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de prendre en considération les réclamations qui se sont élevées dans plusieurs tribunaux, sur la faculté que réclament les conseils des accusés de faire des observations et interpellations aux témoins, lors des informations et confrontations.

Un député présente l'article suivant sur cette question:

་་

L'accusé, ni son conseil, ne pourront dans l'information adresser ni faire faire aucune interpellation au témoin, mais lors de la confrontation, l'accusé ou son conseil, qui aura remarqué, dans la déposition du témoin, ou dans ses déclarations portées par le procès-verbal de la confrontation, quelque contrariété, ou quelque circonstance propre à éclaircir le fait, ou à justifier l'innocence de l'accusé, pourra requérir le juge de faire à ce sujet au témoin les interpellations convenables, et cependant l'accusé ni son conseil ne pourront, en aucun cas, adresser directement au témoin aucune interpellation. »>

M. Fréteau pense que cette question sera plus mûrement examinée dans le comité lors de la formation du nouveau Code criminel et il demande que l'article lui soit renvoyé.

Le renvoi est prononcé.

M. Briois de Beaumetz, rapporteur. Le comité militaire et celui de la réformation provisoire de la jurisprudence criminelle ont pris en considération les observations du ministre de la guerre sur la réforme du régime des conseils de guerre. Ces comités ont cru dangereux d'introduire en ce moment un nouvel ordre de choses qui serait incessamment suivi d'autres nouveautés. Je propose de charger M. le président d'écrire au ministre que l'Assemblée n'a pas cru devoir faire de changements à la forme des conseils de guerre.

Plusieurs membres appuient la proposition du rapporteur.

D'autres membres demandent une modification dans le régime des conseils de guerre.

M. Prieur. On n'a pas mis auxvoix la proposition du comité relativement au conseil de guerre. Je m'oppose à ce qu'on réponde qu'on ne répondra pas; je m'oppose à aucune espèce de retard dans un moment où le patriotisme peut être un crime. Je réclame pour nos amis, nos frères, nos défenseurs, le droit que nous avons tous d'obtenir un conseil, un protecteur public. Il est impossible, dit-on, d'appliquer au conseil de guerre actuellement existant des formes nouvelles. Mais de quoi s'agit-il? d'un délit militaire. Il faut entendre les témoins on peut appeler des adjoints. Il faut que l'accusé soit défendu. Qui empêche de lui donner un conseil? Je demande que le comité nous présente incessamment un projet de loi.

M. Fréteau. Il serait possible de vous soumettre des articles très simples; ils consisteraient, par exemple, à admettre deux adjoints dans les procès sur les délits militaires; ces adjoints seraient pris, pour les soldats, parmi les maréchauxdes-logis et sergents; pour les sergents, parmi les sous-lieutenants, et ainsi de suite.

M. Prieur. Il ne faut point oublier aussi la publicité des procédures.

L'Assemblée ordonne que le comité de réfor

militaire se réuniront et présenteront demain matin des articles sur cette matière.

M. Grellet de Beauregard dit ensuite qu'il y a beaucoup de jugemen's suspendus parce que les accusés paraissent si évidemment coupables aux avocats nommés pour les défendre, que ceuxci ne veulent pas se charger des causes.

Cette observation est renvoyée au comité.

L'ordre du jour appelle ensuite la discussion du projet de décret provisoire présenté par M. Merlin, au nom du comité féodal, sur la chasse et la pêche.

