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ciant. C'est un axiome aujourd'hui dans l'Eglise : L'Évêque est intrus, qui n'est pas institué par le Saint-Siège. Nous n'aurons que ce mot à dire aux Évêques engendrés par le Concile National. L'arrêt est sans appel. Il est possible qu'il modifie ses décrets, qu'il les rende provisoires, qu'il les étaye sur les besoins des Eglises, sur l'empire des circonstances, qu'il argue des torts dans Pie VII. Nous répondrons à tout cela que le premier besoin des Eglises est de ne pas leur donner, même provisoirement, des intrus..... »

Après cette vigoureuse et inéluctable argumentation, l'ami du cardinal Fesch (1) ajoute, avec une éloquente instance : « Au reste, on ne pourrait concevoir comment un Concile s'oublierait jusqu'au point d'autoriser le sacre et l'institution des nouveaux nommés. Les Évêques qui le composeront ne s'apercevraient-ils qu'ils attaqueraient par là leur pro

1. Le post-scriptum de la lettre, dont nous n'avons pu reconnaître l'auteur, même par la comparaison de tant d'autres écritures du dossier complet, le dit expressément: « Vous pouvez compter sur le secret que gardera celui de vos amis qui vous adresse la présente, et qui, pour prévenir tout soupçon, a cru devoir la faire mettre à une poste éloignée. »

pre autorité et se couvriraient de honte à la face de l'univers? N'est-ce pas à la plénitude de la puissance papale qu'ils doivent tout ce qu'ils sont? N'est-ce pas elle qui a renversé tous les anciens sièges épiscopaux et qui de leurs débris a formé ceux qu'ils occupent? N'est-ce pas elle qui a éteint la jurisdiction. entre les mains de tant de prélats qui, pendant dix ans, n'avaient pas cédé un pouce de terrain à la philosophie? Pourraient-ils aujourd'hui mettre en principe que l'intervention de cette autorité n'est pas nécessaire pour faire des Evêques, sans s'apercevoir qu'ils rendent la leur chancelante? Faudrait-il ajouter aux chagrins qui dévorent le cœur doux et pacifique de Pie VII, le plus cuisant de tous, celui de voir l'Eglise dont il est le père se révolter contre lui dès son enfance, et faire à la France tous les maux qu'il avait voulu prévenir en la formant...? >>

En terminant, l'éloquent auteur de cette admirable lettre (1) n'hésite pas à le dire: « Tout ce qu'on peut désirer de mieux, en ce moment, c'est que le projet du Concile avorte.

1. La lettre parvint au cardinal, quelques jours avant ouverture du Concile,

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L'opinion publique n'en attend rien de bon. Il ne s'est pas tenu un seul synode depuis le der nier concordat. Le gouvernement a redouté jusqu'à l'ombre d'assemblée ecclésiastique. On a eu à Paris le Pape et tous les Evêques réunis : un concile aurait assurément pu faire beaucoup de bien. Alors, il ne s'en est pas parlé. On en compose un au moment où tout fait craindre qu'il ne fasse beaucoup de mal et ne rompe les liens de l'unité... Les Evêques n'ont rien de mieux à faire que d'empêcher le Concile s'ils le peuvent, et, s'ils sont trop obligés de s'y rendre, ils doivent porter avec eux l'inébranlable résolution de ne condescendre en rien et de prétexter constamment leur incompétence. »

Nous allons voir comment, dans les travaux des commissions, les évêques répondirent à cette adjuration.

VII

LES TROISIÈME ET QUATRIÈME CONGREGATIONS

GÉNÉRALES

I

A la première réunion de la commission. (congrégation de l'adresse), on put voir combien les débats seraient vifs. La premier éclat fut soulevé par l'évêque de Nantes, le favori confident de l'Empereur. Il avait composé un projet d'adresse que nous avons sous les yeux et dont il sera bientôt parlé tout au long, et, pensant entraîner ses collégues à l'adopter, il avoua en avoir donné lecture au souverain qui l'approuvait.

L'évêque de Gand raconte, dans son Journal, comment il releva aussitôt cette imperti

nence. « Je dis à ce collègue que cet aveu m'avait pénétré de tristesse. Je lui citai Bossuet, qui réclama contre Louis XIV, dont une décision, en conseil d'état, prescrivait aux Evêques de lui soumettre leurs mandements. Le roi dispensa Bossuet à cause de ses grands mérites et services pour l'Eglise. Il refusa l'exemption, dit qu'il la demandait, non pour lui, mais pour l'épiscopat. Louis XIV retira son arrêt à l'égard des mandements. J'ajoutai que Mgr de Nantes, outre le tort d'avoir agi sans mission du Concile, compromettait violemment la commission, vu les changements jugés peut-être nécessaires à l'adresse et qui pourraient irriter le souverain et peut-être plus encore le Concile qui pouvait aussi ne pas recevoir l'adresse même. Je fis sentir combien il était coupable et inouï que le Concile, dans un acte qui le concernait, ne fût qu'en seconde ligne, et que désormais il fallait que, de nécessité, il agit, il parlât, écrivit ses adresse et autres actes.

<< Nantes était confondu, mais atterré de ma réflexion. Les autres Evêques m'approuvaient. Nantes voulut, mais faiblement, se justifier sur la difficulté des circonstances et le besoin de ne pas cabrer. Il fut facile de le réfuter.

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