cette innavigabilité ne s'est réalisée qu'au lieu du la nouvelle (afin de mettre celui-ci à même de faire les démarches reste (trib. de com. de Marseille, 14 mai 1834, aff. Rostand).qu'il jugera utiles à ses intérêts). Le délaissement des objets 2015. Les effets de l'innavigabilité provenant de fortune de mer et dûment constatée, sont différents, suivant que l'assurance porte sur le navire ou sur le chargement. Dans le premier cas, l'innavigabilité donne sur-le-champ ouverture au délaissement, vu qu'il est dès lors impossible de rétablir la chose assurée et de la faire parvenir à sa destination. Il n'en est pas de même lorsque l'assurance porte sur le chargement : dans ce cas, le délaissement n'a pas lieu immédiatement, et par le seul fait de l'innavigabilité; il n'est recevable qu'autant qu'on n'a pu, dans un certain délai, se procurer un autre bâtiment pour opérer le transport de la chose assurée. C'est ce qui résulte des art. 391 et 394 c. com. ainsi conçus: « Le capitaine est tenu, dans le cas où le navire a été déclaré innavigable, de faire toutes diligences pour se procurer un autre navire à l'effet de transporter les marchandises au lieu de leur destination (c. com. 391). Si, dans les délais prescrits par l'art. 387, le capitaine n'a pu trouver de navire pour recharger les marchandises et les conduire au lieu de leur destination, l'assuré peut en faire le délaissement » (c. com. 394). Ainsi donc, dans le cas d'innavigabilité constatée d'un navire, le capitaine qui ne trouve pas de bâtiment pour transporter les marchandises assurées à leur destination, ne peut pas néanmoins faire immédiatement le délaissement; il ne peut y procéder qu'après les délais fixés par l'art. 387 c. com. (trib. de com. de Paris, 20 août 1838, aff. Pelletereau C. assureurs).

2016. Le délaissement des marchandises assurées ne peut être refusé, malgré la clause portant qu'il ne pourrait être fait qu'en cas de perte des trois quarts de ces marchandises, lorsque celles-ci ayant été, par suite d'échouement, déposées en bon état dans un lieu autre que celui où les assureurs se sont expressément obligés de les faire parvenir à leurs risques, par le navire désigné ou par tout autre, il a été impossible au capitaine et aux assureurs de trouver un vaisseau pour en faire le transport au lieu convenu. Du moins, l'arrêt qui le décide ainsi par interpré

(1) Espèce: -- (Comp. d'assur. gén. C. Hall et comp.) Le 29 août 1820, la compagnie d'assurances de Rouen assura à Rondeaux, pour compte de qu'il appartiendrait, trois caisses de porcelaines estimées 11,250 fr., qui devaient être transportées de Rouen à Elseneur, sur le navire la Fredericka-Dorothea. Ce navire échoua sur la côte de Jutland.

Les porcelaines furent sauvées et déposées dans un magasin, à Risseinstein. Rondeaux fit signifier aux assureurs les pièces relatives au sinistre, pour qu'ils eussent à pourvoir à la réexpédition des porcelaines. La compagnie se borna à offrir de contribuer aux frais de sauvetage. Le 3 avril 1821, l'assuré déclara faire le délaissement des porcelaines, avec sommation d'en payer l'estimation: Sur le refus, des arbitres furent nommés; ils condamnèrent la compagnie à accepter le délaissement.

Appel; et, le 5 avril 1823, arrêt confirmatif de la cour de Paris : Considérant, en droit, que toute perte ou dommages qui arrivent aux objets assurés par tempête, naufrage, échouement et généralement par toute autre fortune de mer, sont aux risques des assureurs; Considérant que le délaissement des objets assures peut être fait par l'assuré, quand le navire échoué ne peut être relevé et mis en état de continuer sa route, et quand le capitaine n'a pas pu, dans les délais fixés par la loi, trouver de navire pour recharger les marchandises et les conduire au lieu de leur destination; Considérant que, par le délaissement, valablement fait d'objets assurés, les assureurs en deviennent propriétaires à partir de l'époque du delaissement; - Considérant, en fait, que, par exploit en date du 3 oct. 1820, Hall et comp. ont dénoncé à la compagnie d'assurances générales l'échouement du navire la Dorothea, sur lequel étaient chargées les trois caisses de porcelaines que cette compagnie avait assurées, par une police en date du 29 août 1820, pour une somme de 11,250 fr., pour être portées à Mémel, soit par ledit navire la Dorothea, soit par tous autres navires ou alléges que ce soit aux risques de la compagnie; Considérant que, le 19 décembre de ladite année 1820, Hall et

