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nous-mêmes donné la préférence. Nous regrettons de ne pouvoir placer ici son arrêt sous les yeux du lecteur, mais nous aurons occasion de le rappeler et de le transcrire au mot Exception.

2295. Dans les pays où il est d'usage que les armateurs de navires, quoiqu'ils ne se soient obligés envers les affréteurs qu'à transporter les marchandises jusqu'à un port désigné, se chargent néanmoins, sans être munis d'un mandat formel à cet effet, de faire passer ensuite ces marchandises sur de nouveaux bâtiments, aux consignataires domiciliés dans un lieu plus éloigné que le port d'arrivée, ces armateurs doivent être considérés comme mandataires tacites des consignataires pendant le nouveau trajet des marchandises; en conséquence, en cas d'abordage et d'avaries de ces marchandises, les protestations par eux faites, conformément aux art. 435 et 436 c. com. suffisent pour conserver aux consignataires de la cargaison avariée leurs recours en dommages-intérêts contre les auteurs de l'abordage (Rennes, 3 août 1832) (1).

2296. Ainsi qu'on l'a déjà dit, les protestations et réclamations nécessaires pour écarter les fins de non-recevoir créées par l'art. 435, ne produisent cet effet, aux termes de l'art. 436, qu'au tant qu'elles ont été faites et signifiées dans les vingt-quatre heures et qu'elles ont été suivies, dans le mois de leur date, d'une demande en justice.

2297. Le délai de vingt-quatre heures dans lequel doit être faite la protestation, court du dernier moment de la livraison des marchandises, lorsqu'elle n'a pas lieu en un seul jour (Aix, 21 août 1845, aff. Browns, D. P. 46. 2. 165).

2298. En admettant que la réclamation exigée par l'art. 456 c. com. pût être suppléée par un rapport du sinistre fait devant le juge de paix, la déchéance est encourue, à défaut d'avoir signifié ce rapport dans les vingt-quatre heures (Rouen, 2 mars 1842, aff. Jeannin, V. no 2302).

2299. Toutefois, lorsque l'avarie est cachée et n'a pu être

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(1) Espèce:(Genevois C. Lemasne et Trattier.) - Des avaries considérables avaient été occasionnées à la gabare le Crépuscule, montant de Paimbœuf à Nantes, par l'abordage du navire l'Américain. Cette ga barre était chargée de marchandises provenant du navire la NouvelleBetty, dont Genevois était armateur. Celui-ci proteste dans les vingtquatre heures de l'événement. -Les chargeurs protestent, après, ainsi que le patron et les propriétaires de la gabarre. De là procès. Les armateurs et le capitaine du navire l'Américain, assignés par les chargeurs et les propriétaires de la gabare le Crépuscule, en payement des dommages-intérêts, résultant de l'abordage, opposent à cette demande deux fins de non-recevoir tirées, la première de ce que les demandeurs n'ont pas protesté dans les vingt-quatre heures aux termes de l'art. 456 La seconde, de ce que le capitaine de l'Américain doit être déchargé de toute responsabilité des événements, puisqu'il avait à son bord un pilote côtier, par lequel il se trouvait légalement remplacé dans la conduite du navire.

c. com. ;

Jugement du tribunal de commerce de Nantes qui rejette ces пns de non-recevoir par les motifs suivants : « Sur la fin de non-recevoir tirée des art. 434 et 436 c. com.: Considérant que, de l'aveu de toutes les parties, l'abordage imputé au navire l'Américain par les consignataires des marchandises venant par le navire la Nouvelle-Betty, transportées sur la gabare le Crépuscule, no 12, patron Tout-Blanc, a eu lieu le dimanche 21 août 1830, vers quatre heures du soir;-Que, dès le lendemain 22, le patron Tout-Blanc avait fait sa déclaration d'avaries au greffe du tribunal de commerce; que le même jour, 22 août, A. Genevois, armateur de la Nouvelle-Betty, avait fait à Lemasne et à Trattier fils, armateurs du navire l'Américain, et au capitaine Foucault, commandant ledit navire, une protestation en forme relativement au dommage résultant de cet événement, et protestant contre tout ce qui est à protester; Considérant que si A. Genevois doit être, dans les circonstances de la cause, considéré comme le mandataire au moins tacite des consignataires, l'effet de la protestation par lui faite devra leur profiter; Considérant, sur ce point, que l'usage établi sur la place de Nantes est que l'armateur du navire, lors même qu'il ne doit sa marchandise qu'à Paimbœuf, se charge néanmoins d'envoyer cette marchandise aux consignataires à Nantes; qu'à cet effet, et sans avoir besoin de demander leur consentement, il frète des gabares aux frais des consignataires, choisit les gabariers, les met en œuvre, transborde la marchandise, sans en donner connaissance aux consignataires, et continue ainsi la gestion de la marchandise jusqu'à destination à Nantes; que c'est ainsi que A. Genevois avait agi pour les marchandises mises à bord de sa gabare n° 12, et que son mandat tacite équivalait, aux termes de l'art. 1372 c. civ., à un mandat exprès, lui donnait le droit et lui imposait même le devoir de protester dans les intérêts des consignataires, et de gérer leur affaire et les dépendances jusqu'à ce qu'ils

aperçue de suite, les tribunaux peuvent admettre la protestation tardive. La fraude, dans ce cas, est facilement présumée (Valin, sur l'art. 6, tit. 12, liv. 1; Delvincourt, 2, 192). — Il a été jugé en ce sens que le réclamateur ou l'assuré n'est tenu de protester dans les vingt-quatre heures de la réception des marchandises, qu'autant que, par cette réception, il a été mis dans la possibilité de connaître l'avarie qui est l'objet de cette protestation; dans le cas contraire, le délai de vingt-quatre heures ne court qu'à partir du moment où l'avarie a pu être découverte (Rouen, 30 janv. 1843, aff. Lemaitre, V. no 2279).

2300 En cas d'abordage, si le sinistre est arrivé dans un lieu où le capitaine n'a pu agir, par exemple, en route, ce qui est rare, le délai, pour faire la réclamation, doit courir du moment de l'arrivée (Delvincourt, t. 2, p. 281).

