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quences. Mais, d'une part, les ordonnances de la chambre du conseil, en ce qui concerne les exceptions de la défense, n'acquièrent pas force de chose jugée contre le prévenu; il peut les reproduire devant les juges du fond'; et d'une autre part, ces ordonnances peuvent être attaquées par la voie de l'opposition.

II. L'action peut être non recevable, soit à raison de causes qui la suspendent quant à présent, soit à raison de causes qui doivent en faire prononcer l'extinction.

Elle peut être suspendue, en premier lieu, par le défaut de plainte de la partie lésée, dans les cas où cette plainte est une condition nécessaire de la poursuite. Il est clair que, dans cette première bypothèse, l'action n'est pas encore ouverte, elle ne peut l'être qu'au moment où la plainte est déposée; la chambre du conseil doit donc jusque-là la déclarer non_recevable.

Elle peut être suspendue, en second lieu, lorsque la poursuite est subordonnée au jugement d'une question préjudicielle. I importe de rappeler ici une distinction, que nous avons déjà posée 3, entre les questions qui sont préjudicielles à l'action et celles qui sont préjudicielles au jugement seulement.

Les questions qui sont préjudicielles à l'action, telles que les questions d'État, par exemple, n'emportent pas seulement un simple sursis au jugement, elles élèvent contre tout acte de poursuite une fin de non-recevoir insurmontable: l'action criminelle ne peut commencer qu'après que la question été jugée 4. Il suit de là que la chambre du conseil, dès qu'elle reconnaît que la poursuite des crimes de faux ou de suppression d'État suppose la solution de la question d'État, doit déclarer

Voy. notre t. III, p. 625. * Voy. notre t. III, p. 10. Voy. notre t. III, p. 188. Voy. notre t. III, p. 205.

cette poursuite quant à présent non recevable et ordonner la mise en liberté du prévenu, s'il a été arrêté.

Mais il n'en est point ainsi en ce qui concerne les questions qui sont préjudicielles non point à l'action, mais au jugement lui-mème: telles sont, en matière de violation de contrat, de destruction de titre, et en général de délits contre la propriété, l'existence du contrat, du titre prétendu détruit, du droit de propriété. La question de savoir si la convention préexistait au fait de violation ou de destruction, si le terrain usurpé appartenait à l'inculpé, ne fait aucun obstacle à ce que l'action soit commencée; elle élève seulement dans le cours de la poursuite un incident qu'il est nécessaire d'apprécier pour constater si l'inculpé est coupable ou ne l'est pas, s'il a commis un délit ou seulement usé de son droit. De là, il faut conclure que la chambre du conseil ne doit point s'arrêter devant des questions qui ne sont que des moyens de défense qui préjugent le fond; il n'appartient qu'au juge du fond de les examiner et de les juger. Elle n'apportent aucune entrave à la poursuite et par conséquent il y a lieu de lui laisser suivre son cours, comme si elles ne devaient pas être soulevées'. Et, d'ailleurs, quelle pourrait être la fonction de la chambre du conseil en statuant sur ces exceptions? Elle ne pourrait, d'abord, que surseoir à prononcer, puisqu'elles n'ont pas pour objet de contester l'acte incriminé, mais seulement le caractère criminel de cet acte. Il serait donc nécessaire qu'elle fixât un délai pour produire la preuve de l'exception, qu'elle appréciât elle-même les éléments de cette preuve, et qu'elle déclarât l'inculpé, à défaut de cette production, déchu du droit de la faire. Or, il est évident que cette procédure est, aussi bien que la décision ellemême, étrangère aux attributions de la chambre du conseil qui peut constater une exception dont les éléments font partie de la procédure, mais qui ne peut ordonner la vérification d'une

'Con. Carnot, t. II, p. 195; Mangin, t. II, p. 23.

exception dont les éléments sont en dehors du dossier et ne peuvent être réunis que par une autre procédure.

La jurisprudence a confirmé cette doctrine. Une Cour d'assises avait ordonné la mise en arrestaton de plusieurs témoins prévenus d'avoir fait une fausse déposition dans les débats relatifs à une accusation de meurtre, et avait ordonné le renvoi de l'affaire à la prochaine session. La procédure sur le faux témoignage ayant été instruite en vertu de cet arrêt, la chambre d'accusation, au lieu de statuer sur la prévention, ordonna le sursis du procès jusqu'à ce que la Cour d'assises eût prononcé sur l'accusation principale du meurtre. Cet arrêt a été cassé « attendu qu'il résulte des dispositions du Code d'instr. crim. que, dans toutes les affaires qui leur sont soumises et dont l'instruction est complète, les chambres d'accusation doivent, de suite et immédiatement, statuer sur la prévention et sur le règlement de la compétence; qu'ainsi elles ne peuvent ordonner le sursis du procès sans méconnaître les règles de leur juridiction *. » Dans une autre espèce, où la chambre d'accusation avait également sursis à statuer dans une prévention de banqueroute frauduleuse, jusqu'à ce qu'il eût été définitivement prononcé sur l'état de faillite du prévenu, la Cour de cassation a encore annulé cette décision : « attendu que, d'après les dispositions des art. 221, 228, 229, 230 et 231 du Code d'instr. crim., les chambres d'accusation devant lesquelles un prévenu est renvoyé par une ordonnance de chambre du conseil, sont tenues de le mettre en liberté si elles n'aperçoivent aucune trace d'un délit prévu par la loi, ou si elles ne trouvent pas d'indices suffisants de culpabilité, ou de prononcer son renvoi, soit à la Cour d'assises, soit au tribunal de police correctionnelle, soit au tribunal de simple police, selon que les faits dénoncés sont qualifiés crimes, délits ou contraventions par la loi; ou d'ordonner, si elles ne se jugent pas suffisamment instruites, des informations nouvelles et des