M. Merlin. Dans son travail sur la chasse, votre comité féodal a toujours eu devant les yeux qu'il s'agit, non d'une loi constitutionnelle, mais de l'exécution d'une loi faite. Votre règlement porte que vous ne pouvez pas changer vos décrets: la solidité de la constitution tient à l'observance rigoureuse de cet article. Il n'est qu'un cas où vous puissiez revenir sur un décret, c'est quand il est nul. Si, par exemple, on vous proposait de révoquer le décret du marc d'argent, je me joindrais à celui qui vous ferait cette proposition, parce que ce décret est évidemment contraire aux droits de l'homme; parce qu'en droit, lorsque deux décisions sont coniraires, la seconde est nulle; la première seule est suivie mais lorsqu'un décret n'est contradictoire à aucun autre, et qu'il a été généralement approuvé, vous ne pouvez le changer. Or, tel est le décret du 4 août sur le droit de chasse; décret auquel le comité féodal a dû se conformer, sous peine d'être infidèle à son devoir. Ce décret est ainsi conçu « Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et de faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites relativement à la sûreté publique. »

On a raison de dire que, par le droit naturel, le gibier n'appartient à personne; mais s'ensuitil que tout le monde ait le droit de le poursuivre partout? Autant vaudrait dire qu'on a le droit de venir chercher chez vous les animaux malfaisants qui infestent vos maisons. Une autre considération doit fixer vos regards; vous devez faire des lois non pour l'homme de la nature, mais pour l'homme de la société. Deux principes sont reconnus par les lois romaines: 1° le gibier est, la propriété de celui qui s'en empare; 2o chacun a le droit d'empêcher un étranger d'entrer sur sa propriété pour chasser le gibier. La loi qui n'aurait pas le droit d'autoriser un propriétaire à empêcher qu'on ne vint sur son terrain, n'aurait pas davantage le droit d'assurer les propriétés... Vous voulez faire fleurir l'agriculture; pensez-vous qu'elle fleurira quand tous les vagabonds auront droit de chasse? Le séjour de la campagne sera t-il agréable lorsqu'il ne sera pas sûr? Mais je ne veux pas abuser de vos moments, et je vous rappelle la déclaration des droits, dans laquelle vous avez reconnu avec tant de justice tous les droits des hommes. Le comité féodal propose un projet de décret dont l'article 1r serait ainsi rédigé :

« Il est défendu à toute personne de chasser, même dans les jachères et dans les propriétés non closes, soit à pied ou à cheval, avec ou sans chiens, à compter du jour du présent décret, jusqu'après la dépouille entière des fruits croissants, à peine de 20 livres d'amende envers la commune du lieu, et en outre contre celui qui aurait chassé

envers le propriétaire ou possesseur sans préjudice des dommages et intérêts de ce dernier. »

M. Goupil de Préfeln. Je me borne à appuyer l'article et comme la discussion d'hier a été complète, je propose d'aller immédiatement aux voix, à moins qu'il ne se produise des amendements.

M. le Président consulte l'Assemblée qui ferme la discussion.

M. de Robespierre. J'ai un amendement à présenter. Je propose de décréter que la chasse sera libre, même sur le terrain d'autrui, pourvu qu'on ne nuise pas à la propriété.

(L'orateur entre dans des détails qui portent moins sur son amendement que sur le fond de la question. L Assemblée témoigne une grande impatience.)

M. de Robespierre s'écrie: Rien n'est plus indécent que de violer ainsi la liberté de mon opinion.

M. le Président répond: Renfermez-vous dans votre amendement.

M. Charles de Lameth. Le Président n'a pas le droit de circonscrire un membre dans la manière de développer un amendement; pour mon compte, je ne le souffrirai jamais.

M. le Président. Le devoir du président est de rappeler un orateur à la question et de faire exécuter les décrets rendus par l'Assemblée. Or, l'Assemblée a fermé la discussion.

(L'impatience de l'Assemblée devient à peu près unanime.)

M. de Robespierre. Je dis que l'article de votre comité, tel qu'il est présenté, porte atteinte aux droits les plus sacrés de la liberté. Au reste, je vous ai dit mon système, je renonce à la parole.

M. Martineau. Il y a dans l'article plusieurs vices de rédaction. En transposant quelques phrases, on parviendrait facilement à les faire disparaître. L'objet du comité est évident; il a cherché à exprimer la défense à toutes personnes de chasser sur les propriétés d'autrui, et aux propriétaires sur leurs propriétés non closes, dans certains temps de l'année. Je propose une rédaction corrigée dans le sens indiqué.