2301. La disposition qui fait courir le délai de vingt-quatre heures du moment où le capitaine a pu agir, peut-elle, en cas d'abordage, être entendue en ce sens que le capitaine du navire victime de l'abordage ne doive être considéré comme ayant eu la possibilité d'agir qu'après la clôture de son rapport, alors d'ailleurs que ce rapport a lui-même été commencé dans les vingtquatre heures, conformément aux art. 242 et 246 c. com. ? L'affirmative a été admise par le tribunal de Livourne, dans le procès ci-dessus mentionné du Mongibello; et nous nous sommes également prononcé dans le même sens, par les motifs suivants:

Le délai dans lequel le capitaine doit faire et notifier sa protestation est si court et la déchéance qui résulte du plus léger retard si rigoureuse, que la possibilité d'agir, qui est d'ailleurs la condition essentielle des plus longues prescriptions, doit être pleine et entière et ne laisser aucune espèce d'incertitude. C'est là une première vérité que personne ne voudra contester. D'un autre côté, les art. 242 et 246 c. com. imposent au capitaine l'obligation de faire son rapport, devant le juge du lieu, dans les vingt-quatre heures de son arrivée, et de faire vérifier ce rap

puissent le faire eux-mêmes;-Que ces consignataires peuvent donc, à bon droit, invoquer en leur faveur la protestation signifiée par M. A. Genevois; qu'enfin, ils ont eux-mêmes protesté aussitôt qu'ils l'ont pu faire, c'està-dire les 23 et 24 août, et qu'ils ont par là ratifié le mandat tacite légalement imposé à Genevois; Considérant qu'il importe peu que le patron de la gabare n'ait point signifié de protestation le 22, puisque ce patron n'était que l'agent de A. Genevois, que le mandant a toujours le droit d'agir à défaut du mandataire, et que A. Genevois, ayant protesté, a rempli, au profit des consignataires, le vœu de la loi; d'où il suit que cette première fin de non-recevoir est mal fondée;

Sur la deuxième fin de non-recevoir, tirée de la présence à bord du navire l'Américain d'un pilote lamaneur: - Considérant qu'en principe, l'armateur est responsable du fait des préposés à la conduite du navire; que cette responsabilité a lieu, bien que ces préposés ne puissent être choisis que dans une certaine classe d'hommes reconnus capables par l'autorité et reçus par elle; - Que, notamment, bien que le capitaine au long cours ne puisse être choisi par l'armateur que parmi les individus légalement reconnus capitaines, l'armateur ne répond pas moins des faits et fautes de celui qu'il emploie ; - Considérant qu'il y a parité de raisons à rendre l'armateur responsable du fait du pilote lamaneur; que, si l'autorité a, par mesure de prudence et de police, investi un certain nombre de marins de la charge spéciale de diriger les navires dans la navigation périlleuse de l'entrée des rivières, ces hommes, lorsqu'ils sont employés par l'armateur ou par son capitaine lui-même, deviennent les préposés de l'armateur; - Qu'en supposant que le ministère de ces pilotes lamaneurs fùt forcé, cette mesure de précaution, prise par l'autorité dans l'intérêt bien entendu de l'armement et pour le garantir des suites de l'inexpérience probable du capitaine dans la navigation de l'entrée des rivières, ne saurait être retournée contre les tiers auxquels le navire aurait fait dommage, pendant la présence à bord du pilote lamaneur, et que pourtant cet inconvénient existerait, si ces tiers n'avaient plus en ce cas d'action que contre les pilotes, qui ne sont pas ordinairement fortunés;

Qu'il est même inexact de dire que le ministère du pilote soit forcé dans les rivières, et qu'il ait seul la direction du navire, puisque, d'une part, l'art. 34 du décret du 12 déc. 1816 permet au capitaine de a'en point prendre, sauf sa resposabilité envers l'armateur; puisqu'en second lieu, l'art. 33 du même décret lui permet de choisir; et enfin parce que ce pilote n'agit que sous la surveillance du capitaine, lequel à droit de lui faire des remontrances, et d'arrêter sa manœuvre, si elle est évidem ment mauvaise ; — Il suit de tout ce qui précède que la deuxième fa de non-recevoir est aussi mal fondée. » Appel.

LA COUR;

-

Arrêt.

Adoptant les motifs des premiers juges, confirme. Du 3 août 1832.-C. de Rennes.

DROIT MARITIME.-CHAP. 9, SECT. 2.

port par ceux de son équipage qui se sont sauvés avec lui; et
Part. 247 ajoute « que les rapports non vérifiés ne sont point
admis à la décharge du capitaine et ne font pas foi en justice,
excepté dans le cas où le capitaine naufragé s'est sauvé seul dans
le lieu où il a fait son rapport. » D'après ces articles, personne
ne voudra contester non plus qu'en cas de naufrage, le premier
soin, comme le premier devoir du capitaine, ne doive être de se
présenter devant le juge pour faire son rapport et de le faire vé-
rifier par les gens de son équipage et les passagers qui sont avec
lui; et quand le naufrage a eu pour cause un abordage, on ne
saurait qu'applaudir à la sagesse du capitaine qui ne se borne
pas à faire entendre les passagers de son navire, mais qui fait
encore interroger les passagers du navire dont la rencontre a
causé le naufrage. Or, à nos yeux, il est raisonnable et juste
de ne considérer le capitaine comme en mesure d'agir et de no-
tifier sa protestation qu'à partir du moment où il a terminé son
rapport devant le juge, parce que ce rapport qu'il doit signer,
pour la vérification duquel il doit sans le moindre retard appeler
et faire entendre des gens de mer et des passagers qui seront
promptement dispersés, et dont la rédaction peut incessamment
demander des explications, exige nécessairement sa présence
jusqu'à l'instant de sa clôture. Si donc il arrive que ce rapport,
qui doit se faire dans les vingt-quatre heures, ne se termine que
plus tard, il faut dire que les vingt-quatre heures accordées au
capitaine pour signifier les protestations exigées par les art. 435
et 436 ne commencent à courir que dès ce moment, parce que
c'est alors seulement que le capitaine jouit de la pleine et entière
liberté d'agir, qui seule peut être le point de départ de la dé-
chéance établie par ces articles. Dira-t-on que, dans ce sys-
téme, le délai de vingt-quatre heures accordé par les art. 435 et
456 c. com. pourrait se trouver indéfiniment prolongé, s'il arri-
vait que ce rapport du capitaine ne fût pas fait immédiatement
après le naufrage, comme cela peut avoir lieu en cas de relâche
forcée ou de naufrage. La réponse est bien simple. Nous n'ad-
mettons pas que le rapport puisse devenir le point de départ du
délai de vingt-quatre heures établi par les art. 435 et 436, lors-
que ce rapport n'a pas été commencé dans ce même délai de
vingt-quatre heures fixé par l'art. 242, parce qu'il y aurait alors
une extension arbitraire du délai accordé pour réclamer. Mais on
ne sort pas de ce délai, en lui assignant pour point de départ un
acte qui doit avoir lieu dans les vingt-quatre heures de l'arrivée
du capitaine, car la liberté d'action qu'exige l'art. 435 ne peut
exister réellement qu'après l'accomplissement de ce premier
devoir. On a cbjecté que l'obligation de dresser le rapport de
mer n'était pas tellement impérieuse que le capitaine ne pût re-
tarder ou interrompre ce travail une heure, temps suffisant pour
signifier la réclamation. Mais cette objection n'a point touché la
cour de Florence qui, sur ce point encore, nous a donné gain de