-

arrêtés ne peut être fait qu'après un délai de six mois de la signification, si l'arrêt a eu lieu dans les mers d'Europe, dans la Méditerranée, ou dans la Baltique;-Qu'après le délai d'un an, si l'arrêt a eu lieu en pays plus éloigné. Ces délais ne courent que du jour de la signification de l'arrêt.-Dans le cas où les marchandises arrêtées seraient périssables, les délais ci-dessus mentionnés sont réduits à un mois et demi pour le premier cas, et à trois mois pour le second (c. com. 387).- Pendant les délais portés par l'article précédent, les assurés sont tenus de faire toutes diligences qui peuvent dépendre d'eux, à l'effet d'obtenir la mainlevée des effets arrêtés. Pourront de leur côté, les assureurs, ou de concert avec les assurés, ou séparément, faire toutes démarches à même fin» (c. com. 388).

2018. A la différence des autres causes de délaissement, l'arrêt d'une puissance étrangère ne donne pas lieu, comme on le voit, à l'abandon immédiatement après la réception de la nouvelle du sinistre, mais seulement après l'expiration d'un cer❘tain délai écoulé depuis la signification de cette nouvelle. Cette exception est fondée sur ce que l'arrêt de prince n'opérant pas toujours la perte de la chose, et l'obstacle qu'il apporte à la continuation du voyage pouvant être levé, il a paru rigoureux et injuste de soumettre l'assureur au payement de l'assurance avant de l'avoir mis en mesure de faire cesser l'arrêt.

2019. Lorsque l'arrêt a lieu avant le commencement du voyage assuré, il n'y a pas ouverture à délaissement (c. com. 370). Dans ce cas, l'assurance continue de subsister pour avoir son effet après la cessation de l'arrêt (M. Dageville, t. 5, p. 444).

2020. Comme le voyage assuré commence, pour ce qui concerne le chargement, avant le départ du navire (c. com. 328), s'il arrive que le navire soit arrêté avant le départ, mais après le chargement, les marchandises chargées peuvent être délaissées, tandis que le navire ne le peut pas (Émerigon, ch. 12, sect. 30, § 6; Delvincourt, 2, 382).

comp, qui s'étaient réservé, par leur exploit du 3 octobre précédent, la
faculté de faire le délaissement des caisses de porcelaines, ont fait somma-
tion à la compagnie d'avoir à libérer et réexpédier lesdites caisses, si
mieux elle n'aimait les garder pour son compte; - Considérant que, de-
puis cette sommation, la compagnie s'est bornée à offrir les frais de san-
vetage sans que ni elle ni le capitaine du navire la Dorothea aient trouvé
de navire pour en charger les caisses de porcelaines et les porter à Mémel,
comme ils s'y étaient obligés formellement et expressément par leur police
d'assurance; Considérant que cette clause obligatoire et spéciale, écri
à la main dans la police d'assurances, n'est point abrogée par l'art. 8 im
primé de cette même police, et que Hall et comp. ont, en conséquence,
le droit de délaisser, aux risques des assureurs, les caisses de porcelaines
destinées pour Memel, comme ils l'ont fait régulièrement à la compagnie
d'assurances dans les délais de la loi, par leur exploit du 3 avril 1821. »

Pourvoi pour violation: 1° de l'art. 1134 c. civ. et fausse application de l'art. 594 c. com., en ce que la cour a ordonné le délaissement, sur le seul motif qu'on n'a pas pu trouver de navire pour recharger les marchandises en bon état, d'ailleurs, tandis qu'il était convenu, par la clause 8 de la police, que le délaissement ne pourrait avoir lieu que dans le cas de perte des trois quarts, etc.; une telle convention, très-licite, devait s'executer nécessairement, et dès lors l'art. 394 c. com. était inapplicable. Arrêt.

