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disent que les intérêts du prix seront dus à compter du jour de la dépossession, et payés de six en six mois. La première disposition est tellement dans la force des choses [836], qu'il n'y a pas de doute que toujours les tribunaux, en fixant l'indemnité, l'ordonneront ainsi. Il leur suffira pour cela de se fonder sur le principe consacré par l'art. 1652 du code civil, d'après lequel celui qui jouit du bien doit, de plein droit, l'intérêt du prix. Quant au paiement par semestre, les tribunaux pourront aussi l'ordonner, en vertu de la faculté qu'ils ont, dans toutes les affaires, d'ordonner des mesures provisoires. Les propriétaires jouiront donc de ces avantages, sans avoir besoin d'invoquer l'art. 20 de la loi de 1810. Quant au recours accordé contre l'administration des domaines, nous le croyons a peu près illusoire [1111]; et pour avoir le droit de l'invoquer, les propriétaires seraient obligés de reconnaitre comme légalement obligatoire Ja disposition qui autorise l'administration à retarder le paiement de l'indemnité pendant trois ans. Ils n'auront donc jamais intérêt à se fonder sur les dispositions des articles 20 à 24 qui peuvent être considérés comme entièrement abrogés.

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pour les terrains composant le marais, ne doive être acquittée préalablement à la dépossession.

1120. Lorsque le desséchement a lieu sans expropriation, la valeur des différentes parties de terre composant les marais, est fixée, avant que l'on commence les travaux, d'après le mode que nous avons exposé [447 et suivans]. Lorsque les travaux de desséchement sont terminés, il est procédé à une nouvelle estimation des fonds desséchés, suivant leur valeur nouvelle, et l'espèce de culture dont ils sont susceptibles, ainsi que nous l'avons fait connaitre [870].

1121. Nous avons indiqué [871], la manière dont les propriétaires pouvaient se libérer de l'indemnité par eux due aux concessionnaires. D'après ce mode, les propriétaires ne sont plus évincés d'une partie de leurs terres; ils sont tenus seulement d'assurer une juste indemnité aux entrepreneurs du desséchement. La valeur réelle des niarais a été d'abord constatée avec toutes les précautions qui peuvent garantir une estimation exacte;cette valeur est la vraie propriété des possesseurs, elle leur reste toujours et sans aucune altération. Après l'achèvement des travaux, une autre expertise a lieu; la valeur nouvelle est constatée avec le même soin qu'on a mis à fixer l'ancienne : de la comparaison entre la valeur antérieure et celle postérieure au desséchement, résulte la connaissance positive de l'augmentation due aux travaux. Cette plus-value seule devient passible de l'indemnité allouée à l'entrepreneur ; et le propriétaire s'acquitte envers lui à son gré, ou au moyen du paiement de la rente à quatre pour cent du capital de l'indemnité, c'est-à-dire sans nulle gêne, et par la simple remise annuelle d'une partie de l'accroissement des produits, ou en payant le capitale même, c'est-à-dire en faisant l'emploi d'argent le plus avantageux et le plus à sa convenance; ou enfin, s'il le préfère, et

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1123. Si l'indemnité était fixée à une somme déterminée, elle devrait être acquittée avant la mise en exploitation de la mine, car le principe de l'indemnité préalable, proclamé par l'art. 10 de la charte, s'applique à toute espèce d'expropriation; mais comme l'indemnité doit être fixée à une partie des produits de la mine [884], ou à une redevance annuelle [883], la nature même de ces indemnités s'oppose à ce qu'elles soient préalablement acquittées.

1124. Les droits résultant de l'expropriation du tréfonds en faveur du propriétaire du terrain, demeurent réunis à la valeur de la surface, et sont affectés avec elle aux hypothèques prises par les créanciers de ce propriétaire (loi du 21 avril 1810, art. 18). Par une raison semblable, ces droits seraient aussi soumis à l'action de l'usufruitier de ce terrain, s'il en existait un.