cause.

2302. Du reste, il a été jugé, et, ce nous semble, avec raison, que le capitaine qui a souffert un dommage par abordage, n'est pas réputé n'avoir pu agir dans le sens de l'art. 435 c. com., et, par suite, n'est pas relevé de la déchéance prononcée

(1) Espèce :- (Jeannin C. Doucet.) - Le 18 juill. 1841, le navire du capitaine Jeannin fut abordé et coulé bas, devant Quillebeuf, par le navire du capitaine Doucet. Jeannin ne forma de demande contre Doucet que le 16 août suivant. Sur la fin de non-recevoir opposée par Doucet, et tirée de ce que Jeannin n'avait pas observé les délais fixés par les art. 455, 436 c. com., celui-ci répond qu'il a été dans l'impossibilité d'agir; qu'en effet, le sinistre étant arrivé un dimanche, il n'avait pu charger un huissier de faire une signification; que, ce jour-là, lui-même ayant été jeté à l'eau lors de l'abordage, avait été obligé de soigner sa personne, et qu'aussitôt après s'être un peu remis de sa chute, il avait dù s'occuper du sauvetage de son navire; que le lendemain 18, il n'avait pas non plus été possible de faire les significations utiles; car Doucet avait quitté Quillebeuf dès neuf heures du matin, et par suite le demandeur n'avait pas eu le temps de faire la recherche d'un huissier, puisqu'il n'y on a pas de résidant à Quillebeuf; qu'il n'avait donc pu faire de protestation à Doucet dans les vingt-quatre heures de l'abordage, et qu'en adressant sa réclamation au parquet du procureur du roi aussitôt son arrivée à Rouen, lieu de sa destination, il avait agi pour le mieux et ausant qu'il pouvait le faire, ignorant la demeure de Doucet.

21 oct. 1841, jugement du tribunal de commerce de Pont-Audemer, - Attendu que toute action pour inqui déclare Jeannin non recevable:

par l'article suivant, par le motif que l'abordage a eu lieu un jour férié, et sur un point où il ne se trouvait pas d'huissier pour recevoir et signifier sa déclaration, s'il en existait à des résidences peu éloignées (Rouen, 2 mars 1842) (1).

2303. Les questions que nous venons d'examiner ci-dessus ne sont pas les seules qui aient été agitées dans l'importante affaire du Mongibello; on y a aussi débattu des questions de compétence assez graves, dont quelques-unes se rattachent à la ma tière qui nous occupe. Dans l'espèce, le bateau à vapeur le Mongibello, venant de Livourne et se dirigeant vers Civita-Vecchia et Naples, avait heurté, dans la nuit du 17 au 18 juin 1841, le bateau à vapeur le Pollux, qui venait de Naples et se dirigeait sur Livourne, Gênes et Marseille. Cet abordage eut lieu dans le détroit de Piombino, et fut si violent que le Pollux fut immédiatement envahi par les eaux et qu'on eut à peine le temps de recueillir à bord du Mongibello les passagers et les marins du Pollux. Le Mongibello retourna à Livourne et y débarqua ses propres passagers, ainsi que les passagers de l'équipage du Pollux, puis, ses avaries réparées, il quitta le port de Livourne le 19 juin. Ces faits ont fait naître, entre autres questions, celles de savoir: 1° si l'action en indemnité exercée par la compagnie sarde, propriétaire du Pollux, contre la compagnie napolitaine, propriétaire du Mongibello, était de la compétence des tribunaux toscans, à raison de ce que cette action dérivait d'un abordage, c'est-à-dire d'un quasi-délit arrivé dans les eaux territoriales du grand-duché de Toscane; 2° si, du moins, la compétence de ces tribunaux, et particulièrement de celui de Livourne, ne résultait pas de cette circonstance que Livourne était le port de déchargement ou au moins le premier port où l'équipage et les marins du Pollux étaient arrivés après la perte de leur navire. Voici sur cette double question l'opinion que nous avons émise, opinion conforme au jugement du tribunal de Livourne, du 16 août 1842, et sanctionné depuis par la cour de Florence :

<< Personne n'ignore, avons-nous dit, le principe de droit international d'après lequel la souveraineté d'un État dont le territoire est baigné par la mer, s'étend du rivage jusqu'à la portée du canon. Mais dans quel sens le droit des gens a-t-il admis cette restriction au principe éternel de la liberté des mers? Cette extension de territoire que les peuples se sont donnée sur un élément qui échappe par sa nature à la possession de l'homme, a certainement pour objet un intérêt de défense, de navigation, de commerce et de police. Ainsi, un État a le droit de s'opposer à tout établissement militaire qui se formerait dans ses eaux territoriales; il protége, contre toute agression, les bâtiments qui naviguent dans ces eaux; il peut y exercer une inspection douanière; il devient juge des délits qui s'y commettent comme s'ils se commettaient sur son territoire ferme. Mais là s'arrête cette juridiction. Elle ne s'étend pas aux contrats, aux quasi-contrats et même aux quasi-délits, à moins que ces contrats, quasi-contrats et quasi-délits n'intéressent des nationaux. Encore faudraitil une disposition légale analogue à celle qui est écrite dans l'art. 14 c. civ., qui permet aux regnicoles de citer les étrangers devant les tribunaux français. Entre étrangers, il en est des con

