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qu'on en fasse l'acquisition. Lors même que les pièces de terre sont trop endommagées ou dégradées sur une trop grande partie de leur surface, le propriétaire de la surface peut également exiger que ces pièces de terre lui soient achetées en totalité [1444]. Loi du 21 avril 1810, article 44.

113. Une mine, selon le dictionnaire de l'Académie, est le lieu où se forment les métaux, les minéraux et quelques pierres précieuses.

Mais, dans l'état actuel de notre législation, les masses de substances minérales ou fossiles renfermées dans le sein de la terre, ou existant à la surface, sont classées relativement aux règles de l'exploitation de chacune d'elles, sous les trois qualifications de mines, minières et carrières. Même loi, art. 1er.

Sont considérées comme mines, celles - connues pour contenir en filons, en couches ou en amas, de l'or, de l'argent, du platine, du mercure, du plomb, du fer en filons ou couches, du cuivre, de l'étain, du zinc, de la calamine, du bismuth, du cobalt, de l'arsenic, du manganèse, de l'antimoine, du molybdène, de la plombagine, ou autres matières métalliques, du soufre, du charbon de terre ou de pierre, du bois fossile, des bitumes, de l'alun et des sulfates à base métallique. Ibid., art. 2.

Les minières comprennent les minerais de fer dits d'alluvion, les terres pyriteuses propres à être converties en sulfate de fer, les terres alumineuses et les tourbes. Ibid., art. 3.

Les carrières renferment les ardoises, les grès, pierres à bâtir et autres, les marbres, granits, pierres à chaux, pierres à plâtre, les pozzolanes, le trass, les basaltes, les laves, les marnes, craies, sables, pierres à fusil, argiles, kaolin, terres à foulon, terres à poterie, les substances terreuses et les cailloux de toute nature, les terres pyriteuses regardées comme engrais: le

tout exploité à ciel ouvert ou avec des galeries souterraines. Ibid., article 4.

La loi du 21 avril 1810 soumet l'exploitation des minières et des carrières à la surveillance de l'administration, mais n'établit aucune mesure qui fasse naître ou qui autorise une expropriation. C'est pourquoi, lorsque nous parlerons de la législation spéciale sur les Mines, nous donnerons toujours à ce mot l'acception restreinte qui résulte de l'art. 2 de cette loi.

SECTION V.

Des haras.

116. Une loi du 21 avril 1806, relative aux acquisitions nécessaires pour l'établissement des haras, contient des dispositions remarquables,

Art. 1er. Les domaines nécessaires pour former ou agrandir les établissemens de haras, pourront être acquis de gré à grẻ.

Art. 2. Les domaines qui ont fait partie de l'un des haras du royaume, et qui en ont été distraits par des aliénations, sont acquis et réunis auxdits haras par des trai tés de gré à gré, ou comme pour cause d'utilité publique, après estimation régulière et paiement préalable, le tout dans les formes voulues par les lois.

Art. 3. Ces acquisitions seront autorisées par des ordonnances royales, dans la forme usitée pour les réglemens d'administration publique.

Il résulte, selon nous, des art. 1er et 2, que l'on ne peut requérir l'expropriation pour cause d'utilité publique, que des domaines qui ont déjà fait partie des haras, et que les propriétés qui n'ont jamais eu cette destination, ne peuvent être acquises que de gré à gré. Certes, cette loi pousse loin le respect pour la propriété, et restreint les cas d'expropriation beaucoup plus que ne l'indiquent les mots utilité publique.

SECTION VI.

Des établissemens thermaux.

117. M. Favard de Langlade (Répertoire de la Nouvelle législation; voyez Eaux minérales, n. 5) dit que divers décrets et ordonnances ont prescrit l'expropriation pour cause d'utilité publique, sauf réglement de l'indemnité, conformément à la loi du 8 mars 1810, de terrains et bâtimens nécessaires pour l'amélioration des établissemens thermaux. >>

118. Le gouvernement pense même qu'il peut déposséder les propriétaires des établissemens thermaux, soit qu'ils laissent leurs bains dans un état d'abandon, soit qu'on craigne qu'il ne les administrent d'une manière préjudiciable au public, qui est intéressé à conserver les avantages que ces eaux peuvent procurer.

