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Le cardinal Pacca appréciait un jour sévèrement, sous la Restauration, la conduite de la majorité du Concile à la congrégation générale du 5 août 1811. Il y avait là un évêque, dont l'attitude en cette occasion avait laissé fort à désirer. Il essaya de s'excuser:

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Que voulez-vous, Eminence? Il n'y a pas de bon cheval qui ne bronche.

Peut-être, repartit le malin cardinal, mais

toute une écurie!

XIII

LA DÉPUTATION DU CONCILE A SAVONE

I

La suite de cette histoire est un peu mieux connue. Les historiens laïques, s'aidant de la correspondance officielle, ont pu en effet reconstituer à peu près complètement la triste série des événements qui devaient causer tant d'angoisses au clergé et aux fidèles. Cependant, nous retrouvons, dans les papiers du cardinal Fesch, bon nombre de pièces jusqu'ici inédites et qui, en jetant un jour nouveau sur ce long et émouvant épisode, vont nous permettre d'en donner le récit exact et complet, quoique sommaire.

Une lettre inédite de Mgr Fesch au cardinal

Doria, révèle la nouvelle tactiquc impériale et le premier tissu de cette trame perfide qui devait enserrer le Pape captif dans ses mailles habilement ourdies. L'oncle de l'Empereur écrit au cardinal Doria :

Monseigneur, j'ai l'honneur d'annoncer à Votre Eminence que Sa Majesté permet que les cardinaux qui sont libres et qui ne sont pas du Concile se rendent à Savone près de Sa Sainteté pour lui servir de conseil, et l'aider dans la circonstance où il s'agit de mettre un terme aux maux de l'Eglise.

« Le Concile envoie une députation de six évêques. Après-demain, partent nos confrères les cardinaux Dugnani, Roverella, Ruffo et de Bayane. Ces Seigneurs ont écrit au Ministre une lettre dans la teneur que M. le cardinal Roverella fera connaître à Votre Eminence, si Elle se décide à écrire au Ministre des Cultes de la même manière. Après avoir adressé cette lettre, même sans en attendre la réponse, Votre Eminence peut se mettre en route pour Savone. C'est l'intention de Sa Majesté, qu'Elle a bien voulu me manifester.

« L'Eglise, Monseigneur, demande de nous tous, tous les services dont nous sommes capables, tout notre zèle, etc. »

On devine ce que devait être ce projet de lettre. Celle que le Ministre des Cultes écrivit à l'Empereur en suite de cette démarche nous en donne la clé (1). Le cardinal Doria était aux eaux de Saint-Gervais, en Savoie. Il répond tout de suite, à la date du 22 août, qu'il part immédiatement pour Savone, sans même attendre la réponse du Ministre des Cultes, auquel il en fait part, « et dont il croit n'être point désapprouvé. »

Le cardinal della Porta, un des élus, lui aussi, était à Turin. Il répond, à la date du 27 août, qu'il ne peut, pour le moment, se rendre à Savone auprès de Sa Sainteté, à cause de ses infirmités, mais qu'il s'y rendra si son état s'améliore.

Ces cardinaux, soigneusement choisis parmi les plus favorables à la cour des Tuileries, partirent donc les premiers. Ils furent suivis par un prélat dont il convient de dire un mot.

1. Sire, j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Majesté les lettres qui viennent de m'être adressées par les cardinaux Ruffo, Dugnani, Roverella et de Bayane, par lesquelles ils font la demande de se rendre à Savone, en m'exprimant qu'il est dans leur sentiment que le Pape doit approuver le décret rendu par le Concile... (Lettre du 9 août 1811.)

II

Le 23 juillet 1811, le sieur Marescalchi, représentant du gouvernement français au Ministère des Cultes d'Italie, écrivait au cardinal Fesch.

<< Je suis fort en peine de ce que je viens d'apprendre par la lettre que Votre Altesse Eminentissime a daigné m'écrire. Votre Altesse sait que ç'a été à sa sollicitation que j'avais engagé Mgr Bertalozzi (1) à prendre courage et s'empresser d'arriver à Paris, parce qu'il aurait pu contribuer à faire le bien. Que dirat-il de moi à présent, et qu'aura-t-il dit, quand il aura vu que le gouvernement ne se tenait pas sûr de sa personne, et qu'en arrivant on l'a traduit à la police? Le gouvernement aura eu certainement des raisons pour en agir de la sorte, et je serais bien fâché de m'y

1. Ce nom est écrit de plusieurs manières: Bertassoli, Brintazzoli, etc. Nous nous arrêtons à l'orthographe adoptée par M. d'Haussonville.

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