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1127. La disposition de l'art. 10 de la charte, sur l'indemnité préalable, s'applique à l'acquisition des halles. Un arrêt du conseil d'état du 26 mars 1814 (Sirey, t. II, p. 532), avait même appliqué à ce cas la disposition de l'art. 345 code civ.

Le sieur Delamare était propriétaire d'un domaine patrimonial, appelé le Viel-Harcourt, département de l'Eure. Il dépendait de ce domaine des halles, que le sieur Delamarre avait louées 900 fr. à la commune d'Harcourt, par bail notarié.

Le 8 avril 1815, le ministre de l'intérieur, par une circulaire, invita les préfets à faire exécuter la loi du 28 mars 1790, qui avait supprimé les droits de hallage dont jouissaient les ci-devant seigneurs. Cette circulaire chargeait principalement les préfets de déclarer que, «< toute perception de droits dans les halles, places, marchés, et champs de foires, au profit des particuliers propriétaires de ces immeubles ou de leurs fermiers, cesserait à compter du jour de la publication de leurs arrêtés, et que cette perception serait continuée au nom et au profit des communes où ils sont situés, sauf à elles à tenir compte du prix de la location ou de la vente desdits immeubles, d'après l'estimation qui en serait faite contradictoirement. »

En exécution de cette circulaire, le pré fet de l'Eure a pris, le 19 avril 1815, un arrêté portant que, « toute perception de droits au profit des particuliers propriétaires des halles et marchés, cesserait à compter du jour de son arrêté, mais qu'elle continuerait au nom et profit des communes. » Cet arrêté fut notifié par le maire

du bourg de Viel-Harcourt aux fermiers du sieur Delamarre, propriétaire des halles de cette commune, affermées 900 fr. par an; il fut fait en même défense à ces fermiers de s'immiscer dans la perception d'aucun droit, à quelque titre que ce fut, sur les halles du bourg d'Harcourt, avec sommation de verser, dans les mains du receveur des revenus communaux, ce qu'ils avaient perçu depuis le 14 juin 1815, époque de la publication de l'arrêté, à peine d'être poursuivis par les voies légales, etc. Les fermiers du sieur Delamarre lui ayant dénoncé cette notification, il a présenté requête pour demander que la décision du ministre de l'intérieur, portée en sa circulaire du 8 avril 1813, fùt annulée pour cause d'incompétence; en conséquence, qu'il fut ordonné que l'arrêté pris, en exécution de cette circulaire, le 19 du même mois, par le préfet du département de l'Eure, fut considéré comme non avenu, ainsi que tout ce qu'il s'en était suivi, notamment la défense faite à ses fermiers, par le maire d'Harcourt, de ne plus s'immiscer dans la jouissance et perception du produit de ces halles.

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N......, sur le rapport de notre commission du contentieux, « Considérant que la loi du 28 mars 1790, en supprimant les droits de hallage sans indemnité, a voulu que les bâtimens et halles continuassent d'appartenir aux propriétaires, qui sont cependant obligés de les louer ou de les vendre aux communes des lieux; que l'article 545 du code veut aussi que nul ne puisse être dépouillé de sa propriété, même pour cause d'utilité publique, sans une juste et préalable indemnité; que dès-lors si l'administration est chargée de fixer le tarif des droits qui se perçoivent aujourd'hui dans les halles et marchés, elle ne peut pas, comme l'a fait le préfet du département de l'Eure, ordonner la perception de ces droits au profit des communes dans lesquelles ils sont établis, sans que les propriétaires des

