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sions ouvertes avant cette option? Non, disent avec raison, ce nous semble, MM. Delvincourt, p. 14, note 8; Duranton, t. 1, n° 196; Serrigny, t. 1, p. 145; Richelot, t. 1, no 69; Demolombe, n° 163, et Duvergier, sur Toullier, t. 1, no 261, note. Mais cette opinion est combattue par Toullier, t. 1, no 208, et par Merlin, Rép,, vo Français, § 1, no 1, et vo Légitimité, sect. 4, § 3, in fine. << L'enfant né en France d'un étranger, dit ce dernier auteur, au mot Légitimité, a un droit tout particulier à la protection des juges nationaux, car il n'est pas seulement habile à devenir Français, il est déjà un Français commencé. » M. Toullier donne les motifs suivants: 1° le mot réclamer indique la conservation d'une quadité donnée par la naissance sous une condition suspensive, à l différence du mot recouvrer, qui, dans les art. 10, 18 et 19, signifie une qualité perdue; 2° l'art. 20 ne prohibe la rétroactivité que dans les cas prévus par les art. 10, 18 et 19. — II a été décidé, dans ce sens : 1° que la femme née en France d'un étranger, et qui, durant sa minorité, épouse un Français, est réputée Française du jour de sa naissance (Paris, 11 déc. 1847, aff. Kuhn, D. P. 48. 2. 49); 2° Que l'enfant né en France d'un étranger est réputé Français du jour de sa naissance, et qu'il peut, en cette qualité, poursuivre devant les tribunaux français, l'exécution des obligations contractées envers lui par un étranger, même avant sa déclaration d'option (Cass., 19 juill, 1848, aff. B..., D. P. 48. 1. 129). Voici notre réponse: d'abord le mot réclamer n'a point dans le vocabulaire du droit ce sens défini que lui attribue arbitrairement M. Toullier. La loi et les jurisconsultes l'emploient souvent comme synonyme de demander.

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Ensuite, de ce que le cas de l'art. 9 n'est point prévu par l'art. 20, il n'est pas logique de conclure que le principe de la non-rétroactivité ne doit point lui être appliqué. On ne niera pas que le Français qui a perdu sa qualité pour service militaire chez l'étranger, la recouvre sans effet rétroactif; cependant l'art. 20 passe ce cas sous silence. Pourquoi s'est-il expliqué sur le recouvrement de la qualité de Français ? C'est que les lois précédentes en faisaient remonter l'effet au jour de la perte (V. d'Aguesseau, trentième plaid.). C'était le jus postliminii des Romains. Il n'y avait point de loi semblable à abroger pour l'étranger dont parle l'art. 9. C'est une qualité nouvelle qu'il acquiert. D'ailleurs ne serait-il pas bien bizarre que cet étranger, qui n'a qu'un an pour réclamer la qualité de Français, et qui, en conséquence, est accueilli moins favorablement, que celui dont parle l'art. 10, lequel est autorisé à faire cette réclamation à quelque époque que ce soit, eût, préférablement à celui-ci, l'incomparable avantage de répéter tous les droits ouverts depuis sa naissance, comme s'il avait toujours été Français? Quant à la décision de la cour de Paris, elle a été évidemment rendue sous l'influence de l'art. 12, qui attribue la qualité de Française à la femme qui épouse un Français; mais elle n'en est pas moins contraire aux principes, car la loi ne fait pas rétroagir la qualité de Française de cette femme au jour de sa naissance (V. nos 152 et 175). V. aussi nos observations D. P. 48. 1. 129.

136. Conformément à notre manière de voir, il a été jugé que l'enfant né en France d'un étranger, et qui se conforme, dans l'an(1) Espèce: (Despine C. Demidoff.) En 1804, il est inscrit à l'état civil du 10 arrondissement de Paris une fille sous le nom de Fortunée, fille naturelle d'Aglaé Ozeroff, de la ville de Casan en Russie. Les époux Demidoff, russes, habitaient Paris: ils firent élever Fortunée d'abord à Saint-Germain, puis la confièrent à la dame Commarieux, intendante de leur maison, puis la placèrent dans une pension de Paris. En 1810, décès de la dame Demidoff. La dame Commarieux décède aussi en 1823; mais, dans son testament, elle fait connaitre que Fortunée est la fille de la dame Demidoff; elle y dit que la preuve résulte de sa correspondance avec cette dame, et que cette correspondance se trouve entre les mains du notaire chargé de son testament. Alors Fortunée est envoyée en Russie par le sieur Demidoff, qui avait continué de prendre soin de son éducation; et il a été allégué qu'en vertu d'une procuration de celle-ci, majeure, il s'était emparé de cette correspondance. - En 1822, Fortunée épouse, en Russie, un sieur Despine, conseiller aulique de l'empereur, né à Genève, et qui, en 1792, était venu à Besançon pour y travailler l'horlogerie, en exécution d'un décret de la convention. Fortunée reçoit du sieur Demidoff une dot de 60,000 fr. Les époux Despine renoncent à ne jamais rien réclamer de lui ou de ses héritiers. Peu après, les époux Despine rentrent en France. Ils assignent devant le tribunal de la Seine le sieur Demidoff et ses deux fils. Un jugement par défaut ordonne la preuve des faits de suppression d'état

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née qui suit sa majorité, aux prescriptions de l'art. 9 ne peut réclamer la qualité de Français que pour l'avenir et afin d'exercer ies droits ouverts à son profit à partir de l'accomplissement des formalités légales; que la naturalisation obtenue dans les termes de l'art. 9 ne rétroagit pas au jour de la naissance de l'enfant e! ne modifie nullement les actes antérieurs au changement de nationalité; et que, par suite, doit être réputé agir encore en qualité d'étranger, l'enfant né en France d'un étranger, et qui, pos térieurement à une naturalisation obtenue en vertu de l'art. 9, veut faire changer son état civil à l'aide d'une recherche de maternité et d'une rectification de son acte de naissance (Paris, 4 janv. 1847, aff. B..., D. P. 47. 2. 34).

