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rait à sa mission s'il ne trouvait pas le temps et les moyens de donner satisfaction à tous les intérêts en souffrance.

Parmi les réformes les plus urgentes, l'opinion publique n'a eu garde de ne pas placer celles que réclame la procédure suivie dans les ventes judiciaires de biens immeublés. Le gouvernement s'est ému en présence de plaintes légitimes, bien qu'exagérées, et il a préparé un travail dont, selon toute apparence, les Chambres auront à s'occuper dans la prochaine session. Ce travail, si nous sommes bien informé, portera uniquement sur les ventes judiciaires, autres que celles qui sont la suite d'expropriation forcée. On a pensé qu'en divisant la matière on parviendrait plus facilement à obtenir la sanction législative.

Ainsi, bien que le projet soit tout prêt, les Chambres n'auront pas à s'occuper l'année prochaine de la matière de la saisie immobilière, on ne leur présentera que la partie du travail de la commission qui se réfère aux autres ventes judiciaires, et qui du reste se détache très-bien de celle relative à l'expropriation forcée. Déjà le projet a été communiqué à la Cour royale de Paris, et probablement aux autres Cours du royaume; c'est un document sérieux et qui intéresse trop vivement MM. les avoués pour que nous ne nous empressions pas de le mettre sous leurs yeux. Il est bon qu'ils connaissent à l'avance les réformes qui se préparent, et qu'ils se mettent en mesure de combattre celles qui pourraient leur nuire sans aucun avantage pour le public.

RAPPORT A M. LE GARDE DES SCEAUX,

Monsieur le garde des sceaux, je me suis empressé de vous donner connaissance du rapport que j'ai fait à la commission chargée par vous de préparer un projet de loi sur les ventes judiciaires de biens immeubles; Vous y avez vu que la commission, dans la première partie de ses travanx, s'était occupée avec soin de ce qui concerne la saisie immobilière et ses incidents; qu'il lui restait à résoudre quelques questions forcément ajournées, et à préparer le projet relatif à toutes les autres ventes qui se fout en justice.

A la reprise de ses travaux, la commission a revisé la rédaction des articles sur la saisie immobilière, rédaction qui lui avait été présentée comme résultat de ses précédentes conférences; elle s'est livrée à un examen attentif de toutes les réformes proposées sur les ventes judiciaires. C'est de cette seconde partie de ses travaux que j'ai à vous rendre compte.

Je n'appellerai pas en ce moment votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur les corrections faites à un grand nombre des dispositions relatives à la saisie immobilière; elles se trouveront indiquées en marge des articles dont la série complète vous sera soumise à la fin du présent rapport. Je m'attacherai exclusivement ici à faire ressortir la nature et le but des principales modifications proposées par la commission sur les différentes parties du Code de procédure qui régissent les ventes faites sous l'autorité de la justice, autres que l'expropriation forcée.

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En suivant l'ordre du projet qui a servi de base aux travaux de la commission, ordre qui est sur ce point celui du Code de procédure, nous avons eu à nous occuper, en premier lieu, de la surenchère sur aliénation volontaire. Les observation« auxquelles ont donné lieu les réformes proposées sur cette partie de notre législation affectant plutôt les détails que les principes, je me réserve, pour plus de clarté, de vous les signaler seulement en regard des articles que je transcrirai plus loin.

Le projet que je viens de rappeler contenait un article énumératif des différentes ventes judiciaires autres que l'expropriation de la surenchète sur aliénation volontaire. Cet article ne devait pas être limitatif, et, soús ce rapport, il n'y aurait pas eu d'inconvénient à l'adopter. Mais une dispò silion de cette nature, convenable dans un projet destiné à former une loi spéciale et détachée de nos Codes, ne pouvait trouver place dans des réformes qui ont pour objet différents titres du Code de procédure en particulier. La commission a dû le rejeter; elle a dû modifier aussi, dans les articles suivants, le plan qui lui avait été soumis, sauf à prendre dans ces articles les réformes utiles qui s'y trouvaient indiquées.