bâtimens affectés aux halles et marchés aient été préalablement désintéressés; que, s'il en était autrement, le propriétaire se trouverait dépossédé avant d'avoir reçu son indemnité, ce qui serait contraire aux dispositions de la loi du 28 mars 1790 et du code.-Considérant d'ailleurs que, dans l'espèce, le préfet n'était pas compétent pour ordonner une pareille dépossession; qu'il devait se borner à prendre des mesures pour forcer les propriétaires des halles, soit à les vendre, soit à les louer, soit à provoquer un tarif des droits qu'ils pourraient percevoir, et que, si les parties n'étaient pas d'accord sur le mode d'estimation, elles devaient se pourvoir devant le conseil de préfecture, conformément au décret du 6 décembre 1815; - Notre conseil d'état entendu, nous avons décrété et décrétons ce qui suit : — Art. 1oг. L'arrêté du préfet du département de l'Eure du 19 avril 1813 est annulé dans la disposition qui dépossède le sieur Delamarre de sa halle, sans aucune indemnité préalable, sauf à la commune de Viel-Harcourt à acheter ladite halle ou à la louer, et si elle ne le fait pas, à exiger un tarif des droits qui pourront être perçus, le tout conformément à l'art. 12 de notre décret du 9 décembre 1811. »

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1128.Le même principe a encore été proclamé par un arrêt du conseil du 3 juin 1819 (S.,t. V, p. 135), rendu en faveur du sieur Brichet, dans une espèce identique; sculement un arrêté du conseil de préfecture du département des Côtes-du-Nord, en date du 28 mai 1818, avait rejeté la demande du réclamant, tendant à être réintégré dans la jouissance de sa halle, et ordonné qu'il serait procédé, par des experts, à l'évaluation de cet établissement, afin d'en fixer le prix de vente ou de location.

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16 et 27; vu l'avis du conseil d'état, approuvé le 6 août 1811; - considérant, sur l'arrêté du préfet, qu'aux termes de l'art. 19 de la loi du 28 mars 1790, et de l'instruction annexée à cette loi, les communes peuvent contraindre les propriétaires des halles à leur vendre ou louer ces établissemens; mais que, suivant l'article 545 du c. civil, « Nul ne peut être contraint à céder sa propriété que moyennant une juste et préalable indemnité ; » que l'arrêté attaqué a contrevenu à cette loi, en prescrivant à la commune de se mettre en possession des halles du sieur Brichet, et d'en faire saisir les revenus avant que le sieur Brichet eut reçu l'indemnité qui lui était due; considérant, sur l'arrêté du conseil de préfecture, que si, aux termes de la loi du 28 mars 1790, les communes ont le droit de louer ou d'acquérir les halles établies sur leurs territoires, le prix de vente ne peut être fixé que d'après les formes prescrites par la loi du 8 mars 1810, c'est-à-dire par convention amiablement arrêtée entre les parties, ou par autorité de justice, en se conformant aux bases établies par l'avis du conseil du 6 août 1811; considérant que, dans l'état actuel de la législation, le conseil de préfecture, en ordonnant une expertise à l'effet de déterminer la valeur des halles dont il s'agit, a entrepris sur l'autorité judiciaire, et commis un excès de pouvoir;- notre conseil d'état entendu,-nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :— Art. 1er. L'arrêté dupréfet du département des Côtes-du-Nord du 13 juillet 1813 est maintenu eirce qu'il reconnaît à la commune de Lannion le droit d'acquérir ou de louer les halles qui appartiennent au sieur Brichet. Il est annulé dans la disposition qui ordonne la dépossession du sieur Brichet, avant qu'il ait reçu l'indemnité qui lui est due; sont également annulés tous les actes d'exécution qui s'en sont suivis.-Art. 2. L'arrêté du conseil de préfecture du 28 mai 1818

est annulé comme incompétemment rendu; — le prix de vente ou de location des halles dont il s'agit, sera fixé suivant les formes prescrites par la loi du 8 mars 1810, et conformément aux règles établies par l'avis du conseil d'état du 6 août 1811 » 1.

1129. Dans l'affaire de la commune de Doudeville contre le sieur Leseigneur, le conseil de préfecture du département de la Seine-Inférieure avait pris, les 8 septembre et 5 novembre 1819, des arrêtés par lesquels, quoique l'indemnité due au sieur Leseigneur ne fût pas encore payée, ni même fixée, il ordonnait que les revenus de sa halle seraient déposés dans une caisse publique. C'était une violation du principe de l'indemnité préalable; car le propriétaire exproprié doit profiter des revenus de son bien jusqu'à ce qu'il ait reçu l'indemnité qui doit lui en tenir lieu. Aussi, ces arrêtés ont-ils été annulés par arrêt du conseil, du 13 juin 1821 (Macarel t. II, p. 55), par le motif qu'avant que la fixation de l'indemnité eût été faite par lui. le conseil de préfecture ne pouvait priver les propriétaires de la jouissance des halles qui leur appartenaient, ni ordonner le dépôt, dans une caisse publique, des revenus desdites halles.

