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Les Etats de l'Alsace immédiats de l'Empire essayèrent plusieurs fois, sans succès, de se prévaloir des termes de cet article 88.

En 1673, les dix villes de la préfecture voulurent se maintenir dans leur indépendance et leur liberté. Une partie de la noblesse suivit leur exemple, et fit à peu près la même démarche qu’aujourd'hui; mais les nobles de la haute Alsace ne se réunirent point à eux pour la conservation de leurs droits. Dès l'an 1651, après l'établissement de la Chambre souveraine de cette province, les nobles de la haute Alsace avaient reconnu solennellement, dans un mémoire, le roi de France, leur souverain, roi et prince, comme étant entré, par le traité de Munster, dans tous les droits des archiducs d'Autriche, auxquels ils étaient soumis avant la cession. Les nobles de la basse Alsace, qui jamais n'avaient été vassaux que de l'Empire, et non de l'Autriche, avaient refusé de reconnaître la souveraineté de la France; ils avaient dressé, à Strasbourg, le 6 novembre 1651, un pacte que l'empereur Ferdinand III avait approuvé et ratifié, par lequel ils déclaraient regarder Sa Majesté Impériale, les Empereurs et Rois des Romains, ses successeurs, comme leur unique souverain, chef et seigneur, sans aucune dépendance médiate, à l'exclusion de tous autres; leur demeurer inviolablement attachés et ne vouloir jamais se séparer de Sa Majesté ni de la couronne impériale.

Pour tâcher d'assurer toujours plus leur dépendance immédiate de l'Empire et la conservation de leurs privilèges, ils avaient envoyé, comme aujourd'hui, des députés aux cercles de Souabe, de Franconie et du Rhin, pour renouveler leur ancienne association et leur demander leur appui. La négociation avait réussi à certaines conditions, et ces quatre cercles associés s'étaient obligés de s'assister mutuellement par toutes les voies possibles. La même négociation a été faite aujourd'hui pour la même cause, mais on n'a pas eu un succès aussi complet. Le cercle de Souabe a refusé d'accéder à cette association on en est redevable à l'intelligence, à la sagesse, à la considération personnelle de M. le baron de Makau, ministre du roi, auprès du duc de Wirtemberg et du cercle de Souabe. Cette coalition n'avait pas empêché Louis XIV de prendre possession de tout ce qui lui avait été cédé par le traité de Munster; mais comme cette démarche pouvait cependant avoir des suites lâcheuses, il s'était décidé à aller luimême en Alsace, où il avait pris les mesures convenables pour faire échouer les entreprises de ses ennemis. En vain, les plénipotentiaires de l'empereur Léopold, au congrès de Nimègue, en 1679, eurent l'audace de reprendre cette affaire sousœuvre, les ministres de France ne répondirent jamais rien à leurs motions sur cet objet, et la chose se termina par une protestation ridicule de la part des ministres impériaux.

Le traité de Ryswick termina radicalement cette discussion. Les conférences commencèrent le 9 mai 1697. Les prétentions de l'Empire et de l'empereur furent d'abord exorbitantes et tendaient à enlever à la France tout ce qu'elle avait acquis par le traité de Nimègue. Les cercles associés de Franconie, de Souabe et du Rhin insistaient sur la restitution de la ville de Strasbourg et ses dépendances, en deçà et en delà du Rhin, sans démolition de fortifications, ni anciennes, ni nouvelles, de la ville de Philisbourg, de tous les Etats compris dans les cercles associés, avec d'autres dédommagements convenables; notamment du fief de Rapolstein appartenant à l'évêque