La discussion s'est ouverte sur les modifications dont le titre VI, livre II de la deuxième partie du Code de procédure, de la lente des biens immeubles, est susceptible. Ce titre s'occupe essentiellement de la vente des biens des mineurs. Sous ce rapport, il est le plus important de ceux où il est question de vente judiciaire, puisque le législateur a renvoyé au titre VI dans la plupart des cas.

Depuis longtemps on se plaint généralement des dépenses et des lentcurs auxquelles donne lieu l'aliénation des biens des mineurs; on signale entre autres les abus de l'expertise, les formalités inutiles de l'adjudication préparatoire, et le nombre trop considérable des affiches et annonces, Ces justes réclamations ont attiré notre attention.

L'expertise, en général, n'est pour les tribunaux qu'un moyen d'instruction à moins d'y être contraints par une loi expresse, ils ne l'ordonnent que quand ils sentent le besoin d'être éclairés ; ils s'en abstiennent, malgrė les demandes des parties, toutes les fois qu'ils la jugent inutile. Nous avons voulu faire passer ces principes dans la loi nouvelle. Pourquoi, lorsque les magistrats ont dans les éléments de la cause les moyens d'apprécier la valeur d'une propriété, les contraindre, sans intérêt pour un mineur qui devra supporter les frais de cette opération inutile, à ordonner une expertise qui ne leur en apprendra pas davantage et qui fera perdre un temps précieux ?

Si une expertise est jugée nécessaire comme moyen d'éclaircissement, il est possible qu'elle ne le soit que relativement à une partie des biens ; dans cette hypothèse, il est juste de laisser un tribunal libre de ne l'ordonner que partielle.

Dans cette même hypothèse, nous avons pensé que l'opération ne devait pas toujours être faite par plusieurs experts: les lumières d'un seul peuvent être suffisantes; il faut s'en rapporter sur ce point à la sagesse des magistrats, qui désigneront un ou plusieurs hommes de l'art, selon les circonstances, a'est-à-dire selon l'importance et la diversité des biens. Enfin, pour être conséquent, il faut reconnaitre que l'expertise, simple moyen d'instruction, comme je l'ai dit plus haut, ne peut avoir pour effet de

lier les juges. Ce qui est vrai en toute matière doit l'être aussi en fait d'alié-nation de biens de mineurs : si donc les magistrats qui ont ordonné l'ex·pertise jugent qu'elle est erronée, que l'estimation-est' fautive, à eux appartiendra le droit de fixer une mise à prix plus conforme à la vérité.

Quant à l'adjudication préparatoire, elle est universellement condam*née, elle ne trouve point de défenseur, et ce serait inutilement parler en faveur de la chose jugée que de donner ici les motifs qui ont déterminé la commission à la supprimer.<

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Les affiches et les annonces prescrites par le Code de procédure sont trop multipliées. Aux termes de ce Code, elles doivent avoir lieu trois fois. La commission a pensé qu'en les réduisant à deux, elle satisferait à tous les besoins de la publicité et opérerait une économie notable sur les frais.

