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dixième sur leurs produits, le droit de police sur leur exploitation, tellés sont les seules restrictions que cette propriété ait essuyées de la part des empereurs'. »

CHAPITRE II.

DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE.

XXIV. Ce que nous appelons aujourd'ui expropriation pour cause d'utilité publique, s'appelait anciennement vente forcée pour utilité publique, ou retrait d'utilité publique.

Maillard, sur le Titre III de la coutume d'Artois, no 29, dit : « Le << retrait à titre d'utilité publique est la faculté que le roi, l'église ou « les villes ont de se faire subroger dans l'achat, même d'acquérir la << propriété d'un héritage limitrophe, ou trouvé nécessaire aux forti<«<fications, à l'édification d'une église, à la décoration d'une place, « d'une ville, d'une maison royale ou d'un collége. »

XXV. Nous avons réuni un assez grand nombre de décisions émanées du roi ou des cours souveraines, relativement à des travaux d'utilité publique. Leur étendue nous empêche de les rapporter ici; mais comme elles pourraient servir à interpréter quelques dispositions de la législation actuelle, ou être invoquées comme autorités dans les questions sur lesquelles elle ne statue pas formellement, nous les réunirons à la suite de notre traité, avec quelques autres documens qui n'auraient pu trouver leur place dans l'ouvrage même.

XXVI. « Beaucoup d'anciennes routes, dit M. Tarbé de Vauxclairs, << ont été ouvertes à une époque où l'intérêt public faisait quelquefois « méconnaître l'intérêt particulier; et si l'on voulait établir, par des «< faits ou titres, ce qui se pratiquait alors, on serait fort embarrassé : «< car on trouverait tant d'exemples contradictoires, qu'il serait diffi<«< cile d'en déduire une jurisprudence constante. » (Répertoire de la Nouvelle législation, vo Fossés des routes.

Nous partageons tout-à-fait cette opinion, et nous croyons qu'il faut renoncer à établir des principes positifs, parce que le gouvernement lui-même n'en avait pas alors d'arrêtés.

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M. Merlin, Quest. de dr., vo Mines, § 1er. Voir aussi M. Héron de Villefosse, de la Richesse minérale; et M. Blavier, Jurisprudence générale des mines, tom. 1er,

XXVII. On lit dans l'ancien Répertoire de jurisprudence de Guyot, yo Mine : « Tout ce qu'on peut tirer des mines, fait partie du domaine « du roi, et appartient à Sa Majesté, tant dans les terres du domaine, << que dans celles des particuliers. » Cette opinion était en effet celle d'une foule d'auteurs; mais M. Merlin soutient qu'elle n'avait pour base qu'une interprétation erronée des lois romaines et des anciennes ordonnances, et une confusion du droit de propriété avec le droit d'inspection et la faculté de disposer en indemnisant (Répert., vo Mine, n 1).

Denisart, vo Mine, no 4, dit également, que la propriété des mines n'appartient pas au roi, mais il ajoute, no 5, qu'il faut excepter les mines d'or, qui appartiennent au roi, comme un apanage du domaine royal.

Les divers réglemens rendus à l'occasion des mines, seront rapportés dans l'Appendice.

XXVIII. L'assemblée Constituante voulut régulariser la marche jusqu'alors si incertaine en matière d'expropriation par suite d'utilité publique.

L'article 4 de la loi des 6 et 7-11 septembre 1790, est ainsi conçu : « Les demandes et contestations sur le réglement des indemnités dues « aux particuliers, à raison des terrains pris ou fouillés pour la con«fection des chemins, canaux, ou autres ouvrages publics, seront -« portées, de même, par voie de conciliation, devant le directoire de « district (aujourd'hui le sous-préfet), et pourront l'être ensuite au << directoire de département (aujourd'hui le préfet), lequel les termi«< nera en dernier ressort, conformément à l'estimation qui en sera << faite par le juge de paix et ses assesseurs. »>

Il est facile de voir que les dispositions de cet article étaient fort insignifiantes, et qu'elles ne pouvaient remédier à aucun des abus dont on croyait sans doute avoir à se plaindre; elles établissaient même un singulier concours du juge de paix et du préfet.

Il y est dit qu'une estimation sera faite par le juge de paix et ses assesseurs. Cette estimation était-elle obligatoire pour les corps administratifs? S'ils devaient s'y conformer, c'était le tribunal de paix seul qui avait jugé la difficulté, et l'intervention de l'autorité administrative était inutile. Si l'autorité administrative pouvait s'écarter de l'opération du juge de paix, devait-on faire intervenir l'autorité

judiciaire, pour donner un simple avis? On avait d'ailleurs omis de dire quelle autorité indiquerait les propriétés dont la cession serait reconnue nécessaire; quand et comment l'indemnité serait payée, etc.

Cet article de loi ne peut donc être considéré que comme une dis― position rendue à la hâte sur une matière peu connue, et ne pouvant même former la base d'une législation.

XXIX. La loi du 8-10 juillet 1791, sur les places de guerre contient plusieurs dispositions qui entraînent des expropriations. Il importe de remarquer que l'art. 19 du tit 1er de cette loi porte que les indemnités seront réglées à l'amiable, s'il se peut, par les départemens, sur l'avis des districts, et à défaut, par le tribunal du lieu.