de Bâle, et sur la démolition des fortifications d'Huningue, de Fort-Louis, de Landau et de plusieurs autres places. L'électeur palatin redemandait tous les domaines, fiefs et droits qu'il possédait avant les troubles de Bohême, et surtout les bailliages de Germersheim, de Sandshut et d'Altenstat. Le duc Everhard, régent de Wirtemberg, demandait que le duc George de Wirtemberg, de la branche de Montbeillard, fût rétabli dans sa dépendance immédiate de l'Empire; annulât la reconnaissance de son vasselage de la couronne de France, faite en 1681; rentrât dans la possession des fiefs, que les comtes de Rapolstein et les nobles de Rathsemhausen reconaissaient dépendre du comté d'Horbourg, et conservât l'immédiateté pour les comités de Horbourg et de Richemwir, situés en Alsace. Le margrave de Bade-Dourlach revendiquait quelques fiefs entre Haguenau et Weissembourg, les îles et le terrain qu'on avait occupé pour fortifier Huningue, la faculté de disposer de quelques autres fiefs dans l'Alsace et dans le Sundgaw, et l'hôtel que la maison de Bade possédait à Strasbourg. Le roi de Suède demandait la restitution du duché des Deux-Ponts, des comtés de Veldentz, de la PetitePierre, de Sponheim et de quelques autres terres.

Après de longues discussions, toutes ces prétentions furent réglées. La France consentit à rétrocéder à l'empereur les villes de Brissac et de Fribourg; les forts de Kehl et de Philisbourg, avec toutes les réunions faites hors de l'Alsace, et à raser la forteresse du Mont-Royal et les forts construits dans les îles du Rhin, sur la rive droite de ce fleuve vis-à-vis du Fort-Louis, de Strasbourg et d'Huningue, à condition que la religion catholique, dans les pays rétrocédés, serait maintenue dans le même état où elle se trouvait à l'époque de la signature du traité. Les plénipotentiaires impériaux ne réclamèrent point contre les réunions faites par la France, dans l'intérieur de l'Alsace. et désavouèrent par leur silence les mauvaises chicanes qu'ils avaient élevées au congrès de Nimègue.

Le duc des Deux-Ponts fut obligé de prêter foi et hommage au roi, qui alors retira ses troupes des pays et seigneuries, en deçà de la Quaïche; et tous les autres possesseurs de fiefs se soumirent à la même condition. Le prince de Wirtemberg-Montbeillard fut rétabli dans la possession des seigneuries de Clerval et de Passavant en Bourgogne, et de Granges et Héricourt en FrancheComté; mais on ne parla pas, dans le traité, des fiefs de Horbourg ni de Richenvihr, situés en Alsace, parce que la ville de Strasbourg, et toute la province, demeuraient à la France en pleine et entière souveraineté.

L'électeur Palatin mit pendant longtemps des obstacles à l'exécution du traité. Malgré la restitution, qui avait été faite à l'électeur CharlesLouis, du bailliage de Germershein et des prévôtés et sous-bailliages qui en dépendent, il voulait encore qu'on lui rendit Selz, Haguenbach, Altenstat, et autres lieux qui étaient enfermés dans la province d'Alsace, dont la France avait acquis la souveraineté. Il ne voulait se contenter de la restitution qui lui avait été faite qu'à condition qu'il posséderait sous la dépendance immédiate de l'empereur et de l'Empire. Enfin, dans le mois de juillet de 1699, l'électeur palatin, pressé par le plénipotentiaire de l'empereur, écrivit au roi une lettre, dans laquelle, après s'être plaint, dans les termes les plus mesurés, que les officiers de Sa Majesté ne le laissaient pas jouir du droit de supériorité territoriale dans les fiefs d'Haguen bac,

d'Altenstat, de Seltz, et dans plusieurs autres lieux, il déclara qu'il se contenterait d'être restitué pleinement dans ses Etats, avec tous les droits régaliens et de supériorité territoriale, et reconnut ne pouvoir plùs contester le droit de souveraineté et de suprême domaine de la France sur l'Alsace, puisque l'empire et l'empereur euxmêmes ne les contestaient plus.

Il est donc évident que la France a acquis la Souveraineté plénière, paisible et imperturbable de l'Alsace, par le succès de ses armes, et la cession solennelle qui lui en a été faite par l'empereur et par l'empire, qui ont consenti à l'incorporation de cette province au royaume de France, délié les sujets du serment de fidélité, et renoncé à tous leurs droits et prérogatives, et par conséquent à leur mouvance. Il est évident que les terres possédées en Alsace par les immédiats, ne peuvent plus être immédiates, et doivent relever du souverain domanial. Il est évident que la souveraineté du domaine total abolissant toutes les souverainetés partielles, les souverains partiels ne peuvent plus conserver que la seigneurie de leurs fiefs, et les autres droits et prérogatives qui peuvent être compatibles avec la souveraineté du prince territorial, et qui sont communs aux autres seigneurs de la province.