A la suite des différentes questions qui ne touchent qu'aux formalités de la procédure, il se présentait une question des plus graves, celle de savoir si l'adjudication purgerait les hypothèques légales ou autres, comme en matière de saisie immobilière. Cette question affectait toutes les ventes judiciaires, par la raison que j'ai précédemment énoncée, que les différents titres du Code qui s'en occupent renvoient au titre de la vente des biens immeubles. Aussi la commission, après l'avoir une fois examinée, en avait-elle renvoyé la solution à la fin de ses travaux ; ellé a été l'objet d'une discussion approfondie. Nous n'avons pas été dominés par le précédent admis en matière de saisic immobilière, néanmoins nous en avons tenu compte. L'uniformité dans les diverses parties d'une législation est désirable; il faut y tenir, à moins qu'il n'y ait de graves raisons pour donner des solutions différentes à des points qui paraissent avoir entre eux beaucoup de contact. Or, ces raisons graves n'existaient pas ici; car, dans toutes les ventes judiciaires, il y a grande publicité comme dans les adjudications qui se font par suite de saisies, tous les intérêts sont éveillés; et d'ailleurs la commission n'admet la purge qu'à la suite de notifications personnelles. La commission s'est décidée aussi par cette considération, que, dans les ventes faites par autorité de justice, il y a un vendeur qui, par lui-même ou par ses représentants légaux, transmet la propriété qui reposait sur sa tête ; un › vendeur qui, à ce titre, est garant de toutes les évictions, et dont l'intérêt • dès lors est de remplir avec une grande attention les formalités dont l'accomplissement doit assurer la purge des hypothèques; avantage que l'on ne trouve pas dans la saisie immobilière, où le poursuivant chargé de l'accomplissement de ces mêmes formalités n'est responsable que de son fait et *pent se mettre à l'abri de la garantie en excipant de sa bonne foi.

En admettant le principe de la purge par l'effet de l'adjudication, il restait à la commission à prescrire nettement l'accomplissement des formalités nécessaires, avec des délais tels que les intéressés pússent avoir le temps de se faire incrire et d'échapper à une déchéance. C'est ce qu'elle a fait avec soin.

Je me borne à indiquer, comme je viens de le faire, les points culminants de la discussion en matière de vente des biens de mineurs,

Je n'ai aucune observation générale à présenter en ce qui touche le titre des licitations ou les dispositions relatives aux ventes en cas de cessions de biens, de successions vacantes ou acceptées sous l'énéfice d'inventaire, eto,

Les observations qui concernent ces différentes matières trouveront place en regard des articles du projet.

Il est une nature de ventes qui jusqu'à ce jour n'a été réglée par aucune loi, c'est celle des biens dolaux, lorsque cette vente est autorisée par les tribunaux conformément à l'art. 1558 G. C. La commission a pensé qu'il était urgent de mettre un terme aux incertitudes de l'usage quant aux formalités à remplir; elle a pensé que le règlement de ces formalités pouvait être l'objet, soit d'un article qui pourrait trouver place au titre de l'autorisation de la femme mariée, soit d'un article particulier du présent projet.

La commission avait ajourné, jusqu'après l'adoption des modifications diverses qu'elle jugerait utile d'apporter aux lois sur les ventes judiciaires, l'examen de la question de savoir s'il serait possible et convenable d'adopter des formalités spéciales moins longues et moins dispendieuses, en cas de ventes d'immeubles de peu de valeur. Cet ajournement était motivé par la considération suivante, savoir, que les réclamations ayant porté sur toutes les ventes, soit qu'il s'agit de saisie immobilière, soit qu'il s'agît de biens de mineurs, de licitations, etc., il était nécessaire d'attendre que l'on fùt fixé sur la nature et l'importance des réformes à faire, en général, avant de prendre un parti sur dés réformes exceptionnelles.

Dans le cours de la discussion qui s'est engagée sur ce point, la commission s'est convaincue qu'il y aurait trop de hardiesse à supprimer quelques formalités relatives à la vente des biens appartenant à des mineurs ou autres qui sont adminitrés par des représentants légaux; que la faible économie qui en résulterait ne compenserait pas la diminution des garanties qu'il est juste d'accorder pour ces ventes. Il ne restait donc, aux yeux des partisans d'une procédure spéciale pour les immeubles de peu de valeur, que le cas de saisie immobilière; mais alors s'élevaient toutes les difficultés rela tives à la fixation de la valeur d'une propriété pour juger quelle procédure lui serait appliquéc. A part ces premières difficultés, il y avait la question de savoir quelles formes seraient retranchées. Tout ce qui touche à la publicité est essentiel. On proposait, il est vrai, de permettre, relativement aux biens d'une valeur qu'on eût fixée, la convention de faire vendre ces biens en justice et sans formalités, à l'échéance de l'obligation. A cela on a répondu que les hypothèques conventionnelles seules profiteraient de l'exception; que le mode proposé ne changerait donc rien au système général de la saisie immobilière ; que ce remède, inefficace pour les hypothèques judiciaires et pour les cas d'exécution en vertu de jugements, aurait pour résultat de neutraliser trop souvent le principe salutaire de l'art. 746, parce que chaque créancier s'arrangerait avec le débiteur de manière à inorceler la propriété et à faire vendre exceptionnellement la portion qu'il se serait fait hypothéquer. Ainsi, à côté d'une exception imaginée dans l'intérêt de la petite propriété, se trouvait l'abus de cette exception contre la grande propriété, et la perte des garanties dont on a voulu l'environuer,

