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cables à la matière dont il s'agit. Dira-t-on que l'on a voulu renvoyer à l'art. 36 qui porte que, pour l'évaluation des indemnités relatives à une occupation de terrain, un expert sera nommé par le concessionnaire, un autre par le propriétaire, et le tiers-expert par le préfet ; et à l'art. 57, d'après lequel l'expertise est soumise, par le préfet, à la délibération du conseil de préfecture. Mais pourquoi renvoyer à un titre entier, quand deux articles seulement seraient applicables? Pourquoi l'article 44 aurait-il adopté, pour renvoyer au conseil de préfecture, des expressions si différentes de celles employées par l'article 46, dont le sens est clair, et dont le § 2 de l'art. 44 ne serait qu'une répétition incomplète ? Nous ne croyons pas que l'on puisse voir, dans un texte aussi obscur, une dérogation à la règle générale. Il est vrai que les lois des 8 mars et 21 avril 1810 ont été discutées en même temps; mais l'art. 44 de la loi sur les mines avait été adopté en 1809, à une époque où l'on ne s'occupait pas encore de l'expropriation pour cause d'utilité publique, et l'on n'est plus revenu sur cet article, lorsque l'on a de nouveau discuté cette loi en 1810, en même temps que celle sur l'expropriation. Ajoutons que le chef du gouvernement avait même, en 1809, proposé, à l'occasion des mines, que l'on renvoyât aux tribunaux toutes les discussions d'intérêt réservées à l'administration. (M. Locré, t. IX, p. 193.)

700. M. de Cormenin, vo Expropriation, t. II, p. 388, se borne à dire que c'est aux tribunaux à régler l'indemnité due aux propriétaires, à raison de l'exploitation des mines, autorisée par le gouvernement: ce qui aurait permis de penser que, selon lui, les indemnités en matière de mines devaient toujours être réglées par les tribunaux. Mais plus loin, vo Mines, développant son opinion, il dit que l'ordonnance de concession règle les droits des

propriétaires de la surface sur le produit des mines concédées (p. 515); que les conseils de préfecture sont compétens pour décider les questions d'indemnités à payer par les propriétaires de mines, à raison des recherches ou travaux antérieurs à l'acte de concession (p. 319); et que « les tribunaux sont compétens pour statuer sur les demandes en indemnité ou en dominages-intérêts formées par les propriétaires du sol, contre les concessionnaires, pour raison de non jouissance du revenu, lorsque l'occupation de leur terrain causée par la recherche ou les travaux des mines les en a privés (p. 321). » Ses opinions sont donc conformes aux nôtres.

701. Un arrêt du conseil, du 24 novembre 1810, déclare que les tribunaux sont compétens pour apprécier quels sont ceux des travaux faits par les anciens concessionnaires, dont le prix doit leur être remboursé par les nouveaux concessionnaires, ou pour lesquels il est dû des indemnités aux premiers. (Sirey, t. Ier, p. 440.) Mais cet arrêt est la conséquence d'un premier, en date du 11 août 1808 (ibid., p. 184), qui, étant antérieur à la loi du 21 avril 1810, est basé sur l'article 27 de la loi du 27 juillet 1791.

SIV.. DES RUES ET PLACES PUBLIQUES.

702. Nous avons dit [695], que l'art. 27 de la loi du 8 mars 1810 avait révoqué les dispositions de la loi du 16 sept. 1807, qui attribuaient à l'autorité administrative le jugement des indemnités dues pour l'expropriation des marais. Par les mêmes motifs, nous décidons que l'on ne peut plus appliquer aujourd'hui les dispositions de la loi de 1807, relatives à la compétence administrative en matière d'indemnité pour la confection ou l'élargissement des rues et places publiques.

SV. -DES CHEMINS VICINAUX.

705. L'art. 10 de la loi du 28 juillet

1824 ayant consacré l'application de la loi du 8 mars 1810 aux expropriations relatives aux chemins vicinaux, il n'y a plus de motifs pour soutenir que l'indemnité due par suite de ces expropriations ne doit pas être fixée par les tribunaux. Aussi leur compétence a-t-elle été reconnue par beaucoup d'arrêts du conseil d'État, notamment par ceux des 12 janvier, affaire Capmas, et 13 juillet 1825, affaire Requedat (Macarel, t. VII, p. 24 et 416), 7 juin 1826, affaire Sourzac; 15 octobre suivant, affaire Savy (Macarel, t. VIII, p. 292 et 625); 10 janvier 1827, affaire Coulon (Macarel, t. IX, p. 50.)