137. En conséquence de notre doctrine, nous dirons que l'individu placé dans les termes de l'art. 9, qui aurait laissé écouler plusieurs mois depuis l'ouverture du délai à lui imparti, avant d'agir en réclamation, n'aurait la qualité de Français que du jour où sa demande aurait été formulée. Au surplus, depuis la loi du 14 juill. 1819, la question de savoir si l'art. 9 a un effet rétroactif, a perdu beaucoup de son importance; mais elle peut encore se présenter pour des droits ouverts avant la promulgation de cette loi, et aussi, comme l'observe M. Coin-Delisle (no 15), dans le cas où un individu né en France d'un étranger, âgé de vingt et un ans, domicilié en France, mais n'ayant pas encore fait sa réclamation qu'il n'effectuerait que quelques jours plus tard, figurerait comme témoin dans un testament.

138. Puisque l'individu né en France d'un étranger ne peut prétendre à la qualité de Français qu'autant qu'il la réclame dans l'année de sa majorité, il s'ensuit, ainsi que le font très-bien remarquer MM. Toullier, t. 1, no 261, et Guichard, no 66, que si l'enfant décède mineur ou même dans l'année qui suit sa majorité, mais avant d'avoir formé sa demande, il mourra étranger. Il en résulte également qu'après l'expiration du délai qui lui est imparti par l'art. 9, il ne peut acquérir la qualité de Français qu'en remplissant les conditions imposées à tous les étrangers, c'est-à-dire en se faisant naturaliser. Tel est le sentiment de MM. Toullier, loc. cit.; Coin-Delisle, no 13; Serrigny, p. 145, et Richelot, no 69. — Il a été jugé, dans le même sens, que le délai d'un an, à partir de sa majorité, dans lequel un enfant, né en France de parents étrangers, doit réclamer la qualité de Français, est fatal: la déclaration, faite trois ou quatre années après cette époque, et même le mariage contracté avec un Français, ne suffiraient pas pour attribuer à une femme la qualité de Française d'origine (Paris, 5 juin 1829, V. l'arrêt suivant). — Dans la même affaire et par suite d'une appréciation plus attentive des faits, il a été décidé, conformément au principe qui a été posé plus haut que le mariage, qu'une femme étrangère, fùt-elle née en France, mais sans avoir fait la déclaration prescrite par l'art. 9 c. civ., a contracté avec un Français qui avait perdu cette qualité par l'acceptation de fonctions en pays étranger, ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit réputée étrangère (Rej., 14 mai 1834) (1). — V. n° 145.

139. La déclaration imposée par l'art. 9 ne peut se présumer ni se suppléer. Celui qui est né en France d'un étrauger allégués. Opposition. Jugement, et, le 5 juin 1829, arrêt d'incompétence, attendu la qualité d'étrangères de toutes les parties. «< Considérant que l'action intentée par Despine, au nom de Fortunée Ozeroff, sa femme, tend à établir des rapports de filiation avec les enfants Demidoff, Russes de nation; qu'elle-même, d'après son acte de naissance, est née d'une femme russe; Considérant que l'action dont il s'agit est pure personnelle, et qu'en supposant Fortunée Ozeroff devenue Française par son mariage avec Despine, les effets de l'art. 14 c. civ. ne lui appartiennent pas, puisqu'elle ne peut reporter rétroactivement sa qualité de Française à l'époque de sa naissance; - Qu'enfin l'obligation mentionnée dans l'art. 14 doit être entendu de l'obligation dérivant d'un contrat, et non d'un fait donnant lieu seulement à action civile; Met l'appel au Sur le pourvoi, cet arrêt est cassé pour vice de formes. Devant la cour d'Orléans, saisie sur renvoi, les enfants Demidoff so bornent à décliner la compétence des tribunaux français, en se fondant: 1° sur ce que la dame Despine est restée étrangère, par l'inaccomplissement de l'art. 9 c. civ.; 2° sur ce que son mari a perdu sa qualité de Français en acceptant le titre de conseiller à la cour de Russie, et par suite du serment qu'il avait prêté au souverain de cet empire. 27 mars 1833, arrêt qui adopte ce système. Pourvoi des époux Despine pour violation: 1o de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 et de l'art. 14 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué n'a pas motivé le rejet de la question de savoir

néant. »

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est étranger. Il reste tel, s'il ne satisfait pas aux conditions imposées par notre article. C'est donc avec raison qu'il a été jugé : 1° que l'individu né en France de parents étrangers n'acquiert pas la qualité de Français par l'engagement volontaire qu'il contracte après sa majorité pour servir dans les troupes françaises les conditions prescrites par l'art. 9 c. civ. pour acquérir la qualité de Français ne peuvent être suppléées (Crim. cass., 1er sept 1842, M. Isambert, rap., aff. Willems); -2° Que la déclaration prescrite par l'art. 9 c. civ. doit être expresse, et ne peut être suppléée par des équivalents (Douai, 17 janv. 1848, aff. Vanderest, D. P. 48. 2. 164); -3° Que la déclaration exigée par l'art. 9 c. civ. de l'individu né en France d'un étranger, et qui veut y acquérir la qualité de Français, doit être expresse; qu'à défaut de cette déclaration, il ne peut, à raison des faits qui témoigneraient de l'intention d'être Français, être réputé avoir acquis la naturalisation, et par suite la capacité électorale; qu'il en est ainsi dans le cas, par exemple, où cet individu aurait satisfait au recrutement, aurait pris du service dans la marine militaire comme matelot classé, aurait été inscrit sur les contrôles de la garde nationale, et aurait, en un mot, accompli tous les devoirs imposés aux Français,... alors même, qu'en outre il n'aurait jamais cessé de résider au lieu de sa naissance, y aurait contracté mariage avec un Français, et y aurait exercé les droits électoraux, en participant aux élections municipales (Rej., 8 juill. 1846, aff. Paravicini, D. P. 46. 1. 263).