C'est ce qui a été décidé notamment par un décret du 13 mars 1810, relatif aux bains du Mont-d'Or, et contre lequel l'ancien propriétaire a vainement réclamé.

Le sieur Étienne Lizet était propriétaire des eaux minérales du Mont-d'Or, département du Puy-de-Dôme; il en avait fait l'acquisition de la dame Dubourg, par acte public du 24 fructidor an x, lorsque le décret du 15 mars 1810 décida qu'il y avait lieu à cession, pour cause d'utilité publique, des bains du Mont-d'Or; en conséquence, autorisa le préfet du Puy-de-Dôme, à traiter de gré à gré avec le sieur Lizet; et, en cas de contestation, ordonna qu'il serait procédé dans la forme prescrite par la loi du mois de septembre 1807, et qu'il serait pourvu au budget du département, au paiement du prix de l'acquisition, et des travaux à faire en conséquence.

En exécution de ce décret, le préfet somma le sieur Lizet de s'expliquer sur le prix qu'il prétendait avoir de sa propriété, lui déclarant qu'au besoin, il se pourvoirait. Le sieur Lizet prit alors le parti de former opposition au décret du 15 mars 1810; il

demanda que ce décret fût révoqué, et que, dans le cas où la cession serait maintenue, en interprétant ou modifiant le décret il fùt néanmoins ordonné qu'il serait procédé conformément aux dispositions de la loi du 8 du même mois de mars.

Pour fonder sa réclamation, le sieur Lizet a objecté que l'utilité publique qu'on avait alléguée pour le dépouiller de sa propriété, n'était qu'un masque emprunté pour couvrir les projets qui devaient servir l'intérêt particulier de ceux qui avaient provoqué sa spoliation; que l'utilité publique n'exigeait pas que la régie des bains fut confiée à une administration particulière; que par cette mesure, on s'ôtait, au contraire, les moyens de les faire prospérer; que ces bains demeurant propriété privée, l'intérêt du propriétaire serait d'y donner les soins les plus vigilans et les plus assidus; que ces bains, au contraire, passant dans les mains de l'administration publique, tout alors changeait de face, parce que l'administration était obligée de salarier des agens, et que ces agens ne répondaient pas toujours aux vues de l'administration.

Dans cet état est intervenu, le 23 septembre 1810, l'arrêt suivant, sur le rapport de la commission du contentieux.

« Considérant qu'il est d'utilité publique que les établissemens destinés au soulagement des malades soient à l'entière disposition de l'administration, et ne soient pas laissés entre les mains d'un particulier, qui peut ne pas avoir les facultés nécessaires pour subvenir aux frais qu'entraîne l'entretien de pareils établissemens, ou qui, faisant de ces établissemens des objets de spéculation, pourrait, en exigeant des prix excessifs, priver une grande partie des citoyens de la faculté d'user des bains qu'ils fréquentent; - Que faire régler par l'administration le prix des bains, serait une mesure peu convenable, puisque ce serait enlever au propriétaire la faculté de disposer en maître de sa propriété;

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119. On a quelquefois demandé si, par utilité publique, on ne devait entendre que l'utilité de la généralité des citoyens, ou si on pouvait appliquer ces mots à des intérêts locaux. Pour la première interprétation, on disait qu'un particulier doit bien sacrifier ses intérêts à ceux de la généralité des habitans, mais qu'il n'est pas tenu de faire le même sacrifice pour une partie seulement d'entre eux.

La législation actuelle ne laisse aucun doute sur ce point. Des lois formelles prononcent que des expropriations peuvent avoir lieu pour des routes d'intérêt local, pour l'établissement de nouvelles rues ou places publiques, pour l'amélioration ou la création de chemins vicinaux, et désignent ces travaux comme d'utilité publique ou générale. En effet, la plupart des travaux (autres que ceux relatifs à la défense de l'État) n'intéressent pas directement la généralité des habitans; ils servent à un plus ou moins grand nombre d'entre eux, mais jamais à tous. C'est donc au gouvernement qu'il appartient de vérifier si la masse des citoyens qui doivent en tirer avantage est assez grande pour qu'on puisse en conclure que l'utilité générale commande leur exé