M. le chevalier d'Aubergeon de Murinais demande que les époques où la chasse sera défendue, même aux propriétaires, ne soient fixées ni par l'Assemblée, ni par les départements, mais par les districts.

M. Rewbell représente que plusieurs villes en Alsace ont conservé à tous leurs habitants le droit de chasse sur leur territoire. Il demande qu'il ne soit rien innové pour les lieux où la chasse et le port d'armes sont libres.

M. Garat jeune. L'article porte qu'il ne sera pas permis de chasser dans les propriétés d'autrui. Voici ce qui se passe dans le pays que j'ai l'honneur de représenter. Après la récolte des fruits croissants, les haies mobiles sont abattues, les

propriétés deviennent communes, et chacun y envoie ses bestiaux. Il s'agit de savoir maintenant si l'on peut chasser dans ces propriétés devenues communes? Je propose en amendement, qu'en général on pourra chasser dans les propriétés communes, et qu'en particulier les cantons basques seront maintenus dans leur coutume et dans les lois de la nature.

M. Alexandre de Lameth. Le comité de constitution aurait dù d'abord vous mettre à portée de prononcer sur le port d'armes; le comité féodal aurait dû poser le principe avant de présenter des articles réglementaires. Le premier principe était que personne n'a droit de porter atteinte à la propriété d'autrui, c'est-àdire de chasser sur la propriété d'autrui. Dans le cas où l'on voudrait discuter l'article proposé je me contenterai d'observer qu'il est mal libellé.

(On présente différents amendements et différentes rédactions.)

M. Merlin lit, en son nom, un projet d'article auquel la priorité est accordée.

Il est mis aux voix et adopté dans les termes suivants:

Art. 1er. Il est défendu à toute personne de chasser, en quelque temps et de quelque manière que ce soit, sur le terrain d'autrui, sans son consentement, à peine de 20 livres d'amende envers la commune du lieu, et d'une indemnité de 10 livres envers le propriétaire des fruits, sans préjudice de plus grands dommages-intérêts, s'il y échet.

Défenses sont pareillement faites, sous ladite peine de 20 livres d'amende, aux propriétaires ou possesseurs, de chasser dans leurs terres non closes, même en jachères, à compter du jour de la publication du présent décret jusqu'au premier septembre prochain, pour les terres qui seront alors dépouillées; et pour les autres terres, jusqu'après la dépouille entière des fruits, sauf à chaque département à fixer, pour l'avenir, le temps dans lequel la chasse sera libre, dans son arrondissement, aux propriétaires ou possesseurs sur leurs terres non closes.

M. le Président, après avoir indiqué l'ordre du jour de la séance prochaine, lève celle de ce jour, à trois heures et demie.

ANNEXE

à la séance de l'Assemblée nationale du 21 avril 1790.

Rapport fait à l'Assemblée nationale, au nom du comité ecclésiastique, par M. Martineau, đẻputé de la ville de Paris, sur la constitution du clergé (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée.)

Messieurs, le travail dont vous avez chargé votre comité ecclésiastique n'est pas la partie la moins importante de là constitution que vous devez à l'empire français.

Sans doute, il était utile de rappeler, et, pour

(1) Co document n'a pas été inséré au Moniteur.

ainsi dire, de réhabiliter ces principes si longtemps oubliés, et comme proscrits, sur lesquels reposent les droits de l'homme en société; il était nécessaire de distinguer, de circonscrire, d'organiser ces différents pouvoirs qui, émanant tous de la nation, ne peuvent exister que pour son bonheur; il était indispensable de ramener toutes les institutions sociales à leur objet naturel et primitif; je veux dire, la sûreté et la liberté de tous en général et de chacun en particulier. Mais votre ouvrage serait imparfait, si Vous ne vous occupiez, en même temps, des moyens de rendre à la religion toute son énergie et toute sa dignité.