Ces arguments sont également applicables à la Franche-Comté, dont la France a acquis la souveraineté par droit de conquête ; et les immédiats de l'empire, qui possèdent des terres en FrancheComté, doivent naturellement subir la même loi que ceux de l'Alsace.

En effet, dans tous les actes, conventions, lettres-patentes accordés par nos rois, depuis Louis XIV inclusivement, aux immédiats de l'empire, et notamment aux princes de Wirtemberg, en confirmation de la propriété des droits et des prérogatives des terres qu'ils possédent dans les deux provinces, l'immédiateté n'est jamais reconnue ni prononcée, à raison de ces mêmes terres, et il est toujours dit, en tant que ces droits et privilèges ne seront pas incompatibles avec la souveraineté du roi. Cette immédiateté, en effet, impliquerait contradiction, et il serait absurde qu'un vassal relevât d'un suzerain qui a renoncé à sa

mouvance.

Un membre très éclairé de l'Assemblée nationale a avancé que l'empire et l'empereur n'ont cédé que la souveraineté dont ils jouissaient, et que, par conséquent, la nation française ne peut jouir que d'une portion égale de souveraineté; mais on peut répondre à cela ce que j'ai déjà fait remarquer, que l'empire et l'empereur, en cédant à la France, par l'article 73 du traité de Munster, la pleine et entière souveraineté de l'Alsace, sé sont réservé leurs droits par l'article 88, en ajoutant les paroles sacramentelles autant que ces droits ne seront pas contraires à la souveraineté du roi.

Il faut observer que le cercle du Haut-Rhin est composé presqu'en entier de parties intéressées à cette cause, et que la plupart des gentilshommes d'Alsace se sont fait immatriculer dans le territoire de la Basse-Alsace, comme immédiats; et que si le directoire pouvait donner l'immédiateté, il faudrait que nous payassions le prix de leur collusion. Les princes allemands et les nobles, ci-devant immédiats d'Alsace, ne peuvent posséder des droits qu'à titre de gentilshommes alsaciens, comme sujets ou vassaux de la France, qui a acquis la souveraineté plénière de la province, et en tant que ces droits seront compatibles avec la souveraineté du roi. Or, la souveraineté est

gênée par le prétendu droit d'imposer, et par les droits régaliens, domaniaux et féodaux qui ne peuvent plus être conservés.

Notre ancien gouvernement a infiniment multiplié ces droits et prérogatives des immédiats d'Alsace, par le besoin chimérique qu'il croyait toujours avoir des princes allemands.