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704. La loi du 28 mars 1790, tit. II, art. 19, soumet les difficultés qui pourraient s'élever relativement à la vente ou au loyer des halles à l'arbitrage des assemblées administratives; et un arrêt du conseil du 6 décembre 1815 (Sirey, t. II, p. 464) avait jugé que c'était au conseil de préfecture, mais non au préfet, à régler l'indemnité due par la commune au propriétaire. La même chose a été jugée par l'arrêt du 26 mars 1814, que nous rapporterons [1127].

703. Cependant la loi du 8 mars 1810 avait établi, sans exception, comme une garantie en faveur des propriétaires, qu'en cas d'expropriation pour utilité publique, l'indemnité à eux due serait fixée par les tribunaux. Il y avait lieu à faire l'application de cette règle à l'expropriation des halles, car l'art. 27 de cette loi rapporte généralement les dispositions de toutes

autres lois qui se trouveraient contraires aux principes qu'elle établit.

706. Le conseil d'État a fini par reconnaître cette vérité, et par son arrêt en date du 2 juin 1819 [1128], il a proclamé que c'était aux tribunaux à régler cette indemnité.

Un autre arrêt du conseil du 9 juillet 1820, rendu entre le comte de Vandeuvre et la commune de Putanges, consacre la même jurisprudence. « Considérant, dit l'arrêt, que la commune, aux termes de la loi du 28 mars 1790, est autorisée à exiger la vente ou location desdites halles, et qu'à défaut de conyention amiable entre les parties, soit sur la location, soit sur la vente, soit sur tous actes y relatifs, la contestation, aux termes de la loi du 8 mars 1810, est du ressort des tribunaux.» (Sirey, t. V, p. 410.)

Semblable décision entre la duchesse de Beaumont et la commune de Cany, par arrêt du conseil, du 22 février 1821, qui, par les mêmes motifs, déclare que le prix de vente ou de location des halles de Cany sera réglé, suivant les formes prescrites par la loi du 8 mars 1810, conformément aux règles établies par l'arrêt du conseil d'État du 6 août 1811. (Sirey, t. V, p. 551; Macarel, t. Ier, p. 215.)

Autre arrêt conforme, du même jour, entre le sieur de Blosseville et la commune de Buchy (Sirey, t. V, p. 542; Macarel, t. Ier, p. 225.)

M. de Cormenin, t. II, p. 389, proclame aussi la compétence des tribunaux pour la fixation de l'indemnité due à l'occasion d'une halle.

CHAPITRE II.

De la procédure à suivre pour parvenir à la fixation de l'indemnité.

707. Ce n'est pas assez d'avoir fait prononcer l'expropriation. Comme on ne peut prendre possession du bien exproprié qu'après avoir payé l'indemnité [651], il est nécessaire de faire fixer cette indemnité, ce qui est l'occasion d'une instance nouvelle [585].

Nous n'avons pas l'intention de retracer ici tous les actes que l'on peut avoir à faire pour parvenir à la fixation de l'indemnité; nous aurions à donner un cours entier de procédure civile. Nous parlerons seulement des règles spéciales à cette procédure, en examinant toutefois les questions qui peuvent s'élever sur l'application des principes généraux. Nous traiterons: 1o du mode de procédure à suivre ; 2o de la mise en cause ou de l'intervention des usufruitiers, locataires et autres intéressés; 5o du paiement des frais de l'instance; 4o de l'exécution du jugement qui règle l'indemnité; 5o des incidens occasionés dans cette procédure par la critique du jugement d'expropriation; 6o de l'appel. Ce sera la matière des six sections de ce chapitre.