Une vérité que confirme l'expérience de tous les siècles et de tous les peuples, c'est que les mœurs sont le premier lien des sociétés, le plus ferme appui de la tranquilité publique, le plus sûr garant de la prospérité des empires. Mais quelles mœurs peut-il y avoir là où il n'y a pas de religion?

C'est en vain que le législateur parle, en vain qu'il prescrit des devoirs, qu'il prononce des peines, qu'il établit des censeurs, des magistrats. Ses lois n'opposeront jamais aux passions qu'une barrière impuissante. Elles n'auront de prise que sur certaines actions. Elles pourront faire des défenses, menacer les transgresseurs rarement la peine atteindra ceux que les défenses n'auront point arrêtés; il y aura toujours une foule de désordres, de fraudes, d'injustices, de perfidies qui se déroberont à la vigilance des magistrats.

Non, Messieurs, il n'appartient qu'à la religion d'exercer un empire qui s'étende sur toutes nos actions, et même sur nos pensées les plus secrètes. C'est dans notre propre cœur qu'elle établit son tribunal; c'est dans la substance même de notre âme qu'elle imprime les préceptes éternels de l'ordre, de la bonne foi, de la justice, de l'humanité; et lorsque le coupable semble s'applaudir des précautions qu'il a prises pour s'assurer l'impunité, elle lui montre au-dedans de lui-même un témoin toujours présent, à l'œil duquel rien ne peut échapper; elle lui fait entendre la voix redoutable d'un juge sévère, qui punit jusqu'au projet du crime.

La religion n'est pas seulement un frein qui relient le méchant par la terreur, ou qui le rappelle au repentir par le remords; elle est aussi pour l'homme de bien un puissant aiguillon qui le réveille, qui l'encourage et le soutient. En lui faisant voir un Dieu qui l'observe, qui lit dans ses pensées, qui tient un compte exact de toutes ses bonnes actions, elle lui ouvre une source nouvelle de plaisirs et de consolations; elle lui rend facile la pratique des vertus les plus difficiles; et tandis que son âme, délicieusement occupée de ses devoirs, les remplit avec zèle, la vue de la récompense qui l'attend, le fait jouir, dès cette vie, du bonheur de la vie future.

Voilà, Messieurs, ce qu'ont bien senti les politiques les plus sages et les plus éclairés. De tous ceux qui, dans les temps anciens ou modernes, se sont chargés de la tâche difficile de civiliser les nations, ou de la tâche, peut-être plus difficile de régénérer les nations civilisées, il n'en est pas un qui n'ait fondé ses institutions sur la base sacrée de la religion, sur la foi d'un être suprême, souverain dispensateur des biens et des maux, vengeur du crime et rémunérateur de la vertu.

Pénétrés de ces grandes vérités, c'est à la religion principalement, Messieurs, que vous avez attaché le succès de tous vos travaux. Roi, sujets,

exigé de tous le serment solennel d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution que vous avez établie. Qu'avez-vous fait par là ? Ce que vous avez fait vous avez annoncé hautement à tous que le salut de l'empire est étroitement lié à la religion. Car, sans la religion, le serment n'est qu'un mot vide de sens.

Mais, plus la religion importe à la chose publique, plus elle demande de vous une attention particulière; plus il est de votre devoir de prendre toutes les mesures convenables pour en maintenir ou en rétablir la salutaire influence sur les mœurs, pour la dégager ou la préserver de tout ce qui peut la corrompre, la défigurer ou l'avilir.

La religion catholique, apostolique et romaine, apportée à nos pères par les premiers successeurs des apôtres, et dès les premiers temps de la monarchie, est incorruptible en elle-même. Elle ne peut éprouver ni changement ni altération dans les règles de sa foi et de sa morale. Ce qu'elle enseigne aujourd'hui, elle l'a toujours enseigné depuis sa naissance, et elle l'enseignera jusqu'à la consommation des siècles. Nous en avons pour garant la promesse solennelle de son divin instituteur. Si elle appelle la main réformatrice du législateur, ce ne peut être que dans sa discipline extérieure; et, à cet égard là même, votre comité ecclésiastique ne se permettra pas de rien prendre sur lui, ou de rien donner à l'esprit de système. Le plan de régénération qu'il aura l'honneur de vous proposer, consistera uniquement à revenir à la discipline de l'église primitive.