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140. La faveur du sang, et non plus le lieu de la naissance, a fait distinguer de l'étranger né en France, l'enfant du ci-devant Français. Il peut toujours réclamer l'ancienne qualité de son père, en remplissant les conditions prescrites par l'art. 9 (c. civ. 10). - Les lois antérieures ne l'assimilaient pas tout à fait aux étrangers. Il partageait avec es autres enfants nés avant Pexpatriation du père les successions qui s'ouvraient à leur profit en France. Il lui suffisait d'y fixer son domicile et de se si un étranger n'était pas recevable à contester la qualité d'un Français, et en ce que des questions de cette nature n'appartenant qu'à la souveraineté nationale, la cour n'a pu refuser de rendre justice à celui qui était en possession de cette qualité; - 2o Des art. 3 c. civ. et 5 c. inst. crim., en ce que l'arrêt attaqué a vu à tort une réclamation d'état de la compétence des tribunaux étrangers, là où la dame Despine ne demandait qu'une rectification de son acte de l'état civil, altéré à son préjudice, question d'ordre public qui ne pouvait être jugée qu'en France, et dont elle pouvait saisir le juge civil et criminel; -3° De l'art. 17 c. civ. et des décrets des 6 avril 1809 et 26 août 1811, en ce que la profession de dentiste à la cour de Russie et le serment prêté par Despine en qualité soit de dentiste, soit d'assesseur et de conseiller, titres attachés à la qualité de dentiste, soit l'acceptation d'un titre honorifique ou même de noblesse, sont, en tant qu'étrangers à l'ordre politique, insusceptibles de faire perdre la qualité de Français; 4o Des art. 9 et 14 c. civ., en ce que le sieur Despine a transmis sa qualité de Français à sa femme et que, d'ailleurs, celle-ci, née en France d'une étrangère et mariée dans sa vingt-deuxième année, c'est-à-dire dans le délai utile pour réclamer, est Française; 5o De l'art. 1556, en ce que la cour d'appel a refusé de donner acte à la dame Despine de la production d'une lettre dans laquelle sa filiation était avouée, sous prétexte qu'elle se rattachait au fond. Arrêt (après délib. en ch. du cons.). LA COUR; Attendu qu'il est constaté par l'arrêt allaqué, et reconnu par la demanderesse elle-même, que, soit d'après son acte de naissance, soit d'après sa réclamation judiciaire, elle était née de parents étrangers; que, si le fait de sa naissance en France lui facilitait les moyens d'obtenir la qualité de Française, en se conformant aux dispositions de l'art. 9 c. civ., elle se trouve déchue du bénéfice de cette disposition pour n'avoir rempli, en temps utile, aucune des formalités prescrites; qu'à la vérité elle a soutenu que son mariage avec un Français avait suppléé a leur omission; mais qu'il a été constaté, par l'arrêt attaqué, qu'en admeltant que le mari de la demanderesse füt devenu Français, soit par le bénéfice des décrets de l'an 2 et de l'an 5, relatifs aux ouvriers horlogers appelés à Besançon par la convention nationale, soit par la réunion de la Savoie à la France, le 23 déc. 1792, il avait perdu cette qualité, tant aux termes du § 2 de l'art. 17 c. civ. qu'en conformité du décret du 26 août 1811, expliqué par l'avis du conseil d'État, du 14 janv. 1812, soit en acceptant des titres à lui conférés par l'empereur de Russie, soit en prêtant à ce souverain un serment incompatible avec les devoirs d'un Français; Attendu que l'arrêt attaqué constate, en fait, que les mariés Despine n'ont justifié avoir rempli, avant leur demande introductive d'instance, aucune des conditions exigées par les art. 10, 18 et 19 c. civ.,

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faire délivrer des lettres de naturalité. Suivant Bocquet (Traité de l'aubaine, ch. 40, no 26) et d'Aguesseau (trente-deuxième plaidoyer), l'obtention des lettres de naturalité avait même un effet rétroactif; l'enfant était rétabli dans tous les droits qu'aurait eus son père, par une espège de jus postliminii. Nous verrons que le code civil (art. 20) a disposé en sens contraire à cet égard.

141. Il faut être parent au premier degré, en ligne directe, du père qui a perdu la qualité de Français, pour la pouvoir recouvrer. Tout autre descendant, né, ainsi que son auteur immédiat, en pays étranger, serait soumis aux conditions prescrites à tout étranger qui veut devenir Français. Une exception a été établie par l'art. 22 de la loi des 9-15 déc. 1790 et par le § 4, art. 2, tit. 2 de la constitution de 1791, en faveur des descendants de Français ou Françaises expatriés pour cause de religion (V. no 121). La chambre des députés a eu occasion d'appliquer cette disposition en faveur de Benjamin Constant, qui était issu de religionnaires retirés en Suisse.

