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appréciation le montant des dépenses à faire pour remettre le navire en état, et en outre la somme (le change maritime) nécessaire au capitaine pour se procurer (par emprunt à la grosse) les fonds destinés à subvenir à ces dépenses (Rej., 3 avril 1849, aff. Haney, V. D. P. 49. 1. 178).

Il est, du reste, hors de doute que le délaissement doit être admis, si les dommages survenus au navire pendant le voyage, constatés et évalués au retour, constituent pour l'assuré une perte de trois quarts de la somme assurée, encore bien que le navire ait pu, malgré ces dommages, arriver au lieu du reste (trib. de com. de Marseille, 11 juill. 1834, aff. Segur).

2032. Pour déterminer si la perte ou détérioration dépasse les trois quarts, doit-on avoir seulement égard à la perte ou détérioration matérielle, qui est l'effet direct des événements de mer, ou bien faut-il, en outre, faire entrer en compte les frais de sauvetage ou autres qui sont la conséquence de ces événements? Cette question n'est pas sans difficulté. Estrangin prétend que le droit d'abandon ne peut naître que de l'événement de mer; que l'on ne peut, par des dépenses faites après cet événement, convertir, en cas d'abandon, un fait qui par lui-même est un simple cas d'avarie; et qu'enfin la loi n'a attaché la faculté d'abandon qu'à la perte ou détérioration des effets eux-mêmes. M. Dageville est d'un avis contraire, t. 3, p. 411 et suiv. Selon ce jurisconsulte, il suffit que l'assuré justifie qu'il éprouve une perte ou détérioration au moins des trois quarts, pour qu'il soit fondé dans son délaissement, sans qu'il y ait à examiner si celte perte est l'effet direct ou seulement la conséquence nécessaire d'une fortune de mer. Dès que la perte des trois quarts est établie, qu'elle procède des événements de mer ou de leurs conséquences, l'action en délaissement est admissible: Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus. En conséquence de ces principes, M. Dageville décide que toute dépense légitime quelconque, antérieure à la demande en délaissement, même les frais de justice du magistrat sur les lieux, qui sont une consé(1) Espèce: (Liais C. assureurs.) Le navire Haabet-Anker fut affrété par Liais pour transport, de Mofs (Norwége) à Cherbourg, des bois du Nord. Ce chargement fut assuré par la chambre d'assurances de Paris, pour la valeur de 10,200 fr. — L'art. 12 de la police portait que les assurés ne pourraient faire le délaissement pour perte ou détérioration des objets assurés, conformément à l'art. 369 c. com., qu'autant que cette perte ou détérioration serait positive et matérielle. Assailli par une tempête, le navire relâcha dans le port de Douvres, et, pour réparer les avaries, le capitaine emprunta à la grosse 7,204 fr. sur le corps, le fret et la cargaison. A defaut de remboursement de cette somme, la vente du navire et de la cargaison fut effectuée en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Cherbourg à la requête du porteur de la lettre de grosse, et il paraît que le prix provenant de la vente fut insuffisant pour le désintéresser en totalité. Liais a prétendu que la vente de la cargaison constituait pour lui une perte des objets assurés; il en a signifié le délaissement à la compagnie ;- Mais celle-ci a répondu qu'il n'y avait pas lieu à délaissement, parce qu'il n'y avait pas eu de perte des objets assurés, dans le sens des art. 12 de la police, et 569 c. com.

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11 sept. 1857, sentence arbitrale qui accueille ce système, par les motifs suivants :-« Attendu que, si le délaissement est de droit, quand il y a perte ou détérioration justifiée des trois quarts de l'aliment du risque, il faut que cette perte ou cette détérioration soit positive et même matérielle, selon l'art. 12 de la police, exprimant, quant à ce, une dérogation formelle aux dispositions de l'art. 369 c. com.;- Que, dans l'espèce, si les sieurs Liais frères se présentent comme dépossédés de la marchandise sur laquelle a reposé l'assurance, ils sont loin d'établir que cette dépossession soit une fortune de mer; qu'il est au contraire constant au procès que la marchandise est arrivée intacte au port de destination, grevée seulement d'une avarie dont le sort est resté frrésolu;—Que vainenent les sieurs Liais frères excipent du refus fait par la chambre d'assurances d'intervenir pour le payement du contrat à la grosse, souscrit par to capitaine pour acquitter les dépenses auxquelles ont donné lieu les avaries souffertes par son navire; que cette intervention n'était nullement obligatoire, et que, si la chambre d'assurances s'est abstenue de connaitre des difficultés engagées entre le prêteur à la grosse et l'emprunteur, c'est parce qu'elle a judicieusement pensé que le navire ayant gagné le port de destination, il n'y avait pas de délaissement possible, soit que l'on prit pour teste l'art. 569 c. com, soit encore mieux que l'on fit application de Part. 12 de la police d'assurances; Que le refus fait par la chambre 'assurances peut s'expliquer en outre par la diversité des causes de l'assuFance; qu indépendamment des marchandises couvertes pour 10,200 fr., la chambre a aussi assuré 2,600 fr. sur avance de fret au capitaine; que zes deux ca égories bien distinctes ne pouvaient être confondues et subir TOME XVIII.

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quence nécessaire des événements de mer, doivent entrer dans la composition du compte duquel il doit résulter s'il y a ou non perte des trois quarts. Mais on ne doit pas prendre en considération, suivant le même auteur, les frais faits par l'assuré pour la poursuite de son action en délaissement.-Toutefois le système contraire est généralement admis par les auteurs et par les tribunaux. Ainsi, MM. Pardessus et Boulay-Paty estiment que la perte ou détérioration dont parle l'art. 369 c. com. doit s'entendre de celle qui est arrivée corporellement et par des accidents maritimes à la chose assurée, et non des dépenses qui n'ont fait qu'augmenter le prix auquel cette chose revient au propriétaire. Ils décident, en conséquence, que si, par exemple, la quantité et la qualité des objets assurés, n'ayant point, ou n'ayant que peu diminué, une contribution aux avaries les grève d'une somme excédant les trois quarts de leur valeur, il n'y a pas lieu au délaissement, et l'action d'avarie seule est ouverte à l'assuré, si toutefois il n'y a pas renoncé dans la police.