que

demnité, par suite de dommages causés par l'abordage d'un navire dans
un lieu où le capitaine a pu agir, doit être précédée d'une réclamation
faite et signifiée dans les vingt-quatre heures, à partir de l'événement;
qu'à cet égard, les dispositions des art. 455 et 436 c. com. sont formelles
l'événement
et impératives; - Attendu qu'il est constant, en fait,
dont le capitaine Jeannin est victime a eu lieu à Quillebeuf, à environ
100 mètres du quai, le 18 juillet dernier, de huit à neuf heures du ma-
tin, et que, par conséquent, le capitaine Jeannin aurait pu facilement
agir dans le délai imparti par la loi, le capitaine Doucet, à l'imprudence
duquel Jeannin attribue l'événement, ayant relâché à Quillebeuf, et r.'en
étant reparti que le lendemain 19 juillet, de neuf à dix heures du matin;
Attendu qu'en admettant comme réclamation suffisante le rapport fait
par Jeannin devant le suppléant du juge de paix de Quillebeuf, le 18
juillet, jour du sinistre, cette pièce ne peut néanmoins empêcher la dé
chéance prononcée par l'art. 456; car elle n'a pas été signifiée au capi-
taine Doucet dans les vingt-quatre heures, ce qui eût pu avoir lieu, puis-
qu'il existe deux huissiers dans le canton de Quillebeuf, et que Pont-
Audemer n'est distant de cette localité que d'environ un myriamètre et
Appel. Arrêt.
confirme.
LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges,
Du 2 mars 1842.-C. de Rouen, 1 ch.-M. Renard, pr.

demi.

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ats qui se forment et des quasi-délits qui peuvent se commettre ans la mer internationale d'un État, comme des contrats passés et des quasi-délits commis sur le territoire même de cette nation; on rentre dans le droit commun et sous l'empire de la règle générale de compétence actor sequitur forum rei. Ce n'est donc pas sur le principe qui vient d'être rappelé que paraît pouvoir se fonder la compétence du tribunal de Livourne.

2304. » Mais cette compétence des tribunaux toscans ne réulte-t-elle pas de ce fait que le port de Livourne a été le port de déchargement du Pollux, ou du moins le premier port où ont déoarqué le capitaine, l'équipage et les passagers du Pollux et du Mongibello lui-même, immédiatement après le sinistre?... En fait, le port de Livourne, où le capitaine, l'équipage et les passagers du Pollux sont arrivés immédiatement après leur naufrage, n'était pas plus le port de destination du Pollux que du Mongibello, puisque la navigation de ces deux navires est la même, le service de Naples à Marseille et de Marseille à Naples, en touchant les ports intermédiaires de Gènes, Livourne et Civita-Vecchia. On ne peut regarder comme ports de destination que les deux points extrêmes de la navigation, parce que c'est là que se termine réellement le voyage. Cela paraît incontestable dans les cas ordinaires; mais dans le cas particulier, où le Pollux a péri, ne doit-on pas regarder comme port de déchargement le lieu où le capitaine, l'équipage et les passagers ont été obligés de débarquer par suite de la perte du navire qui devait les conduire plus loin? Nous ne saurions en faire un doute, et notre opinion est aussi celle des auteurs qui se sont occupés du droit maritime. Tous regardent comme le lieu du déchargement celui où, par un événement de force majeure, se termine la navigation. C'est l'observation de M. Piantanida, auteur italien, qui dit, dans son ouvrage intitulé: Jurisprudence maritime, que l'action d'abordage doit être intentée devant le tribunal du port de destination ou de tout autre lieu où on a été obligé de décharger le navire après le sinistre, ed in qualcunque altro in cui sia stato obligato scaricare dopo il sofferto sinistro. M. Pardessus dit aussi, dans son Cours de droit commercial (t. 3, p. 226, no 746), en parlant de la contribution, « que le capitaine dresse l'état des pertes au lieu du déchargement, qui est ou celui de la destination ou celui dans lequel, par suite d'une rupture ou raccourcissement forcé du voyage, il termine sa navigation. » Il est vrai que ces auteurs semblent supposer que le navire existe encore, tandis que le Pollux n'existe plus qu'au fond de la Méditerranée. Mais le déchargement ne s'entend pas seulement des marchandises, on doit l'entendre aussi des passagers et de l'équipage; même en cas de naufrage, on peut avoir sauvé quelques débris de la cargaison et du navire. D'ailleurs, le débarquement doit être, en pareil cas, assimilé au déchargement. Nous n'hésitons donc pas à regarder Livourne comme le lieu du déchargement du Pollux.

2305.» Mais là n'est pas la difficulté; elle réside dans le point de savoir si, en droit, il est vrai de dire que le tribunal du lieu du déchargement du navire victime de l'abordage soit compétent pour connaître de l'action en réparation du dommage causé, ou si du moins on doit regarder comme tribunal compétent celui du premier port où aborde le navire après le sinistre? Les auteurs et la jurisprudence s'accordent à reconnaître le principe de la juridiction territoriale pour l'action d'abordage; mais ils distinguent le tribunal du lieu du déchargement, celui du lieu où le navire est d'abord arrivé après le sinistre, et le tribunal le plus voisin du lieu où est survenu le sinistre. Ainsi M. Piantanida, jurisconsulte italien, déjà cité, assimilant l'action d'abordage à l'action d'avaries, enseigne, sans autre développement, que cette action | est de la compétence du port du tribunal où devait se faire le Méchargement, ou de celui du lieu où l'on a été obligé de décharger le navire après le sinistre. M. Pardessus attribue compétence au tribunal du premier port où le navire est arrivé après sinistre. Enfin, un arrêt de la cour de Rouen, du 24 nov. 1840, aff. Potel, vo Compét. com., no 515, regarde comme compétent le tribunal le plus voisin du lieu du sinistre.