Ceux-ci abusaient des services qu'ils pouvaient rendre, traitaient avec le ministère; et, pour tel passage, telle fourniture de vivres ou de troupes qu'ils étaient en état d'accorder, demandaient tant en argent, et tant en lettres-patentes ou en arrêts du conseil pour leurs terres d'Alsace. C'est ainsi que dans plusieurs très grandes seigneuries, les vassaux sont foulés d'une horrible manière par les droits féodaux dont les seigneurs ne devraient jouir qu'à la charge d'aller à la guerre; par les impôts qu'ils lèvent à leur profit sur le peuple, en vertu d'arrêts du conseil, sous prétexte de payer les frais de justice; par la vente des offices de judicature dont plusieurs sont portés aux prix exagérés de 40 et 50,000 livres, et de la cherté desquels ceux qui les acquièrent savent se rédimer sur les plaideurs; par les frais exorbitants dont les malheureux vassaux sont accablés; par les amendes sans nombre dont on charge les pauvres que l'on renvoie ensuite au conseil supérieur d'Alsace. Ces abus étaient portés à un tel excès que la femme d'un prince de Sirkenfeldt, bisaïeule du duc des Deux-Ponts ayant accouché, les vassaux demandèrent la permission de lui faire un présent de 15,000 livres. L'intendant la leur refusa, mais le conseil du roi l'accorda pour cette fois seulement; et le duc des Deux-Ponts, père du Régnant, obtint depuis par son crédit, des lettres-patentes qui lui permettaient de lever sur ses vassaux 24,000 livres à chaque naissance de ses enfants, sous le prétexte d'une dot que l'on payait tout de suite, et qui, si l'enfant venait à mourir, n'était pas pour cela remboursée. Il y a quelque chose de bien plus fort encore le 3 juin dernier, pendant la tenue de l'assemblée, les nobles de la commission intermédiaire d'Alsace ont obtenu un arrêt du Conseil d'Etat en cinquante articles; l'un défendait aux vassaux de se plaindre, même à la commission intermédiaire, sans la permission du directoire de leurs seigneuries en BasseAlsace; un autre adjugeait aux seigneurs les amendes forestales, qui par un arrêt antérieur appartenaient au roi, et y joignait les amendes des forêts communales appartenant aux villages; un autre abolissait les districts établis par l'édit de leur création. On voulut mettre cet arrêt à exécution dans la province on recourut pour cela à l'Assemblé nationale à Versailles; mais l'épouvante donnée à la commission intermédiaire par un député auquel on s'était adressé, arrêta ses démarches. Il fut convenu, chez M. de Flachslandeo, que l'arrêt resterait nul et comme non-avenu; mais le décret rendu, par l'Assemblée nationale, sur les forêts, a donné à ces nobles d'Alsace un prétexte de le faire valoir. Ils ont fait un règlement, par lequel ils se sont approprié les amendes forestales, même celles des communautés ; ils l'ont fait enregistrer, le 7 décembre, au conseil de Colmar, comme si ce conseil avait le droit d'enregis trer des règlements pécuniaires. Ces nobles ont été dénoncés à l'Assemblée, par le même député qui leur avait donné l'épouvante; mais la chose en est demeurée là, vu là tenue prochaine des assemblées de départements qui anéantiront toutes ces monstruosités.

Les possessionnaires d'Alsace ont présenté un conclusum pour la conservation de leurs droits. On

peut observer en passant qu'une partie de ceux qui l'ont signé sont colonels de nos régiments allemands; les principales pièces qui viennent à l'appui de ce conclusum sont les lettres-patentes accordées par Louis XV au duc de Wirtemberg, au mois de juin 1768; d'autres accordées par Louis XVI, au corps de la noblesse immédiate de la Basse-Alsace, au mois de mai 1779, et par le même au duc des Deux-Ponts, au mois de juin 1780. L'immédiateté n'est reconnue, ni articulée dans aucune de ces lettres-patentes qui ne font que confirmer, ou concèder des droits réguliers, domaniaux et féodaux, communs à un grand nombre de gentilshommes, hauts-justiciers; et à chaque article de ces lettres-patentes sont toujours ajoutées les paroles sacramentelles: En tant que ces dispositions ne seront pas incompatibles avec la souveraineté duroi, ou l'équivalent de ces paroles.

En dernière analyse, il est donc évident que les droits émanés des souverainetés partielles abolies, les droits d'impôts, de collectes, etc., ont dû s'éclipser et disparaître avec ces mêmes souverainetés qui leur avaient donné naissance; il n'a dû rester que les droits réguliers, les droits domaniaux, les droits féodaux, les servitudes personnelles, les redevances pécuniaires dont quelques-unes sont le produit du rachat des premières. Nos rois ont confirmé tous ces droits tant qu'ils ont été dépositaires de la souveraineté que la nation leur a confiée.

Le roi ne pouvait pas même confirmer, ni concéder le droit d'imposer, qui n'appartient qu'à la nation; et il donnait aux possessionnaires d'Alsace un pouvoir qu'il n'avait pas lui-même.

Aujourd'hui què la nation à repris cette souveraineté qui lui appartenait; aujourd'hui qu'elle a aboli tous les droits féodaux, toutes les servitudes personnelles, toutes les redevances et les privilèges pécuniaires, et que les possédant-fiefs n'ont plus que la propriété nue de leurs terres, peut-elle sans injustice traiter les immédiats de l'Empire avec plus de faveur que ses propres citoyens? peutelle, en abolissant tous les droits des nationaux, conserver ceux des étrangers, maintenir des traités, des pactes, des conventions évidemment infirmés et rendus invalides par un nouvel ordre de choses?