2033. Parmi les nonuments de la jurisprudence conformes à cette dernière doctrine, on peut citer particulièrement un jugement du tribunal de commerce de Marseille, du 20 fév. 1817, lequel a textuellement rappelé, en la confirmant, la doctrine d'Estrangin.-Il a aussi été décidé, dans le même sens. 1° que la vente des objets assurés, faite au port de destination, à l'effet de rembourser un prêt à la grosse contracté en cours de voyage pour réparation des avaries éprouvées par le navire, ne peut, bien que la somme provenant de cette vente ait été absorbée au delà des trois quarts par le privilége du prêteur, donner lieu au délaissement, mais seulement à l'action d'avarie,... alors d'ailleurs que l'assuré qui eût dû, à l'arrivée du navire à sa destination, faire l'avance des sommes nécessaires pour rembourser l'emprunt, sauf à recourir ensuite contre les assureurs, a laissé vendre le navire et la cargaison, en se bornant à sommer ceux-ci d'intervenir pour le remboursement (Paris, 27 mars 1838) (1); 2o Et que la perte ou détérioration dont parle l'art. 369 doit

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un sort commun; - Que le fret étant acquis par la délivrance du chargement, et ici le capitaine tenant le chargement à la disposition du destinataire, le risque était de plein droit éteint au profit de la chambre, sauf néanmoins son concours ultérieur, si, par événement, le fret était entièrement absorbé par la portion contributive aux avaries à la charge de l'armement, ce qui ne saurait se supposer; Que, sous ce rapport, les sieurs Liais frères ont donc à s'imputer de n'avoir pas désintéressé lo prêteur à la grosse, eux qui, maîtres du fret par la réception de la marcbandise, auraient eu en main des moyens de remboursement de leurs avances, et avec le surplus, toute facilité de retenir la part des avaries au compte du navire et du fret; Qu'à tort ils prétendent que déjà en déboursé du montant du chargement, ils ne devaient pas se mettre à découvert d'une seconde somme équivalente au prix; Qu'ils avaient pour garants leurs assureurs, passibles dans tous les cas, d'après la jurispru dence adoptée, du déficit qui résulterait de l'insuffisance des autres contribuables; et, admettant qu'ils fussent pour le moment au dépourvu de ressources personnelles, ne leur restait-il pas la voie d'un emprunt, que la position de l'affaire rendait très-praticable, et moins onéreux que le résultat de leur abnégation? Mais, trop préoccupés de l'idée fixe que la chambre devait faire les fonds, ils n'ont pas réfléchi qu'ils n'avaient de remboursement à exiger qu'autant qu'ils auraient pu préciser la somme à la charge des assureurs, ce qu'ils ne se sont jamis mis à même d'accomplir; Que mal à propos les sieurs Liais frères assimilent la dépossession à la perte matérielle; que, dans le premier cas, il y a tout au plus affaiblissement de la chose, mais qu'elle ne reste pas moins entière et dans son état originaire; qu'il n'y a donc ni perte ni détérioration, la dépossession ne pouvant être indiquée comme auxiliaire aux autres conditions, surtout quand cette dépossession est survenue par un fait dépendant de la volonté des assurés; que ce serait introduire un dangereux abus que do consacrer le système proposé, évidemment destructif des garanties que les assureurs doivent trouver dans la loyauté des assurés; que, si les assureurs prennent à leurs risques tous accidents et fortunes de mer, même les relâches forcées, ils ne sont tenus à indemniser l'assuré que jusqu'à concurrence du montant du dommage, et seulement quand la justification est constante; Que ce dommage se règle sur les circonstances du sinistre, et ne donne ouverture au délaissement que lorsque l'événement est produit par une cause étrangère à la puissance de l'homme, et occasionne une perte ou une détérioration qui réduit au quart les valeurs assurées; ainsi, on ne saurait dire avec raison qu'il y a perte matérielle des trois quarts, quand la dépossession n'est pas arrivée par fortune de mer, par un sinistre qui a englouti la majeure partie des effets embarqués; que ce serait équivoquer que de soutenir que la substance est perdus, parce qu'elle est couvertie en argent, et que ce changement de

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porter sur les objets assurés eux-mêmes, et résulter d'événements de mer qui aient diminué leur quantité ou leur valeur, sans qu'il y ait lieu d'ajouter à cette perte ou détérioration réelle, pour apprécier si elle s'élève aux trois quarts de la valeur des effets assurés, les sommes dues par ces effets à titre de contribution aux avaries communes et aux frais faits depuis l'achèvement du voyage (Cass., 19 fév. 1844 (1). Conf. MM. Pardessus, n° 845; Dubernad, sur Benecke, t. 2, p. 463).

2034. Toutefois, il a été décidé : 1o que, dans le cas où les trois quarts des marchandises assurées ont été vendues en

nature dispense de tout calcul, de toute appréciation propres à amener la reconnaissance des droits et des charges des divers intéressés à l'avarie qui a précédé la dépossession; Attendu que les sieurs Liais frères, en persévérant dans leur refus d'acquitter le contrat à la grosse, ont commis une erreur d'autant moins excusable que, s'étant abusés sur les conséquences, ils ont imprudemment livré à l'abandon des intérêts dont ils étaient les gardiens naturels; - Que tout entiers à la dépossession dont ils étaient menacés, ils n'ont rien fait pour s'en garantir, et se sont exposés au juste reproche d'avoir souffert sous leurs yeux la saisie de leur propriété, lorsqu'il ne dépendait que d'eux de l'éviter au moyen d'une avance à laquelle ils étaient tenus, et dont le remboursement ne pouvait leur échapper jusqu'à concurrence de leur contingent au dommage; que tout au plus ils pouvaient procéder par voie de règlement d'avaries, et non proposer plus tard un délaissement qui n'est pas plus admissible aujourd'hui qu'il ne l'aurait été avant la dépossession; Qu'ils ont donc faussement invoqué l'application de la sixième partie de l'art. 569 c. com., et méconnu l'esprit de l'art. 12 de la police, lequel article fait foi entre eux et la chambre d'assurances; qu'ainsi ils doivent être déclarés non recevables dans leur délaissement; - Par ces mo ifs, etc. »

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Appel par les sieurs Liais; ils soutiennent que, par la vente et l'absorption du prix, il y a eu pour eux perte complète et matérielle de la cargaison; Que c'est là une perte par fortune de mer; Qu'il est incontestable, en effet, qu'un emprunt à la grosse nécessité par la réparation du navire, que la vente des marchandises pour le même objet et toutes les dépenses extraordinaires faites au besoin du navire sont des fortunes de mer. - On objecte que les assurés auraient dû désintéresser le prêteur à la grosse ; Que c'était là une des obligations des assurés, étrangère aux assureurs. La vérité est que le remboursement du prêteur à la grosse n'est une obligation ni pour l'assuré ni pour l'assureur, mais qu'il est de l'intérêt de ce dernier de l'effectuer. En effet, quel engagement a-t-il contracté vis-à-vis de l'assuré? De le garantir contre tous risques et fortunes de mer, et de lui délivrer, au port de destination, la marchandise assurée. Or, pour la lui délivrer, il faut qu'il la libère du privilege qui la grève, qu'il la retire des mains du prêteur à la grosse, et il ne peut le faire qu'en le désintéressant. S'il ne le veut pas, libre à lui; Mais alors le prêteur à la grosse conserve ses droits: il fait saisir et vendre la cargaison, qui se trouve ainsi perdue pour l'assuré, et donne dès lors ouverture au délaissement.