LA COUR; - Attendu que l'interprétation (d'ailleurs très-raisonnable) que l'arrêt attaqué a faite des clauses du contrat d'assurance dont il s'agit, et l'appréciation des faits qu'il a constatés, ne sont pas susceptibles d'être attaquées par la voie de la cassation, puisqu'elles ne blessent ascune loi, Attendu que, d'après ces interprétation et appréciation, l'ar rét a fait une juste application à l'espèce de l'art. 594 c. com.;- Rejetts. Du 22 juin 1826.-C. C., ch. req.-MM. de Gartempe, pr.-Botton, rap.

2021. L'arrêt de prince n'est pas une cause de délaissement, lors même qu'il a pour objet d'enlever à l'assuré sa propriété, si celui-ci en reçoit le prix. Seulement, si ce prix n'égale pas la valeur primitive de l'achat, augmentée du fret et autres dépenses accessoires, de la prime d'assurance, des intérêts, etc. (mais non du profit espéré), l'assuré peut en demander le complément par action d'avarie (trib. de com. de Marseille, 22 fév. 1822) (1).

mauvais temps, les laines composant le chargement. La crainte d'un sinistre à venir ne peut être assimilée au sinistre. Ainsi jugé par un arrêt de la cour d'Aix, cité, sans énonciation de date, par M. Dageville, t. 3, p. 569.

Et de même encore, il n'y a pas arrêt de puissance, donnant lieu à délaissement, dans le cas où le capitaine, se fondant sur l'interdiction de commerce survenue, depuis le départ, avec le lieu de destination, a requis et obtenu, dans un port intermédiaire, un jugement qui l'autorise à y terminer son voyage (trib. de com, de Marseille, 23 avril 1807).

2024. Il a été jugé qu'une clause par laquelle des assureurs

2022. La défense faite par un souverain de laisser passer certaines marchandises dans ses États, et même de les laisser rétrograder lorsqu'elles y sont parvenues, n'est pas constitutive d'un arrêt de prince dans le sens de la loi, et ne donne pas ou-stipulent qu'ils assurent des facultés « à la prime de 6 p. 100 verture à l'action d'abandon, si d'ailleurs elle est générale, préexistante au contrat d'assurance, et si elle n'est pas suivie de la dépossession des marchandises (trib. de com, de Marseille, 9 mars 1824, aff. Pruvinet).

réduite à deux, le risque finissant à Constantinople pour quelque motif que ce soit, » n'a pas pour effet, si le vaisseau est arrêté par le gouvernement dans le port désigné, d'exempter les assureurs du risque de l'arrêt de prince. Elle n'exprime pas autre chose que la réduction de la prime en cas de cessation des risques à Constantinople (Aix, 23 avr. 1825, aff. Amoretti, V. no 1550). 2025. Quoique l'interdiction de commerce soit à plusieurs égards comparable à l'arrêt de prince, qu'elle tienne à une force majeure de la même nature, et qu'elle mette entièrement obstacle au voyage projeté, néanmoins, comme la loi ne l'a pas mise au nombre des cas donnant ouverture au délaissement, elle ne peut donner lieu par elle même qu'à l'action d'avarie. Mais s'il ré

quarts pour l'assuré, l'action en délaissement compéterait à ce dernier (M. Dageville, t. 3, p. 572).

