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qualifient de société civile (1). L'arrêt en donne un motif bien simple: c'est que l'objet de l'association est une entreprise de manufacture.

196. Un autre arrêt de la cour de Bruxelles donne une décision contraire (2), sur le motif que la loi du 21 avril 1810, article 32, déclare purement civile une entreprise de ce genre. Mais nous préférons l'opinion consacrée par les arrêts précédents; l'article 32 ne parle que des carrières, et des exceptions ne s'étendent pas par analogie. La dernière loi (code de commerce, art. 2, § 2) nous paraît tout à fait conçue dans un sens contraire aux arrêts du 2 juin 1862 et du 21 janvier 1863 : l'entreprise dont il s'agit a pour objet : « une usine ».

197. Il y aurait également un caractère commercial incontestable dans une société formée pour l'exploitation des minerais et de la fabrication de la fonte et du fer (3).

De même d'une société exploitant, non seulement des sources d'eaux minérales, mais encore un hôtel garni, et qui a pris la forme d'une société de commerce (4).

De même d'une fabrique de sucre de betteraves, formée entre plusieurs propriétaires, lorsque les statuts permet

(1) Liége, 25 juillet 1868 (Pasic., 1869, 2, 215); cass. Fr., 1er juillet 1878 (D. P., 1879, 1, 218).

(2) Bruxelles, 2 juin 1862 (Pasic., 1862, 2, 307): idem, 21 janvier 1863 (ibid., 1863, 2, 191).

(3) Bruxelles, 11 juillet 1861, affaire Hennekinne-Briard (Pasic., 1862, 2, 122); Colmar, juin 1862 (D. P., 1862, 2, 163); DALLOZ, Répertoire, vo Acte de commerce, no 276; vo Mines, nos 273 et s.; v° Société, no 1447; Cass. Fr., 31 janvier 1865 (D. P., 1865, 1, 390). Il en serait autrement si l'objet était uniquement l'exploitation d'une minière : Nancy, 18 mai 1872 (D. P., 1873, 2, 103); Bruxelles, 12 août 1867 (Pasic., 1868, 2, 176). Mais un tiers extrayant le minerai pour le revendre ferait acte de commerce: Bruxelles, 23 juin 1859 (Pasic., 1867, 2, 349).

(4) Paris, 4 février 1875 (D. P., 1876, 2, 185).

tent d'acheter des betteraves à d'autres propriétaires (1). Il en serait autrement si la société n'employait que le produit de ses propriétés (2).

198. La loi du 21 avril 1810, article 32, portant que l'exploitation des mines n'est pas considérée comme un acte de commerce, on ne trouvera pas la qualité de société commerciale dans celle qui ajoute à l'exploitation du charbonnage la fabrication de coke et de briquettes, si cette fabrication ne joue qu'un rôle secondaire et surtout si, en fait, elle n'a jamais été entreprise (3). Cette décision doit d'autant plus être maintenue aujourd'hui que les discussions parlementaires ont très nettement accusé l'idée de conserver à la loi du 21 avril 1810 tout son empire.

199. Est également commerciale une société formée pour la fabrication et l'exploitation des poudres (4).

200. Il en est de même d'une association formée entre un agent de change et ses bailleurs de fonds. Le nouvel article 75 du code de commerce français, résultant de la loi de 1862, permet formellement cette association (5). Nous avons vu (6) plus haut qu'en Belgique, la profession étant libre, rien ne peut interdire à un agent de change de s'associer des tiers. Aussi je ne cite cet arrêt que pour constater le caractère commercial de l'association.

201. Un entrepreneur de travaux publics fait évidemment acte commercial, aux termes de l'article 2, § 2, du

(1) Liége, 24 mars 1875 (Pasic., 1876, 2, 18) ; Liége, 10 juillet 1847 (Pasic., 1849, 2, 162); tribunal de Namur, 9 mars 1880 (Pasic., 1881, 3, 144).

(2) Cass. Fr., 12 mai 1875 (D. P., 1876, 1, 320); Liége, 20 janvier 1877 (Pasic., 1877, 2, 152; Belg. jud., 1877, p. 276).

(3) Liége, 28 janvier 1871 (Pasic., 1872, 2, 108); Bruxelles, 20 juin 1871 (Pasic., 1871, 2, 336).

(4) Bruxelles, 1er août 1865 (Pasic., 1866, 2, 205).

(5) Cass. Fr., 14 novembre 1871 (D. P., 1872, 1, 354).

(6) Voy. suprà, no 109.

code de commerce lorsqu'il construit un pont dont il doit recouvrer le prix par voie de concession de péage. Le recouvrement de ce prix n'est que la continuation et la perfection de l'acte de commerce: je ne puis donc admettre qu'une société formée pour recevoir ce prix soit une société civile, comme l'a jugé la cour de cassation de France (1). Si l'entreprise de travaux publics est un acte de commerce, comment peut-on admettre que cette partie intégrante de l'entreprise, la perception du péage, ait une autre nature? En quoi cela diffère-t-il des péages de chemins de fer, après la construction? Mais Troplong y voit un droit incorporel, ce qui, suivant lui, explique tout à merveille (2).