Arrêt.

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges; - Confirme. Du 27 mars 1858.-C. de Paris, 2 ch.-M. Hardouin, pr.

(1) Espèce: (Comp. d'assurance de Marseille C. Massot et Vergnes.) -Le 5 nov. 1858, Massot et Vergnes de Guerini, négociants à Marseille, firent assurer par la compagnie de Marseille, la somme de 8,217 fr., valeur convenue de gré à gré, de vingt barriques de sucre rafliné, chargées sur le navire le Saint-Thomas, devant partir de Marseille pour Alger: dix barriques étaient adressées à Lacroutz, les dix autres à Laugier, négociants à Alger. Le navire essuya de mauvais temps qui causèrent des avaries tant au navire qu'à la cargaison, dont une partie fut même jetée à la mer. Obligé de relâcher à Roses (Espagne), le Saint-Thomas dut y faire réparer ses avaries, et pour en couvrir les frais, le capitaine se fit autoriser par le consul de France, à contracter un emprunt à la grosse de 18.000 fr., aux intérêts de 20 p. 100: le navire arriva à Alger le 3 mai 1859, avec de nouvelles avaries. Sur les poursuites du préteur à la grosse, il fut procédé à l'évaluation et à la répartition des avaries. Ces opérations constatérent que, sur les vingt barriques, onze étaient entièrement perdues et les neuf autres plus ou moins avariées et grevées en outre d'une contribution aux avaries communes et autres dépenses. Massot et Vergnes prétendant que les avaries particulières éprouvées par les sucres assurés jointes à la part contributive mise par le règlement à la charge de ces marchandises, soit dans les avaries communes, soit dans les autres dépenses faites tant à Roses qu'à Alger, excédaient les trois quarts de leur valeur totale, déclarèrent en faire le délaissement à la compaguie d'assurances, et l'assignèrent en payement du montant de l'assurance, avec intérêts et dépens. Cette demande fut accueillie par jugement du 27 août 1840, confirmé sur appel, par arrêt de la cour d'Aix, du 1er mars 1841.

Pourvoi des assureurs pour violation des art. 369 et 371 c. com. Arrét.

LA COUR ;-Vu les art. 569 et 371 c. com.;-Attendu qu'aux termes

cours de voyage, avec autorisation de justice, pour pourvoir aux réparations des accidents causés au navire par fortunes de mer, de manière qu'un quart seulement de ces marchandises est parvenu à destination, l'assuré a le droit de délaisser, sans qu'on soit fondé à s'y opposer en alléguant qu'au moyen de l'action en contribution aux avaries qui lui compète contre les autres chargeurs et l'armateur, la perte par lui faite ne s'élève réellement pas aux trois quarts de la valeur assurée (Aix, 13 juin 1823) (2);

2o Et que, de même, lorsque les marchandises assurées n'ont pu

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de l'art. 569, le délaissement des effets assurés peut être fait, en cas de perte ou détérioration de ces effets, si la détérioration ou la perte va ag au moins à trois quarts; Attendu que la perte ou d'étérioration, don parle cet article, doit porter sur les effets eux-mêm s. qui se trouvent ainsi diminués de qualité ou de valeur; Que cela résulte non-seulment des termes de l'art. 569, mais en outre de l'art. 571 qui déclare expressément que tous autres dommages sont réputés avaries, et se réglant entre les assureurs et les assurés, en raison de leurs intérêts; Attenda que, pour établir une perte et détérioration des trois quarts ou même de la portion des sucres assurés, attribrée à Laugier, l'arrêt attaqué a pris en considération et a admis comme élément de ses calculs, une somme de 961 fr. 55.c. formant, suivant règlement d'avaries, la contribution de ces sucres aux avaries communes et aux frais et dépenses postérieurs à leur arrivée au lieu de leur destination et à leur débarquement; - Altendu qu'en cumulant ainsi avec la perte ou la détérioration réelle de ces sucres, des dommages qui ne constituaient que des avaries, et en validant, en conséquence, leur délaissement, la cour royale d'Aix a faussement appliqué l'art. 569 c. com., el a expressément violé, non-seulement cet article, mais encore l'art. 371 du même code; Attendu que le jugement du tribunal de commerce de Marseille, confirmé par la cour royale d'Aix, n'a fait aucune distinction entre les sucres de Laugier et ceux appartenant à Lacroutz, et que son dispositif prononce contre les assureurs une scule et unique condamnation pour la valeur totale de ces sacres; - Qu'ainsi il n'y a pas lieu de se livrer à un examen spécial du délaissement des sucres de Lacrou z, puisque, quand même la cour reconnaitrait que ce délaissement était conforme aux prescriptions de l'art. 569 c. com., il ne lui appartiendrait pas de faire une répartition de la somme dont la condamnation a été prononcée et de modifier le dispositif de l'arrêt attaqué; Par ces motifs, casse.

Du 19 fév. 1844. C. C., ch. civ.-MM. Teste, pr.-Thil, rap.