2023. Il n'est pas nécessaire, pour constituer l'arrêt de puissance, que cet arrêt ait lieu par ordre direct du prince. L'ordre du magistrat, celui du juge, peuvent avoir le même effet que l'ordre du souverain de qui émane leur autorité. Mais il faut que cet ordre se rapporte à quelque cause d'utilité publique qui ait lieu sans le concours ni la volonté du capitaine du navire, et qu'effectuant l'arrestation du bâtiment, il mette obstacle à sa navigation. D'où il suit que des assurés ne pourraient faire considérer comme arrêt de prince un jugement rendu en pays étran-şultait de l'interdiction de commerce une perte de plus des trois ger, sur la demande du capitaine, et qui a autorisé celui-ci à terminer son voyage dans un port de la route, faute par les chargeurs de consentir à une augmentation de fret. demandée par le capitaine, à raison de l'augmentation de risques occasionnés depuis le départ par la survenance de la guerre. Les dommages soufferts par les assurés par suite du jugement dont il s'agit, en ce qu'il a donné lieu à transborder les marchandises dans d'autres bâtiments, pour les faire arriver au lieu de destination, ne résultent point d'un événement ayant le caractère de sinistre majeur, et par conséquent ne sont point à la charge des assureurs, s'il y a clause franc d'avaries (jugement du tribunal de Marseilie, rapporté, sans indication de sa date, par M. Dageville, t. 3, p. 564). De même, on ne peut considérer comme arrêt de prince, autorisant le délaissement, le jugement rendu sur la demande du capitaine, et par lequel il s'est fait autoriser à terminer son Voyage dans un port de la route, dans la crainte de l'incendie qui pourrait résulter de l'état ou se trouvaient, par suite de

(1) Espèce: (Baudouin C. N...)- Il s'agissait de la cargaison de blé du brigantin le Saint-Nicolas, qui avait été réclamée et arrêtée à Constantinople par l'autorité du lieu, et dont le prix avait été payé comptant au subrecargue. Les assurés, prenant texte de cet événement, formèrent l'action en délaissement à leurs assureurs. - Jugement.

LE TRIBUNAL; Attendu que jamais on n'a admis l'action en délaissement à raison de marchandises demandées et payées par une puissance amie; que toujours, au contraire, on a tenu en principe que, si le prince qui fait l'arrêt prend les effets de la cargaison et qu'il les paye, l'assure n'a rien à demander aux assureurs; mais que s'il ne donne qu'un prix jnférieur, les assureurs sont seulement tenus de suppléer le juste prix; que la raison et l'équité concourent d'ailleurs à refuser, dans ce cas, l'action en délaissement, parce qu'il serait injuste que l'assuré pût exiger de l'assureur, à titre de perte, le payement d'une marchandise dont il a déjà reçu le prix à titre de vente; Qu'il résulte de là que l'action de délaissement ne saurait compéter dans l'espèce aux sieurs Baudouin et comp.; que leurs droits se bornent à réclamer de leur assureurs, par forme d'avaries, le payement de la lésion ou déficit qui pourra résulter de la vente faite à Constantinople comparativement à la valeur du capital assuré, lors, toutefois, que cette lésion ou ce déficit auraient été constatés; --Déboute les sieurs Baudouin et comp. de leur action en délaissement, sauf et réservés les droits qui leur competent, pour réclamer, par l'action d'avarie, s'il y a lieu, le payement du déficit ou lésion qu'ils ont pu éprouver dans la valeur de leur chargement.

Du 22 fév. 1822.-Trib. de com. de Marseille.

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(2) Espèce: (Nicolas C. assureurs.) En 1829, Nicolas a fait assurer à Marseille la somme de 58,000 fr. sur facultés chargées à bord du navire Vittorio Alfieri, capitaine Merlato, Autrichien, pour Odessa. -La police portait permission de dérouter, rétrogader, de toucher à Constantinople, d'y décharger, charger et séjourner.-Rambert et Guès, cointéressés de Nicolas, partent à bord en qualité de subrécargues. En juin, le Vittorio Alfieri arrive à Constantinople. - Le capitaine sollicite ie firman d'entrée dans la mer Noire; mais il ne peut l'obtenir, parce

2026. Cependant, il a été décidé que la rupture de voyage, causée par le refus de l'autorité d'un port intermédiaire d'accorder le passage du navire porteur des facultés assurées pour le lieu de sa destination, constitue un sinistre donnant lieu au délaissement; qu'ainsi, par exemple, si un navire parti de Marseille à la destination d'Odessa, a été arrêté à Constantinople par le refus de la Porte Ottomane de délivrer le firman d'entrée dans la mer Noire, et si, par suite, il a fallu y débarquer et vendre la cargaison, la privation qu'éprouve l'assuré de sa marchandise au lieu de sa destination doit être considérée, à son égard, comme une perte donnant ouverture au délaissement; et cela, alors même que la police donne au capitaine la faculté de dérouter, rétrograder et séjourner (trib. de com. de Marseille, 10 nov. 1829 (2); 20 oct. 1829, M. Séjourné, pr., aff. Isnard). 2027. Délaissement en cas de perte ou détérioration.