142. L'enfant du ci-devant Français est-il capable, avant l'âge de majorité, d'opter pour la qualité de Français? De ces mots de l'art. 10 pourra toujours recouvrer, MM. Guichard, Traité des droits civils, no 70, et Delvincourt, p. 193, not. 7, 2e édit., concluent que, pendant sa minorité, son tuteur, ou, s'il est émancipé, son curateur, seront admis à demander en son nom la naturalisation.-Est-ce bien là l'intention du législateur? Ce mot toujours, rapproché de ceux l'année qui suivra l'époque de la majorité (art. 9), ne signifie-t-il pas seulement un temps indéterminé au delà de cette année? Le principe qui a présidé à nos lois sur la nationalité est qu'on fût Français, ou de plein droit par la naissance, ou librement par un choix éclairé (M. Locré, Lég. civ., t. 2, sur l'art. 9). Une patrie ne s'aliène pas comme un immeuble. Il est des contrats qui ne se forment point par un procureur légal, mais qui exigent l'assentiment direct et spontané de la personne même qui s'oblige. Tel doit être le pacte social, quand il ne résulte pas tacitement du fait de la naissance. pour recouvrer la qualité de Français; d'où il suit qu'ils doivent l'un et l'autre étre réputés étrangers; - Attendu que la cour royale d'Orléans a reconnu que la demande introductive d'instance n'avait pas seulement pour objet la rectification de Pacte de l'état civil, mais qu'elle était une véritable action en réclamation d'état, qui formait la question principale à décider; qu'en effet la cour de cassation, par son arrêt du 16 juillet 1832, qui avait saisi la cour royale d'Orléans, l'avait ainsi envisagée, en annulant l'arrêt de la cour royale de Paris, du 5 juin 1829, pour n'avoir pas jugé l'affaire en audience solennelle; Attendu que l'arrêt attaqué déclare, en conséquence de ces décisions préliminaires, qu'une action en réclamation d'état constituait une demande pure personnelle, puisque l'état des personnes est toujours régi par le statut personnel, qui est la loi ou la coutume du domicile; qu'elle doit être portée devant les tribunaux du pays des défendeurs, et que, si le délit de suppression d'état ouvrait plus tard, aux termes de l'art. 327 c. civ., la voie criminelle, qui, conformément à l'art. 3 du même code, serait suivie dans la forme des art. 23 et 63 c. inst. crim., cette nouvelle action était, par sa nature, entièrement distincte de la première, et, malgré la connexité des faits, no pouvait avoir aucune influence sur le mode de procéder dans l'action civile; en quoi ledit arrêt n'a violé aucune loi; Attendu que ni les qualités de l'arrêt ni les conclusions des parties n'établissent qu'il ait été présenté à la cour royale d'Orléans aucun chef de demande relativement à la fin de non-recevoir opposée aux défendeurs, comme étant incapables, en leur qualité d'étrangers, de contester à qui que ce soit la qualité de Français; d'où il suit que ladite cour, quoique la question ait été surabondamment posée, n'était point tenue de rejeter explicitement cette prétendue fin de non-recevoir, et de motiver sa décision; qu'au surplus les motifs exprimés sur l'incompétence sont plus que suffisants pour remplit le vœu de la loi à cet égard; d'où il suit que ladite cour n'a point viole l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, ni aucune autre loi; Attendu qu'après s'être déclarée incompétente, la cour royale d'Orléans a pu, sans violation d'aucune loi, refuser de statuer sur la demande relative à l'aveu judiciaire qui lui était adressée par des conclusions subsidiaires, puisque cette demande se rapportait essentiellement à la question d'état, dont elle avait prononcé le renvoi devant qui de droit, en confimant le jugement du 14 déc. 1828, et que cette demande n'avait aucun trait à la question de compétence; Attendu enfin, sur le sixième et dernier moyen, qu'il repose sur des faits et actes dont l'examen n'a pas été soumis à la cour royale d'Orléans, qui a rendu l'arrêt attaqué; qu'il ne peut, dès lors, être proposé en cour de cassation; Par tous ces divers motifs,rejette.

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Du 14 mai 1834.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1" pr.-Jourde, rap.. Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf. Lacoste et Desclaux, av.

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C'est par ce motif qu'on n'a pas voulu qu'en changeant de patrie, le père pût changer la condition de son enfant mineur. Elle reste fixée dès le berceau jusqu'à l'âge où le discernement le rend capable d'une abdication volontaire. Telle est aussi sur ce point l'opinion de MM. Toullier (no 263); Legat (p. 16); Demolombe (no 166) et Coin-Delisle (no 13). Ce dernier auteur fait remarquer, ainst que nous l'avions déjà fait dans notre 1re édition, no 19, que le mot toujours de l'art. 10 signifie seulement qu'à partir de l'époque où l'enfant a atteint la majorité, la loi ne lui fixe plus, comme au fils de l'étranger, de délai fatal dans lequel il soit tenu de faire sa déclaration. Toutefois, s'il avait en minorité (ou son tuteur pour lui) réclamé le bénéfice de Part. 9, sans renouveler sa demande dans l'année qui aurait suivi sa majorité, nous croyons que le vœu de la loi se trouverait suffisamment rempli, alors d'ailleurs que les faits postérieurs seraient d'accord avec cette déclaration : le mineur aurait fait sa condition meilleure, et on lui appliquerait le principe de l'art. 1125.

143. Que décider à l'égard de la fille mineure d'un exFrançais qui s'est mariée à un étranger? Suffit-il qu'elle réclame, conformément à l'art. 10 et avec l'autorisation de son mari, pour que la nationalité française puisse lui être conférée? On ne le pense pas son mariage y met un obstacle formel.

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144. L'art. 10, § 2, est-il applicable à l'enfant de celui qui après s'être fait naturaliser en France, a perdu la qualité de Français, aussi bien qu'à l'enfant d'un Français de naissance devenu étranger? —Non, suivant MM. Legat, p. 14, et Richelot, n° 68, note 19. Mais nous ne saurions adopter une pareille distinction, qui est complétement arbitraire, et qu'aucune raison ne justifie. En effet, d'une part, l'art. 10 s'énonce en termes généraux, et d'autre part, le système que nous repoussons est contraire au principe de notre droit que les fautes et les pertes de nationalité sont personnelles, principe que proclame M. Richelot lui-même quand il enseigne que l'enfant d'un mort civilement pourrait invoquer notre art. 10. Remarquons à cet égard, en passant, que cet auteur admet à tort que le mort civilement est devenu étranger: nous aurons occasion de démontrer plus loin, en traitant de la mort civile, qu'il reste Français, alors, bien entendu, qu'il ne s'est pas fait naturaliser dans un autre État.