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(2) (Figueroa C. assureurs.)-- LA COUR;- Considérant que quelques efforts qu'aient pu faire les assureurs pour élever, sur ce point, quelque doute, il est impossible de ne pas voir dans l'événement qui a forcé le navire dont il s'agit à relâ her à Alicante, une fortune de mer, puisqu'il a été légalement constaté qu'à la suite d'un coup de vent, qui avait ouvert d'abord une voie d'eau, et d'une bourasque, qui le fit échouer, le capitame pour pouvoir continuer sa route, a été obligé de faire radouber son navire, et que ne pouvant trouver à emprunter pour subvenir aux frais de ce radoub, il se fit autoriser par le consul français, à Alicante, à venire une partie de sa cargaison consistant en safranum chargé pour le compte du sieur Figueroa; - Considérant qu'il est évident que la necessité du radoub et celle de la vente du safranum furent une conséquence inséparable de la fortune de mer et qu'il est, en même temps, convenu que la vente fut de trente-six caisses sur quarante-neuf emportant, soit en poids, soit en valeur, au delà des trois quarts de cette partie de la cargaison; Qu'il est convenu aussi que le sieur Figueroa n'a reçu, a l'arrivée du navire à Marseille, que treize caisses seulement, c'est à-dire moins du quart de cetta marchandise; que, dès lors, ayant perdu et se trouvant privé de plus des trois quarts, il a été autorisé, d'après l'esprit et même d'après le texte précis de l'art. 569 c. com., à faire abandon ou délaissement aux assureurs, puisqu'il ne réclamait ainsi de ces derniers que la stricte obligation qu'ils avaient souscrite de lui garantir l'arrivée de sa marchandise ou de lui en payer la valeur assurée; - Considérant que c'est en vain que les assureurs ont objecté que, moyennant un réglement d'avarie qui a réellement eu lieu, après la déclaration en délaisse ment, et moyennant la contribution à laquelle étaient soumis de droit les propriétaires, soit du navire, soit des autres marchandises qui s'y trou vaient en chargement, la vente du safranum n'ayant été faite que pour ramener le tout à Marseille, lieu de la destination, le sieur Figueroa pouvait être également indemnisé de la perte qu'il a éprouvée, puisque, outre les difficultés, les frais, les contestations nombreuses auxquelles il s'exposait en suivant cette marche secondaire, il n'en demeure pas moins certain qu'à l'arrivée du navire, il s'est trouvé dans le cas prévu par! loi, qui l'autorise à faire l'abandon, puisqu'il lui manquait les trot quarts du safranum; que, dès lors, il a eu le droit incontestable de de mander la valeur assurée, en substituant d'ailleurs les assureurs à tou ses droits sur ce qu'on pourrait recouvrer;-Considérant que vainemes encore on objecte que c'est le capitaine lui-même, qui était du choix d sieur Figueroa, qui a vendu le safranum, par préférence à toutes ses

DROIT MARITIME.

CHAP. 8, SECT. 8, ART. 1, § 1.

arriver à leur destination, par suite d'avaries provenant de fortunes de mer et de la nécessité où s'est trouvé le capitaine de les vendre immédiatement dans un port voisin pour éviter leur détérioration complète, il y a perte de ces marchandises, autorisant le délaissement, alors même que leur vente a produit plus du quart de leur valeur assurée, et alors même encore que, par une stipulation expresse, le délaissement ne devait être admis qu'en cas de perte ou détérioration de plus des trois quarts..... Du moins l'arrêt qui le décide ainsi, par appréciation des actes et circonstances de la cause, échappe à la censure de la cour suprême (Req., 5 nov. 1839) (1).

Ces deux dernières décisions ne nous semblent pas rendues dans le même esprit d'interprétation restrictive que les précé- | dentes néanmoins on ne peut pas dire qu'elles leur soient posilivement contraires, car elles sont intervenues dans des espèces notablement différentes.

2035. L'art. 369 ne prescrit aucun mode particulier d'évaluation pour constater si la perte ou détérioration des assurés excède les trois quarts, et si, par suite, il y a lieu au délaissement; et, dès lors, les tribunaux peuvent prendre pour base de cette évaluation le montant du produit de la vente de ces choses, de préférence à l'expertise qui en avait été faite antérieurement, alors surtout qu'ils constatent que cette expertise était erronée,

autres marchandises, et qu' excipe pour ainsi dire de son propre fait : le capitaine est, en cas de sinistre, l'homme de confiance de tous les chargeurs, le gardien de la cargaison entière et, jusqu'à la preuve contraire, il n'est pas permis de présumer qu'il a voulu frauduleusement préférer l'un à l'autre : la conséquence immédiate et nécessaire de l'opiEt nion contraire serait évidemment de rendre toujours illusoire, pour l'assuré, le contrat d'assurance si nécessaire lui-même au commerce:adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, Confirme, etc. Du 13 juin 1823.-C. d'Aix.-M. Montmeyan, pr.

(1) Espèce: (Assurances C. Bonnel.) - Suivant police du 18 janv. 1857, le navire la Marie-Hortense, chargé de 1,500 hectolitres de blé par -Bonnel et Boulard, et destiné de Rouen pour Bordeaux, fut assuré par la compagnie du Havre pour 26,000 fr. L'art. 10 de cette police porte: « En aucun cas, le délaissement des facultés ne pourra être fait qu'autant qu'il y aura perte ou détérioration au moins des trois quarts (frais non compris)... » Au mois de mars suivant, le navire, assailli par la tempête, fit côte près de Cherbourg; il fut cependant relevé et conduit en ce port, mais on se hata dy vendre sa cargaison avariée, moyennant 10,916 fr. - Les assurés ayant signifié, par acte du 8 juin, qu'ils entendaient faire le délaissement, la compagnie refusa de l'accepter, sur le motif que le chargement, assuré pour 26,000 fr., avait été vendu pour 10,916 fr., et qu'ainsi il n'y avait pas eu perte ou détérioration des trois quarts de la marchandise, seul cas de délaissement prévu par l'art. 10 du 21 avril 1858, jugement qui donne gain de cause contrat d'assurance. aux assureurs.

