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VIII

LA CINQUIÈME CONGREGATION GÉNÉRALE

I

Le 27 juin, le Concile se réunit de nouveau en congrégation générale.

L'archevêque de Turin célébra la messe, puis la séance s'ouvrit. Dans des conversations particulières, M. de Pradt, qui avait reçu les confidences de l'Empereur, faisait remarquer que le Concile s'égarait, en prolongeant ainsi les débats sur un point en somme secondaire.

L'objet unique et exclusif du Concile, disait l'archevêque de Malines, est de régulariser l'ordre de l'institution canonique et de

pourvoir à ce que désormais elle ne puisse. être arrêtée par aucune autre cause que les empêchements opposés par le Pape aux impétrants. La question élevée entre le Saint-Siège et le prince est là tout entière. Le reste ne comprend que des accessoires.

C'était vrai. Mais l'erreur de M. de Pradt était sans doute de croire que ses collègues ne le voyaient pas aussi clairement que lui. Seulement, il ne leur plaisait pas d'aller aussi vite en besogne que le voulait César, et gagner du temps n'était pas une tactique si maladroite, en présence d'un soldat couronné, qui pensait pouvoir mener avec une rapidité militaire les affaires les plus délicates de l'Eglise.

La séance ouverte, l'ordre du jour appelait la lecture de l'adresse, telle qu'elle devait être maintenant remise au point, après les amendements et retranchements votés dans les séances précédentes.

L'évêque de Nantes fit cette lecture. La voici, telle que nous la trouvons dans les papiers du cardinal Fesch et telle qu'elle fut lue à la congrégation du 22. Le document est long, mais il est important, et nous ne saurions nous borner à une simple analyse :

< Sire,

« Les cardinaux, archevêques et évêques de l'empire français et du royaume d'Italie, réunis en Concile National par ordre de Votre Majesté Impériale et Royale, viennent porter au pied du trône l'hommage de leur reconnaissance.

< Et quelle circonstance plus propre que cette réunion même à nous rappeler les bienfaits de Votre Majesté! Assemblés de toutes les parties de ses vastes États, nous nous instruisons mutuellement de tout ce qu'Elle a fait dans nos Eglises pour le rétablissement de la religion catholique, pour l'entretien de ses ministres, pour la décence de son culte, pour le maintien de sa discipline.

« Le Concordat, auquel nous devons la liberté et la publicité du culte de la religion catholique, apostolique et romaine, était un premier bienfait digne de toute la reconnaissance du clergé et des peuples soumis à votre domination.

<< Mais Votre Majesté ne s'est pas bornée à remplir les obligations qu'Elle s'était imposées par cette mémorable transaction. Chaque année de son règne a été marquée par des concessions importantes qui n'étaient pas renfer

mées dans les engagements pris avec le Souverain Pontife, et qui n'ont pu lui être suggérées que par son zèle pour la religion catholique et son amour pour ses peuples.

« Dotation des vicaires généraux et des chapitres; trente mille succursales également dotées par l'Etat; bourses fondées dans tous les diocèses en faveur des études ecclésiastiques; édifices nationaux ou sommes considérables accordées à un grand nombre d'Evêques pour l'établissement de leur séminaire ; exemption de la conscription pour les étudiants présentés par les Evêques comme aspirants à la prêtrise; invitation aux conseils généraux des départements de suppléer au traitement des Evêques, des vicaires généraux et des chapitres, et de pourvoir aux besoins du culte et de ses ministres; décrets tendants à restituer aux fabriques une partie des revenus qu'elles avaient perdus; rétablissement des congrégations vouées par leur institut à l'enseignement gratuit et au soulagement de la classe indigente; décret qui donne aux congrégations hospitalières une auguste et puissante protectrice dans la personne de Son Altesse Impériale Madame Mère; secours annuels qu'elles reçoivent du gouvernement; retraite hono

rable accordée aux Evêques par l'érection du chapitre de Saint-Denis et tant d'autres grâces qu'il serait trop long de rapporter.

< Telles sont les preuves multipliées de la protection que Votre Majesté accorde à l'Eglise et à ses ministres. Mais, Sire, nous ne craignons pas de le dire, cette protection ne signale pas moins votre sagesse que votre piété. Une religion dont les dogmes donnent à la morale des fondements inébranlables, des principes invariables et certains, des motifs supérieurs à l'intérêt des passions, une religion qui consacre et sanctionne les lois conservatrices de la société, qui place en quelque sorte sur la même ligne ce qui est dû à Dieu et ce qui est dû au prince; une religion dont l'esprit, les préceptes et toutes les institutions ne respirent que la paix, l'amour de l'ordre et de la charité, est le plus grand bienfait que la Providence ait accordé aux peuples et aux souverains.

<< Votre Majesté ne confondra pas avec la doctrine et l'enseignement de l'Eglise des opinions nées et accréditées dans ces siècles où les principes du droit public, ainsi que ceux de toutes les autres sciences, n'étaient pas assez connus, des opinions qui n'ont jamais passé

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