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146. Que doit-on décider à l'égard de l'enfant de l'ex-Français, s'il est né en France?-Plusieurs opinions se sont élevées sur celle question.-Suivant M. Legat, p. 15, l'enfant de l'ex-Français est Français s'il est né en France; il appuie cette opinion sur le texte du 2 de l'art. 10, qui n'impose l'obligation de faire une déclaration qu'à celui qui serait né à l'étranger d'un ex-Français. Suivant M. Coin-Delisle, n° 16, on doit placer l'enfant né en France d'un ex-Français dans la condition des enfants nés en France de parents étrangers, car il se trouve dans les termes de Part. 9 c. civ. Mais ces deux interprétations nous paraissent vicieuses. Celle de M. Legat est certainement erronée, puisque l'enfant d'un ex-Français est fils d'un étranger, et nul texte de loi n'admet qu'un enfant d'étranger soit Français; or il faudrait précisément un texte formel qui consacrât cette exception pour qu'elle pût être admise. Nous avons vu en outre que le code civil n'attribue la qualité de Français qu'aux enfants nés de parents français; il est donc manifeste que l'enfant dont il s'agit est étranger. L'opinion de M. Coin-Delisle a quelque chose de plus spécieux, car l'enfant d'un ex-Français, né en France, est bien né d'un étranger en France, il semble alors fort logique de le mettre sous l'empire de l'art. 9. Mais si l'on remarque que cet art. 9 est beaucoup moins favorable que l'art. 10, car il ne permet à l'enfant de réclamer que pendant l'année qui suit sa majorité, tandis que le second lui laisse la faculté de faire sa soumission pendant tout le cours de sa vie à dater de sa majorité, et si d'autre part on ne perd pas de vue que l'enfant d'un ex-Français, s'il est né en France, est pour le moins aussi favo

rable que s'il était né en pays étranger, on restera convaincu qu'on ne saurait le traiter avec plus de rigueur et on sera disposé à le placer sous la prescription du deuxième paragraphe de l'art. 10, puisque, nous l'avons vu, on ne peut pas le déclarer Français de naissance.-Ceci posé, il est facile de faire justice des mots en pays étranger qui sont employés inutilement dans le deuxième paragraphe de notre article comme dans le premier. Quand les rédacteurs du code civil se sont occupés de l'enfant d'un exFrançais, ils ont dû naturellement se reporter sur un père qui n'habiterait plus la France et qui serait allé s'établir dans la patrie qu'il avait adoptée en renonçant à sa qualité de Français, et ils ont statué sur le cas unique où, pendant son séjour à l'étranger, il aurait des enfants. Le cas par nous prévu ne peut, en conséquence, être résolu que par les principes, et nous avons vu à quelle solution ils nous amènent. C'est celle qui est adoptée par MM. Duranton, t. 1, no 127; Richelot, t. 1, no 68; Serrigny, t. 1, p. 148, et Demolombe, no 166.

147. M. Demolombe se pose la question de savoir si l'enfant né du mariage contracté par une femme française avec un étranger pourra invoquer le bénéfice de l'art. 10, et il la résout par l'affirmative. « D'une part, dit-il, le texte porte: né d'un Français. Or, ce mot, nous l'avons vu, comprend la femme aussi bien que l'homme; d'autre part, cet enfant se rattache probablement par sa mère à des familles françaises; il eût été Français par elle, si le mariage ne lui avait enlevé cette qualité. Les motifs de la loi me semblent donc aussi militer en sa faveur. »

On peut objecter, il est vrai, qu'en légitime mariage l'enfant suit le sort du père; que, dans le cas posé, l'enfant est né d'un étranger; qu'en vain ajoute-t-on qu'il est né d'une Française; que ceci parait être une erreur en droit, car si sa mère a été Française, comme il ne se rattache pas à elle, par suite de la maxime quum legitimæ nuptiæ factæ sunt, patrem liberi sequuntur (L. 19 ff. de statu hominum), il ne peut être considéré que comme issu d'un étranger, et par conséquent être traité comme tel. Néanmoins l'interprétation de M. Demolombe nous semble devoir être suivie de préference.

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148. L'enfant qui établirait qu'il a été conçu en France avant que son père ne perdit la qualité de Français aurait-il besoin de recourir à l'article 10 pour se faire attribuer cette qualité? Ne devrait-on pas, au contraire, le considérer comme Français par application de la règle infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur.· Il faut distinguer: ou il a été conçu en légitime mariage et il peut alors invoquer cette maxime; il est Français d'origine (V. n° 69); ou il est issu hors mariage et la maxime n'est pas applicable (no 77).

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149. Suffit-il de réclamer la qualité de Français, pour l'acquérir, dans le cas de l'art. 10? Faut-il que la réclamation soit répondue par des lettres de déclaration de naturalité? Il semble d'abord, qu'il ne doit pas dépendre du gouvernement de refuser une qualité accordée par la loi sous la seule réserve d'une déclaration de l'impétrant, et en considération d'une origine qui offre une garantie particulière d'attachement à la France. Cependant nous inclinons à croire que le décret du 17 mars 1809, qui veut que la naturalisation soit prononcée par le souverain, s'applique indistinctement à tous les cas où elle est demandée. L'art. 9 se sert du mot réclamer. Ne peut-on pas dire que toute réclamation suppose une réponse de l'autorité compétente? - Ajoutons qu'au conseil d'État, lorsqu'on manifesta la crainte de voir des enfants d'émigrés profiter de l'art. 10 pour rentrer en France, on fit observer que le gouvernement pourrait toujours repousser la demande de ceux dont la présence lui paraîtrait dangereuse (M. Locré, Lég. civ., t. 2, sur l'art. 10). Telle est aussi l'opinion de M. Guichard (Tr. des dr. civ., no 72). Cette interprétation, que nous avons déjà donnée dans notre première édition, no 20, a reçu en quelque sorte une sanction législative par l'art. 2 de la loi du 21 mars 1832, sur le recrutement de l'armée, qui porte que tout « individu né en France de parents étrangers sera soumis aux obligations imposées par la présente loi, immédiatement après qu'il aura été admis à jouir du bénéfice de l'art. 9 c. civ. »-M. Demolombe, no 171, est, toutefois, d'un avis contraire. Il fonde sa théorie sur ce que les articles du code civil créent des modes spéciaux et particuliers auxquels on ne peut pas ajouter d'autres conditions que celles qu'ils exigent

sur ce que les art. 18, 19 et 21 ayant exigé l'autorisation, c'est un motif de plus pour en conclure qu'elle n'est pas exigée dans les art. 9, 10 et 12. Quant à la loi de 1832, M. Demolombe pense qu'elle se réfère uniquement au code civil, sans vouloir ni le changer ni le modifier.MM. Richelot, t. 1, no 68, note 18, Coin-Delisle, no 14, et Serrigny, p. 145, sont du même avis.