Vous le savez, Messieurs, et vous l'avez éprouvé plus d'une fois : presque tous les abus sont nés de ce qu'on s'est écarté de l'esprit des premières institutions; et souvent pour en tarir la source, il suffit de remonter les choses au point d'où elles sont descendues.

Mais, si cette maxime est vraie en général, combien plus doit-elle l'être dans la matière qui nous occupe en ce moment? nécessairement la discipline primitive de l'Eglise fut l'ouvrage des apôtres, le fruit des leçons qu'ils avaient reçues de la bouche de leur divin maître. Comment pourraitelle n'être pas la plus sainte, la plus conforme à l'esprit de l'Evangile, la plus avantageuse aux progrès et au maintien de la religion, en un mot, la plus utile aux hommes.

Votre comité ecclésiatique a donc pensé, Messieurs, qu'il ne pouvait rien faire de mieux que de prendre pour base de son travail les maximes de cette ancienne discipline. Depuis huit à neuf cents ans, elle est l'objet des regrets de tous les gens de bien; les plus saints personnages, les écrivains les plus distingués par leurs lumières et par leur piété, n'ont cessé de faire des vœux pour son rétablissement. Plusieurs conciles on tenté de nous y ramener, et ils l'ont tenté inutilement. L'intérêt personnel et les passions des hommes y ont toujours apporté des obstacles insurmontables. Il fallait, Messieurs, toute la force de la Révolution dont nous sommes témoins; il fallait toute la puissance dont vous êtes revêtus, pour entreprendre et consommer un aussi grand ouvrage.

Le projet de décret que je suis chargé de soumettre à votre délibération, présente trois priucipales questions, toutes également importantes.

Quels sont les titres, offices et emplois ecclésiastiques, qu'il convient de conserver ou de supprimer?

et emplois ecclésiastiques que vous aurez jugés | convenables de conserver ou de rétablir? Enfin, quelle sorte de traitement croyez-vous devoir assurer aux différents ministres de la religion?

C'est sur ces trois objets principaux que je vais avoir l'honneur de vous proposer quelques réflexions, ou plutôt de vous rendre compte, le plus sommairement qu'il me sera possible, des motifs qui ont déterminé l'opinion de votre comité.

Relativement au premier objet, votre comité vous proposera d'abord, Messieurs, de décréter la suppression de tous ces titres et emplois connus sous le nom de bénéfices simples, qui se sont si fort multipliés dans les siècles d'ignorance et de barbarie. Comment pourriez-vous laisser subsister des emplois qui n'ont aucun emploi, qui n'emportent pas rême l'obligation de la résidence, qui ne sont vraiment que ce que leur dénomination annonce, des bénéfices simples, c'està-dire des bénéfices sans offices, des places qui n'existent que pour l'avantage de celui qui les possède et qui ne lui donnent d'autre droit que celui de consumer dans l oisiveté une partie des revenus publics?

Il faut qu'il y ait dans l'église, comme dans tout gouvernement bien ordonné, tous les emplois nécessaires, et en aussi grand nombre que le demandent les besoins des peuples et la dignité du culte; mais il est contre toute raison d'en établir ou d'en conserver d'inutiles. Leur existence seule est un abus intolérable, et le renversement de tout ordre et de toute justice. Nul ne doit vivre de l'autel, que celui qui sert à l'autel; nul ne doit subsister aux dépens du public, que celui qui sert le public.

Non, Messieurs, il n'y a et ne peut y avoir dans l'église d'emplois légitimes que ceux qui ont des fonctions extérieures, la charge d'instruire les peuples, de leur administrer tous les secours spirituels. Tout autre emploi est un emploi parasite, un abus dans l'ordre de la nature et de la religion. Il faut se hâter de l'extirper.