708. L'art. 16 de la loi du 8 mars 1810 dit, en général, que le tribunal fixera la valeur des indemnités, etc. Par ces mots, l'art. 16 a entendu parler du même tribunal dont il avait été question dans les art. 13, 14 et 15, c'est-à-dire de celui de l'arrondissement où les propriétés sont si tuées. En effet, ce tribunal est plus à même que tout autre de bien apprécier l'indemnité, puisqu'elle dépend de connaissances

locales que le tribunal du domicile du propriétaire ne peut avoir. - L'art. 17 dit que l'expertise ne servira au tribunal que de renseignement; mais si ce n'était celui de la situation des biens, il ne pourrait guère rectifier ce qu'il y aurait d'erroné dans ce rapport. Enfin l'art. 19 dit que le tribunal pourra ordonner la mise en possession de l'administration, et certes ce n'est que celui de la situation des biens, qui peut connaître s'il y a urgence pour les travaux, à ce que cette possession soit accordée. Aussi M. Berlier dit-il positivement, dans l'exposé des motifs de la loi : « Il appartiendra donc au tribunal de l'arrondissement où les fonds sont situés, de fixer les indemnitės. » Ainsi, nul doute que c'est le tribunal de la situation qui doit connaitre de l'indemnité. En effet, par le jugement qui règle l'indemnité, le tribunal autorise l'administration à prendre possession du bien, en payant la somme qu'il fixe; or, une action relative à la possession, est une action réelle, et comme telle doit être portée devant le juge de la situation du bien.

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SECTION PREMIÈRE.

Du mode de procédure.

709. Lorsqu'il y a impossibilité de s'accorder sur la fixation de l'indemnité, il y a nécessité de recourir au tribunal pour la faire déterminer. D'après l'art. 49 du code de procédure, les demandes qui intéressent l'État, les communes, les établisse

mens publics, sont dispensées du préliminaire de conciliation. Ainsi, quand c'est l'État, une commune, un établissement public qui doit payer l'indemnité, il ne peut y avoir lieu à citer en conciliation.

710. En est-il de même lorsque les acquisitions de terrains doivent être faites par la compagnie qui est chargée de l'exécution des travaux, ainsi que cela a eu lieu pour le canal de la Brillanne et celui d'Aire à la Bassée? (Loi du 16 septembre 1807, art. 28; loi du 14 août 1822, art. 1er; cahier de charges, art. 3.) Cette compagnie ne parait pas pouvoir se dispenser de citer en conciliation. Elle ne trouve en elle-même aucune cause d'exception; et il s'agit d'une demande principale, introductive d'instance, entre parties capables de transiger (à moins que l'exproprié ne soit mineur ou interdit), et sur des objets qui peuvent être la matière d'une transaction (code de proc., art. 48). En vain la compagnie prétendrait qu'elle ne procède que comme étant aux droits du gouvernement. Les affaires qui intéressent l'État sont dispensées du préliminaire de conciliation, parce que les agens du gouvernement ne peuvent transiger sur les intérêts de l'État ; mais une compagnie concessionnaire peut toujours transiger. Les mêmes raisons n'existent donc pas. D'ailleurs, parce qu'on serait aux droits d'un mineur ou d'un interdit, on ne serait pas pour cela dispensé du préliminaire de la conciliation; on ne l'est donc pas davantage, parce qu'on est aux droits de l'État. L'on ne serait pas fondé non plus, selon nous, à soutenir que la procédure en expropriation n'est pas une demande introductive d'instance, parce qu'il y a déjà eu un jugement qui a prononcé l'expropriation de l'immeuble. Ce jugement a été rendu sur requête; le propriétaire n'y a point figuré; et l'assignation qui lui serait donnée pour le réglement des indemnités, se

rait réellement introductive d'instance relativement à lui.

711. Cependant, comme il y a nécessité de citer l'exproprié devant la justice de son domicile (code de procéd., 50), qui peut être fort éloigné du lieu où la propriété est située, l'accomplissement de cette formalité occasionerait souvent beaucoup de lenteurs et d'embarras. On ne peut, d'ailleurs, en espérer aucun résultat, puisque l'on a déjà dù chercher les moyens d'arriver à un arrangement amiable. La loi du 8 mars 1810 ne contient aucune dispense de cette formalité, sans doute parce qu'à cette époque les expropriations étaient suivies au nom du gouvernement ou d'établissemens publics, qui sont dispensés de droit de ce préliminaire. Cependant, cette dispense n'étant accordée par aucun texte de loi aux concessionnaires, ils n'auront d'autre moyen de se soustraire à ce préliminaire, dans les cas où les retards seraient préjudiciables, que d'obtenir du président du tribunal une permission d'assigner à bref délai, permission toujours fondée sur l'urgence et qui, par suite, dispense du préliminaire de conciliation. (Code de procéd., 49 et 72).