Malgré ce concours de jurisconsultes éclairés qui professent un sentiment contraire au nôtre sur ce point, nous persistons dans notre manière de voir. - Elle est basée sur l'intention formelle du législateur, manifestée non-seulement dans le décret du 17 mars 1809 et dans la loi de 1832, actes postérieurs au code civil et qui ne sont pour le jurisconsulte que des autorités à consulter, mais encore au sein du conseil d'État lors de la discussion de notre article 10.- Que, dans la pratique, la chancellerie éloigne toute rigueur; qu'elle considère même le fait de la réclamation comme constituant une sorte de droit acquis : nous le concevons en présence du mouvement humanitaire qui se développe chez les nations diverses. Nous remarquons, toutefois, que la chancellerie ne se relâche de sa sévérité qu'au cas de l'art. 9, et que la réponse du garde des sceaux, rapportée n° 128, ne s'explique pas sur le cas de l'art. 10, plus favorable mais aussi plus susceptible d'exciter les défiances de l'autorité. - La réponse du ministre ne s'expliquerait-elle pas aussi par cette raison qu'il a entendu dire seulement que la réclamation Buffrait pour conserver le droit, quoique le gouvernement n'y aurait pas répondu dans le délai fixé par l'art. 9? C'est en ce sens que nous verrions avec plaisir se former la pratique administrative.

150. Le droit de recueillir les successions échues jusqu'à la majorité et pendant les dix années suivantes appartient dans tous les cas aux enfants du Français naturalisé avec autorisation (décret du 26 août 1811, art. 4). La rédaction de ce décret porte à croire que cette faculté ne leur est accordée qu'à condition qu'ils se conformeront à l'art. 9 pour recouvrer la qualité de leur père. Néanmoins le texte de l'art. 4 ne le décidant pas littéralement, nous croyons, avec M. Delvincourt (t. 1, p. 204, note 2), que leur droit de succéder pendant trente et un ans est indépendant de toute réclamation ultérieure. Il ne convient pas de laisser si longtemps des successions en suspens.

§ 5. — Femme étrangère qui épouse un Français. 151. Suivant la disposition de l'art. 12 c. civ.,« l'étrangère qui épouse un Français suit la condition de son mari. »— Dans ce cas, le fait seul du mariage suffit pour faire acquérir à la femme étrangère la qualité de Française; nous ne pensons pas qu'il soit besoin, comme dans les cas prévus par les art. 9 et 10, d'une déclaration de naturalité. La raison de cette différence nous paraît résulter de ce que, au cas prévu par l'art. 12, la loi n'impose à la femme aucune soumission préalable, et de ce qu'elle se contente en quelque sorte de reconnaître comme un des effets directs du mariage le changement de nationalité; d'où il suit qu'aucune réclamation ne devant être formée, il n'y a pas lieu d'attendre d'autorisation, tandis que, dans les cas prévus aux art. 9 et 10, une demande est faite, ce qui suppose pour le gouvernement le droit de l'examiner et de la rejeter, partant la nécessité d'une autorisation.—Au reste, ceux qui se trouvent dans les hypothèses des art. 9 et 10 prétendent directement et principalement entrer dans la nationalité française; au contraire, la femme qui épouse un Français, ne devient Française que par voie de conséquence, qu'incidemment; elle ne tend pas directement à la qualité de Franraise, et si elle est considérée comme telle, c'est parce qu'elle partage la nationalité de son mari.

152. L'art. 12 ne distingue pas entre la femme majeure et la femme mineure. L'une et l'autre acquièrent la nationalité française par leur mariage avec un Français. Cette proposition est facile à justifier; il suffit pour cela de se reporter à l'art. 1398 qui déclare le mineur apte à contracter mariage aussi capable que le majeur, quant à tous les effets légaux du mariage, pourvu qu'il ait été assisté des personnes dont le consentement est requis pour la validité de son mariage (V. aussi les art. 148 et suiv.). Cette opinion est celle de MM. Legat, p. 53; Richelot, n° 70; Demfolombe, no 184. - Et il a été jugé, dans ce sens, que la femme étrangère quf, durant sa minorité, épouse un Fran

çais, devient Française, sans être tenue de faire la déclaration prescrite par l'art. 9 c. civ. (Paris, 11 déc. 1847, aff. Kuhn, D. P. 48. 2. 49). Nous n'avons pas besoin de dire que le droit de la femme qui épouse un Français ne rétroagit pas au jour de så naissance, car elle acquiert une qualité nouvelle; elle ne recouvre point une position perdue (V. infrà, no 475). — L'arrêt qui précède a cependant jugé le contraire: mais comme, dan l'espèce, il s'agissait d'une femme née en France d'un étranger c'est par une fausse application de l'art. 9 et non en vertu dė l'art. 12 qu'il a été jugé contrairement à la proposition que nous venons d'émettre.

153. La femme étrangère qui aurait épousé un étranger acquerrait-elle la nationalité française par cela seul qué son mari se ferait naturaliser en France après le mariage? — Non; la femme étrangère qui épouse un Français manifeste efficacement, par le fait même de son mariage, le consentement de devenir Française; mais, pour la seconde, on n'en peut pas dire autant, et il ne peut pas dépendre de la volonté de son mari de lui enlever la qualité de membre d'une corporation, d'une société à laquelle elle veut, peut-être, continuer d'appartenir. La femme alors ne deviendrait Française qu'en accomplissant, de son côté, les conditions imposées à un étranger pour devenir Français. Cette opinion est aussi celle de MM. Legat, p. 402 et Richelot, n® 71. – V. n 157.

154. Si le mariage était déclaré nul, la femme n'en resterait pas moins Française, pourvu qu'elle l'eût contracté de bonne foi, aux termes de l'art. 202 c. civ.; si, au contraire, elle l'avait contracté de mauvaise foi, elle resterait étrangère, puisque, aux termes de ce même article, un tel mariage ne produit ses effets civils qu'en faveur de l'époux de bonne foi. Cette opinion est enseignée par MM. Merlin (Rép., vo Mariage, sect. 6, § 2, quest. 4, sur l'art. 184 c. civ.), et Coin-Delisle (sur l'art. 12, no 2). Tel est aussi le sentiment de MM. Delvincourt, p. 15, note 7, 3o édit. et Guichard, n° 74.