Telle fut aussi la discipline constante, uniforme de l'Eglise dans les jours de sa gloire. On y voit des évêques dans les grandes villes, des curés dans les petites villes et dans les bourgs: on y voit des prêtres, des diacres, des sous-diacres, et d'autres ministres secondaires qui sont employés sous les évêques et sous les curés. Nulle part on ne trouve de ces ministres qui n'ont absolument aucunes fonctions, ou qui n'en ont pas d'autres que de réciter des prières en public ou en particulier comme si la prière n'était pas essentiellement le premier devoir de ceux qui sont chargés du soin des âmes.

En partant de ces principes, votre comité ecclésiastique vous proposera de décréter également la suppression de tous les bénéfices des églises collégiales et même des églises cathédrales. Ges bénéfices, dans leur état actuel, ne sont vraiment d'aucune utilité, ni pour les peuples, ni pour la religion, et la raison d'inutilité est une raison suffisante de suppression.

La suppression des bénéfices simples n'éprouvera sûrement pas de contradiction. Tout le monde en reconnaîtra la nécessité. Il n'en sera pas de même des dignités, canonicats et prébendes des églises collégiales et cathédrales. Les uns demanderont que vous les conserviez pour servir de retraite aux curés; d'autres soutiendront que de supprimer des établissements aussi anciens,

c'est porter un préjudice considérable à la religion.

Votre comité ecclésiastique a examiné avec soin, Messieurs, toutes les raisons qui étaient alléguées pour la conservation des chapitres des églises cathédrales ou collégiales, et, d'une voix unanime, il a reconnu qu'elles n'étaient que spécieuses. Il a persisté dans la résolution de les supprimer tous. Vous jugerez s'il s'est trompé.

Il nous a paru d'abord que le projet de faire des dignités, canonicats et prébendes des églises cathédrales et collégiales, des places de retraites pour les curés et même pour les vicaires, était une idée plus brillante que solide.

Tant qu'un curé et un vicaire sont en état de remplir les utiles et laborieuses fonctions qui leur ont été confiées, il est essentiel qu'ils continuent à les remplir. L'intérêt des peuples, l'intérêt de la religion et, par conséquent, le bien général de la société le demandent. Il serait impolitique de les inviter à se reposer, au moment où leurs travaux, éclairés par une longue expérience, peuvent avoir de grands succès. Dès que leur grand âge ou leurs infirmités les forcent au repos, ce n'est plus leur offrir une véritable retraite que de leur proposer des places dans un chapitre. Quoique ces places soient moins pénibles que celle du ministère pastoral, elles ont cependant leurs fatigues, au moins pour ceux qui se croient obligés de remplir tous les devoirs qui leur sont imposés. L'assiduité seule aux divers offices, tant de nuit que de jour, est une gêne que ne supporteraient pas volontiers des hommes courbés sous le poids des années ou des infirmités.

Il nous a semblé, Messieurs, qu'il y avait un autre genre de retraite à offrir aux curés âgés ou infirmes ce serait de leur laisser la place qu'ils occupent, et de leur donner, aux dépens de la nation, un substitut pour en remplir les fonctions. Par là, on ferait tout à la fois et le bien du pasteur et le bien du troupeau. Quelle retraite plus délicieuse, plus consolante pour un bon curé, que celle qui, en le soulageant du fardeau qu'il ne peut plus porter, ne romprait aucune de ses anciennes habitudes, et le conserverait à ceux qu'il a toujours considérés et aimés comme ses enfants! Quelle satisfaction, quel avantage inap. préciable pour les paroissiens, de retenir au milieu d'eux un vieillard qu'ils sont accoutumés à chérir, à respecter comme leur père, et que ses longs services leur ont rendu encore plus vénérable! Son grand âge et ses infirmités ne lui permettraient plus de voler à eux; mais ils pourraient venir à lui. Il ne cesserait pas d'être leur guide, leur consolateur. Cette sorte de retraite vaudrait bien, je pense, celle qu'on voudrait établir dans les chapitres.