C'est à la haute sagesse de l'Assemblée nationale et du monarque à juger si les considérations politiques du moment sont assez puissantes, assez impérieuses pour exiger une pareille exception, ou des indemnités quelconques.

Mais, quant à la question de droit, je conclus qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

ASSEMBLER NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY.

Séance du mercredi 21 avril 1790 (1).

M. le prince de Broglie, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin.

M. Bouche. M. le président a-t-il reçu une lettre des volontaires de Dunkerque?

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

M. le Président. Je ne puis répondre précisément à la question de M. Bouche. Je reçois chaque jour un très grand nombre de lettres, et je les renvoie à l'instant aux comités qu'elles concernent. Si j'ai reçu celle des volontaires de Dunkerque, j'en aurai fait certainement le même usage.

M. Bouche. Je trouve copie de cette lettre, datée du 9 avril, dans les feuilles de Flandre; elle contient la dénonciation d'un mandement adressé par l'évêque d'Ypres au curé de Dunkerque. Voici d'ailleurs dans quels termes elle est conçue :

« Monseigneur, un évêque étranger, celui d'Ypres, dont le diocèse s'étend sur une partie de la Flandre française, s'est permis d'adresser au curé de notre ville une sorte de mandement propre à détruire tout l'effet du sage décret que l'Assemblée nationale a porté sur les vœux monastiques; ily menace d'excomunication; « il déclare apostats ces personnes perfides qui pourraient se laisser entrainer par les insinuations criminelles, dont les hommes pervers de ce siècle tâchent de les endoctriner. »

« Ce mandement dont nous avons l'honneur de vous remettre l'original, et que nous avons dénoncé à la municipalité, a été envoyé dans les différents Couvents de notre ville; il y excite de la fermentation. Ceux qui ont fait des vœux qui répugnent à la nature, se ressentent plus que jamais de la faiblesse qui les leur fit prononcer. La tête de nos prêtres s'exalte; ils se souviennent de l'impunité de l'évêque de Tréguier. Quelques-uns parlent de la palme du martyre et regardent la désobéissance à vos décrets comme un acte meritoire aux yeux de l'Eternel; la chaire destinée à l'instruction du peuple pourrait bien ne plus servir aujourd'hui qu'à le soulever. Déjà, nous dit-on, dans l'Artois, les partisans des moines se déclarent hautement pour les soutenir. Armés pour défendre la constitution que nous attendons de l'Assemblée nationale, nous nous empressons de vous dénoncer ses ennemis. C'est à elle, Monsieur le président, à trouver un moyen d'arrêter l'effet du fanatisme de nos prêtres. Le peuple de nos provinces, ennemi de toute aristocratie, ne connaît pas la leur et c'est en quoi elle est plus dangereuse. Nous saisissons toujours avec empressement les occasions de prouver aux représentants de la nation notre respect, notre obéissance et notre dévouement à tous ses décrets. »

M. Bouche ajoute: Tels sont les faits dénoncés par cette lettre, dont je demande qu'il soit incessamment rendu compte à l'Assemblée. Je demande également que le comité ecclésiastique présente une loi contre l'oppression aristocratico-épiscopale, et qui ait l'effet d'assurer l'état et la tranquillité des religieux et religieuses qui sortiront du cloître.

M. Lavie. Pour éviter les effets des dispositions où se trouvent les évêques envers les moines, je propose de suspendre pendant plusieurs années l'ordination des prêtres.

(Cette motion est généralement désapprouvée, et ne reparaît plus dans le cours de la délibération.)

M. Merlin. Les évêques d'Ypres et de Tourna qui répandent le trouble dans les provinces belgiques, ne sont pas Français, ne sont pas citoyens. Tous les évêques étrangers doivent, d'après notre droit public, avoir un vicaire général français et

responsable je demande que, jusqu'après l'établissement de la nouvelle organisation du clergé, il soit enjoint à tous évêques étrangers d'établir dans toutes les parties de leur diocèse, situées en France, des vicaires généraux nés et domiciliés dans le royaume, qui puissent seuls exercer en leur nom la juridiction épiscopale, tant volontaire que contentieuse.