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155. M. Merlin enseigne aussi (eod. verbo, p. 682 de l'éd. de 1827) que, même dans l'hypothèse où la femme serait de mauvaise foi, elle devrait être considérée comme Française tant que le mariage ne serait pas annulé. « Le mariage n'est pas nul de plein droit, dit cet auteur, et tant que la nullité n'en a pas été prononcée par un jugement, la femme doit être considérée en tout comme mariée et, par conséquent, comme Française. »Cette solution nous paraît conforme aux principes, car c'est le fait même du mariage avec un Français qui imprime à la femme étrangère la qualité de son mari; or, le mariage putatif existe tant qu'on n'en a pas fait prononcer la nullité, il produit, en conséquence, tous ses effets jusqu'à ce moment. Conformément à cette théorie, il a été décidé qu'un second mariage contracté avant la dissolution du premier par un Français en pays étranger et avec une étrangère, confère à cette femme la qualité de Française, sans qu'il y ait lieu de distinguer si elle était de bonne ou de mauvaise foi, et la rend apte à porter devant les magistrats français une plainte qui les autorise à poursuivre le crime de bigamie dont son mari s'est rendu coupable (Crim. rej., 18 fév. 1819, aff. Sarrazin, V. Bigamie, no 16).

156. Quand la femme devenue Française par son mariage avec un Français reste veuve, par suite de la mort naturelle ou civile de celui-ci, perd-elle la qualité de Française?-Pas le moins du monde. La nationalité une fois acquise ne se perd que par l'un des modes indiqués par la loi, et nulle part nous ne voyons qu'elle ait considéré comme redevenant étrangère la femme naturalisée Française, tant qu'elle n'a commis aucun acte duquel la loi infère la perte de cette qualité. - C'est aussi ce qu'enseignent MM. Legat, p. 400 et suiv.; Coin-Delisle, n° 3, et Zachariæ, p. 158.

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157. Nous allons plus loin, et nous soutenons que la femme devenue Française par son mariage avec un Français ne perdrait pas cette qualité par cela seul que son mari en serait dépouillé postérieurement. - La raison en est qu'une fois imprimée, la nationalité ne peut se perdre que par un fait personnel et que dans l'espèce par nous supposée, la femme n'a accompli aucun acte qui puisse lui être imputable et duquel résulte la renonciation à sa nouvelle patrie. Telle est au surplus, sur ce point, l'opinion que professe M. Duvergier (sur Toullier, t. 1, no 268-4o, note a) Jugé dans ce sens que la naturalisation à l'étranger

du mari postérieurement au mariage ne fait pas perdre à la femme
originairement étrangère, la qualité de Française qui résultait
pour elle du mariage qu'elle avait contracté, même en pays
étranger (Paris, 7 août 1840, aff. Domecq, V. no 264-3°).
V. n 155.

§ 6.- Ex-Français autorisé à rentrer en France.
158. Aux termes de l'art. 18 c. civ., dont l'esprit ressort très-
clairement du discours de M. Treilhard, p. 19, n° 9, le Fran-
çais qui a perdu cette qualité peut toujours la recouvrer en
rentrant en France avec l'autorisation du gouvernement et en
déclarant qu'il veut s'y fixer et qu'il renonce à toute distinction
contraire à la loi française. Le recouvrement de la qualité de
Français s'effectuait autrefois par des lettres de déclaration de
naturalité; le Français de retour était considéré comme n'ayant
jamais quitté le territoire. Il revenait sur tous les partages faits
pendant son absence. La koi nouvelle ne lui rend plus que ses
droits pour l'avenir. V. v° Émigré, les effets de la réintégra-
tion des émigrés.

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V. n° 149.

aurait perdu sa qualité par l'un des modes indiqués dans l'art. 17 (V. infrà, tit. 3, ch. 1). Quant à celui qui serait devenu étranger pour avoir pris du service militaire chez l'étranger ou s'être affilié à une corporation militaire étrangère, aux termes de l'art. 21, il ne peut rentrer en France qu'avec l'autorisation du gouvernement, et recouvrer la qualité de Français qu'en remplissant les conditions imposés à l'étranger pour devenir citoyen, sauf le bénéfice des lettres de relief qui lui seraient accordées en vertu de l'art. 12 du décret du 26 août 1811.-V. ib. et n° 164. 161. Mais devons-nous admettre, avee MM. Delaporte, Pandectes françaises, sur l'art. 18, no 85, et Coin-Delisle, n° 1, que le Français qui serait devenu étranger par son établissement sans esprit de retour en pays étranger, ne serait pas tenu, pour recouvrer sa qualité de Français, de remplir les conditions imposées par l'art. 18; qu'il n'aurait pas besoin d'obtenir l'autorisation du gouvernement et pourrait se dispenser de toute déclaration? Cette opinion nous paraît erronée. Sur quoi est-elle-fondée, en effet?-Sur ce qu'aucun acte public du gouvernement étranger n'ayant enlevé au Français sa qualité originaire pour lui en conférer une nouvelle, sa position en France peut être assimilée a celle d'un absent. En se représentant, disent les auteurs, il efface les présomptions incertaines qui résultaient de son établissement en pays étranger. Mais ce raisonnement est manifestement en opposition et avec le texte et avec l'esprit de la loi. L'art. 18 dit que le Français qui aura perdu cette qualité, pourra, etc., sans distinguer entre les divers cas prévus par l'art 17; il comprend donc ces divers cas, à moins qu'une exception formelle ne se trouve écrite dans quelque autre disposition du code; or il n'en existe aucune. Quant à l'esprit de la loi, il se manifeste clairement dans la disposition du deuxième alinéa de l'art. 19, qui exige de la femme devenue étrangère par son mariage avec un étranger et qui, rentrant en France après son veuvage, veut recouvrer la qualité de Française, qu'elle se fasse autoriser par le gouvernement et qu'elle déclare son intention de se fixer en France. Puisque ces formalités sont imposées à la femme dans une condition tout aussi favorable pour le moins que celle où se trouve le Français qui s'est établi en pays étranger sans esprit de retour, on ne voit pas de motif sérieux d'en dispenser ce dernier, surtout en présence d'un texte qui s'y oppose formellement. Cette opinion est aussi celle de MM. Duranton, t. 1, no 193, et Demolombe, no 169.-]] est aisé de comprendre cependant combien devra être certaine, positive l'intention d'abdiquer la France, pour qu'on traite avec cette rigueur celui qui l'a quittée et qui revient s'y établir! Mais c'est en pure thèse de droit qu'on s'explique ici.