L'autre motif de conserver les chapitres n'est pas mieux fondé.

Ecartons déjà les églises collégiales; elles ne sont, pour la plupart, que des monastères sécuarisés elles ne présentent vraiment aucun objet d'utilité publique; elles ne tiennent par aucun point à la hiérarchie ecclésiastique; et s'il en subsiste encore un si grand nombre aujourd'hui, après toutes les suppressions qui se sont effectuées dans ces derniers temps, c'est qu'il était plus facile d'apercevoir les abus que de les réformer.

A l'égard des chapitres des églises cathédrales, votre comité ecclésiastique n'aurait eu garde de vous proposer de les supprimer, s'ils étaient encore ce qu'ils furent dans leur première origine,

ou qu'il eût été possible de les ramener à leur état primitif.

Autrefois, l'église cathédrale n'était pas seulement l'église-mère de tout le diocèse, elle était aussi l'église particulière, la seule église paroissiale de toute la ville, au moins d'une grande partie de la ville où elle était établie. Toutes les autres églises paroissiales n'étaient que des églises auxiliaires, les églises de ceux qui étaient trop éloignés de l'église-mère. L'évêque était le pasteur immédiat, le seul pasteur de cette église. Il y prêchait, y confessait, y baptisait, y administrait journellement les sacrements; et ce que, dans la suite des temps, on a appelé le chapitre de l'église cathédrale, n'était que son clergé, des prêtres et des diacres qui le secondaient, le remplaçaient dans la célébration des saints offices, dans le ministère de la parole, dans l'administration des sacrements et de tous les autres secours spirituels; des vicaires qui partageaient avec lui toutes les sollicitudes du gouvernement du diocèse; enfin, des sages qui formaient son presbytère, son sénat, son conseil-né, et sans l'avis duquel il ne faisait rien d'important.

Est-ce là ce que font aujourd'hui les dignitaires, chanoines et prébendés des églises cathédrales, ou ce qu'ils consentiraient de redevenir? Si vous le croyez, Messieurs, conservez les chapitres des églises cathédrales. L'institution n'en est pas seulement respectable par son antiquité; elle est grande, majestueuse, infiniment utile à la religion. Mais s'il est certain que les chapitres des églises cathédrales ont cessé d'être les coopérateurs de leur évêque, qu'ils se sont séparés de lui, qu'ils se sont élevés contre lui; qu'au lieu de le regarder comme leur chef, ils l'ont même exclu de leurs assemblées capitulaires, ou ne lui permettent d'y assister que comme simple chanoine; s'il est notoire que, depuis longtemps, les chapitres ne sont plus que de nom le conseil des évêques, et que les évêques se sont donné d'autres coopérateurs, des grands-vicaires, des vicaires généraux; s'il est indubitable que les dignitaires, chanoines et prébendés de nos églises cathédrales ne consentiraient jamais à redevenir ce qu'ils furent dans le principe, les simples coopérateurs, les simples vicaires des évêques, vous ne pouvez pas balancer à décréter leur suppression.

Votre comité ecclésiastique vous proposera, Messieurs, en conservant aux églises cathédrales la qualité qu'elles n'ont jamais perdue, et qui leur est essentielle, d'églises-mères de tout le diocèse, il vous proposera de leur rendre leur ancienne qualité d'églises vraiment et immédiatement paroissiales, par la suppression de toutes les églises paroissiales partículières qu'il sera possible d'y réunir. L'évêque en redeviendra le premier pasteur, le pasteur direct et immédiat. Vous lui donnerez tous les coopérateurs, tous les vicaires dont il aura besoin pour le seconder ou le remplacer. Ce clergé formera, comme autrefois, son conseil, tant pour le gouvernement de la paroisse cathédrale que pour le gouvernement de tout le diocèse. C'est la seule manière possible de réformer les chapitres des églises cathédrales. Alors, l'évêque et son clergé seront vraiment ce qu'ils doivent être, et ce qu'ils furent dans la première institution; un collège pastoral, dont l'évêque sera le chef; un corps unique, animé du même esprit, dirigé par les mêmes principes, digne d'être tout à la fois le modèle et le conseil de toutes les églises secondaires, digne d'être