A la suite des travaux si importants et si multipliés de la commission chargée de la rédaction de l'ensemble et des détails du projet, j'avais à chercher une combinaison qui, en permettant de rapporter chacune des parties de ce projet à un titre correspondant du Code de procédure, me laissat en même temps les moyens de rattacher à la loi quelques disposi, tions générales.

Vous jugerez, monsieur le garde des sceaux, de l'utilité de potte com. binaison,

Voici la rédaction définitive que j'ai l'honneur de vous proposer au nom de la commission.

ARTICLE 2 (1).

Les articles 832, 833, 836, 837 et 838, au titre IV du livre Ier de la deuxième partie du Code de procédure civile, seront remplacés par les dispositions suivantes :

Art. 832. Les notifications et réquisitions prescrites par les articles 2183 et 2185 C. C. seront faites par un huissier commis à cet effet, sur simple requête, par le président du tribunal de première instance de l'arrondissement où elles auront lieu; elles contiendront constitution d'avoué près le tribunal où la surenchère et l'ordre devront être portés.

L'acte de réquisition de mise aux enchères contiendra, avec l'offre et l'indication de la caution, assignation à trois jours devant le tribunal pour la réception de cette caution, à laquelle il sera procédé comme en matière sommaire. Cette assignation sera notifiée au domicile de l'avoué constitué; il sera donné copie, en même temps, de l'acte de soumission de la caution et du dépôt au greffe des titres qui constatent sa solvabilité. Dans le cas où le surenchérisseur donnerait un nantissement, à défaut de caution, conformément à l'article 2041 C. C., il fera notifier avec son assignation copie de l'acte constatant la réalisation de ce nantissement.

Si la caution est rejetée, la surenchère sera déclarée nulle, et l'acquéreur maintenu, à moins qu'il n'ait été fait d'autres surenchères par d'autres créanciers.

Ce nouvel art. 832 se compose de l'art. 832 du Code, modifié, et dẹ l'art. 833, textuellement reproduit. Cette fusion tient à la nécessité de classer sous le n°833 des dispositions nouvelles, relatives à la procédure de suren chère.

Nous avons examiné la question de savoir s'il fallait, pour les notifications et réquisitions, un huissier spécialement commis, ou s'il ne suffirait pas qu'elles fussent faites par un des huissiers ordinaires. Mais nous avons jugé que, loin de diminuer en rien la garantie donnée par le Code, nous devions la fortifier en attachant à l'inobservation de la formalité la peine de nullité. Cette peine est écrite ci-après dans l'art. 838, qui embrasse toutes les formalités de l'art. 832, et c'est ce qui explique pourquoi les mots à peine de nullité ne se retrouvent pas dans le deuxième paragraphe de ce dernier ar

ticle.

L'assignation à trois jours comporte le délai de trois jours francs, parce

(1) L'art. 1er comprend toutes les modifications relatives à l'expropriation forcee, modifications qui feront l'objet d'un projet spécial. Nous nous réservons de le faire connaître plus tard, ainsi que les observations de la commission qui s'y réfèrent.

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