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qu'il existe un décret prohibitif du grand seigneur. Une commission est nommée pour décider s'il y a eu rupture du voyage, et, dans ce cas, fixer la quotité du nolis dû au capitaine et prendre des dispositions au sujet des marchandises. 24 juill. 1829, la commission rend une sentence portant: «Attendu que l'empêchement de force majeure, résultant de l'impossibilité d'obtenir le firman, doit être assimilé au cas d'interdiction de commerce avec le lieu pour lequel le bâtiment était en voyage, cas prévu par l'art. 299 c. com. Le voyage doit être réputé rompu.La sentence fixe la quotité du nolis, et ordonne que les marchandises seront consignées au sieur Martin. »

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En cet état, ce dernier écrit à Nicolas pour lui annoncer les traites qu'il a faites sur lui en remboursement de ces dépenses. Nicolas fait signifier un délaissement aux assureurs, et les somme de payer, dans le mois, les sommes assurées. Les assureurs répondent que l'événement en question ne présente le caractère d'aucun sinistre donnant lieu à délaissement, aux termes de l'art. 369 c. com.; qu'en séjournant et débarquant la cargaison à Constantinople, le capitaine Merlato avait usé de la faculté stipulée dans la police d'assurance de séjourner, décharger et recharger à Constantinople; mais que cette faculté ne lui donnait pas le droit de rompre le voyage; qu'il aurait donc dù prolonger son séjour jusqu'à ce que l'obstacle qui arrêtait le navire fût levé, avec d'autant plus de raison que plusieurs autres navires, soumis au même obstacle, avaient obtenu le passage; qu'au lieu de cela, le capitaine a pris le parti de terminer entièrement le voyage à Constantinople, ce qui a fait cesser le risque des assureurs. Les assurés soutiennent, au contraire, que l'impossibilité d'obtenir le firman d'entrée dans la mer Noir est un événement de force majeur qui a nécessité la rupture du voyage et empêché l'arrivée de la chose assurée au lieu de sa destination; que le refus, de la part des autorités ottomanes, de délivrer le firman d'entrée dans la mer Noir constitue un véritable arrêt de prince; qu'au surplus, et quelque qualification qu'on doive donner à cet événement, toujours est-il vrai que le débarquement de la cargaison et la rupture du vovage à Constantinople n'ont rien eu de volontaire, et que, dès lors, l'empêchement,

1

perte ou détérioration des effets assurés est une cause de délaissement, lorsque cette perte ou détérioration s'élève au moins aux trois quarts, et provient d'un accident maritime. L'ordonnance ne permettait le délaissement qu'en cas de perte, et elle exigeait même que la perte fût entière. Le législateur moderne a assimilé, et avec justice, à la perte, la détérioration, qui rend la chose inutile à son propriétaire. Il exige ensuite que la perte ou détéLioration s'élève au moins aux trois quarts, et par là il met fin aux discussions élevées entre les auteurs, dont les uns, comme Valin (sur l'art. 19) et Pothier (n° 119), pensaient qu'il fallait donner à la perte presque totale le même effet qu'à la perte absolue, et dont les autres, notamment Émerigon (ch. 17, sect. 2), croyaient devoir s'arrêter à l'interprétation littérale de l'ordonnance, ne voyant pas d'après quelle règle on pourrait, dans le système contraire, juger si la perte était ou non presque totale.

2028. La perte et la détérioration sont deux genres de sinistres qu'il ne faut pas confondre: la perte concerne la quantité; la détérioration, la qualité. C'est par le nombre, le poids, la mesure qu'il faut déterminer la quantité perdue. Il y a perte du navire et ouverture au délaissement, quand, par baraterie (si les assureurs en répondent), le capitaine s'est emparé de ce bâtiment ou l'a illégalement vendu.—Il y a perte des marchandises lorsqu'elles sont prises, ou lorsqu'elles périssent par le feu ou autrement. Dans tous ces cas, la perte des trois quarts est réputée perte totale, à l'effet d'autoriser le délaissement (Pardessus, n° 845; Boulay-Paty, t. 4, p. 239).