Mais, sur appel, arrêt infirmatif de la cour de Rouen, du 27 nov. 1858, en ces termes : « Attendu que les marchandises assurées par le Davire la Marie-Hortense ne sont pas arrivées à leur destination; que, par un événement de mer, le capitaine s'est trouvé dans la nécessité de les -Atfaire vendre à Cherbourg; que, dès lors, ces marchandises ont été perdues pour les assurés, et qu'ils sont fondés a en faire le délaissement; tendu, d'ailleurs, que le procès-verbal des experts constate que les marchandises étaient dans un état de détérioration tel qu'elles devaient, dans un très-bref délai, subir une perte totale, ce qui rentre dans l'application du n° 7 de l'art. 569 c. com. »

1° Violation de l'art. 7 de la loi Pourvoi de la compagnie du Havre. du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué n'a pas donné de motif sur le moyen tiré de la convention (l'art. 10 de la police d'assurance); - 2o Violation de l'art. 2154 c. civ., en ce qu'il a admis le délaissement hors du seul cas (perte ou détérioration des trois quarts) qui avait été restrictiM. le conseiller rapporvement prévu par la convention des parties. teur, après avoir rappelé, en fait, qu'aucune partie du blé assuré n'a été rendue et ne pouvait être rendue à sa destination à Bordeaux, le capitaine ayant dû le vendre à Cherbourg devant l'imminence d'une complète détérioration, a ajouté: « Ces circonstances, prises telles qu'elles Font et sans commentaire, ne constituent-elles pas la perte entière du chargement pour les assurés? L'arrêt attaqué l'a vu ainsi, et il avait deux raisons de le voir de la sorte; car, d'une part, pas la moindre partie des blés n'a été rendue à sa destination et offerte aux assurés à Bordeaux: d'une autre part, les blés parvenus à Cherbourg n'ont pas même été mis à la disposition des assurés; le capitaine (dit l'arrêt) a été dans la nécessité de les vendre, parce que, dans un bref délai, il y aurait eu perte totale. » Si on a retiré des blés avariés 10,916 fr., c'est dans l'intérêt et pour Le compte personnel des assureurs; quant aux assurés, ils n'ont pu rien recevoir, parce qu'ils ont dû apprendre en même temps le naufrage,

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et quand d'ailleurs la sincérité de la vente n'est pas douteuse.
Ainsi, un délaissement opéré d'après une expertise constatant
que les marchandises assurées avaient subi une détérioration
des trois quarts, a pu être invalidé lorsqu'il a été ultérieurement
erronée, et qu'au temps du délaissement la valeur des marchan
avéré, par la vente de ces marchandises, que l'expertise était
dises était supérieure à celle qu'indiquait l'estimation. On
des marchandises se trouvant déjà transférée aux assureurs par
objecterait vainement qu'à l'époque de cette vente, la propriété
l'effet du délaissement, les conséquences de la vente devaient
demeurer étrangères aux assurés, cette translation de propriété
étant précisément subordonnée à la validité du délaissement
2036. Il est sans difficulté que la vente de marchandises
(Reg., 24 août 1846, aff. Desbordes, D. P. 46. 1. 359).
assurées, faite d'autorité de justice, au lieu de destination, par
suite d'avaries qu'elles ont subies durant le voyage, ne donne pas
lieu à délaissement, bien que la détérioration provenant des ava-
ries ait été estimée par experts excéder les trois quarts de la
valeur attribuée aux marchandises par la police, s'il paraît aux
juges, d'après les circonstances de la cause, et surtout d'après
le montant du produit de la vente, que les experts s'étaient trom-
pés en évaluant la détérioration aux trois quarts (Paris, 19 mai
1840) (2).

l'avarie et la vente de leur marchandise. En cet état, elle était réellement
à proprement parler, de dé-
perdue pour eux, et même ils n'ont pas eu,
laissement à faire, puisqu'il n'existait plus de blé en nature quand ils ont
eu à s'expliquer.

Arrét.

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LA COUR;- Attendu que la cour royale s'est décidée, non seulement d'après les principes qui réglaient la matière, mais encore d'après un fait prévu par la convention: d'où il suit que son arrêt répond à tous les Attendu, d'autre part, moyens qui avaient été invoqués devant elle; que c'est par in erprétation du contrat qui liait les parties, et par appréciation des actes et circonstances de la cause, interprétation et appréciation qui lui appartenaient souverainement, qu'elle a admis le delaissement en faveur des assurés, et que, dès lors, elle n'a pu violer la loi; - Rejette.

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Du 5 nov. 1859.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Duplan, rap. Thori fit assurer un charge(2) Espèce : (Thori C. assureurs.) ment de blés pour une valeur de 120,000 fr. A l'arrivée au port de destination le navire échoue; une partie du chargement est submergée. Cependant on parvient à sauver tout le chargement, mais avarié. En cet état, la valeur en est fixée par des experts à 20,460 fr. Mais la vente L'assure se prétend faite presque immédiatement produit 1,885 fr. fondé à opérer le délaissement, sur le motif que le produit de la vente realisé postérieurement à l'expertise était un sauvetage appartenant à l'assurance, et sans influence sur la mesure du quantum de l'avarie. 29 août 1859, sentence arbitrale qui déclare le laissement non admissible: - « Considérant que les marchandises assurées ont été apportées et mises à terre au lieu de leur destination; qu'ainsi l'assuré n'est pas fondé à prétendre qu'elles ont été vendues en cours de voyage; que la vente n'en a été faite, au contraire, qu'après la cessation complète des risques dont les assureurs s'étaient chargés;-Considérant qu'aux termes formels de la convention, le délaissement ne peut être fait dans cet état de choses que si, indépendamment de tous frais quelconques, il y a perte ou détérioration matérielle, absorbant les trois quarts de la valeur des Considérant qu'il n'y a point eu perte partielle de la objets assurés; chose, mais bien détérioration matérielle dont il s'agit d'apprécier la quotité; Considérant que cette appréciation doit avoir pour base la valeur de la marchandise à l'état sain au lieu d'arrivée, comparée à celle de Considérant qu'après le cette même marchandise à l'état d'avarie; sinistre survenu le 20 mars dernier dans le port de Dunkerque, des experts ont été commis par le tribunal de commerce, et qu'il résulte de leur rapport que, le 24 mai, ils évaluaient la quantité totale du chargement, dont une grande partie, un peu plus d'un tiers, était encore dans le navire, à 5,700 hectolitres; et que, en prenant pour base de la valeur en état sain le prix de 18 fr. l'hectolitre, ils estimaient ces 5,700 hectolitres en état d'avarie plus ou moins grave, savoir: 1,760 en tout 20,460 fr., en sorte que si ces évaluations de quantité et de prix hectolitres à 8 fr.; 940 hectolitres à 2 fr.; 3.000 hectolitres à 1 fr. 50 c.; en état d'avarie étaient exactes, cette valeur du chargement détérioré n'atteindrait pas le quart de la valeur du chargement en éta sain, qui était en quantité de 5,218 hectolitres, lesquels à 18 fr. représentent une Mais considérant que l'évaluation approximavaleur de 93,924 fr.; tive des experts renferme une erreur évidente, en ce qui concerne la quantité, puisqu'il a été constaté par les ventes publiques des 28 mai, 8 juin et 18 juillet, que le chargement se composait d'une quantité de 6,304 hectolitres, et ce après que, par des travaux de manipulation, le gonflement produit par l'avarie avait dû s'arrêter et même diminuer;