2306. Le code de commerce ne contient de dispositions expresses sur la compétence que relativement à la contribution en cas de jet, qu'il attribue, par ses art. 414 et 416, au tribunal du lieu du déchargement. C'est par analogie qu'un usage général et constant, qui a toute l'autorité de la loi en matière commerciale, où

l'usage supplée si souvent au silence de la loi, a fait admettre que le règlement d'avaries et toutes les actions qui s'y rattachent, comme aussi les actions relatives au payement du change maritime, doivent être portées devant le même tribunal du lieu du déchargement du navire, et cela sans distinction entre les étrangers et les nationaux, sans distinction aussi entre les actions réelles et les actions personnelles. Pourquoi cette compétence globe? C'est, au dire de tous les auteurs qui se sont occupés de territoriale qu'ont acceptée tous les peuples commerçants du ces matières, parce que le règlement des avaries que le navire a éprouvées dans le cours du voyage ne peut se faire qu'au lieu où finit le voyage; comme aussi il est naturel que le payement contraire, au lieu où cesse le risque, puisque c'est alors que la du change maritime se fasse, lorsqu'il n'y a pas de convention créance devient exigible. On suppose que ceux qui prennent intérêt à une expédition maritime ont d'avance consenti à se soumettre à cette juridiction, parce qu'elle est indiquée par la nature des choses et qu'elle est dans l'intérêt de tous. Il peut se faire, sans doute, que le tribunal du lieu du déchargement soit étranger à toutes les parties; mais cette neutralité, quand il s'agit d'appliquer des règles qui sont à peu près les mêmes partout, n'a rien d'inquiétant pour la justice dont, sous un autre rapport, elle garantit l'impartialité. Et s'il arrivait, par hasard, que le navire fût jeté sur les côtes d'un peuple encore à l'état de barbarie, ou sur le sol inhospitalier de quelque tribu nomade, on ception à la règle; c'est le tribunal du port de la destination pricomprend assez que ce cas, nécessairement très-rare, ferait exmitive qui serait alors compétent. Or, sans vouloir établir une complète analogie entre l'abordage et les contrats ou quasi-contrats dont on vient de parler, on ne peut disconvenir cependant qu'il y a les mêmes raisons d'attribuer la connaissance de l'action d'abordage au tribunal du port de déchargement. C'est là que tous les intérêts relatifs aux avaries doivent être réglés, et on ne voit pas pourquoi on n'y porterait pas l'action d'avarie qui peut résulter du fait d'abordage et au jugement de laquelle est suborchargeurs des deux navires. Ensuite, nulle part on n'aura plus donné le règlement définitif des avaries entre les propriétaires et d'éléments propres à apprécier les circonstances de l'abordage et l'étendue du dommage causé; car, c'est là que le capitaine aura dû faire, en arrivant, son rapport prescrit impérieusement par les art. 242, 245 et 246; c'est là qu'il aura dû raconter au juge toutes les circonstances du sinistre; c'est là qu'on aura pu entendre les dépositions de l'équipage et des passagers; c'est là qu'il aura notifié sa protestation, aux termes des art. 435 et 436; c'est là enfin que se trouve le navire, sous les yeux mêmes des magistrats. Là sont, dès lors, réunies toutes les conditions et toutes les garanties d'une bonne justice. L'intérêt du commerce maritime parle aussi haut en faveur de cette compétence, que dans les autres cas pour lesquels la loi et l'usage l'ont consacrée; on doit donc approuver la doctrine et la jurisprudence qui assimilent d'avaries; ou, pour mieux dire, cette doctrine et cette jurisprusous ce rapport l'action d'abordage à l'action de contribution et dence attestent que l'usage dont on vient de parler s'applique indistinctement à ces différentes actions qu'il soumet à une règle uniforme de juridiction territoriale. On peut objecter, il est vrai, que si cette juridiction est facile à justifier, dans le cas où l'abordage n'aura occasionné qu'une simple avarie à raison de laquelle le capitaine sera déchu de toute action, d'après les art. 435 et456, s'il n'a réclamé dans les vingt-quatre heures, dès le moment où il dage a causé la perte entière du navire, si l'on décide que, dans a pu agir, il est plus difficile de l'admettre pour le cas où l'aborce cas, les art. 435 et 436 ne sont pas applicables et que l'action rentre dans le droit commun. Nous ne nous dissimulons pas, en effet, qu'il peut paraître grave d'attribuer juridiction au tribuna! du lieu du déchargement du navire pour une action qui peut dudurée légale que l'action d'abordage pourrait avoir dans le cas rer trente ans. Mais, d'une part, il ne faut pas s'effrayer de la extraordinaire et rare de perte entière du navire, car, dans ce cas même, on sent bien qu'une réclamation n'a chance de réussite, qu'autant que l'action suit de très-près le sinistre. D'un autre côté, la plupart des motifs sur lesquels se fonde cette comimpossible de soumettre le jugement de l'action d'abordage à une pétence territoriale sont applicables à tous les cas; et il semble

furidiction différente, suivant que l'abordage n'aura causé que quelques avaries ou selon qu'il aura occasionné la perte totale du navire. Les développements qui précèdent montrent assez que, dans notre opinion, c'est au tribunal du port du déchargement, soit que le navire parvienne à sa destination, soit que des événements de force majeure contraignent le capitaine et l'équipage à débarquer dans un autre port, qu'il appartient de prononcer sur l'action d'abordage, de préférence au tribunal du premier port que touche le navire, ou de celui du lieu le plus voisin du sinistre. Diverses raisons graves peuvent empêcher le capitaine de se rendre dans le port le plus voisin du lieu du sinistre; et d'ailleurs, cette compétence ne se fonderait sur aucune analogie légale. Ce dernier motif s'oppose également à la compétence du tribunal du premier port où arrive le navire, d'autant que ce serait laisser au capitaine du navire endommagé le choix arbitraire du juge auquel il lui conviendrait de soumettre sa réclamation. Ces considérations ne nous permettent pas d'adopter la doctrine de M. Pardessus, ni celle de l'arrêt de la cour de Rouen, rendu toutefois dans une espèce où le tribunal le plus voisin du sinistre était aussi le tribunal du port de déchargement, ce qui peut faire supposer que la cour d'appel a parlé indifféremment tantôt du port de déchargement, tantôt du lieu le plus voisin du sinistre. >> Contrairement à cette doctrine, M. Duvergier, dans la consultation ci-dessus citée, a soutenu qu'il n'y avait ni texte formel, ni même analogie sérieuse qui fit fléchir, en matière d'abordage, le principe général d'après lequel tout défendeur doit être assigné devant les juges de son domicile; que si les art. 414 et 416 c. com., attribuent juridiction, pour le règlement des avaries communes, au tribunal du lieu du déchargement, c'est parce que ceux qui prennent intérêt à une expédition maritime sont réputés avoir consenti d'avance à se soumettre à cette juridiction, laquelle est indiquée par la nature même des choses; mais que cette raison ne s'applique point au cas d'abordage; qu'on ne peut, en effet, supposer une convention tacite entre les arma

(1) Espèce: (L'admin. de la marine C. Noël et autres.) — La galiote hollandaise, capitaine Kramer, était à Blaye, lorsqu'au mois de nov. 1832, l'embargo fut mis sur les navires hollandais. L'administration de la marine mit à bord un pilote, sous le commandement duquel la galiote fit voile pour Bordeaux. Pendant le voyage, ce navire aborda et coula bas le bateau conduit par Noël dit Feuilhas; le lendemain de ce sinistre, le marinier Noël assigna le capitaine Kramer.-Mais le tribunal de commerce rejeta ses demandes, par le motif que, privé du commandement de son navire par le pilote préposé, le capitaine ne pouvait être responsable des événements du voyage.