La détérioration peut ne point diminuer la quantité; c'est le changement d'une qualité bonne en une mauvaise. Pour la connaître et en constater le montant, il faut déduire les dété. riorations dont les assureurs ne répondent point; évaluer ensuite les marchandises, comme si elles n'avaient éprouvé aucune détérioration, c'est-à-dire aux lieu et temps du chargement, et déterminer leur valeur, en l'état où elles se trouvent réduites par fortunes de mer. La différence constitue la perte, et si cette perte est au moins des trois quarts, il y a lieu au délaissement. Ainsi les experts, chargés de cette opération, n'ont point à examiner d'où vient la chose assurée, ni combien il en a pu coûter de fret ou autres dépenses, qui ne sont pas au compte des assureurs, pour l'amener du lieu d'où elle a été expédiée à celui où se fait l'estimation. Par exemple, de ce que des blés achetés à Odessa 100,000 fr., ont été avariés par fortune de mer durant leur transport à Marseille, où leur vente n'a produit que 70,000 fr., où le navire a été de continuer sa route pour Odessa, terme du voyage assuré, est un véritable sinistre donnant lieu au délaissement. - Jugement.

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LE TRIBUNAL;-Attendu que les stipulations contenues dans la chartepartie qui a été passée entre Alexis Nicolas et le capitaine Merlato sont étrangeres aux assureurs; que cet acte, qui ne peut avoir aucune influence sur le contrat d'assurance intervenu entre ledit Nicolas et ses assureurs, ne saurait fournir à ceux-ci des exceptions pour attaquer la validité de ce contrat ou le paralyser dans son exécution; Attendu que les assureurs ne sont pas mieux fondés dans l'exception qu'ils tirent de la clause contenue dans la police de séjourner à Constantinople, y décharger et recharger; que cette clause, toute dans l'intérêt de l'assuré, et dont il avait la faculté d'user ou de ne pas user, suivant que les circonstances lui paraitraient devoir l'exiger, ne saurait étre commuée en une obligation de sa part, à l'egard des assureurs, et soumettre l'assuré à un séjour indéterminé de la marchandise assurée dans le port de Constantinople; que les documents de la cause prouvent, au contraire, que l'intention de Nicolas n'a jamais été de renoncer au voyage assuré, et que, s'il n'a pu l'effectuer, c'est par un fait entièrement indépendant de sa volonté; - Attendu que les assureurs sont non recevables à invoquer, au soutien de leur prétention, la réponse faite par Nicolas à l'acte du 6 mai dernier, puisqu'ils se sont départis de cet acte et ont consenti dans leur réponse, à la citation qui leur fut donnée le même jour par ledit Nicolas, a ce quil fût considéré comme non avenu; qu'au surplus, la qualification que les parties auraient pu donner à l'événement mentionné dans cet acte, alors qu'elle est contestée, ne saurait servir de règle au tribunal pour déterminer la nature de cet événement et ses conséquences, quant à T'assurance dont il s'agit;

sur lequel prix, déduction faite du fret et des frais de déchargement et de vente, il n'est resté net que 20,000 fr., il ne faut pas conclure qu'il y a lieu à délaissement. On doit fixer d'abord la valeur du blé au lieu et au temps du chargement, et ensuite apprécier ce que, dans l'état d'avarie où il se trouve, ce blé aurait valu dans le même lieu et le même temps; et ce n'est qu'autant que sa valeur actuelle est réduite à moins du quart de celle qu'il aurait s'il était aussi sain qu'au départ, que le délaissement peut être valablement effectué (MM. Pardessus et Boulay-Paty, loc. cit.).

Attendu qu'en écartant de la cause les diverses circonstances dont les assureurs ont voulu se prévaloir pour repousser la demande de Nicolas, i ne reste plus au procès que l'appréciation de l'événement qui a mis obstacle à ce que les marchandises assurées parvinssent au lieu de leur desugation; Que cet événement étant le même que celui qui a terminé la aecision rendue par le tribunal dans l'affaire des sicurs Isnard Castelnau !