cution. L'intérêt public étant d'accroître la valeur de toutes les propriétés et de faciliter l'emploi de tous les produits, ce qui tend à ce but, dans une localité, contribue indirectement à l'utilité générale. Il faut remarquer d'ailleurs que nos lois n'emploient pas les mots d'utilité GÉNÉRALE OU UNIVERSELLE, mais ceux d'utilité PUBLIQUE, de même que la charte se sert des mots intérêt PUBLIC. Ajoutons que l'art. 30 de la loi du 16 septembre 1807, désigne les travaux publics ordonnés ou approuvés par le gouvernement, sous la dénomination de travaux généraux, départementaux ou communaux, et que l'avis du conseil d'état du 21 février 1808 [29] décide qu'une propriété nationale peut être aliénée pour utilité départementale ou communale.

120. L'art. 1er du premier projet de loi soumis, en 1810, à la discussion du conseil d'état, portait que « Nul ne peut être contraint de faire, pour cause d'utilité publique, la cession de sa propriété, soit à l'État, soit à une administration dépar– tementale ou municipale, si cette obligation ne résulte d'une loi ou d'un décret. » (M. Locré, t. IX, p. 666.)

L'art. 2 du second projet disait : « L'u

tilité publique est constatée par le fait même du décret qui ordonne des travaux, soit qu'ils entraînent ou non la cession à l'Élat ou aux communes de quelque propriété.» (Ibid., p. 681.)

L'art. 2 de la troisième rédaction portait également : « L'utilité publique est constatée par le fait même de la loi ou du décret qui ordonne des travaux, soit qu'ils entrainent on non la cession de quelques propriétés particulières à l'État, ou à des administrations départementales, communales ou municipales. » ( Ibid., p. 691.)

Les expressions relatives aux administrations départementales ou municipales, ne furent l'objet d'aucune critique lors de la discussion de ces trois projets, et cependant elles disparurent des projets ultérieurs. Mais on voit, par la lecture de la discussion (Ibid., p. 674 et suiv.), que les différens changemens faits à la rédaction avaient pour but de mieux exprimer que l'utilité publique ne pouvait être consacrée que par une décision du souverain, et que l'expropriation ne pouvait être prononcée que par les tribunaux. Pour arriver à une rédaction sur laquelle on pùt s'accorder, on a fait des changemens qui ont entraîné la suppression des expressions relatives à l'utilité départementale ou communale. On aura sans doute regardé comme utile de répéter un principe déjà consacré par un usage constant et par l'art. 50 de la loi du 16 septembre 1807; car, bien loin de contester ce principe, on avait formellement déclaré, lors de la discussion du second projet, que l'on approuvait l'art. 2 (Ibid., p. 686). Mais on ajouta ensuite qu'une rédaction plus génénale dispenserait d'entrer dans l'énumération de ceux à qui la cession doit être faite. (Ibid., p. 698.)

121. Ainsi, les travaux d'utilité départementale ou d'utilité communale, sont des causes d'expropriation aussi légitimes que celles qui paraissent se rattacher à l'utilité de plusieurs départemens ou même du

royaume entier. Par la même rainson, il est indifférent que les fonds destinés à payer les travaux et les terrains, proviennent des caisses du trésor public ou des fonds départementaux ou communaux, ou soient fournis par une administration, un établissement public ou des concessionnaires. La répartition de ces dépenses, qui est un objet d'administration, peut bien faire connaître que les travaux intéressent plus particulièrement un département ou une commune, puisqu'ils en font les frais en totalité ou en partie ; mais il ne résulte pas de là que ces travaux soient étrangers à l'intérêt public.

SECTION PREMIÈRE.

Des travaux entrepris par les départemens.

122. Les départemens sont chargés d'établir les prisons et maisons de détention. Comme il est de l'intérêt public que ces maisons soient situées de manière à prévenir l'évasion des prisonniers et à en faciliter la surveillance, et qu'il est difficile que plusieurs localités conviennent également pour un pareil établissement, il est à présumer que l'on autoriserait facilement une expropriation de terrains nécessaires à la construction d'une prison.