202. L'achat, fait en commun par des industriels, d'une usine dont chacun a l'obligation de se servir pour les besoins de l'établissement qu'il exploite à son compte particulier, avec stipulation d'indivision, constitue une société commerciale ayant pour but la jouissance de l'objet acquis (3).

203. Les sociétés connues sous le nom de Banque de crédit ou tout simplement Crédit, quel que soit le genre de leurs opérations, sont commerciales de leur nature; la souscription d'actions ou d'obligations dans une société de cette espèce, ne constitue pas, de la part d'un non-commerçant, un acte de commerce (4).

204. La société formée pour l'exploitation d'un brevet d'invention sera en général commerciale, parce qu'il

(1) Cass. Fr., 23 août 1820 (DALLOZ, Rép., v° Société, no 225).

(2) TROPLONG, nos 338 et 339.

(3) Liége, 19 janvier 1874 (Belg. jud., 1874, p. 393).

(4) Paris, 7 mai 1881 (S. C. C., 1882, p. 6); DALLOZ, Code de commerce annoté, art. 632, nos 1484 et suiv., expose la controverse en ce qui concerne les actions. Contrâ, Gand, 11 décembre 1873 (Belg. jud., 1874, p. 295; Pasic., 1874, 2, 39). — Voy. infrà, t. II, no 411 et 412.

s'agira presque toujours d'une exploitation commerciale; c'est du moins ce qu'on peut conclure d'un arrêt qui déclare que la vente, en ce dernier cas, est commerciale (1).

205. N'est pas commerciale une société ayant pour but de fournir des renseignements sur les maisons de com

merce.

Ainsi il a été jugé que :

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N'est pas commerçant le directeur-gérant d'une société qui a pour but de procurer à ses membres des renseignements sur les maisons de commerce, de défendre les intérêts des sociétaires dans les affaires litigieuses, et de représenter le commerce et l'industrie dans leurs rapports avec le gouvernement (2). "

205 bis. Il y a nécessairement société de commerce entre les copropriétaires d'un navire qui l'emploient à la navigation maritime, soit qu'ils l'aient armé eux-mêmes directement, soit qu'ils en aient confié l'armement à un tiers (3).

206. La jurisprudence a eu à s'occuper, malheureusement plus d'une fois, de contestations concernant les travaux de l'esprit et elle n'a cessé d'y reconnaître un caractère purement civil, ainsi qu'aux actes qui en dérivent (4). C'est bien le moins, en effet, qu'on accorde aux auteurs que les articles qu'ils vendent proviennent de leur propre fonds à l'instar du propriétaire qui vend ses récoltes.

(1) Bruxelles, 23 décembre 1872 (Belg. jud., 1873, p. 276); TILLIÈRE, nos 179-180.

(2) Bruxelles, 25 juin 1874 (Belg. jud., 1874, p. 964).

(3) Cass. Fr., 27 février 1877 (D. P., 1877, 1, 209).—Contrà, ALAUZET, t. IV, no 1723 et suiv.; DALLOZ, Répertoire, v° Droit maritime, no 289 et suiv. (4) Bruxelles, 13 décembre 1816 et 8 octobre 1818 (Pasic., 1816, p. 259, et 1818, p. 182); idem, 22 mars 1848 (ibid., 1848, 2, 105).

Il en sera de même, par conséquent, de l'association contractée pour le partage des frais et des bénéfices d'une édition (1).

207. De même aussi pour les œuvres d'art, tant qu'on

pourra dire materiam superabat opus (2).

:

208. Mais l'éditeur fait un acte de commerce en trai

tant avec l'auteur (3).

209. Le rédacteur d'un recueil hebdomadaire qui l'édite reste dans la sphère de la vie civile (4).

210. Mais on ne peut se prévaloir de la qualité d'auteur si l'on ne fait qu'une pure compilation question bien délicate pour les tribunaux chargés de régler la compétence (5).

211. Le doute ne peut être possible à l'égard de la société constituée pour la publication d'un journal. L'éditeur, ou la société qui le remplace, achète les manuscrits des rédacteurs, achète le papier, paye les ouvriers s'il imprime lui-même, pour revendre le produit de cette industrie aux acheteurs du journal (6).

212. La société formée pour l'exploitation de spectacles publics est commerciale: la loi le dit en propres termes (art. 2, § 3). On ne peut pas attribuer le même caractère aux engagements des artistes qui ne font pas d'entreprise, mais qui font payer leur talent, quelquefois les

(1) Bruxelles, 22 février 1854 (Pasic., 1854, 2, 169).

(2) Bruxelles, 18 janvier 1837 (Pasic., 1837, p. 18); idem. 12 janvier 1863 (Belg. jud., 1868, p. 396); tribunal de Marseille, 9 février 1880 (Journ. S.C.C., 1880, p. 328).

(3) Bruxelles, 12 janvier 1842 et 10 janvier 1844 (Pasic., 1842, 2. 261; 1844, 2, 345); Paris, 2 juillet 1880 (Journ. S. C. C., 1880, p. 429).

(4) Bruxelles, 13 juillet 1847 (Pasic., 1847, 2, 219).

(5) Bruxelles, 6 mai 1840 (Pasic., 1842, 2, 69); PARDESSUS, no 14.

(6) Gand, 3 mars 1843; Bruxelles, 1er décembre 1849 (Pasic., 1844, 2, 344; 1850, 2, 349).

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