M. le baron d'Elbhecq. J'appuie la proposition de M. Merlin et je propose, par amendement, d'enjoindre aux municipalités d'examiner les mandements et instructions pastorales des évêques étrangers avant leur publication, pour voir s'ils ne contiennent rien d'incendiaire ou de contraire aux décrets.

M. le Président. Je viens de me faire représenter les différents renvois mis en apostille aux lettres que je reçois: celle de Dunkerque a été renvoyée au comité des recherches le 12 de ce mois.

M. Voidel. Des prélats étrangers ne doivent avoir aucune juridiction en France et je propose de charger le comité ecclésiastique de préparer une nouvelle division des sièges du royaume en réglant la hiérarchie des officiers du culte catholique de manière qu'aucun d'eux ne se trouve sous la dépendance d'un métropolitain étranger.

M. Treilhard. Les évêques tant étrangers que français font tous leurs efforts pour empêcher les religieux et les religieuses de sortir de leurs couvents. Je crois qu'il y a urgence à aviser. Les évêques de Tournay et d'Ypres ont éludé l'obligation d'avoir un vicaire général en France, en prétextant que François Ier n'avait pu céder à Charles-Quint la suzeraineté des Pays-Bas, sans le consentement de la nation et, comme ce consentement n'a pas été obtenu, ces prélats ne se considèrent pas comme étrangers.

M. Merlin. Vous ne connaissez pas encore le plan général d'organisation du clergé que doit vous présenter votre comité ecclésiastique; d'ailleurs quand même il vous aurait été soumis, vous ne pourriez vous en occuper en ce moment. Vous regarderez sans doute comme plus urgent de continuer vos travaux sur le pouvoir judiciaire, sur jes finances et la féodalité.

M. Martineau. Le travail du comité ecclésiastique est terminé. Voici le rapport sur la nouvelle organisation du clergé que je suis chargé de vous soumettre; l'Assemblée peut le mettre à son ordre du jour quand il lui plaira. (Voyez plus loin, p. 166, ce rapport annexé à la séance.)

M. le Président rappelle les diverses motions qui ont été faites. L'Assemblée consultée décrète ce qui suit:

L'Assemblée nationale charge son comité ecclésiastique de lui présenter, dans huit jours, un projet de loi propre à assurer l'état, la tranquillité et les espérances des religieux et des religieuses qui sortiront de leurs cloîtres, lequel contiendra également une nouvelle répartition, entre les différents diocèses du royaume, des lieux qui sont maintenant soumis à la juridiction des prélats étrangers, et un règlement pour la hiérarchie des ministres du culte catholique, tel qu'aucun prélat français ne se trouve plus sous la dépendance

(Les autres motions sont renvoyées au comité ecclésiastique.)

M. le comte de Mason, député de Riom, écrit que, pour raison de santé, il est obligé de s'absenter pour six semaines.

M. Le Carlier, député de Vermandois, demande un congé de huit jours.

Ces congés sont accordés.

M. le Président donne connaissance d'une délibération, du 17 avril, du bataillon des CarmesDéchaux, par laquelle ces soldats-citoyens, en adhérant aux adresses des bataillons de Saint-Louis en I'lle et des cordeliers, protestent de leur zèle à maintenir et défendre la constitution, et de leur inviolable soumission à tous les décrets de l'Assemblée.

M. le Président annonce ensuite que, conformément au décret de l'Assemblée, il s'est rendu hier chez le roi, pour lui témoigner combiea l'Assemblée nationale avait été sensible à l'empressement que Sa Majesté avait mis à sanctionner et faire proclamer les décrets concernant les assignats-monnaie;

Qu'il a eu l'honneur de présenter à la sanction du roi les décrets dont le détail suit:

1° Décret portant que les précédents décrets, qui règlent les conditions nécessaires pour être citoyen actif, seront exécutés, sans égard aux dispenses d'âge qui auraient pu être ci-devant obtenues.