Garrigou et Dubreuil, expéditeurs, assignent Noel en remise ou en payement de la valeur des vins qui lui avaient été confiés. Noël appelle en garantie l'administration de la marine, et demande, en outre, contre elle, le payement du prix du navire naufragé. Celle-ci soutient que ce recours n'est point recevable, aux termes des art. 435 et 436 c. com. ; qu'on ne peut se prévaloir de l'action contre Kramer, puisqu'elle avait été déclarée nulle, comme dirigée contre une personne sans qualité; enfin, qu'au fond, le sinistre était le résultat d'un abordage fortuit, et devait, aux termes de l'art. 407 c. com., être supporté par celui qui l'a éprouvé. Jugement qui rejette les prétentions de l'administration, et la condamne au fond. Appel, et le 31 juillet 1833, arrêt confirmatif de la cour de Bordeaux, ainsi conçu: «Attendu que le capitaine a un mandat légal pour exercer, pendant le voyage, les actions relatives au navire qu'il commande, ainsi que pour y défendre;- Attendu que si, par l'effet de l'embargo, le capitaine n'était plus responsable de la conduite de son navire, puisqu'un pilote avait été placé à son bord par l'administration de la marine, il en résulte que cette administration est devenue responsable du fait de son préposé, mais que cette circonstance n'a pas privé le capitaine de sa qualité, ni préjudicié à la validité des actes que les tiers jui ont adressés de bonne foi; - Attendu que le sinistre est arrivé le 14 nov. 1832; que, le lendemain, Noël dit Feuilhas a fait sa déclaration et formé sa demande contre le capitaine, et que, par là, il a satisfait, autant qu'il était en lui, aux dispositions des art. 435 et 456 c. com. ; Attendu qu'en admettant que le jugement du 21 nov. 1852 dùt obliger Noël dit Feuilbas à former sa réclamation contre l'administration de la Inarine dans les délais prescrits par les art. 455 et 456 c. com., ce jugement ne pouvait avoir cet effet qu'autant qu'il lui aurait été signifié, et qu'il a assigné l'administration, le 12 déc. 1832, avant qu'il en ait été fait aucune signification; - Adoptant au fond les motifs donnés par le tribunal de commerce, met l'appel au néant. »>

Pourvoi de l'administration de la marine. — On a soutenu pour elle que la signification de la demande en indemnité pour cause d'abordage, bien qu'adressée dans les délais prescrits par les art. 455 et 436 c. com.,

teurs des deux navires qui s'abordent, qui se heurtent par hasard, à l'effet de faire régler les suites du sinistre par la juridiction du lieu de déchargement de l'un d'eux; qu'il n'est point d'ailleurs de l'intérêt des armateurs qu'en pareil cas la contestation soit jugée par le tribunal du lieu du déchargement ; qu'il arriverait souvent que, d'une part, les armateurs du navire auquel le sinistre serait imputé ne pourraient se défendre, parce que personne ne les représenterait sur les lieux; et que, d'autre part, le capitaine du navire abordé ne pourrait exercer son action, puisqu'il ne trouverait personne à qui faire les significations prescrites par les art. 435 et 436; et qu'enfin, en admettant même qu'il y eût utilité pour le navire qui se plaint de l'abordage à saisir le tribunal du lieu de son chargement, cela ne serait point suffisant pour attribuer juridiction à ce tribunal, puisqu'en matière de compétence c'est l'intérêt du défendeur, non celui du demandeur, que l'on doit préférer (arg. de l'art. 59 c. pr.). Ainsi que nous l'avons déjà dit, cette dernière opinion n'a point prévalu; condamné en première instance par le tribunal de Livourne, elle l'a été également en appel par la cour supérieure de Florence.

2307. Lorsqu'au moment où un abordage a eu lieu, l'un des navires se trouvait dirigé par un pilote lamaneur, par suite d'un embargo mis par le gouvernement, il suffit que l'action en indemnité pour dommage ait été formée dans les vingt-quatre heures contre le capitaine de ce navire, de bonne foi et dans l'ignorance de l'embargo, pour que le recours contre l'administration de la marine soit conservé, et que la citation en justice à elle donnée dans le mois ne puisse être déclarée non recevable, sous le prétexte qu'on ne lui aurait pas signifié la demande en indemnité dans les vingt-quatre heures du sinistre, ni même dans les vingt-quatre heures du jugement qui avait déclaré non recevable l'action formée contre le capitaine (Req., 19 mars 1834) (1).