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2029. D'après ce qui précède, il est évident que lorsqu'un événement de mer dont répond l'assureur n'a occasionné à la marchandise assurée aucun dommage physique, mais seulement une dépréciation de valeur, ce n'est point par voie de délaissement, mais par voie d'action d'avaries, que doit être poursuivie la réparation de ce préjudice purement immatériel (Rej., 14 mai 1844, aff. François, no 1820).

2030. Lorsqu'une assurance porte sur un navire évalué de gré à gré dans la police, faut-il, pour apprécier si la détérioration s'élève aux trois quarts, se déterminer par la comparaison de la valeur portée dans la police avec celle attribuée au navire après le sinistre, ou bien par la comparaison de la première de ces valeurs (celle que la police a constatée) avec le montant de la dépense jugée nécessaire pour réparer le bâtiment? La jurisprudence n'est pas unanime sur cette question. Ainsi, d'une part, il a été jugé que, lorsqu'un navire, estimé par la police 16,000 fr., a été, après une tempête, déclaré par experts, dans un port de relâche, ne plus valoir que 3,500 fr., mais pouvoir être mis en état de tenir la mer moyennant une dépense de 4,500 fr., c'est cette dernière somme qui représente l'importance du sinistre, lequel, dès lors, n'absorbant pas les trois quarts de la valeur du navire fixée par la police, ne donne point ouverture au droit de délaissement (Paris, 4 déc. 1839) (1).

Et, d'un autre côté, il a été jugé, en sens contraire, et avec raison, à notre avis, que pour donner ouverture au délaissement du navire assuré, il faut et il suffit qu'il ait éprouvé, par fortune de mer, un dommage matériel lui enlevant les trois quarts de la valeur que lui attribuait la police, quelle que soit la somme moyennant laquelle il a été jugé réparable (Bordeaux, 5 avril 1859, aff. Salles, V. n° 2076.- Conf. Boulay-Paty, t. 4, p. 252).

com.

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2031. Pour évaluer la détérioration d'un navire assuré, un tribunal peut, sans violer la loi, prendre pour base de son et comp., invoqué au procès, et ayant pour Nicolas le même résultat, c'est-à-dire la privation de la marchandise au lieu déterminé, cette privation doit également être considérée, à cet égard, comme une perte qui a donné ouverture à l'action en délaissement, aux termes de l'art. 569 c. Du 10 nov. 1829.-Trib. com. de Marseille. (1) Espèce: (Audrieu C. comp. du Lloyd.) La goélette l'Elisa, appartenant aux frères Audrieu, et assurée par la compagnie du Lloyd, pour la somme de 16,000 fr., vint échouer auprès de Honfleur, le 1er ja vier 1839. Un expert nommé par le tribunal de commerce a évalué a 4,398 fr. 60 c. la somme nécessaire pour réparer le dommage causé, et à 3,9994 fr. la valeur restant au navire après le sinistre. En cet état, les propriétaires de l'Élisa ont fait aux assureurs le délaissement du navire, en se fondant sur ce que la comparaison entre le montant de l'assu rance et la valeur du navire après le naufrage, attestait une détérioration de plus des trois quarts. Sentence arbitrale qui repousse le délaissement: « Attendu que les parties ayant donné au navire assuré une valeur conventionnelle, afin qu'elle fût la base et la mesure de leurs droits et de leurs obligations pendant toute la durée de l'assurance, c'est donc à celle valeur seule que doivent se rapporter les évaluations ayant pour objet de déterminer la détérioration relative éprouvée; · Attendu que l'évaltation des sommes à débourser en remplacement et réparation des domma ges survenus et constatés est la seule et unique mesure exacte de la perte ou de la détérioration éprouvée, et qu'il est de toute impossibilité d'admettre que la différence entre la valeur conventionnelle et celle venale donnée au navire aprés l'événement, soit la représentation de cette peri: ou détérioration, puisque ce serait évidemment imposer aux assureurs la responsabilité et là charge des dégradations du vice propre et de vélusté, et d'autres dépreciations étrangeres à l'événement et à leur garantie: Disons que le délaissement n'est fondé ni en fait ni en droit. » — — Appel Arrêt.

LA COUR;
Adoptant les motifs des premiers juges, confirme, etc.
Du 4 déc. 1839.-C. de Paris, 5 ch.-M. Jacquinot-Godard, pr.

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