2o Décret qui excepte de celui rendu le 6 mars relativement aux jugements prévôtaux, la prévôté de l'hôtel, dont les fonctions continueront jusqu'à nouvel ordre.

3 Décret par lequel l'Assemblée déclare que les pensions dues aux officiers suisses, résidant en Suisse, ne sont pas comprises dans la suspension décrétée.

Même disposition en faveur des gendarmes de la garde, dont les pensions seront payées jusqu'à concurrence de 600 livres.

4. Décret portant règlement sur le mode de rachat des dimes inféodees.

Les articles 1, 2, 3 et 5 ont été décrétés le 14 de ce mois et présentés à la sanction de Sa Majesté ; l'Assemblée ayant décidé que l'article, portant que la dime sur les fruits décimables de 1790 sera perçue, doit être placé après le troisième article, il a paru nécessaire de réunir les premiers articles ci-devant décrétés avec ceux décrétés dans ce jour.

5o Décret par lequel l'Assemblée charge son président de supplier Sa Majesté de déterminer elle-même les cantons de chasse qu'elle entend se réserver.

Qu'à l'égard du dernier, par lequel l'Assemblée supplie le roi de vouloir bien fixer lui-même les cantons qu'il se destine pour le plaisir de la chasse, Sa Majesté l'a chargé de témoigner à l'Assemblée toute sa sensibilité, et l'a assuré qu'elle prendrait cet objet, ainsi que tous les autres décrets qui lui étaient présentés, en considération.

M. le marquis Planelli de Maubec, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis en remplacement de M. le duc de Mortemart, démissionnaire. Il prend séance et prête le serment civique.

M. Lemercier, député de Saintonge, dit qu'il a présenté à l'Assemblée une adresse des milices nationales de cette province, qui avaient formé entre elles un pacte fédératif pour la défense de

demande qu'il soit fait, dans le procès-verbal, une mention honorable de cette adresse, dictée par le civisme le plus pur. Cette demande est accueillie, et l'Assemblée déclare que l'extrait de cette adresse, consigné dans le procès-verbal du 20 de ce mois, est un témoignage authentique de son approbation.

M. le vicomte de Macaye, députe du Labour, dit que les nobles de cette province, qu'on avait représentés comme s'opposant à l'exécution du décret pour la contribution du quart du revenu, ont au contraire donné l'exemple des déclarations, non seulement dans le pays de Labour, mais encore dans la ville de Bayonne, où trois d'entre eux avaient été les premiers à faire leur soumission; qu'il a l'honneur d'assurer l'Assemblée, tant en leur nom qu'au sien, que si jamais ils avaient regretté de n'être pas opulents, c'était surtout dans cette circonstance, où les sacrifices qu'ils feront pour le soulagement de l'Etat seront infiniment au-dessous de ceux que leur dicteraient les sentiments de l'amour le plus pur et le plus inviolable qu'ils ont voué à la patrie.

L'Assemblée applaudit à cette déclaration, et ordonne qu'elle sera consignée dans le procèsverbal.

L'ordre du jour appelle la discussion sur la réformation de l'ordonnance criminelle.

M. le Président rappelle à l'Assemblée que les articles 1 à 4 du décret ont été adoptés dans la séance du 27 mars au soir.

M. Briois de Beaumetz, rapporteur. Par suite des objections qui furent faites, le 27 mars, sur l'article 5, le comité vous présente aujourd'hui une nouvelle rédaction portant que les notables adjoints que le juge aura été obligé de nommer seront tenus d'accepter.

M. Goupil de Préfeln. Vous surchargez les citoyens de fonctions; craignez de fatiguer leur civisme à l'origine; il est, d'ailleurs, contraire aux principes de liberté que vous avez établis de forcer quelqu'un à accepter une fonction qu'il refuse. Je propose de charger le juge de prendre les adjoints parmi les notables, en cas d'absence des adjoints nommés.

M. Boutteville-Dumetz. Je demande qu'on détermine la conduite que devra tenir le magistrat en cas de refus des citoyens de suppléer les adjoints.