Le conseil d'état s'était déjà prononcé dans le même sens, lors de son arrêt du 22 février précédent, dans l'affaire de la commune de Cany. Cet arrêt porte : « Le conseil de préfecture, en ordonnant le dépôt, dans une caisse publique, des revenus des halles de la commune de Cany, appartenant à la dame de Beaumont, est contrevenu à l'art. 545 du code civil et à la loi du 8 mars 1810, qui veulent que personne ne soit dépossédé de sa propriete sans indemnité préalable » (Macarel, t. 1o, p. 215; Sirey, t. V, p. 551).

1 On peut voir un autre arrêt du conseil, du 25 avril 1820, rendu sur une demande en interprétation de celui-ci. (Sirey, t. V, p. 365.)

1130. Si la commune ne doit jouir des balles qu'à titre de location, le prix de cette location doit être acquitté aux époques convenues, ainsi que l'art. 1728 du

code civil l'établit pour toute espèce de location. Il y a, à la vérité, bail forcé; mais cependant ce n'est pas là une expropriation, ce n'est qu'une occupation temporaire [30].

CHAPITRE II.

Des obstacles au paiement.

1151. Nous avons dit [1075] que l'administration était dispensée de payer au propriétaire le montant de l'indemnité avant la prise de possession, lorsqu'il existait des obstacles légaux au paiement.

1132. L'art. 25 de la loi du 8 mars 1810 porte « dans tous les cas où il y aura des hypothèques sur les fonds, des saisiesarrêts ou oppositions formées par des tiers au versement des deniers entre les mains, soit du propriétaire dépossédé, soit des usufruitiers ou locataires évincés, les sommes dues seront consignées, à mesure qu'elles écherront, pour être ultérieure ment pourvu à leur emploi ou distribution dans l'ordre, et selon les règles du droit

commun.

1133. La promulgation de la charte nous paraît avoir modifié la disposition que nous venons de rappeler. En établissant que l'indemnité doit être préalable à la dépossession, elle n'a sans doute pas voulu abroger entièrement cet article. Si l'on exigeait que l'administration, pour prendre possession du terrain, attendit que les saisiesarrêts fussent annulées ou menées à fin, que les hypothèques fussent radiées, l'ordre ou la distribution terminés, elle pourrait attendre, pendant plusieurs années, l'époque de la prise de possession, et l'on conçoit facilement combien les travaux DELALLEAU.

publics seraient entravés. On ne doit pas supposer que la charte, en consacrant le principe de l'expropriation pour cause d'utilité publique, y ait apposé une condition qui, dans une multitude de circonstances, rendrait sans effet le privilége accordé aux travaux publics.

1154. Ce que la charte a voulu, ce fut de donner aux propriétaires la certitude, qu'après avoir pris possession de leur terrain, l'administration ne refusera pas de se libérer [96]. Toute inquiétude sur ce point disparaît, lorsque l'administration qui exproprie s'est dessaisie, par une consignation; de la somme due à l'exproprié. Ainsi, l'on remplit complètement le vœu de la charte, en ordonnant qu'en cas d'obstacles au paiement effectifentre les mains de l'exproprié, l'administration sera tenue d'effectuer la consignation de l'indemnité avant la prise de possession de l'immeuble. Le propriétaire est alors certain de toucher l'indemnité, dès qu'il aura fait cesser les obstacles qui s'opposent à ce qu'elle lui soit remise.

1155. Les obstacles au paiement peuvent provenir de ce qu'il existe des hypothèques sur le bien exproprié, ou des saisies-arrêts entre les mains de l'administration, ou de ce que le bien a été donné en antichrèse, ou enfin de ce que personne

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