159. Trois conditions sont imposées par l'art. 18 à l'exFrançais qui demande à recouvrer la qualité de Français : la première est d'en faire la demande formelle au gouvernement; la seconde est de déclarer qu'il veut se fixer en France, et la troisième, qu'il renonce à toute distinction contraire à la loi française. Pour remplir la première condition, l'ex-Français doit adresser sa demande au ministère de la justice. C'est du moins ce qui paraît résulter d'un avis du conseil d'État, du 21 janv. 1812, huitième et neuvième questions (V. p. 39), et ce qu'enseigne M. Coin-Delisle (sur l'art. 18, n° 2). L'avis précité porte en effet : « Sur les huitième et neuvième questions, aucun Français ni aucun sujet des pays réunis, qui est ou entrera au service d'une puissance étrangère, ne pourra, pour quelque cause que ce soit, venir en France qu'avec une permission spéciale de sa majesté, laquelle sera nécessaire à ceux même d'entre eux qui auront quitté le service étranger; et la demande de cette permission devra être adressée au grand juge. »- Quant à la déclaration qu'il veut se fixer en France, elle est nécessaire pour rendre constante la volonté de recouvrer la qualité de Français; elle doit être faite à la mairie du lieu où l'ex-Français veut s'établir (V. suprà, no 131) et contenir l'indication précise de ce lieu. La troisième condition, celle relative à la renonciation à toute distinction contraire à la loi française, avait, à l'époque où le titre 1 du code civil fut rédigé, une grande importance. Elle avait surtout pour objet d'empêcher ceux qui voulaient redevenir Français de rapporter en France des titres de noblesse, alors proscrits en France. Mais la charte de 1814 et celle de 1830 ayant rétabli la noblesse, l'ex-Français qui, sous l'empire de ces chartes, voulait rentrer en France, n'était plus tenu de renoncer aux titres nobiliaires qui pouvaient lui avoir été conférés par les gouvernements étrangers. Toutefois, il pouvait arriver que des digni-patriation, le Français devient étranger, que c'est parce qu'il est tés, des qualités ou des titres étrangers fussent incompatibles avec la qualité de Français, et l'on comprend que, dans ce cas, l'on ne pouvait recouvrer la nationalité française sans y renoncer. - L'avis précité du conseil d'Etat a décidé que «< tout Français qui étant, même avec la permission de sa majesté, au service d'une puissance étrangère, accepte de cette puissance un titre héréditaire, est, par cette acceptation seule, censé naturalisé en pays étranger. »En conséquence, la qualité de Français ne peut être recouvrée sans renonciation à ce titre. C'est aussi ce qu'enseignent MM. Legat, p. 418; Coin-Delisle, n° 2, et Demolombe, no 169. — Aujourd'hui, les distinctions nobiliaires ayant de nouveau été abolies (décr. du gouvern. prov. du 29 fév. 1848, D. P. 48. 4. 37), la troisième condition imposée par l'art. 18 reprend toute son importance. Les conditions imposées par l'art. 18 sont de rigueur; elles ne peuvent être suppléées. Toutefois, il a été décidé que le Français qui a perdu cette qualité pour avoir pris, sans autorisation, du service à l'étranger, est relevé de la dechéance de la qualité de Français, par la collation à l'étranger d'une fonction publique dérivant de l'autorité française et exercée dans l'intérêt de la France, telle que celle de chancelier d'ambassade (Paris, 8 fév. 1845, aff. Dequer, D. P. 45. 4. 168).

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162. De ce que, aux termes de l'art. 17 c. civ., la qualité de Français se perd dans les trois cas qu'il prévoit, et de ce que, d'après l'art. 18, le Français qui a perdu cette qualité peut la recouvrer sous certaines conditions, il résulte que, par son ex

étranger qu'il est tenu, pour reprendre son ancienne nationalite, de se faire admettre à la recouvrer, et que si le gouvernement refuse de l'admettre à cette faveur, il reste étranger. Quel que soit d'aileurs le mode que lui impose la loi pour qu'il puisse recouvrer sa qualité perdue, il est, pendant l'intervalle écoulé entre la perte de cette qualité et son recouvrement, demeuré sous l'empire des lois de la patrie qu'il s'était choisie. En conséquence, les effets produits par ces lois à son égard subsistent malgré sa réintégration dans sa patrie native, dont la législation ne reprend son empire sur sa personne qu'à dater de sa réintégration, sans agir sur son passé écoulé depuis son expatriation. Nous concluons de ce qui précède, avec M. Merlin, Rép., v° Lot, § 6, no 5, que le mariage dont la législation de la patrie adoptive de cet exFrançais le déclarait capable, conserve en France son efficacité, alors même qu'il en serait déclaré incapable par les lois françaises.

163. L'art. 21 impose au ci-devant Français, qui a servi militairement hors de France, les mêmes conditions qu'à l'étran ger, pour recouvrer la qualité de Français. « Cette circonstance, a dit M. Treilhard (exposé des motifs), a un caractère de gravité qui la distingue; ce n'est plus un simple acte de légèreté, une démarche sans conséquence; c'est un acte de dévo uement parti

160. L'art. 18 ne peut être invoqué que par l'ex-Français qui culier à la défense d'une nation, aujourd'hui notre alliée si l'er

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