XXX. La loi du 12 du même mois forma pour les mines une nouvelle législation qui fut très favorable au propriétaire de la superficie. Cette loi établissait, art. 1er, que les mines et minières étaient à la disposition de l'État, en ce sens seulement que ces substances ne pourraient être exploitées que de son consentement et sous sa surveillance, à la charge d'indemniser, d'après les règles prescrites, les propriétaires de la surface, qui jouissaient, en outre, de celles de ces mines qui pouvaient être exploitées ou à tranchées ouvertes, ou avec fosse et lumière jusqu'à cent pieds de profondeur seulement. D'après l'art. 3, les propriétaires de la surface devaient avoir la préférence et la liberté d'exploiter les mines qui pourraient se trouver dans leur fonds, la permission ne pouvant leur en être refusée lorsqu'ils la demandaient. Toutefois, d'après l'article 10, ils étaient tenus de déclarer, dans un délai déterminé, s'ils entendaient ou non exploiter par eux-mêmes. Les concessionnaires, qui n'acquéraient que le droit d'exploiter pendant 50 années, furent astreints à une redevance annuelle envers les propriétaires, et durent craindre de voir, à l'expiration de leur concession, les propriétaires de la surface obtenir la préférence sur eux pour une concession nouvelle.

Cette loi fut plus tard modifiée, en quelques points, par la loi du 2 février 1801 (13 pluviose an Ix).

XXXI. L'assemblée dite Nationale inséra dans le décret du 314 septembre 1791, sous le titre de Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un article ainsi conçu: Art. 17. « La propriété étant «< un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est « lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidem

« ment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. » La Constitution de la même date, porte: Tit. Ier, que « la Con<«< stitution garantit l'inviolabilité des propriétés ou la juste et préa– «lable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement « constatée, exigerait le sacrifice. »>

C'est la première fois que l'on voit consacrer le principe que l'indemnité doit être préalable à la dépossession. C'est une amélioration importante et une garantie très précieuse pour les propriétaires. Nous en verrons ci-après les conséquences.

XXXII. Le code rural du 28 septembre - 6 octobre 1791, porte, art. 1er « Le territoire de la France, dans toute son étendue, est libre comme les personnes qui l'habitent ainsi toute propriété territoriale ne peut être sujette envers les particuliers qu'aux redevances et aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi, et envers la nation, qu'aux contributions publiques établies par le corps législatif, et aux sacrifices que peut exiger le bien général, sous la condition d'une juste et PRÉALABLE indemnité. »

L'article 1er de la section 4 du titre Ier, porte, par application de ce principe : « Les agens de l'administration ne pourront fouiller << dans un champ pour y chercher des pierres, de la terre ou du sable, « nécessaires à l'entretien des grandes routes ou autres ouvrages publics, qu'au préalable, ils n'aient averti le propriétaire, et qu'il ne « soit justement indemnisé, à l'amiable, ou à dire d'experts, confor<«<mement à l'art. 1er du présent décret. »

L'art. 41 du tit. 2 porte : « Tout voyageur qui déclorra un champ pour se faire un passage dans sa route, paiera le dommage fait au propriétaire et de plus une amende de la valeur de trois journées de travail, à moins que le juge de paix du canton ne décide que le chemin public était impraticable, et alors les dommages et les frais de clôture seront à la charge de la communauté. »

XXXIII. Le décret des 1er et 4-8 avril 1795 prévoyait un cas d'expropriation pour intérêt public. Il s'agissait de subdiviser les grands domaines dits nationaux, et voici en quels termes le décret s'exprimait. Art. 12. « Dans les cas où la division d'un bien << national exigerait l'ouverture d'une rue, et que, pour y parvenir, <«< il serait nécessaire de faire, au nom de la nation, l'acquisition de <«< maisons ou terrains appartenant à des particuliers, cette acquisi

DELALLEAU.

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<< ne pourra avoir lieu qu'en vertu d'un décret de la Convention << Nationale, et à cet effet, l'administrateur des biens nationaux lui << enverra toutes les pièces propres à constater les avantages du projet de division dont l'exécution devra donner lieu à l'acquisition << proposée. »> Art. 15. « Lorsque la Convention aura décrété « l'acquisition, au nom de la nation, desdites maisons ou terrains, « l'évaluation en sera faite par deux experts nommés l'un par le << propriétaire, et l'autre par le directoire du district, en prenant << pour base de capital à cinq pour cent des loyers ou fermages « connus ou présumés; et il sera ajouté au prix ainsi réglé, un quart << en sus, par forme d'indemnité accordée aux propriétaires. >>

La marche tracée par ce décret, quoique pour un cas particulier était, sans doute, suivie dans tous les autres cas où il s'agissait d'expropriation pour utilité publique. L'indemnité de quelques propriétaires pouvait être très avantageuse d'après les bases adoptées. Mais combien n'y en avait-il pas qui perdaient encore beaucoup à céder leur propriété pour vingt fois le revenu présumé, même avec le quart en sus, ce qui équivalait à vingt-cinq fois ce revenu présumé? C'était surtout lorsqu'une partie seulement des terrains était prise, et que le surplus diminuait de valeur, que la lésion pouvait être considérable. On ne disait pas ce qui adviendrait en cas de dissentiment entre les experts, et les tribunaux ne pouvaient intervenir dans ces opérations.

XXXIV. Le 24 juin 1793, la Convention fit aussi une déclaration des droits de l'homme, et elle s'exprima, à l'égard de l'expropriation, à peu près dans les mêmes termes que l'Assemblée Nationale. L'art. 19 de cette déclaration, porte : « Nul ne peut être privé de la << moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige, <«< et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

XXXV. L'art. 358 de la constitution du 5 fructidor an 111 (22 août 1795) reproduit la même disposition; mais avec une modification importante; c'est qu'il n'exige pas que l'indemnité soit préalable à la dépossession. Il porte : « La Constitution garantit l'inviola— « bilité de toutes les propriétés, ou la juste indemnité de celles dont << la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sa«< crifice. >>

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