grosse ne serait jamais admis à user de l'action en délaissement; or, le contraire a lieu tous les jours sans contestation. S'il netransmet pas la propriété des objets affectés au prêt, il subroge du moins, par le délaissement, l'assureur à ses droits. Quant à la distinction établie par le jugement précité, entre la perle presque totale que l'emprunteur a faite de ses marchandises et la reduction beaucoup moins considérable que le prêteur a subie d'une partie de son gage, elle n'est pas non plus fondée, survant M. Dageville. En effet, il est évident que, dans l'exemple ci-dessus, l'emprunt à la grosse ne s'élevant qu'à 10,000 fr., c'est-à-dire au quart seulement de la valeur du chargement, l'emprunteur aurait pu, s'il l'avait voulu, faire assurer le surplus de cette valeur (30,000 fr.), auquel cas la répartition dn résidu des marchandises, après le sinistre, aurait été faite, aux termes de l'art. 331 c. com., entre le prêteur pour 1,250 fr., et l'assureur pour 3,750 fr. Le prêteur, éprouvant alors une perte des sept huitièmes, aurait été fondé à faire le délaissement à son propre assureur. Or ce droit de délaisser ne doit pas lui être accordé ou refusé, suivant qu'il aura plu ou non à l'emprunteur de conserver ou de ne pas conserver un découvert. C'est du résultat seul des événements de mer que doit dépendre, pour le prêteur, la faculté de délaisser. La marchandise sur laquelle le prêt a été fait est le véritable aliment du risque de l'assureur qui a garanti ce prêt. Nonobstant ces raisons, nous inclinons à penser, avec le tribunal de Marseille, que, dans le cas dont il s'agit, le prêt à la grosse est la matière directe du contrat d'as

2037.. En cas d'assurance sur prêt à la grosse, si les marchandises affectées au prêt en excèdent de beaucoup le montant, suffira-t-il, pour autoriser le prêteur à faire le délaissement, que les objets affectés au prêt éprouvent une détérioration de plus des trois quarts, bien que, dans cet etat de détérioration, ils conservent encore une valeur excédant de plus du quart le montant de la somme prêtée et assurée? Ainsi, par exemple, Pierre emprunte à la grosse de Paul 10,000 fr. sur un chargement de 40,000 fr. Paul fait assurer ces 10,000 fr. par Jacques, avec la clause franc d'avaries. La valeur des marchandises est réduite, par fortune de mer, à 5,000 fr. Paul, à qui appartient cette valeur de 5,000 fr., peut-il faire le délaissement à Jacques, sur le motif que les marchandises affectées au prêt à la grosse ont subi une détérioration de plus des trois quarts, ou bien, au contraire, l'assureur est-il fondé à dire que le montant du prêt assuré n'étant que de 10,000 fr., et le prêteur recouvrant la moitié de cette somme, il n'y a pas lieu au délaissement? - Cette question a été résolue en faveur de l'assureur par le jugement suivant: «Attendu que le donneur à la grosse invoque sans fondement le sixième ces de l'art. 369 relatif à la perte ou détérioration des trois quarts; que ce cas ne peut être appliqué qu'à l'objet qui fait la matière directe de l'assurance, et non à des marchandises qui ne sont que le gage du prêt; que, quelque forte que soit la réduction du gage, elle ne saurait être confondue avec la détérioration dont parle cet article, et qui n'est relative qu'à la chose même garantie par l'assurance, désignée dans la police, et dont la valeur est convenue entre les parties; qu'enfinsurance, et que dès lors, pour donner ouverture au délaissele sixième cas de l'article ne peut s'appliquer qu'à la seule hyment, la perte de plus des trois quarts doit porter, non pas seupothèse d'une détérioration qui frappe l'objet formant la matière lement sur les objets formant le gage du prêt, mais sur ce prét même du risque; Attendu que l'effet nécessaire du délaisse- lui-même. ment est d'investir les assureurs de la propriété de l'objet délaissé; que l'assuré sur argent prêté à la grosse ne peut rendre les assureurs propriétaires du navire et de la cargaison, navire et cargaison qui, bien que soumis à la garantie du prêt, ne sont cependant pas la propriété du prêteur; qu'enfin il ne peut y avoir lieu à délaissement là où il n'y a pas en même temps droit de transférer la propriété des effets délaissés » (trib. de com. de Marseille, 15 mars 1824.)

2038. Cette solution est néanmoins combattue par M. Dageville, t. 3, p. 113 et suiv. On ne doit pas d'abord, d'après ce jurisconsulte, s'arrêter au dernier motif du jugement du tribunal de Marseille, savoir que le prêteur à la grosse ne peut délaisser les objets sur lesquels il a prêté, puisqu'il n'est pas propriétaire de ces objets. Si ce système était admis, un assuré sur prêt à la

-

Qu'ainsi il faut, dans tous les cas, ajouter au chiffre approximatif établi
par les experts, une quantité de 604 hectolitres, au moins, qu'ils ont
supposé ne point exister, et qu'ils n'ont pas comprise dans leur évalua-
tion;
Considérant que l'évaluation qu'ils ont faite du degré d'avarie
parait également entachée d'erreur; Qu'en effet la vente de la portion
la plus fortement avariée dudit chargement a eu lieu le 28 mai, et a
produit, pour 4,007 hectolitres, évalués le 24 mai, suivant l'expertise,
7 à 8,000 fr., une somme de 25,425 fr. 75 c. ; qu'il est impossible d'ad-
mettre qu'une si énorme différence dans l'espace de quatre jours soit le
résultat d'un accroissement de valeur intrinsèque dû à une température
favorable, secondée par les travaux de manipulations diriges par les ex-
perts; Considérant que la différence entre le prix de 8 fr. évalué par
l'expertise pour les parties les moins avariées, et le prix qui a été effecti-
yement obtenu par la vente les 8 juin et 10 juillet suivants ne peut aussi
provenir que d'une erreur dans l'ap réciation faite par ics experts, puisque
ces parties étant beaucoup moins endommagées étaient moins susceptibles
de bonification, et que, d'une autre part, il n'est point allégué que le prix
courant de cette marchandise ait subi une hausse considerable pendant
cet intervalle; Considerant qu'il résulte de toutes ces circonstances
que le travail des experts n'a été qu'un travail preparatoire, approximatif
et incomplet, subordonné aux résultats de la vente qui allait avoir lieu,
et ayant surtout pour but d'en démontrer la nécessité et l'urgence;
Qu'il résulte également de l'ensemble des fai's que les marchandises as-
surées n'avaient point subi, au moment de leur mise à terre, une détério-
ration matérielle des trois quarts de leur valeur; Qu'ainsi, le cas prévu
pour le délaissement ne s'est point accompli. - Appel. Arrêt.
LA COUR; Adoptant les motifs, etc.; Confirme, etc.