712. L'art. 16 de la loi du 8 mars 1810

porte: «< Dans tous les cas où l'expropriation sera reconnue ou jugée légitime, et où les parties ne resteront discordantes que sur le montant des indemnités dues aux propriétaires, le tribunal fixera la valeur de ces indemnités, etc. » Ce n'est donc que dans le cas où les parties sont discordantes sur le montant de l'indemnité que le tribunal est appelé à la régler. Mais la loi ne prescrivant aucun mode particulier pour constater qu'il y a discordance, tout acte qui prouvera le dissentiment, suffira pour que l'exproprié ne puisse se plaindre d'avoir été cité devant le tribunal. Lorsque l'on suit la marche que nous avons indiquée ci-dessus, tit. VI, relativement au génie militaire, le dissentiment est claire

ment établi. Il en est de même lorsqu'il y a eu citation en conciliation. Mais, dans les autres cas, tout mode qui prouverait que l'on a cherché à s'entendre, sans y parvenir, nous paraît également admissible.

715. Comme la partie qui exproprie a intérêt à obtenir la possession du terrain, ce sera elle qui ordinairement sera demanderesse. Mais si l'administration néglige de l'assigner, celui qui a subi l'expropriation peut forcer l'administration à comparaitre devant les tribunaux ; car il n'est pas obligé d'attendre qu'on l'attaque. Sans ce droit, il n'aurait plus qu'une possession précaire, et le paiement de l'indemnité pourrait être indéfiniment retardé.

714. Si les travaux qui ont nécessité l'expropriation, sont faits par l'État, la procédure en réglement d'indemnité devrait avoir lieu à la requête du préfet du département où les biens sont situés; car, c'est lui qui représente l'État dans toutes les instances qu'il a à soutenir devant les tribunaux. (Code de procéd., 69, 1°.) A la vérité, le procureur du roi pourra être chargé de présenter au tribunal les mémoires et les demandes du préfet, mais il le fera toujours au nom et à la requête du préfet, et jamais à sa propre requête.

C'est ce qui établit une différence essentielle entre la procédure en expropriation et celle en réglement d'indemnité. Dans la première, le procureur du roi présente le réquisitoire en son nom, quelle que soit la partie qui doive profiter des terrains acquis au moyen de l'expropriation [595]; c'est une attribution qui lui est conférée l'art. 13 de la loi, parce que l'expropar priation tient à l'intérêt public. Mais la loi ne contient pas de disposition semblable pour la procédure en réglement d'indemnité. L'art. 26 dit bien que le procureur du roi sera toujours entendu avant les jugemens tant préparatoires que définitifs; ce qui veut dire qu'il sera partie jointe au

procès (code de procéd., 85), et non partie poursuivante. Il s'agit de savoir si les terrains seront payés un peu plus ou un peu moins cher; la contestation doit donc être suivie par ceux qui sont chargés de défendre les intérêts de la partie qui doit acquitter l'indemnité. La procédure en expropriation est très simple; les instances en réglement d'indemnité sont, au contraire, presque toujours compliquées en faits. Cette nouvelle attribution eût pu détourner les procureurs du roi de leurs autres occupations; il était done convenable de laisser ces procédures soumises aux règles ordinaires.

713. Si Fexpropriation a eu lieu dans l'intérêt d'un département, d'une ville, d'un établissement public quelconque, l'instance en réglement d'indemnité doit être suivie à la requête du préfet, du maire, des administrateurs chargés de les représenter par l'art. 69 du code de procédure civile.

716. De même, si les concessionnaires chargés de l'exécution des travaux se sont obligés à acquérir les terrains sur lesquels ces travaux doivent s'exécuter [710], ils doivent suivre les instances en réglement d'indemnité, en leur propre nom. Peu importerait que l'État dût un jour avoir la propriété et la possession de ces terrains ; dès qu'il ne doit pas en payer le prix, il est étranger aux débats relatifs à l'indemnité.

717. La demande en fixation d'indemnité doit être dirigée contre le propriétaire, ou contre tous les propriétaires, si le bien est indivis entre plusieurs. Elle doit l'étre aussi contre l'usufruitier, l'usager, l'emphytéote, le fermier ou locataire, etc., l'on sait qu'il existe des intéressés, en l'une ou l'autre de ces qualités.

si

718. Si, au moment de l'assignation, le bien atteint par l'expropriation était l'objet d'une revendication, l'on pourrait se borner à assigner celui qui est en possession, sauf à l'autre prétendant à intervenir

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