C'est dans les mêmes vues que nous vous proposerons de supprimer tous ces établissements connus sous le nom de séminaires, ou plutôt de les rassembler tous dans l'église cathédrale, et de les placer sous la direction immédiate de l'évêque.

L'objet essentiel de toute bonne éducation est de nous apprendre, dans notre jeunesse, à faire ce que nous aurons à faire toute notre vie. Un ministre de la religion ne peut pas. sans doute, être trop instruit; mais enfin, il n'est pas destiné à être un vain sophiste ou un discoureur agréable. Son occupation ne doit pas être de traiter des matières oiseuses de controverse, d'agiter de subtiles questions de métaphysique de plus nobles, de plus sublimes travaux l'appellent tout entier. Instruire les peuples des vérités fondamentales de la religion, des grandes maximes de la morale évangélique; leur montrer leurs devoirs comme hommes et comme chrétiens, comme pères de famille et comme citoyens; soutenir dans le chemin de la vertu ceux qui y marchent; y ramener ceux qui s'en écartent; consoler ceux qui sont dans l'affliction; réconcilier ceux que des motifs de baine ou d'intérêt divisent: voilà les importantes, les difficiles fonctions du saint ministère. Et où les jeunes ecclésiastiques apprendront-ils mieux à les remplir, un jour, qu'à l'école de leur évêque et de son clergé ? Ils y trouveront tout à la fois les leçons et les exemples ils y trouveront quelque chose de plus, les Occasions d'essayer leurs forces, et de s'exercer de bonne heure à faire ce qu'ils devront faire toute leur vie. Voilà les écoles que connaissait l'antiquité. C'est de ces écoles que sont sortis les Athanase, les Chrysostôme, les Cyrille, et tant d'autres saints pasteurs qui ont édifié l'église de Jésus-Christ par leurs lumières et par leurs vertus.

Après avoir supprimé tous les titres et tous les établissements inutiles, vous aurez, Messieurs, à vous occuper de l'organisation des ministres nécessaires, c'est-à-dire d'une nouvelle circonscription des évêchés et des cures.

Il n'y a rien de plus bizarre que la formation actuelle des diocèses et des paroisses. Nous voyons des diocèses qui ne comprennent pas plus de 80, 60, 50, 40, 30, 20, et même 17 paroisses; tandis que d'autres en renferment jusqu'à 5, 6, 8, même 1,400. Il en est de même de la distribution des paroisses. Celles-ci s'étendent à des distances fort éloignées, et sur une très grande population; celles-là comptent à peine 15 ou 20 habitants, et semblent n'avoir été établies que pour quelques familles privilégiées. On voit bien que ces divisions ont été uniquement l'ouvrage des circonstances, et qu'on n'y a consulté ni la dignité du culte, ni les besoins des peuples.

Un pasteur, quel qu'il soit, du premier ordre ou du second ordre, évêque ou curé, ne doit ni être obligé d'étendre trop loin ses soins et sa surveillance, ni être trop resserré dans l'exercice de ses fonctions. Au premier cas, il est forcé de se reposer de beaucoup de choses sur des auxiliaires, et bientôt il s'accoutume à ne rien voir et à ne rien faire par lui-même. Au second cas, moins il a d'occasions d'exercer ses fonctions, moins il a d'ardeur à les exercer. A force de peu travailler, il ne tarde pas à prendre le travail en aversion.

Vous avez, Messieurs, fixé avec sagesse les bornes et l'étendue de l'administration civile, en divisant la France en 83 départements. Pourquoi n'adopteriez-vous pas la même division pour l'ad

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