Du 19 mai 18 40.-C. de Paris, 2 ch.-M. Hardoin, pr. (1) (Assureurs C. Lucan.) LA COUR ;-Attendu que la police d'assurance du 25 juili. 1 55 enonce que se Lavire la Genicicce doit se rendre de Bordeaux à Valparaiso, lesint imedios et Lima, avec lacuité de relever

2039. Dans le cas d'une assurance sur vivres et avances à l'équipage, le défaut d'arrivée du navire au port de destination, par suite de fortune de mer, constitue pour l'assuré une véritable perte qui donne ouverture au délaissement; et l'assureur n'est pas fondé à réclamer, sur le montant de la somme assurée dont il doit le payement, une diminution proportionnelle à la partie du voyage que le navire a effectuée, alors d'ailleurs qu'il a formellement renoncé dans la police à demander aucun rabais sur l'estimation donnée de gré à gré à la chose assurée, pas même pour avances gagnées et vivres consommés (Bordeaux, 1er juill. 1859) (†).

2010. Si une personne avait fait assurer, par la même police, trois ballots de valeur à peu près égale, dont deux viendraient à périr entièrement, tandis que le troisième n'éprouve

pour aller à Zalama;- Que, par la même police, il fut assuré sur vivres et avances à l'équipage, estimés de gré à gré à une somme de 25,000 fr. avec cette déclaration des assureurs : « Sans que, dans aucun cas, nous puissions prétendre à aucun rabais sur ladite estimation, pas même pour avances gagnées ou vivres consommés. » - Attendu que le navire ayant éprouvé diverses fortunes de mer, se trouva dans la nécessité de relacher à Fernambourg; - Que là, des réparations au navire ayant été jugées indispensables, le capitaine, qui n'avait pas trouvé à emprunter à la grosse, fut obligé, pour couvrir les dépenses, de vendre certaines marchandises; Que le navire ayant repris la mer et s'étant rendu à Valparaiso, il arriva que les proprietaires des marchandises dont on avait disposé à Fernambourg firent vendre la Geneviève, en vertu d'un règlement d'avaries ordonné par le juge des lieux; Attendu que, d'après les principes sur cette matière, et aux termes de la jurisprudence, le défaut d'arrivée de la chose assurée au port de la destination constitue pour l'assuré une véritable perte qui donne ouverture à l'action en délaissement; Attendu que le lieu, du reste, n'était point Valparaiso, mais Lima, ainsi que cela résulte clairement du contrat d'assurance; - Altendu que l'assurance sur vivres et avances a principalement pour objet de faire parvenir le navire au lieu de sa destination; — Que, si le navire n'y arrive pas, comme dans l'espèce actuelle, les espérances de l'assuré sont déçues, puisque les vivres et avances ne remplissent pas la condition sans laquelle les dépenses n'auraient pas été faites; Que, dès lors, lea assureurs sont tenus de payer les vivres et gages qu'ils ont voulu prendre à leurs risques; Attendu qu'en présence de la police, dont les termes viennent d'être rapportés, il est impossible d'accueillir la demande en diminution de l'assurance, sous le prétexte que les vivres et gages ont tout au moins fait parvenir le navire à Valparaiso ;- Qu'il est évident qu'une semblable exception est réfutée par les énonciations du contrat; - Par ces motifs, met l'appel au néant.

Da 1 juill. 4859 -C. de Bordeaux, 1 ch.-M. Dégranges, pr.

-

ralt aucune avarie, il n'y aurait pas, dans ce cas, perte des trois quarts, et par conséquent le délaissement ne pourrait avoir lieu. Ce serait le contraire s'il y avait eu trois polices: l'assuré yourrait délaisser les deux ballots perdus (Delvincourt, t. 2, p. 407).

le commerce ne s'était jamais plaint de cette disposition, que les parties sont libres d'ailleurs de modifier par une stipulation expresse.

2016. La présomption légale de la perte, établie par les art. 375 et 376, n'est nullement exclusive de la preuve contraire : c'est-à-dire que l'assureur est recevable à prouver que la perte est arrivée après le temps pour lequel il s'était chargé des risques (arg. de l'art. 1352 c. civ.).

2041. Bien qu'une certaine quantité de marchandises assurées soit divisée en séries indiquées dans la police d'assurance comme formant chacune un capital distinct, si, par suite d'avaries éprouvées en mer, le capitaine fait vendre, dans un port de relâche, plus des trois quarts de la totalité de ces marchandises, sans prendre soin de constater à quelles séries elles appartiennent, cette vente, ainsi faite en bloc, n'en constitue pas moins une perte de plus des trois quarts, autorisant le délaissement de la part de l'assuré (Bordeaux, 4 déc. 1843, assureurs C. Biosse). Dans tous les cas, ce défaut de constatation serait une négligence imputable au capitaine, et constituerait un fait de barate-tre cas, il fallait donner aux nouvelles le temps d'arriver.

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rie de patron dont, par suite, seraient responsables les assureurs qui ont pris ces sortes de dommages à leur charge (même arrêt).

2042. Il est sans difficulté qu'alors même que la police contiendrait la clause franc d'avaries, l'assuré, en cas de perte ou détérioration de plus des trois quarts des effets assurés, pourrait, s'il le jugeait à propos, exercer l'action d'avarie de préférence à l'action en délaissement (arg. de l'art. 409. M. Dageville, t. 3, p. 419).