2308. Par la demande en justice qui doit être formée dans était de nul effet quant à l'administration, puique Kramer, capitaine, dépouillé du commandement de la galiote hollandaise, ne pouvait la représenter; que c'était donc directement contre l'administration que la réclamation dans les vingt-quatre heures du sinistre devait être dirigée; que vainement la cour de Bordeaux invoquait la bonne foi de Noël, fondée sur l'ignorance de l'incapacité de Kramer; que du moins cette bonne foi avait dû cesser à l'époque du jugement du 21 nov. 1832, qui le déboutait de son action en indemnité contre ce dernier; qu'à partir de ce jour, et dans les vingt-quatre heures du jugement, la réclamation devait être signifiée à l'administration; que celle-ci n'avait nullement besoin de notifier cette décision à Noël, pour deux motifs: 1° parce que l'événement seul du sinistre l'avait mis suffisamment en demeure; 2° parce qu'elle n'y était pas partie. — Arrêt. LA COUR; Attendu, en droit, que sont non recevables toutes actions en indemnité pour dommages causés par l'abordage, dans un lieu où le capitaine a pu agir, s'il n'a point fait et signifié de réclamation dans les vingt-quatre heures, et si, dans le mois de sa date, celte même réclamation n'a pas été suivie d'une demande en justice (art. 435 et 436 c. com.); Et attendu qu'il est constant et reconnu, en fait, par l'arrêt attaqué, que l'abordage du bateau du capitaine Noel dit Feuilhas par la galiote le Félix du capitaine hollandais Kramer est arrivé le 14 nov. 1832; que le lendemain 15, et ainsi dans les vingt-quatre heures du si nistre, Noël a fait sa réclamation contre le capitaine hollandais Kramer; qu'enfin, le 12 décembre suivant (1832), et ainsi dans le mois de sa réclamation, Noël a intenté sa demande en justice contre l'administration de la marine, demanderesse en cassation, et cela après que, par jugement du 21 novembre (1822), le même Noël avait été débouté de sa demande en indemnité par lui portée contre le capitaine hollandais Kramer, par le motif que l'administration de la marine avait mis l'embargo sur le navire hollandais, et qu'elle y avait mis à bord un pilote lamaneur qui le dirigeait au moment de l'abordage; - Que, dans ces circonstances, en écartant la fin de non-recevoir proposée par l'administration de la marine contre l'action en indemnité dirigée contre elle par le capitaine Noël, l'arrêt attaqué a fait une juste application des art. 435 et 436 c. com.; Attendu que c'est à tort que l'administration de la marine a prétendu que c'était à elle-même, et non pas au capitaine hollandais Kramer, que le capitaine Noël aurait dù signifier sa réclamation le lendemain du sinistre; En effet, il est constant et reconnu, en fait, par l'arrêt attaqué, que c'est l'administration de la marine qui, à la suite des ordres supérieurs, a mis l'embargo sur le navire hollandais; que le capitaine Noël, toujours étranger à cet embargo, n'en pouvait connaître ni le fait ni les conséquences; que, malgré cot embargo, le capitaine hollan dais Kramer n'avait pas été privé de sa qualité; que c'est de bonne fo

le mois de la signification des protestations faites conformément aux art. 435 et 436, il ne faut pas entendre une demande formée devant le tribunal de commerce, à l'effet de faire nommer des experts pour évaluer les avaries, mais une demande ayant pour objet d'obtenir le payement de la somme à laquelle peut s'évaluer le dommage occasionné par ces mêmes avaries: attendu qu'en toute matière contentieuse, on ne peut entendre par demande en justice, que celle formée par un individu contre un autre qui est cité, dans les délais prescrits par le code de procédure civile, à comparaître en justice pour répondre aux conclusions prises contre lui (Cass., 27 nov. 1822)(1).

Toutefois, cette décision est vivement combattue par M. Dageville, t. 4, p. 226 et suiv. D'après ce jurisconsulte, l'art. 436 n'a nullement entendu déroger à l'ancienne législation, sous l'empire de laquelle l'assuré pouvait toujours agir contre l'assureur lorsque, ayant fait et signifié ses protestations en temps utile, il avait, dans le mois de la signification, formé devant le juge du lieu une demande en nomination d'experts et en fixation de dommage (V. Valin, sur l'art. 6, tit. des Prescrip., et Émerigon, t. 2, p. 300). Dans les voyages de long cours, l'avarie, reconnue au débarquement de la marchandise, le serait, dit-il, à de trop grandes distances du domicile de l'assureur, pour que l'action en payement formée contre lui par l'assuré, dans le mois de la protes

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que Noël lui a adressé, comme aurait pu faire un autre tiers quelconque, sa réclamation; qu'enfin Noël a satisfait, autant qu'il était en lui, aux dispositions des art. 435 et 436 c. com.; Que, d'après ces faits, en décidant qu'aucune déchéance n'avait été encourue par Noël, l'arrêt ataqué n'a violé ni lesdits art. 435 et 436 c. com., invoqués par le demandeur en cassation, ni aucune autre loi; Rejette. Du 19 mars 1834.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Lasagni, rap. (1) Espèce : (Sorbé-Lormont C. Leleu.) Un navire, expédié du port de Marens pour Calais, avec une cargaison de grains, par Leleu et comp., et assuré par Sorbé-Lormont et autres, éprouva, pendant la traversée, des avaries qui furent déclarées par le capitaine le 2 mai 1817, c'est-à-dire le lendemain de l'arrivée du navire à sa destination. L'agent de la compagnie Leleu reçut les marchandises, mais en protestant dans les vingt-quatre heures, conformément à l'art. 436 c. com.; il forma, immédiatement après, une demande devant le tribunal de commerce, pour faire nommer des experts, afin de constater et évaluer les avaries. Un expert fut nommé d'office, par jugement du 7 du même mois de mai. Cet expert fit son rapport. Leleu et comp., assurés, laissèrent écouler environ dix-huit mois. Ce ne fut qu'en décembre 1818 qu'ils firent assigner les assureurs en condamnation à 8,000 fr., pour indemnité des avaries. Le 16 janv. 1819, jugement du tribunal de commerce de la Rochelle, qui déclare cette demande non recevable, par le motif qu'aux termes de l'art. 456, il y a déchéance de toute action contre le capitaine et les assureurs pour dommage arrivé à la marchandise, si ce dommage n'a pas été l'objet d'une demande en justice, formée dans le mois de la protestation, et qu'on ne peut regarder comme demande en justice celle formee par Leleu et comp., pour faire nommer un expert, afin d'estimer le dommage.

Sur l'appel, ce jugement a été infirmé par arrêt de la cour de Poitiers, du 3 juin 1819, dont voici les motifs : « .... Considérant que la demande en justice prescrite par l'art. 436 c. com. ne peut s'entendre que de la demande qui doit être portée devant le tribunal de commerce du lieu du débarquement du navire, pour faire procéder à la reconnaissance et à l'évaluation des avaries; Que l'on ne peut admettre que la demande de l'assuré contre l'assureur doive nécessairement être intentée dans le délai d'un mois, parce que, dans ce système, on ne pourrait presque jamais ramener à effet la police d'assurance, à raison de la distance qui se trouverait entre le domicile des assureurs et le lieu où la protestation a été faite; Qu'il résulte de l'art. 432 c. com. que cette demande contre l'assureur peut être formée dans le délai de cinq ans, puisque cet article dispose formellement que toute action dérivant d'une assurance ne se prescrit que par cinq ans, à compter de la date de la police. » Pourvoi de Sorbé-Lormont pour violation des art. 455 et 436 c. com. -Arrêt.