M. Fréteau, au nom du comité, propose une nouvelle rédaction qui est décrétée ainsi qu'il suit :

« Art. 5. Si les adjoints ou l'un d'eux ne se trouvent pas, à l'heure indiquée, à l'acte de procédure, auquel ils auront été requis d'assister, le juge, pour procéder audit acte, sera tenu de nommer en leur place un ou deux d'entre les notables du conseil de la commune; et s'ils ne comparaissent pas, le juge passera outre à la confection dudit acte, en faisant mention de sa réquisition, de l'absence des adjoints, ou de l'un d'eux de la nomination explétoire par lui faite, et de la noncomparution des notables du conseil de la commune, ladite mention à peine de nullité. »

La discussion est ouverte sur l'article 6, conçu en ces termes :

«Art. 6. Les adjoints qui seront parents ou alliés des parties, jusqu'au quatrième degré inclusive

ment, devront se récuser, et le juge sera tenu d'avertir les adjoints de cette obligation, et de leur déclarer les noms, surnoms et qualités des plaignants, ainsi que ceux des accusés qui se trouvent dénommés dans les plaintes, à peine de nullité, sans que néanmoins on puisse déclarer nul l'acte auquel des parents, avertis par le juge, auraient assisté comme adjoints, en dissimulant leur qualité, ou faute d'avoir eu connaissance de leur qualité de parents envers l'une des parties.

M. Goupil de Préfeln demande que le juge soit tenu de renouveler son avertissement, pour fait de parenté chaque fois qu'un nouvel adjoint comparaîtra dans l'affaire.

M. Mougins de Roquefort pense qu'il ne doit pas y avoir lieu à récusation des adjoints pour cause de parenté avec les officiers du ministère public.

Ces deux amendements sont adoptés; ils seront introduits dans l'article, qui est ensuite adopté sous cette réserve et sauf rédaction.

Les articles 7 à 10 sont décrétés sans discussion ainsi qu'il suit :

« Art. 7. Lorsqu'un acte d'instruction ne se fera que par le juge seul, accompagné du greffier, les adjoints qui y assisteront, prendront séance aux deux côtés du juge, au même bureau. Si l'acte se fait en la chambre du conseil, et le tribunal assemblé, les adjoints prendront séance au banc du ministère public, et après lui.

Art. 8. Il ne sera donné aucun conseil à l'accusé, ou aux accusés contumaces ou absents. »

« Art. 9. Il ne sera délivré, par le greffier, qu'une seule copie sans frais, sur papier libre, de toute la procédure, quand bien même il y aurait plusieurs accusés qui requerraient ladite copie, et elle sera remise au conseil de l'accusé, ou à l'ancien d'âge des conseils, s'il y en a plusieurs; pourront néanmoins les autres accusés se faire expédier telle copie qu'ils voudront, en pa yant les frais d'expédition. »>

« Art. 10. Lorsqu'il y aura plusieurs accusés, chacun d'eux sera interrogé séparément, et il ne sera donné copie des interrogatoires subis par les autres, à ceux qui seront interrogés les derniers, si ce n'est après qu'ils auront eux-mêmes subi leur interrogatoire. »

L'article 11 est présenté en ces termes :

« Art. 11. Le décret des 8 et 9 octobre dernier, concernant la réformation de la procédure criminelle, non plus que le présent décret, n'auront aucune application au cas où le titre d'accusation ne pourra conduire à une peine afflictive ou infamante. >>

M. Goupil de Préfeln propose de déclarer que toutes les procédures du petit criminel, faites jusqu'à ce jour, soit qu'on y ait admis ou non les formes du décret des 8 et 9 octobre dernier, ne pourront être arguées de nullité, si les autres formes des ordonnances y ont été observées.

M. Mougins de Roquefort propose de décréter qu'à l'avenir, tous les procès du petit criminel seront portés et jugés à l'audience, dérogeant à toute jurisprudence et règlements contraires.

Ces deux amendements sont adoptés ainsi que l'article 11, sauf la rédaction. Le comité présentera demain, à l'ouverture de la séance, la rédaction définitive des articles décrétés.

M. Briois de Baumetz, rapporteur, propose

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