Cass. 20 mai 1813, rapp. M. Busschop. J. P., t. II, p. 392.

rapports de pièces; que, dans l'espèce, un agent de change a été poursuivi à la requête du ministère public devant le juge d'instruction et par suite renvoyé à la chambre d'accusation comme prévenu d'être en état de faillite; que, pour obéir aux dispositions des articles cités, cette chambre devait ou déclarer qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre le prévenu, ou le renvoyer devant la Cour ou le tribunal compétent, ou ordonner une plus ample instruction; qu'au lieu de rendre une de ces décisions, elle a sursis à statuer jusqu'à ce qu'il eût été définitivement prononcé par le tribunal de commerce sur le fait de la faillite ou que le jugement par défaut de ce tribunal eut acquis l'autorité de la chose jugée; que, par ce sursis, la chambre d'accusation a méconnu les dispositions de la loi 1. » Il est inutile de faire remarquer que ces deux arrêts s'appliquent à la chambre du conseil aussi bien qu'à la chambre d'accusation, puisque les attributions de ces deux juridictions sont les mêmes en ce qui concerne le règlement de la prévention. Mais, dans une troisième espèce, une ordonnance de la chambre du conseil avait renvoyé un prévenu devant le tribubunal correctionnel, sous la prévention du délit de dénonciation calomnieuse. A l'audience, la défense demanda qu'il fût sursis jusqu'à la décision de l'autorité compétente relative à la vérité ou à la fausseté des faits dénoncés, et le tribunal avait rejeté cette exception par le motif que l'ordonnance de la chambre du conseil avait décidé que les imputations étaient dénuées de fondement. Ce jugement, confirmé sur l'appel, a été cassé : « attendu que la chambre du conseil, en instruisant uniquement contre les auteurs de la dénonciation, et en se bornant à constater à leur charge l'existence d'indices de culpabilité, n'avait eu ni le pouvoir ni la volonté de statuer préjudiciellement sur la réalité des faits dénoncés, ce qui d'ailleurs n'aurait pu avoir pour effet de lier le tribunal correctionnel, et moins encore d'autoriser ce tribunal à improuver ou à sanc

'Cass. 30 janvier 1824, rapp. M. Dumont. J. P., t. XVIII, p. 407.

tionner une appréciation de cette nature qui était en dehors de ses attributions'. » Il résulte de ce dernier arrêt que la chambre du conseil ne peut prononcer sur les questions préjudicielles qui se rattachent, non point à l'existence de l'action, mais à la culpabilité de l'agent.

L'action peut, en troisième lieu, être suspendue en raison de la qualité de l'inculpé, lorsqu'elle lui permet d'invoquer la garantie politique ou administrative. Dès que cette qualité est constatée, la chambre du conseil doit déclarer la poursuite, quant à présent, non recevable; car jusqu'à ce que le conseil l'ait autorisée, l'action ne peut régulièrement commencer son cours. La chambre ne pourrait, lors même qu'elle n'apercevrait aucune charge dans la procédure, déclarer immédiatement qu'il n'y a lieu à suivre 3. Car cette déclaration suppose le devoir d'apprécier les charges, et elle ne peut procéder à cette appréciation, puisqu'elle ne peut prononcer la mise en prévention. Toutefois, elle serait compétente pour examiner, avant d'admettre l'exception, si cette exception est suffisamment justifiée; si, par exemple, l'inculpé peut revendiquer le titre d'agent du gouvernement, si le fait incriminé a été commis en dehors des fonctions ou dans leur exercice, s'il est relatif ou étranger à ces fonctions; car, s'il n'appartient qu'à l'autorité administrative de décider si l'autorisation doit être accordée, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de déclarer si cette autorisation est nécessaire et s'il y a lieu de la solliciter 4.

III. Lorsque l'action est, non-seulement suspendue, mais réellement éteinte par l'effet d'une fin de non-recevoir telle que le décès du prévenu, l'exception de la chose jugée, la prescription ou l'amnistie, il y a lieu, à plus forte raison,

1 Cass. 28 nov. 1851, rapp. M. Rocher, Bull. n. 499.

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