LA COUR; Vu les art. 435 et 436 c. com.; Considérant que, dans les cas prévus par ces articles, l'assuré est déchu de tous droits contre l'assureur, si, dans le mois, à dater du jour de ses protestations, il n'a pas formé une demande en justice; - Qu'en toute matière contentieuse, on ne peut entendre, par demande en justice, que celle formée par un individu contre un autre qui est cité, dans les délais prescrits par le code de procédure civile, à comparattre en justice pour répondre aux conclusions prises contre lui; Qu'ainsi le sens évident de l'art. 436 est que l'assuré doit former une demande contre l'assureur, avec ajournement devant un tribunal; qu'il doit former cette demande dans le mois, en se conformant, pour le délai de l'ajournement, à celui fixé par le code de procédure, en raison des distances; Considérant, dans l'espèce, que,

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tation, pût avoir un effet utile.--Cette observation n'est peut-étre pas dénuée de toute vérité; mais alors il faut y voir une critique plus ou moins juste de la loi plutôt qu'une exacte interprétation de sa disposition, car il nous paraft hors de doute que l'arrêt cidessus cité a attribué aux mots demande en justice, employés dans l'art. 436, leur véritable signification.

2309. Lorsque l'assuré, à l'arrivée des marchandises, a fait constater par experts les avaries qu'elles ont subies par fortune de mer, et lorsque, après avoir reçu les marchandises el payé le fret, il a poursuivi sans retard l'assureur en payement des avaries, il peut, sur le refus de celui-ci, fondé sur le défaut de représentation du rapport de mer du capitaine, actionner ulilement le capitaine et l'armateur, bien que cette action n'ait pas été formée dans le mois de la réception des marchandises, si elle l'a été dans le mois à partir du refus de payement fait par l'assureur; car c'est seulement du jour de ce refus que doit commencer à courir, dans le cas dont il s'agit, la prescription établie par l'art. 436 c. com. (Aix, 7 mai 1821) (2).

2310. Le délai d'un mois accordé au réclamateur, à compter de la signification de sa protestation, pour former contre le capitaine ou les assureurs l'action en réparation d'avaries, doit être augmenté du délai des distances déterminé par l'art. 73 c. pr. (Rouen, 30 janv. 1843, aff. Lemaître, no 2279). — L'augmen

lorsque les assurés Leleu et comp. ont cité les assureurs Sorbé-Lormont et autres devant le tribunal de la Rochelle, le délai déterminé par l'art. 456 c. com. pour intenter leur demande, et celui fixé par le code de procédure pour l'ajournement, étaient expirés; par conséquent, que leur demande était non recevable, et qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles ci-dessus cités et faussement appliqué l'art. 432 étranger à l'espèce actuelle; -Casse.

Du 27 nov. 1822.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Zangiacomi, rap.-Jourde, av. gén., c. contr.-Lassis et Naylies, av.

(2) Espèce: — (Treillet C. Richard.) — En 1817, la maison Richard expédie du Havre à Marseille le navire l'Enickeigt, chargé d'huiles. Ces huiles avaient été assurées, avec clause que l'assureur ne payerait que l'excédant de 5 p. 100 en sus du coulage ordinaire, lequel n'était point à sa charge. Le navire éprouva de mauvais temps et les huiles subirent un coulage extraordinaire. Une expertise faite à la requête de Treillet, consignataire, fait reconnaître que le coulage extraordinaire provient du long séjour que les futailles ont fait à bord. Néanmoins Treillet n'élève aucune réclamation contre le capitaine; il reçoit la marchandise et paye le nolis; puis il demande à l'assureur le payement de l'avarie. - Refus de celui-ci, fondé sur le défaut de représentation du rapport de navigation que le capitaine a dû faire à son arrivée. Ce rapport n'avait pas été dressé. - Treillet poursuit alors Richard, armateur, comme responsable des faits du capitaine. L'assureur est aussi mis en cause. Richard répond: 1° que la demande, n'ayant pas été formée dans le délai voulu par les art. 435 et 436 c. com., est tardive; 2° qu'en tous cas, l'omission de la part du capitaine de faire son rapport n'est pas un fait dont l'armateur doive répondre. - Jugement qui condamne Richard.-Appel.-Arrêt.

LA COUR (après partage); - En droit: 1° Treillet est-il non recevable à demander contre l'armateur du navire qui a transporté ses huiles le montant du déficit éprouvé pendant le voyage, pour n'avoir pas intenté son action conformément à ce qui est prescrit par les art. 455 et 456 c. com.?2° Est-il fondé à demander contre cet armateur le montant du même déficit, en l'absence du consulat et en l'état du rapport d'expert?— Attendu que l'action contre le capitaine n'étant fondée que sur le refus des assureurs de payer les avaries constatées par un rapport antérieur à la prescription d'un mois, établie par l'art. 456 c. com., n'a commencé son cours que du jour de son refus, et qu'il n'est point allégué que la citation au capitaine ou à l'armateur ait été donnée après l'expiration de ce délai; Mais attendu, au fond, qu'il est reconnu que le coulage ne procédait nullement de la faute du capitaine; - Que l'omission du rapport de navigation et le défaut de représentation du journal ne sont pas des titres d'exemption du payement des avaries, lorsque, comme ici, leur consistance et leur cause sont constatées; - Que, lors même que cette omission serait un titre d'exemption, l'armateur, responsable du fait de son capitaine, seulement dans ce qui est relatif au navire et à l'expédition, ne saurait en répondre dans les faits qui sont relatifs à la police générale de la navigation, plus qu'aux intérêts privés des parties; - Que l'obligation imposée aux capitaines de faire au greffe du tribunal de commerce le rapport des principaux événements de la navigation leur est imposée dans l'intérêt public plus que dans celui des parties; que, dès lors, les armateurs, qui ne peuvent pas les forcer à remplir ce devoir, ne peuvent pas être civilement responsables de sa violation;- Vidant le partage, émendant;-Met le sieur Richard, appelant, hors de cour et de procès sur la demande da sieur Treillet, intimé; Condamne ce dernier aux dépens, etc.

Du 7 mai 1821.-C. d'Aix.

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