2013. Délaissement en cas d'arrêt de la part du gouvernement (français). Diverses causes peuvent motiver l'arrêt de la part du gouvernement, notamment le besoin qu'il peut avoir des hommes ou des marchandises qui se trouvent sur le navire. Mais quel que soit le motif de cette mesure, elle ne donne ouverture au délaissement que lorsque l'arrêt a lieu après que le voyage assuré a commencé. Le temps des risques maritimes, les seuls dont répondent les assureurs, ne commence, à l'égard du navire, qu'au moment où il a mis à la voile : d'où il suit que l'arrêt du navire, fait avant le départ, n'est qu'un risque de terre qui ne tombe pas sous l'assurance. Mais lorsque l'assurance porte sur facultés, il suffit que les marchandises aient été chargées, bien que le navire ne soit pas encore parti, pour que l'arrêt de la part du gouvernement donne ouverture au droit de délaisser.

- La

2044. Délaissement en cas de défaut de nouvelles. perte d'un navire étant un événement qu'il n'est pas toujours possible de connaître d'une manière certaine, il a été nécessaire d'établir une présomption qui, après un certain temps écoulé sans qu'on ait reçu des nouvelles du bâtiment, équivaut à la preuve de la perte, et dispense l'assuré d'en rapporter des allestations; autrement on aurait rendu le contrat d'assurance moins fréquent et moins utile, au grand détriment du commerce maritime. De là les art. 375, 376 et 377 c. com., ainsi conçus : « Si, après un an expiré, à compter du jour du départ du navire ou du jour auquel se rapportent les dernières nouvelles reçues, pour les voyages ordinaires, après deux ans pour les voyages de long cours, l'assuré déclare n'avoir reçu aucune nouvelle de son navire, il peut faire le délaissement à l'assureur et demander le payement de l'assurance, sans qu'il soit besoin d'attestation de la perte (c. com. 375).- Dans le cas d'une assurance pour temps limité, après l'expiration des délais établis, comme cidessus, pour les voyages ordinaires et pour ceux de long cours, la perte du navire est présumée arrivée dans le temps de l'assurance (c. com. 376). — Sont réputés voyages de long cours ceux qui se font aux Indes orientales, à la mer Pacifique, au Canada, à Terre-Neuve, au Groënland et aux autres côtes et iles de l'Amérique méridionale et septentrionale, aux Açores, aux Canaries, à Madère, et dans toutes les côtes et pays situés sur l'Océan, au delà des détroits de Gibraltar et du Sund (c. com. 377). Tous autres voyages pour des lieux moins éloignés sont considérés comme voyages ordinaires. »-V. nos 74, 2160 el s. 2045. La loi fixe, comme on le voit, le terme après lequel la présomption de perte est acquise. Quelques tribunaux demandaient que le délai d'un an, pour les voyages du cabotage, fùt restreint à trois mois. Mais la nécessité de cet amendement n'a pas paru justifiée par l'expérience; l'ordonnance exigeait un délai d'un an pour tous les voyages ordinaires sans distinction, et

2047. Pour que cette présomption existe, il faut que ni l'assureur, ni l'assuré, ni aucun autre, n'ait reçu des nouvelles du navire. Si les assureurs en avaient reçu, qui, sans avoir une parfaite authenticité, seraient du moins très-vraisemblables, l'assuré ne serait pas fondé dans sa demande (M. Pardessus, n° 844). 2048. Le terme d'un an et de deux ans s'applique aux assurances limitées comme à celles illimitées; car, dans l'un et l'au

2019. Le délai court du jour du départ, ou du jour auquel se rapportent les dernières nouvelles reçues. - La circonstance que l'assurance aurait été faite depuis le départ du navire, n'empêcherait pas que le délai ne courût également du jour du départ, ou des dernières nouvelles (Delvincourt, t. 2, p. 414).

2050. On peut valablement faire assurer le navire, même après que, par l'expiration des délais fixés par l'art. 375, la présomption légale de la perte se trouve acquise, pourvu que l'assuré déclare dans la police la date précise des dernières nouvelles du navire. Dans ce cas, le délaissement ne peut avoir lieu qu'après un nouveau délai d'un ou deux ans, suivant la nature du voyage, à compter du jour de l'assurance (Émerigon, t. 2, p. 112; Dageville, t. 3, p. 464).

2051. Si, après avoir fait assurer son navire pour trois mois, du jour du départ, l'assuré n'en ayant, après ce terme, aucunes nouvelles, a fait de secondes assurances, et a ensuite délaissé le navire, après un an ou deux écoulés toujours sans nouvelles, la perte retombera exclusivement sur les premiers assureurs, sauf à ces derniers à prouver que le sinistre est arrivé quand les risques à leur charge étaient finis. La perte doit toujours retomber sur l'assureur dont la durée des risques n'était point encore terminée lors de la réception des dernières nouvelles (MM. Pardessus, loc. cit.; Dageville, t. 3, p. 466).

2052. Si l'assurance a été faite quelques jours après le départ du navire, avec la condition que les risques ne seraient à la charge des assureurs que du jour du contrat, la perte serait dans ce cas pour le compte de l'assuré, à moins qu'il ne proavat que le navire existait encore lors du contrat (Dageville, loc. cit.).

2053. Mais lorsqu'un navire, devant partir d'un pays étranger, a été assuré, en France, sur les dernières nouvelles qu'on en a reçues, et desquelles il résultait qu'il était alors au port de départ et prêt à appareiller, il y a lieu de présumer, en l'absence de nouvelles ultérieures, qu'il a péri après avoir mis à la voile, c'est-à-dire après le commencement des risques, alors, d'ailleurs, que s'il eût péri étant encore à l'ancre au lieu du départ, la nouvelle du sinistre n'aurait guère manqué d'être connue en France. C'est à l'assureur, intéressé à repousser cette présomption, à en détruire, s'il le peut, l'effet par une preuve contraire (Paris, 20 mai 1848, aff. Lanchon, D. P. 49. 2. 13).

2054. Le délai d'un ou de deux ans écoulés sans qu'on ait reçu de nouvelles du navire, équivalant à la certitude de la perte, il était naturel et juste que l'assuré fùt tenu, après ce temps, de se pourvoir contre les assureurs dans le même délai qu'il lui est enjoint de le faire lorsqu'il y a nouvelle de la perte, et cela sous la même peine de déchéance. Et, c'est aussi ce que décide, conformément à l'opinion de Valin, la disposition finale de l'art. 375, ainsi conçue: « Après l'expiration de l'an ou des deux ans, l'assuré a, pour agir, les délais établis par l'art. 373.

2055. Une fois le délaissement valablement fait, l'assureur ne pourrait se dispenser de payer, quand même le navire reviendrait avant le payement (c. com. 385). »

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