Il en serait de même sans doute de l'éta

blissement d'un palais de justice.

Quant aux routes départementales, nous avons vu [104] que l'art. 29 de la loi du 16 septembre 1807, classait formellement, parmi les travaux d'utilité publique, les routes d'un intérêt local.

SECTION II.

De l'utilité communale, ou des travaux payés par les villes et communes.

Ier.DES RUES, PLACES ET QUAIS. 123. Parmi les travaux communaux, on doit placer au premier rang ceux qui sont

relatifs aux rues, aux places publiques e plus-value, et pour les contraindre à ce

aux quais.

L'art. 30 de la loi du 16 septembre 1807, prévoit le cas d'ouverture de nouvelles rues, de formation de places nouvelles, de construction de quais, et l'art. 49 fait assez connaître que tous les travaux dont il est question dans ces deux articles sont considérés comme d'utilité publique. « Les terrains, dit l'art. 49, nécessaires pour l'ouverture des canaux et rigoles de desséchement, des canaux de navigation, de routes, de rues, la formation de places et AUTRES travaux reconnus d'une utilité générale, seront payés, etc. » L'art. 52 s'exprime dans le même sens : « Dans les villes, les alignemens pour l'ouverture de nouvelles rues, pour l'élargissement des anciennes qui ne font pas partie d'une grande route, ou pour tout AUTRE objet d'utilité publique, etc. Ce qui prouve que les travaux relatifs aux rues et places des villes sont considérés comme d'utilité publique.

124. Ce n'est pas seulement lorsqu'un terrain est nécessaire pour les travaux que l'administration veut exécuter, qu'elle peut en exproprier le propriétaire. L'article 55 de la loi du 16 septembre 1807, porte: « Au cas où, par les alignemens arrêtés, un propriétaire pourrait recevoir la faculté de s'avancer sur la voie publique, il sera tenu de payer la valeur du terrain qui lui sera cédé........ Au cas où le propriétaire ne voudrait point acquérir, l'administration publique est autorisée à le déposséder de l'ensemble de sa propriété, en lui en payant la valeur, telle qu'elle était avant l'entreprise des travaux. »

Dès que l'alignement des rues a été considéré comme objet d'utilité publique [1299], on a dù obliger les propriétaires dont les constructions étaient trop reculées, à les avancer sur la voie publique; mais comme, en certains cas, le terrain qu'ils gagnaient pouvait donner plus de valeur à leur propriété, on a exigé qu'ils payassent cette

paiement, l'article que nous venons de citer autorise à les déposséder dans le cas où ils se refuseraient à acquitter la somme fixée [215].

125. Ainsi le propriétaire qui fait reconstruire des bâtimens doit se conformer à l'alignement donné, et si, pour cela, il est nécessaire d'avancer les constructions sur la voie publique, il doit payer la valeur du terrain qui lui sera cédé. S'il s'y refuse, l'administration est tenue de laisser réédifier sur les anciennes fondations ou d'acquérir la propriété entière. La nécessité d'avancer les constructions de quelques pieds, peut occasioner, dans l'intérieur de l'habitation, des changemens très coùteux, dont le propriétaire ne doit pas être astreint à supporter la dépense. Mais s'il s'agissait de reconstruire un simple mur de clôture, serait-il juste que le propriétaire se refusât à suivre l'alignement tracé, et voulut obliger l'administration à acquérir sa propriété? Cependant l'article 33 parait s'appliquer à toute espèce d'alignement.

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II.

. DES CHEMINS COMMUNAUX OU VICINAUX.

126. Nous avons vu [104] que depuis long-temps le législateur avait autorisé l'expropriation des terrains nécessaires à l'établissement ou à l'amélioration et rectification des routes royales, et même des routes d'intérêt local; ce droit a été formellement étendu aux communications vicinales par l'article 10 de la loi du 8 juillet 1824 [305].

En effet, comme l'a dit un député ', << La bonne viabilité des communes est le premier besoin de l'agriculture et du commerce; on peut dire même que l'économie dans les frais de transport est leur premier bénéfice. Il ne suffit pas que quelques grandes routes somptueuses traversent un pays d'une extrémité à l'autre, si des ramifica

1 M. Cotton.

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